Mushoku Tensei (LN) – Tome 12

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Chapitre 1 : Arrivée

Partie 1

La ville labyrinthique de Rapan était unique en son genre.

Rapan se trouvait au milieu d’un vaste désert, piégée dans une étrange et énorme cage blanche. Une personne curieuse qui s’approcherait découvrirait que cette cage est en fait construite en os, ceux d’un mastodonte mort depuis longtemps. Les côtes à elles seules étaient assez grandes pour contenir la ville entière.

À un moment donné, la ville n’était rien de plus qu’une petite oasis. Les restes du béhémoth l’avaient transformée, et elle était maintenant entourée d’un nombre impressionnant de labyrinthes, ce qui en faisait une destination attrayante pour d’innombrables aventuriers. Grâce à ces aventuriers venus du monde entier pour s’enrichir rapidement, la ville était devenue une scène où se jouaient aussi bien des fins heureuses que des tragédies.

Cette ville, enveloppée dans un tourbillon de chaos, était actuellement l’une des plus grandes et des plus importantes du Continent Begaritt.

Extrait de « Voyages à travers le Monde ».

par l’aventurier et auteur Bloody Kant

*****

J’avais un vague souvenir des informations contenues dans Voyages à travers le Monde. Rapan était une grande ville de couleur terre, nichée au milieu de ses douze piliers blancs caractéristiques, avec des bâtiments faits de boue et de matériaux obtenus à partir de bêtes régionales. J’avais vu beaucoup de villes ayant la même esthétique sur le Continent Démon.

Cela dit, cet endroit était étonnamment verdoyant, peut-être grâce à l’oasis située près des piliers d’os. Même de loin, je pouvais voir une ligne de ce qui ressemblait à des palmiers. L’atmosphère était également unique. Il y avait quelque chose comme une odeur grossière dans l’air, un peu comme dans les marchés d’esclaves bondés.

« Surpris ? Ces piliers sont en fait les côtes d’un béhémoth. »

Nous étions toujours en train de marcher pendant que j’examinais la zone. Galban m’avait parlé à ce moment-là avec arrogance. Grâce à la formation actuelle de notre groupe, je lui avais beaucoup parlé ces derniers temps. L’homme aimait se vanter. Ses histoires étaient toujours incroyables et flatteuses, d’une véracité douteuse, mais facile à apprécier si vous suspendiez votre incrédulité.

« Lorsque le grand héros Kalman, Dieu du Nord de deuxième génération, visita cette terre, lui et ses compagnons ont vaincu un béhémoth qui sévissait dans le désert. Ils se sont régalés d’une partie de sa viande et ont laissé le reste pourrir, laissant ce que tu vois maintenant — des os qui refusent de se décomposer, témoignant du passage du temps. »

« Wow. »

Cette terre avait donc un lien avec le Dieu du Nord Kalman, hein ? Je connaissais quelques contes à son sujet, mais je n’avais jamais entendu dire qu’il avait tué un béhémoth. J’avais moi-même vu un béhémoth au cours de notre voyage, mais il était bien trop gros pour que je puisse envisager de l’affronter. Il fallait être fou pour même essayer. Je me demandais comment il avait fait. Le Dieu du Nord avait apparemment vaincu un Roi-Démon immortel et un énorme dragon, alors peut-être que vaincre des monstres avec des quantités colossales de points de vie était juste un passe-temps.

« Les fourmis faisaient partie des nombreux monstres qui se sont régalés de la chair du mastodonte déchu, et elles sont à l’origine des nombreux labyrinthes de la ville. Lorsque des monstres dévorent d’autres monstres plus forts qu’eux, ils donnent naissance à leur tour à une progéniture puissante. Ces fourmis mutantes ont creusé d’innombrables nids, et ces nids se sont tous transformés en labyrinthes. »

« Oh, je vois. »

Quand le béhémoth fut mort, les insectes avaient afflué vers lui. Puis ils avaient commencé à se reproduire et à créer des nids. Au fil des ans, ces insectes commencèrent à mourir, les nids commencèrent à muter, et ainsi naquirent les labyrinthes.

C’est donc comme ça que ça s’est passé, avais-je pensé.

Mais l’histoire de manger des monstres puissants et de donner naissance à une progéniture puissante… Ce n’était qu’un conte populaire, pas plus crédible que les histoires selon lesquelles manger la chair d’une sirène vous donnerait l’immortalité. Si c’était vrai, alors les habitants du Continent Démon, qui consommaient quotidiennement de la viande de monstre, auraient dû être beaucoup plus forts qu’ils ne l’étaient. Les monstres étaient peut-être une exception à la règle, mais je n’y croyais pas.

Attendez. En fait, cela pourrait-il expliquer le taux plus élevé de personnes fortes, telles que Badigadi et Kishirika, nés là-bas ? Les monstres eux-mêmes n’étaient que des versions mutantes d’animaux normaux. Cela aurait un certain sens si les gens pouvaient aussi donner naissance à de tels mutants…

Oh, merde. J’avais moi-même mangé un peu de viande de monstre. Qu’est-ce que je ferais si mon enfant avec Sylphie naissait et déclarait soudainement, « Je suis l’empereur du monde des démons ! » ? Je pourrais me trouver une parenté soudaine avec les oiseaux qui avaient fait éclore leurs œufs pour trouver la progéniture d’un coucou cachée parmi eux.

« Des aventuriers et des marchands du monde entier se rassemblent ici, » continua Galban qui se parlait à lui-même.

Les objets magiques étaient sortis en masse. Les outils et armures magiques s’envolaient des étagères. Peu importe le nombre de cristaux magiques — également connus sous le nom de pierres magiques — ou de cristaux imprégnés de magie que vous aviez, il n’y en avait jamais assez. Tant que votre stock était d’une certaine qualité, vous pouviez être sûr que tout se vendrait à des prix élevés. C’était un pays où les rêves des marchands devenaient réalité.

Il était vrai que pour y arriver, il fallait déjà savoir traverser le désert. Seuls quelques privilégiés pouvaient en faire une habitude. Les autres trouveraient sûrement un commerce plus rentable et plus sûr en allant sur le Continent Central.

Mais là encore, un poisson dans une petite mare ne connaît rien de l’océan. Galban semblait assez ivre de son propre narcissisme, je n’allais donc pas gâcher son plaisir. L’économie ne fonctionnait que grâce à des marchands comme lui.

Nous avions fait nos adieux à Galban après notre arrivée à Rapan. Son groupe allait apparemment monter sa tente dans les faubourgs de la ville. Notre temps ensemble avait été court, mais j’avais beaucoup appris d’eux, et ils avaient pris soin de nous.

« Merci pour tout. »

« De même. Si vous avez encore besoin de quelque chose, dites-le. »

C’était une séparation rapide. J’avais fait des adieux minimaux, saluant juste Balibadom et Carmelita. Les choses avaient été un peu tendues à la fin, mais j’espérais qu’il n’y avait pas de mauvaise volonté entre nous.

Maintenant, nous devions chercher Geese, ou Paul. J’espérais qu’ils étaient ici, vu que nous avions fait tout ce chemin. Il restait encore un peu de temps avant le coucher du soleil, et d’ordinaire, nous aurions d’abord cherché une auberge, mais peut-être devrions-nous plutôt donner la priorité à la recherche de ces deux-là.

« Comment allons-nous procéder ? », avais-je demandé.

« Excellente question. Cette ville est suffisamment grande pour qu’il y ait une guilde d’aventuriers, alors allons-y en premier. », répondit Elinalise.

« Compris. »

J’aurais préféré déposer nos bagages en premier, mais bon, cela me convenait. De toute façon, je voulais si possible rester dans la même auberge que Geese et Paul.

Lorsque nous nous étions renseignés sur l’emplacement de la guilde, on nous avait indiqué le centre de la ville, l’endroit habituel pour ce genre de choses. Les gens qui naviguaient dans les rues étaient principalement des marchands. La plupart portaient les mêmes vêtements que les Galban : un turban, un tissu simple et fluide qui enveloppait tout leur corps, et une barbe fournie. Ils marchaient dans les rues, tirant des chameaux avec eux, étalant leurs marchandises pour les vendre au bord de la route. Nombre d’entre eux étaient si bien vêtus que leur peau était à peine visible.

Parmi ceux qui érigeaient des avant-toits de tissu, il y avait un individu en particulier qui portait un costume tout droit sorti d’Aladin. Sa boutique était un magasin général. Il vendait des lampes en métal et des pots avec de curieux motifs dessinés dessus. Tout cela avait une saveur très arabe. Je parie que si vous jouiez de la flûte, un serpent rouge sortirait sa tête d’un vase pour jeter un coup d’œil.

Alors que nous approchions de la guilde des aventuriers, j’avais vu un certain nombre de personnes vêtues de vêtements d’aventuriers familiers. Il devait y avoir beaucoup de personnes originaires du Continent Central dans cette région. Ils avaient tous des visages usés par le combat, probablement des aventuriers de rang S spécialisés dans la plongée dans les labyrinthes. La plupart portaient des vêtements plutôt légers. Il était dangereux de sortir sous la lumière aveuglante du soleil sans un vêtement suffisant pour protéger sa peau, mais cela ne posait pas de problème tant qu’ils ne s’aventuraient pas trop longtemps dehors.

Le bâtiment de la Guilde des Aventuriers avait été taillé dans un énorme rocher, très probablement par magie. Je m’en étais immédiatement rendu compte, car il ressemblait à un bâtiment que j’aurais pu moi-même fabriquer, bien que la complexité de sa construction dépassait de loin mes capacités. Un relief exquis était sculpté dans l’entrée, et l’intérieur, une fois qu’on y était entré, était suffisamment bien ventilé pour être rafraîchissant.

L’ambiance au sein de la guilde était à peu près la même que dans le reste de la ville, mais étant donné le genre de ville qu’elle était, il n’y avait pas de nouveaux aventuriers visibles. Tout le monde avait l’air puissant. Ceux qui avaient particulièrement attiré mon attention avaient des cicatrices sur le visage et le corps. Ils semblaient tous avoir un passé mouvementé. Ce qui n’était cependant pas mon cas. J’avais mené une vie protégée, pas de cicatrices, pas de rayures, pas de taches.

« Bon, commençons à nous renseigner sur Paul et Geese », dit Elinalise.

« C’est bien. Je suis sûr que nous trouverons quelque chose si nous demandons. », dis-je en acceptant

« Geese doit déjà avoir un réseau d’information ici, alors je suis sûre qu’il en entendra parler si nous allons fouiner en utilisant son nom… Oh, on dirait que ce ne sera pas nécessaire. »

J’avais suivi le regard d’Elinalise pour découvrir un homme à tête de singe dans un coin de la guilde. Il était en pleine conversation avec un homme bête armé d’une épée.

« Allez, je te le demande. Tu lui en dois aussi une, je le sais. », plaida Geese

« Tu demandes l’impossible. »

« Ne peux-tu pas reconsidérer ça au moins une fois ? C’est une course contre la montre. »

« Ça fait déjà un mois, non ? Elle est morte. »

« Non. C’est impossible. Même si elle l’est, on doit au moins y aller et vérifier, trouver ses restes. Allez, je t’en supplie. J’ai moi-même vu tes compétences, c’est pourquoi je suis ici. Je te paierai même le double, si c’est ce que tu désires », dit Geese en secouant la tête.

Il avait un regard désespéré sur son visage. Je ne savais pas que la petite fouine pouvait faire ce genre de visage.

« Désolé, mais essaye avec quelqu’un d’autre. Je n’ai pas envie de mourir. »

Geese essaya pendant un moment de persuader l’homme, mais finalement, l’homme bête secoua la tête. Geese fit alors claquer sa langue assez fortement pour qu’on puisse l’entendre de là où nous étions.

« Tch, espèce de lâche ! Je ne peux pas croire que tu te donnes la peine de t’appeler un aventurier avec cette attitude ! »

« Oui, oui, dit ce que tu veux. »

L’homme franchit alors la porte sans même un regard en arrière.

C’était rare de voir Geese maudire quelqu’un. Non, honnêtement, je ne savais pas grand-chose sur lui. Le Geese que j’avais rencontré dans le passé était cependant plus léger.

« On dirait qu’il est vraiment acculé dans un coin. », dis-je

« Oh là là, c’est pourtant comme ça qu’il est d’habitude », dit Elinalise.

« Vraiment ? J’avais une autre impression de lui. »

« Il a dû essayer d’avoir l’air plus mature devant toi. Hé, Geese ! »

***

Partie 2

Geese tourna la tête pour chercher qui lui parlait. Il écarquilla les yeux quand il nous vit. Ce dernier marcha dans notre direction.

« Oh, hé ! Mais c’est Elinalise ! »

« Désolée de t’avoir fait attendre », dit-elle.

Geese émit un rire vide.

« Pas du tout, tu es en fait ici bien plus vite que je ne le pensais. »

Il se mit alors à sourire tout en lui tapant sur l’épaule.

« En fait, comment as-tu fait pour arriver aussi vite, hm ? Cela fait seulement six mois que j’ai envoyé cette lettre. Ahh, tu n’as pas dû la lire, hein ? J’ai dû te manquer pendant que tu voyageais. »

« Nous parlerons de ça plus tard. Qu’est-ce qui se passe avec Zénith ? », demanda Elinalise.

Son visage s’était assombri.

« Cela ne se passe pas très bien. Je t’ai envoyé cette lettre parce que je pensais que ce serait une affaire interminable. Mais, pour être honnête… On pourra aussi en parler plus tard. »

Apparemment, les choses ne se passaient pas bien, mais nous l’avions prévu. Mon espoir utopique consistant à penser qu’ils auraient tout résolu avant que nous arrivions ici s’était rapidement révélé faux.

Je les avais alors coupés : « Pour le moment, pourrais-tu nous guider vers l’endroit où est mon père ? »

Les yeux de Geese s’étaient ouverts au moment où il me regarda. Puis il commença à se gratter la lèvre supérieure.

« Oh, hey… c’est toi, n’est-ce pas, patron ? Tu as bien grandi. »

« Et tu n’as pas l’air d’avoir changé, Monsieur Geese. »

« Beurk, ça suffit. Ça me donne la chair de poule. Appelle-moi juste “le bleu” comme tu le faisais avant. »

Ahh, cet échange me rappela des souvenirs.

« Mon Dieu, vous avez l’air d’être proches tous les deux », commenta Elinalise avec amusement.

En entendant cela, Geese sourit : « Eh bien, nous avons partagé une cellule ensemble, hein, patron ? »

« En effet. Ça me rappelle des souvenirs. », avais-je dit

Ah, la nostalgie, le temps que j’avais passé complètement nu dans cette cellule du village de la tribu Doldia. C’était après avoir traversé la mer du Continent Démon au Continent de Millis, avoir été pris dans un incident de kidnapping, et traîné jusqu’à leur village. Chez les Doldia, ceux qui étaient confrontés à des crimes graves étaient dépouillés de leurs vêtements et jetés dans une cellule. On m’avait fait subir le même traitement pour le motif suivant : j’avais enlevé la Bête Sacrée et tenté de commettre des actes sexuels avec elle. C’était bien sur de fausses accusations. Qui diable essaierait d’avoir des relations sexuelles avec un chiot ? Bref, c’était là que j’avais rencontré Geese. Son crime était mineur, provoqué par sa propre cupidité. C’était un voleur très généreux.

« Ah, arrêtons de penser à ça pour le moment. Je vais vous emmener là où se trouve Paul », dit Geese tout en souriant à nouveau, alors que nous laissions la guilde des aventuriers derrière nous.

Paul logeait dans une auberge dans un coin de la ville. Le bâtiment était construit en terre et en pierre et s’adressait aux aventuriers de rang B, du moins selon les normes du Continent Démon. Il n’était ni somptueux ni délabré.

Une fois que nous étions arrivés à l’entrée, Geese nous déclara : « Écoutez bien, Paul est dans un sacré état en ce moment. Alors Elinalise, je sais que tu as beaucoup de choses à dire, mais garde-les pour cette fois. »

« Je ne peux rien promettre », avait-elle répondu en secouant la tête.

Geese força un sourire et haussa les épaules, laissant les choses en l’état. Pourtant, c’était bien d’Elinalise dont il s’agissait. Elle n’allait pas soudainement devenir hostile et agressive.

« Toi aussi, patron. Ne commence pas à te battre comme tu l’as fait la dernière fois, compris ? Je suis sûr que tu as beaucoup de choses à dire, mais… essaie de ne pas trop lui en vouloir, d’accord ? »

Pour que Geese se lance dans un si long préambule, il devait vraiment être dans un sale état. De plus, j’avais déjà vu Paul quand il était faible et qu’il fuyait ses problèmes. Je devais juste me préparer mentalement à quelque chose de similaire.

Bien que son apparence puisse suggérer le contraire, Paul n’était pas le plus résistant mentalement. Si quelque chose de grave arrivait, il sombrait immédiatement dans la dépression. Je n’irais pas jusqu’à le qualifier d’épave émotionnelle, mais il n’avait pas la résilience nécessaire pour faire face à de gros revers. Je pensais qu’il redeviendrait aussi sûr de lui que lorsque nous vivions au village Buena une fois que nous aurions trouvé Zenith, mais qui sait ?

C’était une étape essentielle. Je devais être suffisamment ouvert d’esprit pour que les gens m’appellent Bouddha Rudeus.

« OK, entrons », dit Geese.

Nous étions donc entrés.

Il n’y avait pas de porte, seulement un rideau qui séparait l’intérieur de l’extérieur. Le premier étage de l’auberge était comme tous les autres que j’avais vus, avec des tables pour manger. Les matériaux utilisés pour construire ces tables étaient différents, tout comme leur disposition, mais à part cela, c’était la même chose.

J’avais reconnu Paul en un coup d’œil. Sa moitié supérieure était renversée sur le dessus d’une table.

« Ah… ! »

Quelqu’un haleta lentement.

C’était Lilia, debout juste à côté de Paul. Même sur ce continent, elle portait toujours son uniforme de femme de chambre. Ses cheveux normalement soignés avaient poussé, et son visage était hagard d’épuisement. Pourtant, elle s’était éclairée lorsque nos regards s’étaient croisés. Elle s’était inclinée vers moi et avait immédiatement donné un coup de coude dans le dos de Paul.

La femme qui était assise juste en face de Paul s’était levée. Elle regarda mon visage et recula de plusieurs pas, puis baissa soudainement la tête. Son corps était recouvert d’une robe. Mais c’était qui déjà : Vierra ou Shierra ? J’étais presque sûr qu’elle était Shierra. Je l’avais rencontrée à Millishion, elle était comptable, non ?

Son visage était lourd d’épuisement. Tous les visages l’étaient.

J’avais pris son siège, me plaçant directement en face de Paul.

« Maître, le Seigneur Rudeus est venu », annonça Lilia.

« Hm… ? »

Amadoué par ses conseils, Paul leva lentement la tête. Il avait des cernes sous les yeux. Son corps tout entier était décharné et émacié. Il avait l’air terrible, mais il n’y avait pas de barbe autour de sa mâchoire et ses cheveux étaient plutôt bien entretenus. Et il n’était plus imprégné de la puanteur de l’alcool.

Pourtant, je pouvais dire qu’il était à bout de nerfs. J’étais finalement content d’être venu. En voyant l’état dans lequel il était, je me disais que c’était la bonne décision.

« Rudy… ? »

« Père. Ça fait longtemps. »

Il me regarda fixement, les yeux hébétés et non focalisés. Presque comme s’il n’était pas complètement réveillé. Non, peut-être qu’il avait dormi. Sombrant dans l’inconscience alors qu’il était affalé sur la table.

Cela faisait si longtemps que nous ne nous étions pas vus. La dernière fois, il avait crié et m’avait réprimandé. Même s’il s’était senti acculé à ce moment-là, je lui avais rendu la pareille, et ça avait fini en bagarre.

Pas aujourd’hui. Aujourd’hui, j’étais le Bouddha Rudeus.

« Huh ? C’est bizarre, je vois Rudy. Ha ha, quoi de neuf, Rudy ? Ça fait si longtemps. Tu as l’air de bien te porter. Comment vont Norn et Aisha ? », demanda-t-il, le visage sombre et couvert.

Honnêtement, sa réaction n’était pas celle à laquelle je m’attendais. Je pensais qu’il serait comme avant, ivre et fuyant ses problèmes. Avec une flasque dans une main, me criant dessus.

« Euh, je me suis occupée d’elles. Elles vivent dans la Cité Magique de Charia en ce moment. Elles se portent bien. Et juste au cas où, je les ai laissés aux soins de personnes de confiance. »

« OK, oui, ça se comprend. Toujours aussi fiable, Rudy. Ah, comment vas-tu, au fait ? Vas-tu bien ? »

« Oh, oui… je suppose que oui. »

Il avait souri, désinvolte et insouciant. Un sourire qui ne correspondait pas aux circonstances, comme s’il avait perdu tout courage.

« Bon, eh bien, c’est bien. C’est le plus important. »

Il n’y avait pas de vie dans ses yeux. Peut-être que son esprit s’était éteint et qu’il n’était plus qu’une coquille vide. J’avais jeté un regard nerveux à Geese, mais il avait simplement hoché la tête de manière sinistre.

Sérieusement ? Voici ce qu’était devenu Paul maintenant ?

« Rudy… »

Paul s’était levé et tituba autour du bord de la table vers moi. Puis il me serra dans ses bras.

« Je suis… un salaud sans espoir. »

Je lui avais rendu son étreinte en silence.

Peut-être qu’il était sans espoir. Peut-être qu’il ne redeviendrait jamais ce qu’il était. J’avais du mal à y croire, surtout au moment où il avait un petit-enfant en route. Mais tout irait bien maintenant que j’étais là. Je ferais quelque chose pour réparer ça. C’était la raison pour laquelle j’étais venu.

« Je ne peux pas sauver ta mère. Je ne peux même pas tenir les promesses que j’ai faites. J’ai aussi complètement échoué en tant que père. Je suis vraiment un salaud sans espoir. »

« S’il te plaît, ne t’inquiète pas. Je suis là maintenant. Les choses vont s’arranger. »

« Argh… Rudy, tu es vraiment devenu grand, hein ? »

Il me serra les épaules très fort. Ça faisait un peu mal, mais je ne me plaignais pas.

« C’est vrai. Je vais bientôt avoir un enfant moi aussi. Alors, laisse-moi faire le reste et prends le temps de te détendre. »

« Hein ? Un enfant ?! »

Un cri étranglé s’échappa de la gorge de Paul et la lumière revint dans ses yeux.

« Q-Quoiiii ?! »

Il avait l’air complètement désemparé en tapotant ses mains contre mon visage.

« Attends, tu es vraiment mon fils ? »

« C’est bien moi. »

« Alors ce n’est pas un rêve ? »

« Et je ne suis pas non plus sorti de nulle part. », dis-je en plaisantant.

« Oui, c’est bien toi. »

Il cligna alors des yeux plusieurs fois, puis regarda autour de lui.

Les yeux de Lilia avaient rencontré les siens.

« Bonjour, Maître. »

« Oh, c’est toi, Lilia. Combien de temps ai-je dormi ? »

« Depuis que le Seigneur Talhand est parti faire des courses, donc environ une heure. »

« Bon, je suppose que je n’étais encore qu’à moitié réveillé. »

Il secoua la tête et s’étira.

Ah-ha, il était donc juste à moitié endormi, pensais-je. Ce n’était donc pas une coquille vide. Bien. J’étais trop jeune pour être coincé à veiller sur mon vieux père.

Paul reprit son siège et se tourna vers moi. Puis, comme si on refaisait toutes les retrouvailles, il demanda : « Rudy, pourquoi es-tu là ? »

« Je te l’ai déjà dit. Je suis venu pour aider. »

« Non, ce n’est pas ce que je veux dire. »

J’avais secoué la tête. J’avais anticipé cette question. Nous avions déjà eu une confusion de communication similaire et cela avait tourné à la dispute, mais cette fois, tout irait bien. J’avais vu sa lettre, et Norn et Aisha étaient sous ma responsabilité.

« Tout va bien. Norn et Aisha vont bien aussi. On s’occupe d’elles », avais-je dit, répétant ce que j’avais déjà dit il y a un instant.

« O-oh, ok. »

Paul semblait confus. Il tendit la main pour tapoter mon corps à nouveau, presque comme s’il vérifiait que j’étais bien là.

« Non, mais… je veux dire…, n’es-tu pas arrivé ici trop vite ? »

« Nous avons pris un moyen de transport assez unique. Je suis sûr que je devrai te l’expliquer quand il sera temps de rentrer à la maison. »

« Unique, hein ? Eh bien, te connaissant, je suppose que c’est possible. »

Paul avait l’air abasourdi en baissant les épaules, la bouche toujours béante.

« Eh bien, pour que tout soit clair, pourquoi ne me dis-tu pas ce qui s’est passé après que Geese ait envoyé cette lettre ? »

« Euh, non, attends. Je suis un peu perdu. »

« Très bien. Pourquoi ne pas boire un peu d’eau afin d’essayer de se calmer ? »

J’avais utilisé ma magie de terre pour conjurer une tasse, ma magie d’eau pour la remplir, puis je l’avais passée à Paul.

Il la prit volontiers et engloutit le liquide. Une fois qu’il eut terminé, il poussa un gros soupir.

***

Partie 3

« Désolé, j’étais juste un peu choqué. Je savais que Geese était parti de son côté et avait envoyé cette lettre. J’ai juste pensé qu’il faudrait un certain temps avant que vous ne veniez. »

« On s’est dépêchés aussi vite qu’on a pu », avais-je dit.

Paul força alors un sourire.

« Se dépêcher est un euphémisme. »

Un mois et demi. Du point de vue de Paul, un peu plus de six mois s’étaient écoulés depuis qu’ils avaient envoyé leur lettre. Était-ce considéré comme rapide ? Je suppose que oui. Normalement, il nous aurait fallu un an de plus pour arriver ici. Paul avait probablement pensé qu’ils avaient encore dix mois à attendre.

Il avait soudainement porté une main à son menton, se creusant visiblement la tête. Il avait l’air nerveux quand il me demanda, d’une voix lente et déterminée : « Alors, tu viens de dire quelque chose à propos d’avoir un enfant ? »

Oh oui, je l’ai dit. Ce n’était pas quelque chose que j’avais l’intention de lui cacher, mais peut-être était-il en colère contre moi, pensant : Pourquoi est-ce que tu t’amuses autant alors que je suis ici en train de me battre ?

J’avais construit ma réponse avec soin.

« Eh bien, si tu veux tout savoir, je me suis mariée pendant que j’étais à l’Université de Magie. »

Les sourcils de Paul s’étaient froncés : « Marié ? Avec qui ? Ah, peut-être Éris ? »

« Non, Sylphie. On s’est revus à l’université. », avais-je dit pour le corriger.

« Sylphie ? Tu veux dire celle du village de Buena ? Alors, elle était vivante, hein ? »

« Oui, mais elle a aussi eu des moments difficiles. »

Paul se caressa le menton, l’air toujours surpris. Je lui avais envoyé plusieurs lettres, mais apparemment, il ne les avait pas reçues.

« Pourrais-tu me dire exactement ce qui a conduit à ce mariage ? »

« Euh, bien sûr. Oui. Je devrais probablement aller de l’avant et faire ça. »

J’avais décidé d’expliquer ce qui s’était passé après avoir envoyé la première lettre. Comment je m’étais inscrit à l’université, et tout ce qui s’était passé depuis, jusqu’à mon mariage. J’avais choisi mes mots avec soin. Honnêtement, je n’avais que de bons souvenirs de mon passage à l’école. Il y eut des moments difficiles, mais il n’était pas exagéré de dire que j’y avais vécu les meilleurs moments de ma vie. Je m’étais fait des amis, j’avais trouvé ma femme et je m’étais beaucoup amusé.

J’avais essayé de rester aussi objectif que possible dans mon récit des événements, mais je ne pouvais pas le cacher. Je ne pouvais pas nier que j’avais passé un bon moment là-bas.

« Je vois. Donc… un enfant. Mon petit-fils… »

Je m’attendais à ce qu’il me gronde. Après tout, le fait d’avoir un enfant signifiait que j’avais fait l’acte qui avait mené à sa création à un moment où Paul travaillait désespérément pour essayer de sauver Zenith. Ce serait normal qu’il soit contrarié. Le plaisir était censé être partagé, et Paul vivait une vie d’abstinence.

Au moment où je pensais cela, la tête de Paul s’était affaissée.

« Je suis désolé. Tu es sur le point de devenir père, et pourtant il fallait que tu viennes ici parce que je ne vaux rien. »

Des excuses. De la part de Paul, en plus !

« Non, en fait, c’est moi qui me sens mal. On n’a même pas encore trouvé maman, et je continue à vivre ma vie. »

« Non, je ne peux pas du tout t’en vouloir pour ça. Après tout, j’ai aussi couché avec Lilia une fois. »

Après tout, ils étaient mari et femme, je ne voyais donc pas vraiment où était le mal.

« Je voulais attendre qu’on ait sauvé Zenith. Je suis vraiment pathétique. »

Paul baissa les yeux, comme s’il allait encore pleurer. Il était si fragile. Comme de la porcelaine.

Lilia ajouta soudainement : « On a été attaqués par une succube. On n’avait pas le choix. »

« Quand même, tu… Ahh, merde. »

Paul s’était pris la tête dans les mains tandis que les souvenirs lui revenaient.

Un succube, hein ? Dans ce cas, ce n’était pas vraiment sa faute. J’en avais rencontré moi-même, et on ne pouvait pas leur résister. Elles exposaient les coins les plus sombres de votre cœur… bien que leurs attaques puissent être annulées par une magie de désintoxication. Paul avait un guérisseur dans son équipe qui aurait dû être capable de le faire.

J’avais tourné la tête vers Shierra, qui paniqua dès qu’elle sentit mon regard sur elle.

« Je suis terriblement désolée. C’est juste que… j’étais tellement terrifiée par le capitaine. Je ne pouvais rien faire. »

« Rudy, s’il te plaît, ne la blâme pas. C’est moi qui suis en faute. »

Quand Paul était excité, il s’en prenait probablement aux femmes qui l’entouraient. Cela devait être effrayant de voir un homme comme lui submergé par la luxure — surtout si l’on considérait que Paul était le principal responsable des dégâts de leur groupe. La magie de désintoxication ne pouvait pas être exécutée à moins de toucher physiquement une personne. Ce n’était pas surprenant qu’ils n’aient pas été capables de l’immobiliser assez longtemps pour l’utiliser. Lilia avait dû s’avancer pour utiliser son corps afin de résoudre le problème.

« Oui, j’ai croisé des succubes en chemin. Je comprends à quel point elles sont terrifiantes. Tu n’aurais rien pu faire contre ça. »

« Mais Talhand n’a pas été affecté. J’étais le seul à ne pas pouvoir résister », se désespéra Paul.

En y réfléchissant, il y avait bien un autre homme dans leur groupe. Talhand était-il complètement résistant ? Comment cela avait-il pu se produire ? Difficile de croire qu’un homme puisse s’en sortir indemne. Peut-être que les ruses du succube ne fonctionnaient pas sur les nains ?

Alors que j’envisageais toutes les possibilités, Paul fixa son regard sur moi.

« Un problème ? », avais-je demandé.

Paul s’était gratté la lèvre supérieure.

« Rien, c’est juste que… Tu as l’air plus confiant et affirmé qu’avant. »

« Huh ? »

Je ne l’avais pas remarqué jusqu’à ce qu’il me le fasse remarquer. En y réfléchissant, quand avais-je commencé à parler si librement devant les gens ? J’avais l’intention de séparer mon discours décontracté de mes habitudes polies, mais apparemment, je m’y étais habitué en parlant avec Zanoba et les autres.

« Oh, oui, je m’excuse. Je serai plus prudent à l’avenir. »

« Non, ce n’est pas grave. Tu ressembles maintenant plus à un homme quand tu parles comme ça. », dit Paul en riant.

Des larmes avaient commencé à perler dans les coins de ses yeux. Elles tombèrent, puis une autre, et d’autres suivirent bientôt. Elles venaient sans prévenir, refusant de s’arrêter.

« Rudy… tu as vraiment beaucoup grandi. »

L’entendre dire cela me fit aussi pleurer. Nous étions une famille, et pourtant, nous ne savions même pas à quel point l’autre avait changé.

« Je suis désolé d’avoir été un si mauvais père. »

Silencieusement, j’avais enroulé mes bras autour de lui. Je n’avais même pas eu besoin de m’étirer, j’ai pu facilement atteindre ses épaules. À un moment donné, sans même que je m’en rende compte, nous étions devenus de la même taille.

Et juste comme ça, nous avions pleuré tous les deux ensemble.

Après un petit moment, nous nous étions éloignés. Nos retrouvailles étaient terminées. Maintenant, nous devions changer de vitesse. Il y avait encore une question à régler.

« Hmph. »

Elinalise s’était assise sur une chaise voisine, l’air complètement désintéressé. Paul s’était lentement tourné vers elle et leurs regards s’étaient croisés. Les yeux de Paul s’étaient rétrécis. Les sourcils d’Elinalise s’étaient froncés.

C’était mal parti.

« Père, Mlle Elinalise est venue de la Cité magique de Charia pour nous aider, sachant que notre famille avait des problèmes. Elle est venue même si elle ne voulait pas te voir. »

« … »

Paul s’était progressivement mis debout. Puis il s’était dirigé avec précaution vers Elinalise. Elle regarda, les mains serrées en poings, et s’était aussi levée.

« Elle s’inquiète aussi pour nous. Je sais qu’il a dû se passer beaucoup de choses dans le passé, mais par égard pour moi, pourrais-tu s’il te plaît laisser tout ça derrière toi ? »

Elinalise dévisagea Paul, elle qui était plus grande que lui d’une tête. L’air se chargea de tension. « Volatile » était le mot qui me venait à l’esprit.

Peut-être qu’ils allaient finir par se frapper. Non, peut-être qu’ils allaient essayer de se tuer ! Merde, leur relation était-elle vraiment si mauvaise ?

« Geese… »

J’avais cherché de l’aide auprès de lui, mais cet abruti s’était contenté d’un haussement d’épaules impuissant et d’un sourire exaspérant.

Cet homme ne sert vraiment à rien, avais-je pensé.

« Elinalise ? »

« Oui, qu’est-ce qu’il y a ? »

Paul se retourna vers moi, puis vers Lilia et Shierra. Il semblerait y avoir une signification derrière son regard, mais je n’arrivais pas à la comprendre.

Soudainement, il s’était mis à genoux. Puis il appuya son front contre le sol. Il rampait !

« Je suis désolé pour ce qui s’est passé à l’époque ! »

Elinalise refusa de le regarder. Elle tourna juste la tête sur le côté, fit une moue et dit, sans se moquer de lui : « Moi aussi, j’étais partiellement fautive à l’époque. »

C’était complètement inattendu. Honnêtement, j’avais pensé qu’elle allait commencer à lui lancer des malédictions.

Paul continua à se prosterner.

« Je t’ai causé beaucoup d’ennuis depuis l’incident de téléportation. Je suis vraiment désolé pour ça. »

« Ce n’est pas grave. J’avais aussi quelqu’un à chercher, c’était donc pratique. »

« Merci. »

« De rien, Paul. »

C’était la fin de tout ça. Juste comme ça. Ils avaient tous les deux un soupçon de sourire sur leurs visages. On aurait dit que le problème qui existait entre eux, quel qu’il soit, venait de disparaître. Sans effort, même si Elinalise avait auparavant longuement expliqué qu’elle ne pouvait pas lui pardonner.

« Ouf… »

Paul laissa échapper une longue inspiration, se souleva du sol et s’épousseta les genoux. Puis il leva les yeux vers Elinalise, qui lui rendit doucement son regard.

« L’âge n’a pas été tendre », dit-elle.

« Il l’a été pour toi. Tu es plus belle que jamais. », lui répondit-il d’un signe de tête.

« Oh, mon Dieu. Je dirai à Zenith que tu as dit ça. »

« Ça veut dire que je vais la voir être jalouse à nouveau. »

« C’est quelque chose que je vais certainement attendre avec impatience. »

Ils avaient tous les deux rigolé. C’était agréable de les voir comme ça. Ils peignaient une belle image ensemble : une superbe elfe et un épéiste épuisé d’âge moyen.

Je n’avais aucune idée de ce qui avait ébranlé leur amitié. Peut-être que c’était juste Elinalise qui était obstinée, et que l’affaire était en fait très banale. Ou peut-être que c’était quelque chose qui avait besoin de temps pour guérir. Quoi qu’il en soit, l’amitié était une belle chose.

« C’est quand même impressionnant que tu aies pu supporter le voyage jusqu’ici. C’est un long chemin depuis les Territoires du Nord jusqu’ici, non ? »

« Oui, ça l’est », avait-elle convenu.

« Que s’est-il passé avec ta malédiction ? Ne me dis pas que toi et Rudeus l’avez fait ensemble ? », demanda Paul sans perdre une seconde.

« Certainement pas. Je suis arrivée jusqu’ici grâce à l’outil magique de Cliff. »

Paul inclina la tête.

« Cliff ? Qui est-ce ? »

« Mon mari. »

« Ton quoi ?! »

Paul écarquilla les yeux. Puis sa voix était devenue plus forte à cause de la surprise.

***

Partie 4

« Tu as donc un mari ? Cet homme doit avoir des goûts bien étranges ! Qu’est-ce que c’est que cette plaisanterie ? Es-tu sûre que cet homme a vraiment accepté de t’épouser ? Hé, Rudy, tu connais ce type ? Ce “Cliff” ? », dit-il en riant et en jetant un coup d’œil vers moi.

J’avais gardé un visage impassible et j’avais hoché la tête, surtout parce qu’Elinalise avait l’air prête à tuer.

« Père, tu es allé un peu trop loin. Oui, je pense que Cliff a des goûts bizarres, mais c’est un homme très respectable. »

Cliff avait parfois du mal à lire l’ambiance, mais il était honnête, et n’avait pas honte de proclamer son amour. C’était un individu étonnant.

« Sérieusement ? Eh bien, il doit être assez incroyable pour que tu dises ça. »

Paul fut choqué par ce qu’il entendit. Il baissa alors la tête, gêné.

« OK, désolé, j’étais dans l’erreur. N’oublie pas de me le présenter quand on rentrera. »

« Oui, tu devrais être désolé. C’est un homme bien plus étonnant que toi. », souffla Elinalise

Paul força un sourire et inclina la tête une fois de plus.

« Tout ça mis à part… Rudeus, Elinalise, merci d’être venus. »

« On n’avait fait que m’entraîner là-dedans », avait-elle plaisanté.

« Venir ici était normal pour moi. On est quand même de la même famille. »

Maintenant, il était temps pour nous d’entrer dans le vif du sujet.

« Père, explique-moi ce qui se passe. »

Paul commença par expliquer en détail comment il était arrivé ici, bien que je connaissais déjà l’essentiel. Roxy et Talhand l’avaient rencontré à Millishion, puis avaient rassemblé les informations qu’ils pouvaient et avaient traversé la mer jusqu’au Continent Begaritt. Grâce au nombre de membres de leur groupe, ils avaient pu se rendre à Rapan. Ce fut là qu’ils retrouvèrent Geese et découvrirent où se trouvait Zenith.

« Selon les informations de Geese, ta mère est à environ un jour au nord d’ici, capturée dans un labyrinthe. »

C’était vague. Par « capturée », il voulait dire que quelqu’un la retenait là ? Ou était-ce le labyrinthe lui-même qui la retenait ? Les labyrinthes qui capturaient les gens existaient-ils vraiment ?

« Pendant six années entières ? », avais-je demandé, incrédule.

Paul secoua alors la tête : « Je ne sais pas. »

« Et est-elle toujours en vie ? »

« Je ne sais pas. Un groupe y est allé il y a quelques années, et apparemment l’un des membres a dit avoir vu quelqu’un ressemblant à Zenith. Et nous n’avons pas eu de nouvelles depuis qu’ils y sont retournés. »

Ils avaient donc disparu. Ce n’était pas rassurant. Est-ce que ce n’était qu’un vœu pieux d’espérer qu’elle était toujours piégée là-dedans ?

D’après ce que Roxy avait dit, Zenith était encore en vie quand Kishirika l’avait vue. D’après les informations de Geese, les nouvelles du groupe susmentionnées avaient cessé d’arriver avant que Roxy ne s’entretienne avec Kishirika. C’était il y a deux ans. Les informations de Geese avaient été acquises il y a quatre ans. En d’autres termes, Zenith avait passé deux ans sans contact avec quiconque, et était toujours en vie lorsque Kishirika la vit. Cela signifiait qu’il y avait une forte probabilité qu’elle soit encore en vie aujourd’hui.

Apparemment, ils avaient parié sur cette lueur d’espoir pour continuer à la chercher. Même si elle n’avait pas survécu, il était important de confirmer sa mort. Bien sûr, j’espérais qu’elle soit toujours en vie. Quand j’avais entendu qu’elle pouvait être morte, mon cœur s’était effondré.

Je suppose que j’avais déjà compris qu’il était trop tard. Cela faisait quand même déjà six ans.

Soudainement, Geese était intervenu : « Tout ce que nous avons est une information de seconde main, donc nous ne savons pas. Peut-être qu’elle est morte. Peut-être qu’elle est possédée par une sorte de monstre. Tout ce qu’on sait, c’est qu’elle a été vue dans le labyrinthe. »

Paul ajouta alors : « Ce labyrinthe est très ancien et difficile. L’année dernière, nous y avons plongé de nombreuses fois, mais ça a été difficile. Nous avons quatre pros de la plongée en labyrinthe dans notre groupe, mais nous ne sommes même pas arrivés à la moitié. Plutôt triste, vraiment. »

Quatre d’entre eux… Paul, Geese, Talhand et Roxy ? Ils en avaient trois autres aussi, mais aucun n’était professionnel. Maintenant que j’y pensais, où étaient les trois autres membres ?

« Hm, vous avez de la compagnie ? »

Juste à ce moment-là, la lumière jaillit de l’entrée. Quelqu’un était entré.

« Oho ! On dirait que j’ai manqué une réunion touchante, hein ? »

C’était un homme de petite taille. Il était vrai que sa taille était la seule chose qui était petite chez lui. Il avait autant de circonférence que de taille. On pouvait dire que c’était un nain au premier coup d’œil. Il avait une longue barbe flottante, et un grand sac en toile de jute dans sa main. Ce devait être Talhand.

Une femme se tenait derrière lui, habillée comme une guerrière et portant un sac similaire. Elle ne portait pas l’armure en bikini qu’elle avait auparavant, mais je m’étais souvenu de son visage. Vierra, c’est ça ? Elle m’avait salué, puis s’était précipitée aux côtés de Shierra.

Le corps robuste de l’homme se balançait en s’approchant. Il m’examina du sommet de ma tête jusqu’au bout de mes orteils.

« Tu es le fils de Paul ? »

« Hum, oui. C’est un plaisir de vous rencontrer. Je m’appelle Rudeus. »

« Talhand. Tu sembles aussi intelligent que je l’ai entendu dire. Mm-hm. »

Il posa son sac sur le dessus de la table.

« Rudeus, tu ferais mieux de rester loin de lui. Il vole ce qui est cher aux hommes », prévient Elinalise.

Ce qui est cher aux hommes ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Leur fierté ?

« Aha, je trouvais que ça sentait un peu trop la femme ici. »

Talhand regarda Elinalise avec une expression sur le visage qui semblait dire qu’il venait juste de réaliser qu’elle était là.

« Qu’est-ce que c’est que ça, hein ? Tu es aussi venue ? »

« Oh là là, tu veux dire que je n’aurais pas dû ? »

« Bien sûr que je le dis. Ta seule présence ici crée des problèmes. »

Il fouilla dans son sac et en sortit une bouteille en verre remplie d’un liquide ambré. Il fit sauter le bouchon et l’avala d’un trait.

« Pwah ! Ça, c’est une boisson qui va te donner un sacré coup dans le ventre. »

La puanteur de l’alcool flotta dans l’air. Cela montrait assez bien que cette boisson était forte. Les nains aimaient donc bien leur alcool.

« Vas-y. »

Talhand poussa la bouteille vers Elinalise. Elle la prit sans mot dire et but une gorgée. Elle ne buvait pas autant que lui, mais je pouvais encore voir sa gorge blanche et pâle bouger tandis qu’elle avalait deux fois avant de roter.

« C’est un alcool plutôt vulgaire. »

« Ça va parfaitement avec quelqu’un d’aussi vulgaire que toi. »

Il remit le bouchon en place et rangea la bouteille dans son sac.

Qu’est-ce que c’était que cet échange à l’instant ? Était-ce censé être une salutation de style nain ? Personne d’autre ne l’a commenté. Que diable… ?

« Bien, maintenant que tout le monde est là, reprenons là où nous nous étions arrêtés, d’accord ? »

La voix de Paul me ramena à la raison. Talhand avait fait un sacré effet avec son entrée, si bien que j’avais complètement oublié que nous étions en pleine conversation.

Attendez, il avait dit tout le monde ?

« Attendez un moment. Qu’en est-il de Maître Roxy ? », l’avais-je interrompu.

Le visage de Paul s’était assombri au moment où je l’avais demandé. Mais il n’y avait pas que lui dans ce cas. Tous les autres portaient le même regard, sauf Elinalise. La belle aux longues oreilles semblait comprendre ce que cela signifiait, et ses yeux s’étaient agrandis.

« Quoi ? Ce n’est pas possible… »

Dès que je l’avais entendue dire cela, un seul mot surgit dans le fond de mon esprit. Le pire que je puis imaginer.

Morte.

« Il y a un mois, Roxy s’est fait avoir par l’un des pièges du labyrinthe. »

Je pouvais sentir mon cœur battre la chamade. Je n’avais pas envie d’entendre ça. Pas cette petite fille aux cheveux bleus. Ce n’était pas possible. Je ne voulais pas les entendre dire ça. C’était une aventurière compétente, qui s’était déjà aventurée seule dans un labyrinthe. Elle ne pouvait pas utiliser la magie silencieuse, mais elle avait réussi à raccourcir ses incantations. Elle était une magicienne de l’eau de niveau Roi. Ma sauveuse.

Je ne voulais pas en entendre plus. Malgré tout, j’avais demandé à contrecœur : « Elle n’est pas morte… hein ? »

À un moment donné, Elinalise s’était levée de son siège et s’était mise derrière moi, posant ses mains sur mes deux épaules.

« Non. Elle a marché sur un cercle de téléportation et a disparu. Nous n’avons pas confirmé sa mort. Il est fort probable qu’elle soit encore en vie dans le labyrinthe. », dit Paul.

C’était suffisant, du moins pour le moment. J’avais senti la tension me quitter. Mais mon visage s’était rapidement raidi à nouveau à la suite de la protestation de Geese.

« Voyons, Paul. Ce n’est pas possible. Je comprends que c’est de Roxy qu’on parle, mais ce n’est pas le genre d’endroit où un magicien peut survivre seul. Bien sûr, elle est peut-être encore en vie, mais les chances sont… »

Talhand s’était coupé : « Non, Roxy n’est pas une magicienne ordinaire. Il y a de fortes chances qu’elle soit encore en vie. »

« Tu dis ça, mais nous avons cherché tout le mois et nous ne l’avons pas trouvée ! », s’exclama Geese.

« On y est allés cinq fois, et rien ! »

« Geese. Combien de temps vas-tu continuer comme ça ?! », dit Paul de façon laconique.

Paul, Geese et Talhand commencèrent à se disputer entre eux. Geese — dont je me souvenais qu’il était si facile à vivre — était énervé et se chamaillait. On aurait dit qu’il donnait vraiment l’impression d’être à bout de nerfs.

Donc Roxy avait marché sur un piège de téléportation. Comme elle avait tendance à être négligente parfois, je suppose que je pouvais le comprendre. Mais s’ils n’avaient pas confirmé sa mort, je voulais croire qu’elle était vivante. Il ne me semblait pas possible que quelqu’un comme Roxy Migurdia puisse mourir si facilement.

Du moins, je voulais croire que c’était impossible. Je m’étais accroché à cette supposition.

Agh. J’étais encore plus choqué par cette nouvelle que par celle où j’avais appris que Zenith était peut-être morte.

« Désolé d’avoir interrompu la conversation. Revenons-en au point où nous en étions. Quel genre d’endroit est ce labyrinthe ? », avais-je demandé.

Les trois hommes échangèrent des regards. C’était comme s’ils se concertaient pour savoir qui serait celui qui transmettrait l’information.

Paul ouvrit finalement la bouche : « Un labyrinthe de téléportations. »

Au moment où il prononça ces mots, j’avais eu l’impression d’entendre un livre bruisser dans mes sacs. Comme si le livre avait entendu quelqu’un appeler son nom. Celui intitulé Compte-rendu exploratoire du labyrinthe de téléportations.

***

Chapitre 2 : Confirmer la situation

Partie 1

Roxy avait des problèmes.

Dès que j’entendis cela, je ressentis le besoin immédiat de partir en courant à sa recherche. Elle était perdue dans un labyrinthe de téléportations, mais heureusement, j’avais à mes côtés le guide stratégique Un compte-rendu exploratoire du labyrinthe de téléportations. J’avais également fait moi-même des recherches sur les cercles de téléportation, et tant que nous avions le temps d’observer l’un des cercles, nous pouvions sûrement utiliser ce livre pour nous guider.

Mais d’abord, je devais être au courant de la situation actuelle. C’était important.

Ce pourrait être une course contre la montre pour Roxy et Zenith. Si nous avions ne serait-ce que cinq minutes de retard, cela pourrait être la différence entre la vie et la mort pour elles. Même ainsi, ou plutôt, précisément pour cette raison, nous ne pouvions pas être hâtifs. Nous devions confirmer la situation, nous préparer soigneusement, puis les sauver coûte que coûte.

Si nous étions trop pressés, nous pourrions négliger quelque chose d’important et commettre une erreur, rendant tous nos efforts vains. Cela nous ferait perdre non seulement cinq minutes, mais peut-être même un jour, voire deux ou trois. Nous devions être prudents. Il n’y avait pas de place pour l’erreur ici.

J’étais convaincu qu’une seule erreur me laisserait des regrets. Quelles que soient les circonstances, si mes erreurs nous empêchaient de sauver Roxy ou Zenith, j’aurais d’énormes regrets.

« Père, j’ai avec moi le livre d’un aventurier qui s’est enfoncé dans le Labyrinthe de Téléportations. »

J’avais commencé par révéler l’existence du livre.

Le livre Un compte-rendu exploratoire du labyrinthe de téléportations m’avait été montré un jour par Maître Fitz. Il contenait des informations détaillées sur la forme des cercles de téléportation, qui étaient considérées comme taboues. S’il avait échappé à la censure de l’université, c’était soit parce qu’il avait eu la chance de passer inaperçu, soit parce qu’il s’agissait d’un récit d’aventurier. Le fait qu’il n’avait pas été retiré des rayons signifiait qu’il était possible que le livre soit une pure fiction.

Le Labyrinthe de Téléportations était un endroit où personne ne s’était aventuré. L’auteur avait peut-être simplement utilisé le concept pour créer cette histoire fictive, mais cela me semblait peu probable. Après tout, les cercles de téléportation décrits dans ce livre avaient une ressemblance frappante avec les vrais. J’avais moi-même fait des recherches sur ces cercles, et ce livre contenait les informations les plus exactes et les plus précises à leur sujet que j’avais trouvées en le croisant avec d’autres livres de ce type. J’en étais certain.

Pourtant, il pourrait faire référence à un autre labyrinthe de téléportations. Je ne pouvais pas exclure la possibilité qu’il existe dans ce monde un autre labyrinthe truffé de pièges de téléportation. Un guide du même nom n’avait aucune valeur si son contenu ne correspondait pas à la situation.

« Si le labyrinthe dont il est question ici correspond à celui dans lequel nous sommes sur le point d’entrer, alors cela pourrait vraiment nous aider à trouver notre chemin. »

Au moment où j’avais dit ça, les yeux de Paul s’étaient agrandis.

« Attends, Rudy… pourquoi as-tu un tel livre ? »

« J’ai pensé qu’il pourrait être utile, alors je l’ai pris à la bibliothèque de l’université et je l’ai apporté. »

« Je vois… »

Pour l’instant, j’avais décidé de ne pas parler des cercles de téléportation par lesquels nous avions voyagé. Pour l’instant, nous avions besoin de confirmer si le labyrinthe du livre correspondait à celui dans lequel nous étions sur le point de nous engager.

« J’aimerais passer en revue le contenu du livre. S’il semble pouvoir être utile, utilisons-le. »

Paul le prit dans ses mains et, après avoir longuement examiné la première de couverture, le passa immédiatement à Geese.

Ce dernier le prit et se tourna vers moi.

« Je vais aller de l’avant et le lire, d’accord ? »

« Je t’en prie. »

Pourquoi Geese ?, m’étais je demandé. Mais comme tout le monde agissait comme si c’était naturel, j’avais choisi de ne pas le demander. Ce devait être le rôle de Geese dans le groupe de Paul. Il était capable de tout faire, et c’était exactement ce qu’il faisait. J’avais l’impression de l’avoir déjà entendu dire ça auparavant. Il était probablement aussi chargé de cartographier leur plongée en labyrinthe et d’organiser les informations à leur disposition.

« Père, pendant que Geese lit ça, j’aimerais que tu me parles du labyrinthe. »

Je m’étais placé directement en face de Paul, prêt à diriger les questions vers lui dans le but de confirmer ce qui était écrit dans le livre.

« Bien sûr, vas-y. »

Mes questions portaient sur les types et les noms des monstres, le nombre d’étages jusqu’au niveau le plus profond, l’état de l’intérieur et la forme des cercles. Paul répondit sans hésiter.

Commençons par les monstres. Il y en avait cinq types dans le labyrinthe, mais Paul n’était arrivé qu’au troisième étage, il y avait donc des bêtes qu’il n’avait pas encore vues.

La tarentule menant à la mort : une énorme araignée venimeuse. Même si c’était une tarentule, elle tirait quand même des fils. Son poison pouvait être traité avec une magie de désintoxication de niveau débutant. Monstre de rang B.

Chenille d’Acier : Une chenille ressemblant à un tank. Lourde et résistante. Rang B.

Crâne de boue : Un monstre de forme humaine couvert de boue. Il avait un crâne enterré en son centre qui était son point faible. Rang A. Il avait l’air plutôt ridicule, mais il était intelligent et pouvait utiliser la magie pour vous envoyer de la boue.

Guerrier en armure : Un costume d’armure rouillé avec quatre bras, chacun portant une lame tranchante comme un rasoir à la main. Rang A.

Diable dévorant : Une bête avec de longs bras et jambes, ainsi que des griffes et crocs en forme de couteau. Rang A.

Combien d’étages jusqu’au niveau inférieur ? Inconnu. La rumeur disait qu’il y en avait six ou sept, mais personne n’avait encore pénétré dans ces profondeurs pour voir son gardien. Quant à l’état de chacun de ces étages, il était également difficile à décrire, mais le livre contenait quelques comptes rendus.

Le premier étage était l’endroit où les araignées créaient leurs nombreuses toiles. Le deuxième étage était occupé par un grand nombre d’araignées et de chenilles. Au troisième étage, les Crânes de boue prenaient le commandement des monstres susmentionnés. Une fois arrivées au quatrième étage, les araignées et les chenilles étaient pratiquement absentes, laissant place aux Crânes de boue et aux Guerriers en armure. Au cinquième étage, les crânes de boue avaient disparu et il n’y avait plus que des guerriers blindés et des démons dévorants. Après le sixième étage, il n’y avait plus que des démons dévorants.

Il n’y avait rien dans le livre sur les étages après le sixième.

Les trois premiers étages faisaient partie d’une fourmilière : ils étaient composés de chemins complexes et sinueux avec des pièces connectées à la fin. Apparemment, les cercles de téléportation étaient toujours situés à l’arrière de ces pièces. D’après le livre, le labyrinthe se transformait en une ruine de pierre autour du quatrième étage, mais Paul et son groupe n’étaient pas encore arrivés jusque-là. Il avait néanmoins regroupé des informations sur les bêtes et les trois premiers étages, grâce aux essais et erreurs de nombreux aventuriers.

Enfin, la forme des cercles de téléportation. Gravées dans le sol, c’étaient des formes complexes et étranges émettant une lumière pâle. En les entendant décrire en détail, elles ressemblaient exactement à celles que j’avais vues plusieurs fois par moi-même.

La plupart des propos de Paul correspondaient à ce que j’avais lu dans le livre et vu par moi-même.

« C’est incroyable, haha ! Je vous le laisse, patron. Vous nous avez apporté quelque chose d’incroyable ! »

À peu près au moment où Paul termina son explication, Geese referma le livre et éleva la voix en signe d’excitation. Apparemment, il avait fini de le feuilleter. C’était un lecteur rapide. Ou peut-être n’avait-il fait que survoler les points forts.

« Hey, Geese. Est-ce vraiment si étonnant ? » demanda Paul, surpris de voir à quel point le membre de son groupe était exalté.

« Oui, c’est incroyable, Paul. Si tout ce qui est écrit ici est vrai, nous avons pratiquement une carte de l’endroit jusqu’au sixième étage. »

Toujours aussi enthousiaste, Geese passa le livre à Talhand. Il laissa le nain le lire et, ne pouvant cacher son excitation, commença à expliquer le contenu du tome à Paul.

« Toutes les choses que nous n’avons pas comprises sont écrites dans ce livre. Quels sont les cercles sur lesquels il faut sauter, ceux dont il faut s’éloigner, ceux qui nous mèneront où, et ce à quoi nous serons confrontés lorsque nous les utiliserons ! »

Manifestement, il était convaincu que ce livre était véridique.

Le visage de Paul devint sombre. Il fixa alors Geese d’un regard noir.

« Je vois. Alors peux-tu dire ce qui arrive à Roxy et Zenith en te basant sur ce qui est écrit dans ce livre ? »

« Eh bien… non », répondit Geese, qui avait la sensation de s’être fait jeter de l’eau froide dessus.

« Ne t’emporte pas trop vite. Nous ne pouvons pas faire d’autres erreurs », avertit Paul à voix basse.

Il avait raison, nous devrions être prudents. Ce serait déchirant si nous croyions aveuglément à ce livre, pour qu’il nous mène à notre perte.

« Je comprends ce que tu essaies de dire, Paul. Mais avec ce livre et une avant-garde et une arrière-garde fiables, tout ira bien. Réjouissons-nous un peu de l’instant présent, d’accord ? », dit Geese tout en regardant autour de lui les personnes présentes.

Paul suivit son regard. Ses yeux s’étaient finalement posés sur moi.

« Oui, tu as raison. Désolé pour ça. »

Un petit sourire calme était apparu sur son visage.

Peu importe à quel point on pouvait se sentir acculé, il était important de garder son calme. Paul devait le comprendre.

« Bon, très bien. Si vous avez fini de lire, décidons de notre formation. »

La voix de Paul semblait plus énergique, comme s’il avait rassemblé ses esprits. L’atmosphère de la pièce s’était détendue.

Seuls cinq membres allaient plonger dans le labyrinthe : Paul, Elinalise, Geese, Talhand et moi. Cela signifie que Vierra et Shierra avaient été échangés contre Elinalise et moi-même. Le labyrinthe était étroit, même si nous y entrions en grand nombre, nous nous gênerions les uns les autres. Elinalise était d’ailleurs plus puissante que Vierra et j’étais plus puissant que Shierra. Nous ne ferions que leur voler leur rôle si elles nous rejoignaient.

Elinalise était le tank, Paul était un attaquant secondaire, je m’occupais de l’attaque et des soins, et Talhand pouvait être soit tank soit attaquant secondaire. Nous étions tous les quatre responsables de la bataille. Le rôle de Talhand était un peu vague, mais c’était un magicien capable de pratiquer la magie de Terre de niveau intermédiaire et un combattant polyvalent. Il avait donc été placé dans une position où il pouvait faire les deux. Aussi peu maniable qu’il puisse paraître, il était assez adroit. Mais là encore, tous les nains l’étaient.

« Nous veillerons l’un sur l’autre. »

La position de Talhand devait être devant ou derrière moi, aussi me donna-t-il une tape amicale sur l’épaule. Pour une raison inconnue, cela m’avait donné des frissons dans le dos.

« Rudy sera généralement chargé de toute la magie. Nous comptons également sur toi pour nous guérir après chaque bataille. Tu peux le faire ? », annonça Paul.

« Pas de problème. »

L’attaque et la guérison. C’était ma première fois dans un labyrinthe et j’avais encore du pain sur la planche. Cela dit, c’était à peu près la même chose que lorsque je travaillais en tant qu’aventurier. Je pouvais sûrement le gérer.

Et puis il y avait Geese. Bien qu’il ne soit pas très utile au combat, il était capable d’accomplir un tas d’autres tâches complexes, comme vérifier la carte, confirmer la direction que nous prenions, gérer les réserves de nourriture, choisir les matériaux à prendre aux ennemis et comment les extraire, ainsi que décider quand se replier. Il était à la fois le commandant et le garçon de courses. En gros il ressemblait à une sorte de manager. La plongée dans le labyrinthe n’était pas seulement une affaire de combat, un rôle comme le sien était donc aussi essentiel.

Il restait ainsi trois personnes — Vierra, Shierra et Lilia — qui servaient de soutien en attendant en ville ou à l’entrée du labyrinthe. On pourrait dire qu’elles ne faisaient que garder la maison (ou l’auberge), mais apparemment, c’était aussi un travail important. D’après ce qu’on m’avait dit, les grands clans désignaient également quelqu’un pour garder la maison lorsqu’ils partaient plonger dans le labyrinthe.

Je laissais la majorité des préparatifs aux pros : Talhand et Elinalise. Je n’étais encore qu’un amateur en la matière. Je pourrais me servir des connaissances de mon ancienne vie pour réfléchir à diverses stratégies, mais je laisserais cela de côté pour le moment. D’abord, je suivrais ce que font les pros. Ensuite, si je pensais à quelque chose dont nous avions besoin, je pourrais le suggérer. Tout ce que je dirais ne serait finalement qu’une suggestion. Je ne savais pas si les connaissances que j’avais acquises en jouant à des RPG roguelike dans ma vie précédente pouvaient être appliquées ici.

« Notre premier objectif sera d’atteindre le troisième étage. Une fois là-bas, nous retrouverons Roxy. », dit Paul, maintenant que nous avons décidé de notre formation.

Nous ne savions pas si elle était encore en vie. Si c’était le cas, nous devions la récupérer et nous retirer. Selon son état, nous pourrions aussi la faire rejoindre notre groupe alors que nous nous enfoncerions dans le labyrinthe. A six, nous pourrions explorer le quatrième étage encore inconnu et au-delà, sonder l’intégralité du labyrinthe jusqu’à ses plus profondes profondeurs à la recherche de l’endroit où pourrait se trouver Zenith.

Je n’avais aucune idée du nombre de jours que cela prendrait. Cela allait être une recherche longue et compliquée.

***

Partie 2

Paul, Lilia et moi avions dormi dans la même chambre cette nuit-là. Geese l’avait arrangé par considération pour nous, disant que la famille devrait avoir le temps d’être seule ensemble. Cela dit, je n’avais pas passé beaucoup de temps avec Lilia en tant que famille. Jusqu’à la naissance d’Aisha, elle avait juste été la bonne, et je ne pouvais la voir que comme ça même aujourd’hui. Paul la considérait comme sa femme, mais au final uniquement comme la seconde épouse. Zenith était toujours la première sur la liste des priorités de Paul, Lilia la deuxième, Norn la troisième. Aisha était donc quatrième, je supposais donc que j’étais dernier.

« C’est la première fois que nous partageons notre chambre, n’est-ce pas, Seigneur Rudeus ? »

« Effectivement. »

La façon dont Lilia se comportait si respectueusement suggérait qu’elle ne voyait Paul que comme son employeur. À cause de son influence, je m’étais retrouvé à parler de façon un peu rigide.

« Si les ronflements du maître vous dérangent, n’hésitez pas à le pousser », plaisantait-elle tout en gardant les choses étonnamment légères.

« Oui, d’accord… »

Je n’étais pas en mesure de lui offrir la même chose. Je n’avais aucune idée de ce que je devais dire. Comment avais-je parlé à Lilia dans le passé ? Je croyais me souvenir que nos interactions au village de Buena étaient plutôt professionnelles.

Paul m’observait depuis un moment déjà sans dire un mot. Je me demandais pourquoi. Il avait une drôle d’expression sur le visage. Je n’irais pas jusqu’à dire que c’était un sourire enjôleur, mais il avait l’air détendu.

« Si je peux poser une question, Seigneur Rudeus », dit Lilia.

« Oui, qu’est-ce que c’est ? »

« Est-ce qu’Aisha s’en sort bien ? »

C’était grâce à sa question que j’avais pu enfin avoir une réponse à la mienne. C’est vrai, la famille. Nous étions après tout une famille. On pouvait donc simplement parler de ça.

« Oui. Elle travaille très dur. »

« Elle ne vous a causé aucun problème ? »

« Pas du tout. Elle est d’une grande aide. Elle a fait toutes les tâches ménagères pour nous. », avais-je dit pour la rassurer.

« Vraiment ? J’espère juste qu’elle ne fait pas de demandes égoïstes. »

« Personnellement, ce serait plus facile pour moi si elle était un peu plus exigeante. »

Lilia sourit doucement au moment où j’avais dit ça, l’air soulagé.

« Qu’en est-il de Maîtresse Norn et Aisha ? Elles ne se battent pas ? »

« Eh bien… les choses sont un peu tendues entre elles, mais il n’y a pas eu d’affrontements majeurs pour l’instant. En fait, leurs petites querelles sont plutôt attachantes. »

« Je lui ai toujours dit de montrer de la déférence pour Maîtresse Norn. Je n’ai aucune idée de la raison pour laquelle leur relation a dévié ainsi », dit-elle en soupirant.

« Ce n’est pas quelque chose que vous pouvez contrôler. De plus, Aisha est encore une enfant. Ne pensez-vous pas que la chose la plus importante en tant que parent est de les aimer toutes les deux de la même manière ? », avais-je dit pour la rassurer.

« Vous avez peut-être raison. Aisha est mon enfant, mais c’est aussi la fille du maître, alors… »

« Le sang n’a rien à voir là-dedans. Nous sommes une famille », avais-je insisté.

« Merci. »

Paul ne s’était pas inséré dans la conversation. Il s’était contenté de regarder notre interaction avec la même expression profondément émotionnelle qu’il portait depuis le début.

« C’est quoi ce regard ? Tu as souri tout ce temps. », avais-je demandé tout en le regardant.

« Ahh, tu sais, c’est juste agréable à regarder. »

Paul s’était gratté l’arrière de la tête, les joues rouges de gêne.

« Qu’est-ce qui est agréable ? »

« Voir le petit garçon dont je me souviens, grandir et parler à Lilia comme ça. »

En d’autres termes, voir son fils adulte interagir avec sa femme. Lilia n’était pas ma mère, mais pour Paul, nous étions tous deux de la famille. Peut-être que c’était profondément émouvant pour lui. Je comprendrais peut-être ce qu’il ressentait quand mon propre enfant grandira.

« Ah oui, Rudy, tu as dit que tu t’étais marié. »

« Oui, il y a environ six mois. »

« Mon petit garçon… C’est difficile à croire. Tu n’étais pas plus grand que ça la dernière fois que je t’ai vu. »

Paul fit alors un geste de la main.

« Oui, j’ai beaucoup grandi ces deux dernières années. »

Comme sortie de nulle part, ma taille était devenue à peu près la même que celle de Paul. Il était encore un peu plus grand, mais j’avais probablement encore du chemin à faire. Je m’étais dit que je finirais par le rattraper.

« Quand on rentrera à la maison, il faudra faire une grande fête », dit Paul.

« En effet. Et n’oublie pas que ce sera ton premier petit-enfant. Tu seras grand-père. », lui avais-je rappelé.

« Oh, arrête ça. Je ne suis pas encore si vieux que ça », avait-il dit, n’ayant pas l’air aussi mécontent que ses mots pourraient le laisser croire.

Puis, soudainement, il sourit : « C’est vrai, tu vas avoir un enfant. Ce qui signifie que tu l’as fait, n’est-ce pas ? »

« Monseigneur, je ne suis pas sûr que des questions aussi crues soient vraiment appropriées », objecta Lilia alors que Paul arborait son sourire de vieillard ringard.

« Ah, allez. J’ai toujours voulu avoir ce genre de discussion avec lui avant. »

« Quand bien même… », commença-t-elle.

« Quoi, tu n’es pas curieuse aussi ? », dit Paul en la défiant.

Lilia fronça les sourcils : « C’est une question injuste à poser. »

« Alors, qui était ta première partenaire ? Je suppose que c’était Sylphie ? Ou c’était Éris ? Je crois me souvenir que tu as dit que vous vous étiez séparés, mais n’y avait-il vraiment rien entre vous quand c’est arrivé ? »

Apparemment, il voulait se lancer dans une discussion de vestiaire. Une partie de moi se demandait si c’était vraiment approprié, étant donné les circonstances, mais je pouvais aussi comprendre d’où cela venait. Il était probablement lui-même de bonne humeur, puisque c’était la première fois que nous nous voyions depuis un moment. C’est juste qu’il n’avait pas voulu révéler cette facette de lui-même devant tout le monde. J’étais également plutôt heureux de le retrouver.

À partir de demain, nous entrerons dans le labyrinthe. Nous n’aurions plus l’occasion de faire ce genre de choses. Au moins pour ce soir, nous pourrions nous détendre et échanger des histoires de sexe.

« Je me sens assez confiant quand il s’agit de sexe. Tu peux me demander n’importe quoi. Je n’en ai peut-être pas l’air maintenant, mais je m’amusais pas mal quand j’étais plus jeune. », dit Paul.

On dirait que je n’avais pas d’autre choix. J’imagine que j’allais devoir le suivre. J’avais toujours voulu avoir quelqu’un avec qui je puisse avoir des conversations ouvertes sur le sujet.

« Très bien, il y a quelques questions que j’aimerais poser », avais-je commencé.

« Honnêtement, Seigneur Rudeus. Je ne peux pas croire que vous soyez d’accord avec ça. », coupa Lilia, exaspérée

Paul dit alors : « Elle parle comme ça, mais elle est plutôt agressive au lit. »

« Monseigneur ! », dit Lilia en protestant.

« Ah oui, tu as bien dit que c’était elle qui t’avait abordé auparavant. Pourquoi ne pas expliquer cela un peu plus en détail ? », avais-je dit en me souvenant.

« Seigneur Rudeus ! Pourriez-vous tous les deux vous arrêter ? Mon Dieu. »

Lilia jeta un coup d’œil entre nous deux avant de parler, en soupirant. Pourtant, elle avait un sourire sur le visage.

Nous avions continué à parler après cela, jusque tard dans la nuit.

À minuit, nous avions éteint les lumières et nous nous étions installés dans nos lits. Je m’étais demandé si Paul et Lilia étaient déjà endormis. Je pouvais entendre les sons rythmés de leur respiration alors qu’ils étaient allongés tout près. Apparemment, ils n’attendaient pas que je m’endorme pour faire l’amour. Paul avait dit qu’il allait se restreindre jusqu’à ce qu’on trouve Zenith, alors peut-être qu’il tenait vraiment sa parole.

Je n’arrivais pas à dormir, peut-être parce que j’étais un peu excité par notre conversation. Je n’avais jamais rêvé qu’un jour viendrait où je pourrais expérimenter l’échange d’histoires de sexe. La vie était vraiment imprévisible.

Bref, assez parlé de ça. Il était temps de se concentrer sur ce qui se passe actuellement. Peut-être que je dansais vraiment dans la paume de la main de l’Homme-Dieu. J’en avais vraiment l’impression. Maintenant que je m’arrêtais pour y penser, la seule raison qui m’avait permis de mettre la main sur ce livre était due au fait que j’étais allé à l’université. S’il ne m’avait pas dit d’y aller et de faire des recherches sur l’incident de téléportation, je n’aurais jamais trouvé ce livre, et nous aurions dû affronter le Labyrinthe de téléportations sans son aide.

Les mots de l’Homme-Dieu semblaient toujours avoir un sens plus profond, et ceci ne faisait pas exception. Il m’avait dit que je regretterais d’être allé à Rapan et que je devrais me mettre avec Linia ou Pursena. C’était comme s’il avait fait exprès de dire des choses qu’il savait susceptibles de m’énerver. S’il ne m’avait pas dit ça, ou s’il m’avait dit d’aller sur le Continent de Begaritt, il y aurait eu de très fortes chances pour que je sois resté chez moi. J’étais rebelle avec l’Homme-Dieu, et si je relativisais, Sylphie était tout aussi importante pour moi. Bien sûr, je ne me serais pas contenté de fuir mes responsabilités. J’aurais envoyé Ruijerd, Badigadi, ou même Soldat à ma place.

Peut-être que l’Homme-Dieu avait pris tout cela en compte avant d’agir. Après tout, il m’avait envoyé dans cette école pour rassembler tout ce qui était nécessaire au sauvetage de Zenith. Qui était-il, au juste ? Et qu’est-ce qu’il voulait que je fasse ? Se pourrait-il qu’il ait vraiment aimé me regarder ?

Comme d’habitude, je n’avais aucune idée de ce qui se passait dans sa tête. Mais le fait qu’il soit mon allié n’était pas une erreur.

Je m’étais demandé s’il allait réapparaître dans mes rêves cette nuit. Son timing était toujours bien trop parfait. Si les choses se passaient bien cette fois, je devrais lui faire une sorte d’offrande. Je n’avais aucune idée de ses préférences, je ne pouvais donc pas être sûr que cela lui plairait.

Alors que je réfléchissais à toutes ces choses, je m’étais finalement endormi.

L’Homme-Dieu n’était pas apparu dans mes rêves cette nuit-là.

***

Chapitre 3 : Notre entrée dans le labyrinthe

Partie 1

À première vue, le Labyrinthe de téléportations n’était rien de plus qu’une grotte. Il n’avait rien de spécial à l’extérieur, si ce n’est les toiles d’araignée qui recouvraient les murs, grâce aux araignées résidant dans la région. Mais c’était à peu près tout. À part ça, cela ressemblait juste à un trou dans le flanc d’une falaise. Si vous en aviez vu une photo, cela n’aurait probablement pas piqué votre curiosité.

Néanmoins, le voir en personne était tout autre chose. Quelque chose me donnait l’impression qu’un labyrinthe s’y cachait. Une sorte d’aura étrange s’y dégageait, et c’était justement cette aura étrange qui provoquait ma curiosité. Je me demandais si tous les labyrinthes avaient une aura similaire.

« OK, Rudy, on va faire comme on a dit. C’est compris ? »

« Compris », avais-je dit.

Paul me tapa sur l’épaule et hocha la tête.

Nous nous étions mis en formation comme nous en avions discuté la veille, et nous étions entrés. C’était ma première exploration de labyrinthe, mais je n’avais pas ressenti beaucoup d’excitation. Juste le poids de savoir que nous ne pouvions pas nous permettre d’échouer.

« Soyez prudent, mon seigneur », dit Lilia.

« S’il vous plaît, soyez prudent, tout le monde. »

Lilia, Vierra et Shierra retournèrent à la ville à cheval. Lorsque de grands clans pénétraient dans un labyrinthe pour l’explorer, leurs membres de soutien établissaient un camp et attendaient dehors. Heureusement, Rapan n’était qu’à un jour, ou une demi-journée si on était pressé, de distance. Il n’était pas nécessaire qu’elles établissent un camp devant la grotte.

« Eh bien, allons-y. »

Il faisait sombre à l’intérieur, mais pas complètement. Il y avait une faible lueur à l’intérieur. Une si faible visibilité n’était pas idéale. Cela pourrait être fatal.

« Je vais éclaircir les lieux », avais-je dit.

« Vas-y », répondit Paul.

Dès que nous étions entrés, j’avais utilisé le parchemin spirituel que Nanahoshi m’avait donné. Une boule de lumière brillante en jaillit, tournant autour du sommet de ma tête. Geese activa également le même parchemin pour lui-même. Il faisait office d’éclaireur pour nous, il avait donc besoin de sa propre source de lumière.

Ces parchemins pouvaient être utilisés par n’importe qui. Bien sûr, ils dureraient le plus longtemps si quelqu’un ayant une énorme réserve de mana, comme moi, les utilisait, mais apparemment ils ne coûtaient pas beaucoup de mana. Geese et Paul étaient ravis au moment où je leur avais montré les parchemins, disant : « Maintenant, nous n’avons plus besoin de porter des torches ».

Il semblait qu’avoir une main occupée par une torche était vraiment un inconvénient. La lumière de ces esprits était plus brillante qu’une torche, et même quelqu’un avec peu de mana pouvait l’entretenir pendant un certain temps. Si ces parchemins devenaient populaires, les torches pourraient disparaître complètement du marché.

« Paul, ton enfant apporte vraiment des trucs pratiques, hein ? », dit Talhand.

« Je suis fier de l’appeler mon fils pour une bonne raison. »

Paul gonfla sa poitrine, ce qui lui valut un soupir exaspéré de la part du nain.

« Mais tu n’es certainement pas un parent dont il peut être fier. »

« Ah, laisse tomber. Je me sens déjà assez mal comme ça. »

Paul parla dans un demi-soupir, ses épaules s’affaissant.

« Allez, on y va. »

Sous les encouragements de Geese, nous nous étions avancés dans la grotte.

Au premier étage, nous naviguions dans ce qui ressemblait à une fourmilière. Des toiles de soie étaient tendues sur les murs et les plafonds, et plus loin à l’intérieur se trouvait un cercle magique d’où émanait une lumière pâle. L’esprit s’était déplacé au-delà de ce point, éclairant la zone comme une lampe fluorescente.

« Tu as dit d’être prudent parce que certains des cercles magiques ne s’allument pas, correct ? »

« C’est exact, Rudy. Assure-toi de suivre précisément les empreintes de Geese. », dit Paul.

Geese avait une bonne dizaine de pas d’avance sur nous. Il portait une paire de bottes spéciales. Des plaques d’acier en forme de croix étaient montées sur les semelles, laissant des traces en forme de croix partout où il marchait. Il ne s’agissait pas d’un objet magique, mais d’un produit de la sagesse des aventuriers. C’était un équipement pratique qui empêchait le porteur de glisser, tout en laissant une trace dans son sillage.

Il était facile de découvrir les cercles de téléportation au premier étage. Le monstre principal de cet étage était la tarentule conduisant à la mort, mais il y avait une variété d’arachnides beaucoup plus petite et moins mature qui se baladait sur le sol. C’était la principale proie de la tarentule conduisant à la mort. La vue aurait fait s’évanouir une personne arachnophobe. Ce fut au milieu de ces essaims que l’on pouvait apercevoir des espaces complètement vides, de forme circulaire ou carrée. C’étaient les pièges. Si vous posiez votre pied dans cet espace vide pour éviter le crissement des araignées sous vos pieds, vous seriez immédiatement téléporté quelque part.

Ainsi, nous n’avions pas d’autre choix que d’écraser les petites araignées là où nous marchions. Ce n’était pas agréable, mais que pouvions-nous faire d’autre ?

Quant aux bêtes de rang B, les tarentules conduisant à la mort, elles n’apparaissaient pas dans notre passage. De temps en temps, une ou deux apparaissaient, mais dès que Geese les repérait, Paul les éliminait immédiatement. Je n’avais pas besoin de faire quoi que ce soit pour le moment.

« Hah, eh bien, c’est du gâteau. »

Paul avait une épée dans chaque main et marchait d’un pas rapide. Parmi ces deux épées, l’une était la lame qu’il maniait tout le temps chez lui, sa partenaire. Bien qu’elle ne donnait pas l’apparence d’être une arme particulièrement puissante, il était capable de couper proprement en deux les tarentules conduisant à la mort. Mais j’étais convaincu que c’était moins à cause du tranchant de la lame qu’à cause de l’habileté de Paul.

L’épée dans sa main gauche avait une forme que je n’avais jamais vue auparavant : une sorte de lame courte, mais ni assez courte pour être appelée épée courte, ni assez longue pour être appelée épée longue. La garde enveloppait toute la main du manieur. Elle avait une lame légèrement incurvée, à double face. Il y avait un trou au milieu de la lame, probablement pour empêcher les choses de s’y coller.

Cela dit, il n’utilisait pas beaucoup cette arme. Paul se battait généralement avec sa seule main droite. Je m’étais demandé à quoi servait son épée gauche. Ou était-il juste un nerd dans sa forme finale ?

« C’est comme prendre des bonbons à un bébé ! »

Non pas que ce soit pertinent, mais quand il battait quelque chose, Paul me regardait.

Comme c’est ennuyeux. Il voulait probablement montrer à quel point il était cool.

OK, ok, j’ai compris, papa. Tu as l’air cool, mais s’il te plaît ne baisse pas ta garde.

« Paul ! Garde ta tête en avant ! »

Et ouais, c’était ça : Elinalise lui faisait la leçon.

« Allez, c’est bon. On a déjà fait le premier étage des dizaines de fois. Je ne vais pas me planter aussi facilement. », dit Paul

« Baisser ta garde comme ça peut te coûter la vie », avait-elle prévenu.

« Oui, oui, je le sais déjà. »

« En plus, » continua Elinalise, « tu es allé trop loin devant tout ce temps. C’est moi qui suis devant, non ?! »

« C’est le premier étage. Ce n’est pas comme si ça faisait une grande différence. »

Et c’était ainsi que leurs chamailleries commencèrent. J’entendais Talhand derrière moi, qui poussait un soupir en disant : « Beurk, les revoilà. »

« Moi mis à part, c’est la première fois que Rudeus entre dans un labyrinthe, et en tant qu’adulte, tu devrais donner le bon exemple ! »

Paul répliqua : « C’est pour ça que je cherchais une occasion d’engager la conversation avec lui, pour l’aider à se détendre les nerfs. »

« Quelle absurdité ! Tu sembles aussi étourdi maintenant que tu l’étais lorsque Zenith a rejoint notre groupe. », s’était-elle moquée.

« Je ne peux pas dire grand-chose quand tu le dis comme ça. Mais j’aimerais bien savoir ce qui se passe avec toi ? Tu es devenue une vraie casse-pieds. »

« Mais bien sûr que oui. Tu es comme un fils pour moi. Alors je te gronde comme il faut ! », répondit Elinalise d’un ton hautain.

Paul s’esclaffa : « Qu’est-ce qui te prend de me traiter de fils ? Tu as passé tellement de temps avec Rudeus que tu as aussi développé un faible pour moi ? Allez, ça suffit. Le fait que tu t’appelles toi-même ma mère me donne la chair de poule. »

« Oh là là, Rudeus ne t’a vraiment rien dit ? », demanda-t-elle, moqueuse.

« Me dire quoi ? »

« Sylphie est ma petite-fille. Puisque Rudeus l’a épousée, cela fait aussi de lui mon petit-fils. Dans ce cas, en tant que parents de mon petit-fils, toi et Zénith êtes comme des enfants pour moi. »

Paul s’était figé. Lentement, il s’était retourné et marcha à nouveau vers moi. Notre formation étant brisée, tous les autres s’étaient aussi arrêtés.

« Hé, de quoi parle-t-elle, Rudy ? Pourquoi Elinalise prétend-elle que Sylphie est sa petite-fille ? »

Ah, oui. Je ne lui avais pas encore dit, hein ?

« Il se trouve que Laws était le fils d’Elinalise », avais-je expliqué.

Paul avait l’air sceptique : « Laws était quoi ? Il ne m’a jamais dit un mot de tout ça. »

« Eh bien, il s’est passé beaucoup de choses dans le passé, alors il semble qu’il voulait garder l’identité de Mlle Elinalise secrète », avais-je dit.

« Ahh, je vois. Je peux comprendre ça. », dit Paul.

« Plus importants encore, nous devrions continuer tout en faisant attention à ne pas baisser la garde. », dis-je.

« O-oui. »

Paul avait l’air d’avoir compris cette fois. Il était retourné à l’avant-garde, marmonnant en chemin : « Sérieusement ? Elinalise est liée à notre famille maintenant ? Je n’arrive pas à y croire… »

Il semblerait que la nouvelle lui avait fait un sacré choc.

Le premier étage fut un jeu d’enfant. Ils avaient dû parcourir ce chemin de nombreuses fois, comme l’avait dit Paul. Nous avions continué à descendre le couloir, en faisant des pauses de temps en temps, jusqu’à ce que nous débouchions dans une pièce grouillante de tarentules conduisant à la mort. Se débarrasser d’essaims comme celui-ci était mon devoir en tant que mage.

Mais avant que nous n’entrions dans la grande salle, Talhand me donna quelques avertissements.

« Écoute bien : Pas de magie de feu. »

« Pourquoi ça ? »

« Le feu remplit de poison une pièce fermée. Il faut être particulièrement prudent à ce sujet lorsque nous nous enfonçons plus profondément. », expliqua le nain.

« Et la magie de désintoxication ? », avais-je demandé.

« Ça ne marche pas. »

Il faisait probablement référence à l’empoisonnement au monoxyde de carbone. Si vous utilisiez du feu dans un espace clos, il brûlait l’oxygène jusqu’à ce que vous perdiez conscience. Le fait que le feu était par la magie ne changeait rien à ce fait.

« Aussi, ne va pas frapper le plafond avec tes attaques. Tu peux deviner pourquoi, hein ? »

« Parce que ça pourrait détruire la grotte entière ? »

Il hocha la tête : « C’est ça. C’est aussi pour ça que tu ne dois pas utiliser la magie de l’eau. Utilise la glace autant que tu peux. »

« Compris. »

Si vous utilisiez de grandes quantités d’eau, ça détacherait la terre. Quand même, un peu ne devrait pas faire de mal. Je pourrais aussi utiliser la magie de Terre, mais si je ne faisais pas attention, je pourrais finir par utiliser la terre du labyrinthe plutôt que de conjurer la mienne. Si cela perturbait la structure interne de la grotte, cela pourrait déclencher un effondrement. Utiliser le type de magie qui m’avait été recommandé était l’option la plus sûre ici. Ce sera donc la glace.

J’avais donc décidé d’utiliser la magie de glace de niveau avancé Tempête de Blizzard, un sort qui fit tomber des lances de glace. C’était ce que j’avais utilisé pour exterminer les monstres au fond de la pièce un par un, en faisant attention à ne pas toucher Paul et les autres.

« Oho, tu es vraiment l’apprentie de Roxy. Tu utilises aussi la même magie », je pouvais entendre Talhand marmonner derrière moi. Apparemment, Roxy utilisait aussi le même sort. Ça me fit plaisir de l’entendre.

« Et pas non plus d’incantations. Je comprends pourquoi elle est si fière de toi. »

Ces mots firent gonfler mon ego de fierté alors que nous éliminions les dernières araignées et allions de l’avant.

***

Partie 2

Nous avions dépassé les nids d’araignées et avions sauté sur le cercle de téléportation situé plus loin. Il nous avait conduits au fond d’un passage, vers un autre nid d’araignées. Nous avions déjà répété ce processus cinq fois depuis que nous étions entrés dans ce lieu. À chaque fois, nous avions soigneusement recoupé les cercles avec ce qui était écrit dans le livre. Les autres avaient déjà cartographié où menait chaque cercle de téléportation au premier étage, mais cette vérification nous permit de vérifier l’exactitude du livre. Nous avions comparé la forme, la couleur et les caractéristiques des cercles, et une fois que nous avions été convaincus que tout correspondait au livre, nous avions poursuivi notre route.

Il avait fallu environ une heure pour arriver à chaque cercle magique. Comme nous l’avions déjà fait cinq fois, cela signifiait qu’environ cinq heures s’étaient écoulées. La dernière zone du premier étage était une pièce recouverte de toile, au fond de laquelle se trouvaient deux cercles alignés ensemble. Leur couleur était un peu plus intense que celle des autres que nous avions vus, et ils étaient aussi plus grands. Le bleu plus foncé menait à l’étage suivant, mais il y avait un cercle jumeau de la même forme juste à côté.

Pour les non-initiés, l’un ou l’autre pourrait être le vrai. Pourtant, il y avait un rocher avec un cercle inscrit dessus placé juste avant l’un des cercles. C’était quelque chose que Geese avait laissé derrière lui comme un signal pour signifier que c’était le bon. Une fois que nous avions référencé le livre et confirmé que tout était correct, nous avions sauté dessus.

De là, nous étions passés au deuxième étage.

Au deuxième étage, les araignées sur le sol disparurent et les nids de tarentules furent sévèrement réduits. On pouvait vraiment voir le sol maintenant. Au lieu des araignées, nous avions maintenant un énorme monstre, la Chenille d’Acier, qui se faufilait partout. Elle mesurait un mètre de haut et deux mètres de long, ce qui lui donnait un aspect plutôt court et robuste. La chose la plus proche à laquelle je pouvais la comparer était les Ohmu de Nausicaä. Comme leur apparence le suggérait, ces créatures étaient dures et robustes, mais contrairement à leur apparence, elles étaient plutôt rapides. Leur vitesse me faisait penser moins à une chenille qu’à un mille-pattes.

De plus, elles étaient copines avec les araignées, ces dernières lançant des toiles par l’arrière tout en utilisant les chenilles comme bouclier. Une fois que vous étiez pris dans ces toiles, la lourde chenille vous piétinait.

Les Chenilles d’Aciers étaient si résistantes que même Paul ne pouvait pas les vaincre en un seul coup. C’était là que j’intervenais. Je pouvais libérer deux types de magie en même temps pour frapper les Tarentules conduisant à la Mort à l’arrière avec mon Blizzard, puis vaincre les Chenilles de Fer une par une avec mon Canon de Pierre pendant que Paul et Elinalise les occupaient. Apparemment, les Chenilles étaient assez résistantes pour repousser un canon de pierre normal, mais je n’avais eu aucun problème à cet égard, car mes canons les traversaient. Mais comme c’étaient des insectes, si je ne les touchais pas correctement et ne les tuais pas à l’impact, elles commençaient à se tordre de douleur et à se débattre.

« Je n’ai rien à faire, hein ? »

Pendant que je travaillais assidûment, Talhand se plaignait de s’ennuyer. Il était en attente à côté de moi, juste au cas où. Pour s’assurer que ses services n’étaient pas requis, nous nous conduisions tous, Geese inclus, de la manière la plus prudente possible. Ainsi, à partir de maintenant, il n’y avait rien à faire pour Talhand.

C’était une bonne chose. Au fur et à mesure que nous nous enfoncions dans les profondeurs, il était réconfortant de savoir que nous avions encore de la puissance de feu en réserve si cela devenait nécessaire.

Les tarentules conduisant à la mort crachaient leurs toiles sur nous. Je pensais que les tarentules ne faisaient pas de toiles d’araignée, mais ces gars-là étaient clairement différents. Leurs toiles venaient parfois droit sur moi, mais j’étais capable de les éviter grâce à mon œil de démon. Même si l’une d’entre elles me frappait, ce ne serait ni douloureux ni gênant, puisque je pouvais simplement utiliser la magie du feu pour m’en sortir.

« Gah, putain ! », grommela Paul.

Elinalise semblait d’accord : « Ugh, ces trucs sont tellement collants. »

Cela dit, l’avant-garde n’avait pas pu esquiver toutes les toiles, si bien qu’ils étaient tous les deux couverts de toiles.

« Tiens, prends ça. Mais ne le gaspille pas, tu entends ? », dit Geese.

Je pouvais les brûler pour m’en sortir, mais il avait apporté un liquide pour dissoudre les toiles, que les autres diluaient avec de l’eau et utilisaient. Il m’avait dit que c’était un remède unique, populaire sur le continent de Begaritt, et qu’il ne causait aucun dommage corporel. Bien qu’il ne soit pas dangereux, Elinalise s’était plainte de l’irritation de sa peau. C’était presque comme un détergent.

Je devrais peut-être en ramener chez moi pour essayer de faire la vaisselle avec, avais-je pensé.

« OK, faisons une petite pause ici. »

Geese nous appela après avoir fini de nous battre, et nous nous étions posés là où nous étions. Talhand et Elinalise s’étaient immédiatement levés pour monter la garde.

Paul avait immédiatement enlevé son armure et sa ceinture, puis commença à frotter le sang de bête qui les éclaboussait. Il essayait d’accélérer la vérification de son équipement dans le court laps de temps alloué pour notre pause. Le fait de voir à quel point ses mains étaient exercées me rappela qu’il était un pro dans ce domaine.

« Qu’est-ce qu’il y a ? Tu ferais mieux de te dépêcher aussi, Rudy. »

« Oh, oui. »

Après avoir reçu une réprimande sévère, j’avais porté mon attention sur mon propre équipement. Il n’y avait pas grand-chose à inspecter, vu que je tirais ma magie à distance.

Cela mis à part, Paul était terriblement calme. Au premier étage, il venait me voir quand on faisait des pauses, me demandant : « Alors, qu’est-ce que tu en penses ? » et des trucs comme ça.

Je suppose que c’était à prévoir, puisque c’était le deuxième étage, mais mon père « cool » était devenu soudainement sérieux.

« Tch, ce satané truc ne veut pas s’enlever. »

Paul commença à jurer en essayant désespérément de frotter les fluides corporels, ou quoi que ce soit d’autre, collés à son armure.

« Pourquoi n’essaies-tu pas le médicament que Monsieur Geese vient d’utiliser ? », avais-je dit.

« Celui pour enlever les toiles ? »

Malgré cela, il en appliqua sur son chiffon et reprit son frottement furieux. Après qu’il le fit, l’armure était redevenue d’un blanc étincelant, comme dans les publicités pour l’eau de Javel ! D’accord, ce n’était pas un blanc éclatant — c’était une armure, après tout — mais au moins elle était propre maintenant.

« Oh, c’est parti ! Merci ! »

« Ce n’est rien. »

C’était bien du détergent. En acheter un paquet avant de rentrer pourrait rendre Sylphie plutôt heureuse. Si cela était possible, ça ne me dérangerait pas de l’utiliser dans la maison.

Paul rééquipa son armure dès qu’il eut fini de la nettoyer. Il dégaina ensuite son épée et se dirigea vers Elinalise. J’avais envisagé de me déconnecter moi-même avec Talhand, mais la voix de Geese m’arrêta.

« Patron, ne t’inquiète pas pour la vigie. »

« Tu es sûr ? »

« C’est bon. Ce vieil homme n’a pratiquement rien fait. D’ailleurs, il y a quelque chose qui se prépare et j’aimerais avoir votre avis. », dit-il.

« Je peux vraiment remplacer mon père sur ce sujet ? »

« Bien sûr. Vous êtes de toute façon bien plus intelligent que lui. », dit Geese avec désintérêt, sortant le livre et deux cartes de son sac.

Il étala les cartes côte à côte. L’une était magnifiquement dessinée, tandis que l’autre n’était encore que partiellement achevée.

« Nous serons bientôt au troisième étage. Ici, juste là, c’est là que Roxy fut séparée de nous. Si on se fie au livre et si on a de la chance, elle devrait encore être dans le coin. »

« Très bien. »

D’après le livre, les pièges de téléportation n’envoyaient les gens que dans des zones situées au même étage. Même s’il s’agissait d’un piège aléatoire, il ne vous transportait pas soudainement devant le boss du dernier étage. Roxy s’était téléportée au troisième étage. Nous n’avions aucune idée si le cercle sur lequel elle avait marché était un cercle de téléportation aléatoire ou un cercle à destination fixe, mais si elle était encore en vie, il y avait de fortes chances qu’elle soit au troisième étage. Si la chance lui souriait, elle aurait même pu atteindre le deuxième ou le premier étage.

Cependant, elle avait déjà traversé ces étages de nombreuses fois. Et vu la force de Roxy, si elle avait pu atteindre le deuxième étage par ses propres moyens, elle aurait déjà quitté le labyrinthe. Il était difficile d’imaginer qu’elle irait plus loin au quatrième étage.

« Il n’y a pas de magie qui peut aider à la trouver, n’est-ce pas ? », demanda Geese.

« Non, il n’y en a pas. »

J’avais essayé de penser à un moyen d’utiliser les sorts à ma disposition pour essayer de la retrouver, mais rien ne m’était venu à l’esprit sur le moment.

« Patron, utilisez votre intuition pour ça. Où pensez-vous que Roxy pourrait être ? »

« Mon intuition, hein ? »

J’avais alors caressé mon menton.

« On ne peut pas se permettre de passer tout ce labyrinthe au peigne fin. Donc si on doit la chercher, on va avoir besoin d’intuition. », dit Geese.

« D’accord, alors pourquoi pas cette zone ? »

Pour le plaisir, j’avais choisi au hasard une des zones vides sur la carte inachevée.

« À l’est de l’endroit où elle s’est téléportée, hein ? OK, alors commençons les recherches là-bas. »

Il était tout aussi désinvolte dans sa réponse. J’avais l’impression que se diriger vers l’est était la manière la plus efficace de procéder. Après tout, personne dans notre groupe n’avait les capacités d’analyse nécessaires pour la localiser. Et nous devions de toute façon fouiller les zones qu’ils n’avaient pas encore explorées.

« Franchement, sans Roxy, on n’a même pas pu atteindre le deuxième étage. Tout ça grâce à vous, patron. Ces Chenilles d’Aciers sont de méchantes bêtes. »

« J’en suis sûr. »

Les monstres de ce labyrinthe étaient résistants à l’école de magie préférée de Talhand. Paul était le principal responsable des dégâts du groupe, mais s’il était pris dans les toiles, il ne pouvait pas couvrir complètement leur front. Vierra n’était pas très fiable non plus, et elle ne pouvait pas couvrir les autres personnes aussi bien qu’Elinalise. Pour passer par ici, il fallait quelqu’un qui puisse utiliser la magie de glace ou de feu. Ce n’était pas étonnant qu’ils soient coincés sans Roxy. En fait, c’était un miracle qu’ils aient pu s’en sortir sans elle.

« Je pensais que nous pourrions nous débrouiller d’une manière ou d’une autre, mais il n’y a pas beaucoup de magiciens dans cette région, et pas un seul qui ait le cran de défier le Labyrinthe de Téléportation. »

Geese avait apparemment essayé de trouver une solution par lui-même. Maintenant que j’y pensais, il avait tenté de recruter quelqu’un quand on l’avait vu pour la première fois dans la guilde. Ça n’avait pas l’air de s’être bien passé.

« Il semble que nous vous ayons causé beaucoup d’ennuis, Monsieur Geese. »

« Eh, ne vous inquiétez pas pour ça. De plus, je vous ai dit de m’appeler “le bleu”, n’est-ce pas ? Vous me donnez la chair de poule quand vous parlez poliment comme ça. »

« Compris, le bleu. Je te présenterai à une gentille fille singe quand ce sera fini et tu pourras lui demander d’arracher les puces de ton dos. »

« Ooh, pas mal, puisque je ne peux même pas aller dans les quartiers pour adultes ici. »

Il fit alors une pause : « Hé, attendez ! Qui vous traitez de singe ?! »

Il y avait beaucoup de choses dont je voulais discuter avec Geese, mais j’en restais là pour l’instant.

Après ça, Geese et moi avions confirmé la route que nous allions prendre. La carte qu’il avait créée était facile à comprendre. Comparé au premier étage, parfaitement cartographié, il y avait plusieurs sections manquantes sur cette carte du deuxième étage. Roxy et Zenith ne seraient pas dans l’une de ces sections ? Continuer sans les vérifier me mettait un peu mal à l’aise, mais nous devions atteindre le troisième étage. Le meilleur endroit pour chercher n’était pas le plus proche, mais plutôt l’endroit où Roxy avait le plus de chances de se trouver.

« Geese, on est où en ce moment ? »

Elinalise s’était soudainement insérée dans la conversation.

Geese répondit en désignant un point sur la carte.

« Nous sommes à peu près ici en ce moment. »

« Alors on va bientôt dépasser le deuxième étage. »

« Oui, mais on aura toujours ces araignées et ces vers qui apparaîtront. »

« Des monstres qui changent de formation en cours de route. C’est certainement un labyrinthe désagréable », dit-elle.

« Tu peux le dire encore une fois », approuva Geese.

Elinalise passa une main sur ses cheveux. Ses fières boucles habituelles avaient l’air quelque peu négligées.

« Au fait, Geese, pourquoi tu appelles Rudeus “Patron” ? »

« Heh heh. Nous avons appris à nous connaître dans une prison de Doldia. »

« Une prison de Doldia ? Tu veux dire celle dont Ghislaine nous parlait ? Comment cela a-t-il pu se produire ? », avait-elle demandé.

« Je t’en dirai plus en rentrant à la maison. »

Geese avait souri et en était resté là.

Penser à la cellule de Doldia me rappelait des souvenirs. J’avais fait l’expérience de la vraie liberté à l’époque. Néanmoins, je ne pouvais plus me promener nu comme ça. Bon, d’accord, sauf au lit.

Et vu que je pouvais me permettre d’avoir des pensées de ce genre, cela montrait bien que je n’étais manifestement pas trop nerveux.

Ainsi donc, notre groupe était arrivé au troisième étage. Cela faisait probablement dix heures que nous étions entrés. Nous avancions assez rapidement.

« Je pensais qu’il nous faudrait plusieurs jours pour aller aussi loin. »

« Ce serait le cas si nous n’avions pas de carte », dit Paul en réponse à ma remarque désinvolte.

Tout cela était logique. Se lancer à l’aveuglette était bien différent que de suivre une carte.

Il n’y avait plus de petites araignées sur le sol. De temps en temps, nous découvrions une toile accrochée au mur, mais il y avait peu de signes de vie. Au lieu de cela, je pouvais sentir quelque chose de troublant dans l’air, rayonnant des profondeurs de la grotte.

Les choses sérieuses allaient commencer ici. D’abord, nous devions trouver Roxy.

« … »

Juste à ce moment-là, son odeur familière s’était répandue dans l’air. Non, ce n’était pas mon imagination. C’était vraiment son odeur, sa présence que je sentais. Je ne me tromperais pas. Je pouvais sentir mon cœur s’emballer.

Elle était ici. J’en étais certain.

***

Chapitre 4 : Perspective émotionnelle

Partie 1

Roxy

J’avais entendu un petit bruit et mes yeux s’étaient ouverts. Tout ce qui m’entourait était sombre et étroit. Oui, c’est vrai, cet endroit était étroit. Après avoir été téléportée de nombreuses fois, ce fut ici que j’étais arrivée, dans un espace pas plus grand qu’un berceau. Il y avait juste assez de place pour qu’un seul humain, ou peut-être deux, puissent s’allonger. Le plafond était aussi bas, à peine plus haut que ma tête.

Tant que je me trouvais dans cette petite zone exiguë, aucun monstre ne pouvait venir s’y téléporter. Je m’étais assise au bord de l’espace et m’étais appuyée contre le mur, regardant ce qui se trouvait devant moi.

Un cercle magique, émettant une lumière pâle. Un cercle de téléportation. Si je posais un seul pied dessus, il m’enverrait quelque part. Très probablement dans l’antre d’un monstre. Dans un endroit grouillant de dizaines de monstres. Vers ma mort.

Il y avait un mois à peine, j’avais trébuché. Je pouvais trouver l’excuse que ce n’était pas ma faute; j’esquivais une attaque dirigée vers moi, je reculais d’un pas, quand j’avais trébuché sur un rocher. J’avais perdu l’équilibre et mon pied tomba sur un cercle magique. Et bien que j’avais passé en revue l’emplacement des pièges avant de nous lancer dans la bataille, j’avais quand même facilement marché sur l’un d’eux.

L’endroit où je fus téléportée grouillait de monstres. Il y en avait vingt, non, trente. J’étais une magicienne, et une assez bonne magicienne si je pouvais me permettre. Je ne pouvais pas lancer des sorts sans incantations, mais je pouvais les raccourcir, ce qui me permettait de lancer la magie plus rapidement que la plupart des autres mages. Faire face à des ennemis en grand nombre n’était pas nouveau pour moi. Même si j’étais encerclée, je n’avais pas paniqué. Je n’avais pensé qu’à éradiquer mon ennemi, et c’était ce que j’avais fait.

Mais peu importe combien j’en avais vaincu, ils continuaient d’arriver. Monstre après monstre, à perte de vue.

Les bêtes de ce labyrinthe savaient exactement où menaient les cercles de téléportation. C’était après tout leur repaire. Les pièges avaient été posés pour que les bêtes puissent se régaler sur les aventuriers sans méfiance. J’étais prête à mourir.

Je les avais tous vaincus, mais mon mana n’était pas infini. Je finirais par en manquer. Je savais que ce serait fini à ce moment-là. Même si mon mana diminua à vingt pour cent, la vague d’ennemis ne cessa pas. Les corps s’accumulaient, mais de nouvelles bêtes se pressaient.

J’étais complètement coincée. Les secours n’arrivaient pas. Peut-être m’avaient-ils abandonnée. Si j’étais à leur place, je ne prendrais pas non plus la peine de sauver une empotée comme moi. Peu importe la quantité de mana que vous aviez, si vous étiez assez folle pour marcher sur un piège, vous n’étiez qu’un poids mort.

Non, j’étais sûre qu’ils n’étaient pas du genre à m’abandonner. Peut-être que lorsque j’avais activé le piège, ils s’y étaient également laissés prendre et que nous nous étions tous retrouvés à des endroits différents. Ou peut-être qu’ils manquaient de force de combat en mon absence, et qu’ils avaient dû se retirer temporairement.

Quoi qu’il en soit, l’aide ne venait pas.

Même si je sentais les larmes menacer de couler, je me battais désespérément. Même si je sentais que mon mana commençait à diminuer.

Ce fut alors que j’aperçus une lumière : six cercles magiques contenus dans une pièce spacieuse. Des monstres apparaissaient dans tous les cercles sauf un. Peut-être était-ce parce qu’il n’y avait pas de monstres à l’autre bout.

Je devais choisir, ou mourir. J’avais utilisé le reste de mon mana pour vaincre la horde, puis j’avais sauté sur le cercle, ce qui m’avait amenée là où j’étais actuellement assise.

D’une manière ou d’une autre, j’avais réussi à survivre. Ma chance ne m’avait pas quittée.

Je pouvais faire autant d’eau que nécessaire avec la magie, et j’avais de la nourriture dans mon sac à dos. Je pourrais récupérer mon mana ici et ensuite trouver un moyen de m’échapper. Avec cette pensée en tête, j’avais passé le reste de ma journée là-bas.

Le jour suivant, j’avais marché sur le seul cercle magique de la pièce. L’endroit où il m’avait emmenée était un passage qui ne m’était pas familier. Apparemment, c’était un téléporteur aléatoire.

Je ne pouvais sentir personne dans les environs. J’avais cartographié la zone par moi-même et j’avais continué à avancer, avec l’intention de m’échapper de ce labyrinthe. J’avais envisagé d’attendre de l’aide, mais il était possible que Paul et les autres aient été éliminés eux aussi. Les pièges de téléportation aléatoires étaient juste mortels.

Je m’étais faufilée dans les tunnels, découvrant d’autres cercles de téléportation. J’avais laissé un symbole sur le sol à proximité pour moi et j’avais sauté dessus. Une fois de plus, j’avais été téléportée dans un passage inconnu. J’avais répété ce processus de nombreuses fois, le Labyrinthe de téléportations était conçu pour qu’il soit impossible d’aller quelque part sans faire quelque chose. J’avais fait attention à ne pas marcher sur des pièges, en faisant attention aux cercles qui pourraient être cachés sous des rochers, tout en continuant à avancer.

Je n’avais aucune idée si j’avançais ou si je retournais simplement sur mes pas. Il était impossible de s’orienter dans ce labyrinthe. Ça ne servait donc à rien de se fier à son sens de l’orientation ici. J’étais anxieuse, mais malgré tout, je devais continuer. Mes réserves de nourriture ne tiendraient pas éternellement, ni mon esprit. J’avais donc vaincu des monstres, mangé leur viande et continué.

Et pourtant, après m’être téléportée un nombre incalculable de fois, j’avais été de nouveau envoyée dans un repaire de monstres. J’avais combattu férocement, et j’avais trouvé un autre cercle d’où aucune bête n’était apparue.

Ce fut ainsi que j’étais revenue dans ce petit espace exigu. Combien de fois avais-je répété le cycle à ce stade ? Cinq fois, dix fois ? Le cercle devant moi m’envoyait toujours dans un endroit différent lorsque j’y mettais le pied, mais au final, je revenais toujours ici. Mon cœur et mon esprit étaient à leur limite. Mon corps était, sans surprise, épuisé. Selon mon horloge interne, environ un mois s’était écoulé.

Un mois et aucun progrès. Je ne faisais que tourner en rond.

Les combats n’étaient pas faciles non plus. J’avais été frappée un nombre incalculable de fois, et je me sentais défaillir à cause de la perte de sang. À un moment donné, les bêtes avaient commencé à essayer de bloquer le cercle pour que je ne puisse plus m’échapper. Malgré leur apparence, ces monstres étaient très intelligents. Il me faudrait tout ce que j’avais pour les percer.

Mes articulations me faisaient mal. Je n’avais plus de nourriture. Les monstres étaient durs et avaient un goût affreux. Leur chair était si toxique qu’il fallait utiliser la magie de désintoxication pour la manger, et je pouvais sentir que cela érodait mon endurance. La seule chose qui me restait en abondance était le mana.

Je me sentais complètement coincée. Je n’avais aucune idée de ce qui allait se passer ensuite. S’il y avait plus d’ennemis la prochaine fois, ou s’ils coordonnaient mieux leurs attaques, ils me déchireraient membre par membre et me dévoreraient une fois que j’aurais utilisé le reste de mon mana. Et même si j’étais assez chanceuse pour les dépasser, je me retrouverais ici.

Ces seules pensées m’avaient empêchée de remettre les pieds sur le cercle. Les bêtes avaient probablement remarqué ma présence. Elles savaient que j’étais ici, dans cet espace exigu. Elles savaient aussi que si j’utilisais le cercle devant moi, je me retrouverais directement dans leur repaire. J’étais sûre qu’ils attendaient ça. Ils attendaient anxieusement que je fasse une erreur fatale à cause de mon épuisement.

Je pouvais le sentir. Il n’y aurait pas de prochaines fois.

Pour la première fois, j’avais pris conscience de la mort.

Mon cadavre ne serait jamais retrouvé. Les bêtes ne laisseraient rien de moi. Je mourrais, et il ne resterait aucune preuve de mon existence.

C’était terrifiant. J’étais terrifiée. Avant de m’en rendre compte, je grinçais des dents. Poussée par l’envie de crier, j’avais serré mon bâton très fort.

J’avais vu la mort d’innombrables fois auparavant. En tant qu’aventurière, j’avais vu des gens mourir sous mes yeux. J’avais vu des monstres couper des guerriers robustes en deux aussi facilement que s’ils coupaient du beurre. J’avais vu de sages magiciens écrasés comme des tomates pourries. Des voleurs habiles et des épéistes rapides avaient été abattus devant moi.

Quand j’étais témoin de leur mort, je savais au fond de moi que ce serait mon tour un jour. Et pourtant, je croyais en même temps que j’étais capable de m’en sortir. Mais maintenant, face à la perspective très réelle de la mort, j’étais terrifiée.

Je n’avais toujours rien accompli. Il y avait encore tellement de choses que je voulais faire. J’avais un rêve. C’est vrai, un rêve. Je voulais devenir professeur. J’aimais enseigner aux gens. Je n’avais aucun talent pour ça, mais j’aimais ça. C’était pourquoi, une fois que tout serait terminé et que nous aurions sauvé Zenith, j’avais prévu de passer l’examen de professeur à l’Université de magie pour devenir professeur.

Mon maître, celui avec qui je m’étais disputée avant de partir, était à l’Université de Magie. Nous finirions peut-être par nous chamailler à nouveau, mais j’avais le sentiment que nous nous entendrions mieux maintenant. Il aimait être le centre d’attention, et le fait qu’il soit promu vice-principal pendant mon absence ne me surprendrait pas.

Je voulais goûter à un bonheur normal. Si je devenais professeur, je pourrais même me marier. Je pourrais tomber amoureuse d’un homme, l’épouser, et partager des nuits passionnées ensemble. En tant que démon, j’avais le petit corps trapu d’un enfant, mais malgré tout, je devais avoir une chance.

« Hah. »

Un rire d’autodérision s’échappa de mes lèvres. Je n’arrivais pas à croire que je me laissais aller à de tels fantasmes, même dans ces circonstances.

J’étais sur le point de mourir. Aucun de mes rêves n’allait se réaliser. Ma mort serait misérable. Il n’y avait personne pour me sauver maintenant. Je n’avais jamais entendu dire que quelqu’un dans une situation similaire avait été sauvé auparavant.

Je ne veux pas mourir, avais-je pensé.

J’avais fait un pas sur le cercle, parce que je voulais vraiment vivre.

Mon instinct était correct. J’avais été téléportée dans un passage inconnu, où j’avais laissé des symboles pour marquer des cercles non encore découverts. J’étais passée par de nombreux autres cercles, puis, comme si c’était prédéterminé, je m’étais retrouvée dans l’antre d’un monstre.

J’avais su au premier coup d’œil que c’était impossible. Les bêtes avaient entassé les corps de leurs congénères morts pour bloquer mon chemin de fuite, et il semblerait que l’espace à l’autre bout du cercle était trop exigu pour que les monstres, ou leurs cadavres puissent se téléporter. Je n’avais pas d’autre choix que de dégager le chemin si je voulais l’utiliser pour m’échapper.

« En faisant face à cette horde ? » m’étais-je demandé.

Ils étaient disposés en une formation impeccable, ramifiée autour de la montagne de cadavres qui bloquait ma fuite, la protégeant. La Chenille d’Acier directement devant moi bougeait comme s’il était dédié à la défense, tandis que les tarentules derrière elle commençaient à cracher leurs toiles pour bloquer mes mouvements. Encore plus loin, une grande forme humaine recouverte de boue — un Crâne de Boue — lançait des pierres dans ma direction.

Ils ressemblent presque à une armée, m’étais-je dit en commençant à tisser ma magie.

« Enveloppe-moi dans la magnifique armure de la terre. Forteresse terrestre ! »

J’avais créé un bouclier de terre autour de moi. Il s’était enroulé autour de moi, couvrant mon corps jusqu’à ma tête dans une forme de dôme. J’avais coupé le sort avant qu’il ne consume complètement mon corps. Tant qu’il s’élevait jusqu’à mon coup, il était suffisant pour empêcher la chenille de fer de charger.

« Disperse les gouttelettes qui tombent, recouvre le monde d’eau. Cascade d’eau ! »

D’innombrables sphères de liquide se formèrent autour de moi, se transformant en balles qui fusèrent dans l’air. C’était un sort extrêmement faible, adapté seulement pour les empêcher temporairement de bouger. Sachant cela, j’avais immédiatement commencé l’incantation suivante.

« Déesse bleue, descendant des cieux, brandis ton bâton et couvre ce monde de givre ! Champ de glace ! »

***

Partie 2

Les gouttelettes d’eau qui avaient auparavant plu sur le visage des créatures crépitaient maintenant en gelant. Il s’agissait de Nova de givre, une combinaison des sorts Cascade d’eau et Champ de givre, et elle gelait toute la ligne de front de l’ennemi sur place. À partir de là, j’avais continué à les bombarder de ma magie.

« Roi du givre, chef suprême des terres arctiques, souverain enveloppé de blanc dont le froid glacial dérobe toute chaleur. Gèle ton ennemi, ô roi glacial qui gouverne la mort ! Blizzard ! »

J’avais terminé mon incantation raccourcie. J’utilisais généralement ce sort pour libérer des lances gelées autour de moi, mais là, elles se déployaient radialement, survolant ceux que j’avais gelés et embrochant les bêtes qui les attendaient. Je n’allais pas vraiment vaincre la ligne de front, c’étaient des statues gelées qui serviraient de mur entre moi et le reste de leurs semblables pendant que je martelais ceux qui étaient derrière eux avec ma magie avancée.

C’étaient les mêmes tactiques que j’avais utilisées lorsque j’avais traversé le labyrinthe près de Shirone. Elles garantissaient la victoire. Cependant, dès que ceux de l’arrière étaient morts, d’autres monstres affluèrent à travers les cercles magiques de la pièce, passant juste à côté de leurs camarades morts. L’endroit s’était à nouveau rempli de bêtes en un clin d’œil.

Mon cœur débordait aussi, mais de désespoir.

« Je suppose que c’est vraiment sans espoir. »

Si je ne déplaçais pas ces cadavres, je n’arriverais pas à sortir d’ici. Mais il y en avait trop pour que je puisse m’en occuper seule.

« Grr ! »

Des Crânes de Boue lancèrent des rochers sur moi à distance. Ils avaient déjà fait voler en éclats une partie de ma forteresse terrestre, et les Chenilles d’Acier, très lentes, s’approchaient.

Un frisson me parcourait l’échine. Je pouvais sentir une sueur froide arriver.

« Prends ta lame brûlée et transperce ton ennemi ! Tranche de flamme ! »

Une épée enflammée vola dans l’air, brûlant la carapace du ver. La créature se tordit de douleur avant que la mort ne l’emporte.

Les Chenilles d’Aciers étaient vulnérables au feu. Utiliser la magie du feu dans une grotte pouvait signer son propre arrêt de mort, mais malgré cela, je n’avais pas le choix.

« Enveloppe-moi dans la magnifique armure de la terre. Forteresse terrestre ! »

Une fois de plus, j’avais créé un mur de terre. Mon mana diminuait, et je commençais à paniquer. Que dois-je faire ? Comment étais-je censée sortir d’ici ?

Réfléchis, m’étais-je dit.

Je m’étais creusé la tête, même si je continuais à lancer de la magie et à faire exploser mes ennemis. Mais rien ne me venait à l’esprit. Étais-je piégée ? Était-ce la fin ? Allais-je vraiment mourir ici ? Mon corps s’était mis en mode pilote automatique, détruisant mes ennemis pour moi tandis que je nourrissais ces pensées.

« Ah ! »

Mes pieds trébuchèrent. Mon esprit était confus. Je pouvais sentir mon mana se vider. Il ne me restait plus que quelques sorts en moi avant de m’évanouir.

« Non… »

J’avais resserré ma prise sur mon bâton.

Je ne voulais pas mourir. Je ne voulais pas mourir.

J’avais senti ma vie entière défiler devant moi.

Mon premier souvenir était celui du regard déçu de mes parents lorsqu’ils avaient réalisé que j’étais la seule personne de notre village tranquille qui ne pouvait pas converser mentalement avec quelqu’un d’autre. Ils m’avaient appris à parler parce qu’ils avaient pitié de moi.

Quant à la magie… J’avais commencé à apprendre la magie après qu’un magicien itinérant soit passé par notre village et m’avait laissée une profonde impression. Équipée d’un niveau de base en magie de l’eau, j’avais quitté mon village pour rencontrer les trois garçons qui allaient former mon premier groupe. Nous étions devenus des aventuriers et avions voyagé ensemble pendant plusieurs années, jusqu’à la mort de l’un d’entre nous et la dissolution du groupe.

J’étais alors partie pour le Continent Central, où j’avais rencontré de nombreuses personnes, et j’avais découvert l’Université de Magie, où je m’étais inscrite. C’était la première fois que je suivais des cours formels, et cela avait eu un impact durable. J’avais obtenu de bonnes notes, j’étais talentueuse et j’avais accompli beaucoup de choses, ce qui m’avait valu la jalousie de mon entourage. Au dortoir, mon ami et moi nous prélassions au lit, parlant de toutes sortes de choses.

J’avais rencontré mon maître après plusieurs années passées là-bas. C’est lui qui m’avait appris la magie de l’Eau de niveau Saint. Je l’avais apprise si facilement que je l’avais laissée me monter à la tête. Mon maître me gronda, ce qui me mit en colère, j’avais alors obtenu mon diplôme et j’étais parti sans lui dire un mot.

Après cela, j’étais partie pour la capitale du Royaume d’Asura, certaine qu’une personne aussi exceptionnelle que moi pourrait y trouver du travail. J’avais tort. Incapable de trouver un emploi, j’étais allée à la campagne, mais je n’avais pas non plus trouvé de travail. Je ne savais plus quoi faire au moment où j’avais trouvé une annonce de recrutement pour être professeur à domicile.

C’était ainsi que j’avais rencontré Paul et sa famille, y compris Rudy. Observer les nombreux ébats amoureux de Paul me titillait, le talent de Rudy me choquait. J’étais jalouse, mais je ressentais aussi un respect croissant pour lui, car, contrairement à moi, il ne s’était pas laissé aller. Avant de partir, je lui avais appris la magie de l’eau de Niveau Saint.

J’avais ensuite commencé à fouiller dans un labyrinthe près du Royaume de Shirone. Le Royaume de Shirone m’avait engagé pour enseigner la magie au Prince Pax une fois que j’aurais terminé, une tâche qui m’avait rappelé une fois de plus à quel point Rudeus était extraordinaire, ainsi que le peu de talent que j’avais en tant que professeur. Puis la lettre de Rudy arriva, me faisant travailler sans relâche à la rédaction d’un manuel sur la langue du Dieu Démon pour lui. Lorsque mon travail était devenu trop dégoûtant pour être supporté, j’avais quitté le Royaume de Shirone.

Ce fut alors que j’ai appris l’existence de l’incident de Téléportation. J’avais rencontré Elinalise et Talhand, deux personnes au comportement si effréné que j’en avais été choquée. Nous étions partis ensemble pour le Continent Démon, où j’avais retrouvé mes parents et confirmé qu’ils m’aimaient vraiment. Puis j’avais rencontré Kishirika. Et puis, après ça…

Tous ces souvenirs traversèrent mon esprit en un instant. Une Chenille d’Acier se dirigeait vers moi. En raison de ma magie du feu, la pièce s’était réchauffée, et les effets de la Nova de Givre se dissipaient.

Je ne peux pas faire ça. Je ne veux pas mourir. Je ne veux pas mourir ! Non !, avais-je crié dans ma tête.

« Non, nooooon !!! »

J’avais balancé mon bâton en vain. Des toiles volèrent vers moi, s’enroulant autour de lui. En quelques instants, il avait été arraché de ma main.

« Je ne veux pas mourir, s’il vous plaît, quelqu’un, n’importe qui, aidez-moi… ! »

J’avais fait un pas en arrière, mais il n’y avait qu’un mur derrière moi. La Chenille d’Acier arrivait. Non, pas une, plusieurs.

Il n’y avait plus rien à faire pour moi. J’allais être mangée vivante, n’est-ce pas ? Non, tout sauf ça.

« Quelqu’un, s’il vous plaît… »

Oh. La Chenille d’Acier était déjà…

J’avais fermé les yeux face à l’avancée de la chenille.

Je suppose que je ne pourrai plus voir ma mère et mon père.

C’est la dernière pensée que j’eus.

*****

J’avais attendu un peu, mais la fin n’était jamais arrivée. Peut-être que j’étais morte sur le coup. Peut-être que c’était déjà fini. Non, ce n’était pas possible… Mais je n’entendais rien. Était-ce l’au-delà ?

Timidement, j’avais ouvert les yeux. Une vue inimaginable s’étendait devant moi.

C’était un monde de glace. Les Tarentules conduisant à la Mort, les Chenilles d’Aciers et le Crâne de Boue étaient tous devenus des statues d’un blanc pur. La dernière des trois était à l’arrière de la horde. J’avais entendu un craquement alors que son corps commençait à s’effriter. Le crâne humain, son noyau vital, avait heurté le sol et s’était brisé en éclats. Même l’intérieur du crâne était gelé.

L’écart de puissance entre ce sort et le mien était énorme. Ma propre Nova de Glace ne pouvait geler que la surface des choses. Mais ça… ça avait probablement tué tout ce qui se trouvait dans la zone.

« … Hein ? » Confuse, j’avais tendu la main pour récupérer mon bâton. « Eek ! » Une sensation de froid glacial parcourut mes doigts. Je le lâchais par réflexe. Il s’était alors écrasé sur le sol, résonnant dans le silence.

J’avais entendu une voix, peut-être en réaction au son.

« Oh, Dieu merci ! »

Un jeune homme était venu vers moi, se faufilant entre les statues de glace. Dès que je l’avais vu, mon cœur commença à battre. Je pouvais sentir le sang affluer à mon visage, réchauffant mes joues. Cet homme… était mon type idéal.

Il était grand, avec des cheveux soyeux et des traits doux. Il était drapé dans une robe grise et tenait un bâton, mais semblait bien bâti pour un magicien. Un air de soulagement se lisait sur son visage lorsqu’il s’était approché, me regardant fixement.

« Eh ? Huh ? »

Il m’enlaça avec ces bras bien construits, chauds et forts. Son odeur, familière, qui sentait la sueur, m’envahit le nez. Il s’était partiellement agenouillé et avait blotti son visage dans mon cou, apparemment submergé par l’émotion tandis qu’il inspirait profondément.

C’était alors que j’avais réalisé quelque chose. Je ne m’étais pas du tout lavée depuis un mois.

« Ah ! »

Dès que je l’avais réalisé, je l’avais repoussé.

« Huh ? »

Il avait l’air surpris.

Merde. J’avais fait quelque chose de terrible ! Après qu’il se soit donné la peine de me sauver ! Mais je ne voulais pas qu’il pense que je puais.

Oh, attendez, ce n’était peut-être pas le moment de s’inquiéter de ça… Hum, c’est le cas ? Je n’arrivais pas à réfléchir correctement.

« M-mes excuses. C’est juste que ça pue un peu… », avais-je dit.

« Je… je pue ? Je suis désolé. »

Choqué, il avait reniflé sa manche.

« Non, pas vous ! Mon corps. Ça fait un mois que je suis là-dedans. »

« Oh, c’est ce que tu voulais dire. Mais ça ne me dérange pas vraiment. »

Il avait l’air soulagé.

« Eh bien, ça me dérange. »

Oh, oubliez ça. Ça n’avait pas d’importance pour l’instant. Je devrais d’abord le remercier.

« Merci beaucoup de m’avoir sauvée. »

« Pas du tout. C’était tout à fait naturel. »

Naturel ? Je ne voyais pas en quoi il était obligé d’affronter cette horde pour me sauver.

Ah oui, son nom ! Je devais lui demander son nom.

« Ahem. C’est un plaisir de faire votre connaissance. Je m’appelle Roxy Migurdia. Si ça ne vous dérange pas, je peux aussi connaître votre nom ? », avais-je dit.

Son corps tout entier s’était raidi au moment où j’avais demandé ça. Avais-je dit quelque chose de bizarre ?

« Connaître mon nom… ? »

Confuse, j’avais dit : « Hein ? Oh, on s’est déjà rencontré quelque part ? Si oui, je dois m’excuser, j’ai peur de ne pas m’en souvenir. »

En y réfléchissant bien, j’avais l’impression de l’avoir déjà vu quelque part. Mais où ? Il ressemblait un peu à Paul, mais je n’aurais sûrement pas oublié quelqu’un comme lui.

« Tu ne te… souviens pas… »

Son visage était devenu pâle. L’avais-je mis en colère ? J’avais l’impression que nous nous étions déjà rencontrés quelque part. Son visage m’était familier, comme si je l’avais vu il y a longtemps…

« Je ne me… souviens pas… »

Il secoua un peu la tête et tituba en arrière. Soudainement, il s’était mis la main sur la bouche et puis…

« Bleeegh ! »

Il avait vomi.

Peu après, j’avais découvert que le jeune homme était Rudy-Rudeus Greyrat, devenu adulte. Paul et les autres, qui m’avaient rattrapée quelques instants plus tard, m’avaient prise en charge. J’avais ainsi échappé de justesse à la mort.

***

Chapitre 5 : La magicienne indomptable

Partie 1

Roxy était exactement comme dans mon souvenir d’il y a tant d’années. Elle avait la même apparence et le même comportement, même si le fait d’être enfermée dans le labyrinthe depuis un mois l’avait considérablement affaiblie. Ses joues étaient émaciées et il y avait des cernes sous ses yeux. Ses tresses s’étaient défaites et son corps tout entier était couvert de saleté, ce qui lui donnait l’air d’une gamine des rues. Malgré tout cela, elle n’avait pas du tout perdu son esprit.

Après avoir vu son état, Geese nous avait immédiatement demandé de nous retirer. C’était une décision prudente. Talhand porta donc Roxy sur son dos et nous nous étions dirigés vers la surface. J’avais bien sûr proposé de porter Sa Sainteté, mais nous ne passerions pas le deuxième étage sans mes capacités offensives, alors j’avais dû abandonner l’idée. Je m’étais demandé intérieurement s’il était acceptable de laisser une brute aussi grossière porter Roxy, mais personne d’autre n’avait protesté, y compris l’intéressée.

« Je suis désolée, Monsieur Talhand, d’avoir causé tant de problèmes », avait-elle dit.

« Ne t’en fais pas. Je dois aussi donner un coup de main parfois. »

« Je ne pue pas, hein ? Je me dis que ça doit être grave pour que Rudy ait vomi comme ça. »

Le nain s’esclaffa : « Ha ha ! Si je ne pouvais pas supporter ça, je ne pourrais pas m’appeler un aventurier ! »

J’écoutais par-derrière pendant que nous marchions. On m’avait dit que ces deux-là avaient voyagé ensemble pendant longtemps. À en juger par leur façon de parler, je pouvais dire qu’ils se faisaient profondément confiance. Une pointe de jalousie avait surgi en moi. Poussé par cette jalousie, j’avais pris la parole.

« Professeur, tu sais que ce n’est pas parce que je pensais que tu étais puante que j’ai vomi. »

Roxy me lança un regard avant de détourner rapidement les yeux.

« Alors pourquoi as-tu vomi ? » a-t-elle demandé.

« J’étais pris entre le bonheur de te revoir enfin et le désespoir que tu ne te souviennes pas de moi, et mon estomac s’est noué. »

« Ce n’est pas comme si je t’avais oublié. C’est juste que je n’arrivais pas à faire le lien entre l’adorable Rudy d’il y a longtemps et le toi actuel », marmonna-t-elle en réponse avant de se taire.

« … »

La conversation avait été courte, mais entendre sa voix pour la première fois depuis longtemps m’avait rempli d’une telle joie que j’aurais pu m’envoler jusqu’au ciel.

Notre groupe à l’auberge s’était réjoui du retour de Roxy, probablement parce que c’était la première bonne nouvelle qu’ils avaient depuis qu’ils avaient commencée à fouiller le labyrinthe. D’accord, nous n’avions fait que combler le trou qu’ils avaient eux-mêmes creusé, mais je n’allais pas dire ça. Quelles que soient les circonstances, c’était un événement heureux.

Lilia avait immédiatement attiré Roxy dans le bain. Espérant qu’il y aurait quelque chose que je pourrais faire pour elle en attendant, j’étais resté à l’extérieur de sa chambre, mais Vierra m’avait repoussé. Elle avait dit que c’était impoli de s’approcher de la chambre d’une fille pendant qu’elle prenait son bain. Bien sûr, je n’avais aucune arrière-pensée. Je voulais juste faire tout ce que je pouvais pour elle.

Je le pensais vraiment. Vraiment.

OK, oui, j’avais déjà commis une infraction auparavant. Mais cette fois, c’était complètement innocent !

J’avais pensé me défendre, mais j’avais décidé de laisser tomber. C’était bien. C’était moi, après tout. Si je jetais soudainement un coup d’œil sur le côté et que je voyais ses vêtements posés là, il n’y avait aucune garantie que ma main ne glisserait pas et n’empocherait pas le petit tissu blanc niché dessus. Je ne pouvais pas donner cette opportunité quant à mon côté pervers. Pour l’instant, mes sentiments étaient encore innocents. Donc, vraiment, c’était bien.

Nous allions nous reposer quelques jours pour donner à Roxy le temps de récupérer ses forces. Cela dit, c’était une aventurière. Elle n’avait pas de blessures majeures, elle était encore assez forte pour marcher sans aide. Elle jurait même qu’avec de la bonne nourriture et un lit douillet dans lequel elle dormirait profondément, elle serait de retour à la normale d’ici peu. Tout semblait aller pour le mieux.

Mais je n’arrivais pas à me remettre du fait que j’avais fait une erreur et que je m’étais comporté de manière honteuse devant elle. J’espérais qu’elle n’était pas désillusionnée par moi. Le vomissement était irrespectueux, mais j’étais tellement choqué. Je n’avais jamais cessé de penser à elle pendant toute la période où nous étions séparés. Penser qu’elle ait pu m’oublier… c’était accablant.

En y réfléchissant, Sylphie avait dit qu’elle avait été stupéfaite, elle aussi, quand j’avais agi comme si nous nous rencontrions pour la première fois. Je m’étais demandé si elle avait ressenti la même chose à l’époque. Je devrais m’excuser auprès d’elle quand je rentrerais à la maison.

Roxy dormit une journée entière. Je ne pouvais pas vraiment lui en vouloir, étant donné qu’elle avait passé un mois dans un labyrinthe infesté de monstres. Étant donné que je voulais être le premier à lui souhaiter le bonjour à son réveil, j’avais flâné devant sa porte, mais Lilia m’avait repoussé. J’avais jeté un coup d’œil en arrière et j’avais pu apercevoir son visage alors qu’elle dormait paisiblement. J’avais décidé d’en rester là, en espérant qu’elle se remette vite.

Le deuxième jour, Roxy sauta du lit. C’était juste à l’heure du déjeuner. Elle s’était dirigée vers notre table pendant que nous mangions, se déplaçant aussi raide qu’un robot.

« Bonjour, professeur. »

« Oui. Bonjour Rudy, je veux dire, Monsieur Rudeus. »

Nous étions quatre, moi compris, à la table. Les autres étaient Elinalise, Paul et Talhand. Geese et les trois autres étaient actuellement en train de faire des courses. La composition de notre groupe était telle que le groupe du labyrinthe passait tout son temps à se reposer pendant qu’il était en ville, et que le groupe d’attente faisait des courses pendant ce temps. Geese faisait partie du groupe du labyrinthe, mais pour une raison quelconque, il prenait le commandement du groupe d’attente. Il était vraiment un travailleur acharné. Peut-être qu’il devrait arrêter d’être un aventurier et devenir un administrateur à la place.

« Tout le monde… »

Toutes les personnes présentes avaient tourné leurs regards vers Roxy.

Doucement, elle avait balayé son regard sur chacun d’entre nous, puis avait incliné la tête.

« Je suis désolée de vous avoir causé des problèmes, mais je vais vraiment bien maintenant. »

Les réactions des gens étaient variées. L’un d’entre eux passa un bras autour de son épaule et dit : « Ne t’inquiète pas pour ça. ». Un autre hocha la tête et dit : « Pas de problème ». Un autre prit une gorgée d’alcool avant de pousser une bouteille dans sa direction. Et enfin, il y avait moi, qui étais submergé par l’émotion à son retour.

« Eh bien, si tu veux remercier quelqu’un, remercie Rudy. S’il ne s’était pas mis à bafouiller : “Père, je sens Dieu tout près”, et à courir en avant en traversant les murs, on ne t’aurait pas trouvée. »

Paul me fit passer pour un fou vu la manière dont il le disait, mais j’avais en quelque sorte su exactement où était Roxy pendant que nous nous frayions un chemin à travers le troisième étage. J’avais aussi le sentiment qu’elle avait des ennuis. Sachant que la situation exigeait de la rapidité, je m’étais précipité vers le son de sa voix sans me soucier du danger potentiel d’effondrement des tunnels. Dès que je me heurtais à un mur, je le traversais sans hésiter.

Je n’avais aucune idée de comment je savais qu’elle avait des problèmes. Je le savais, c’est tout. J’étais certain que c’était mon lien avec Roxy qui nous attirait l’un vers l’autre. Oui. Il y avait une petite chance que l’Homme-Dieu soit intervenu, mais je n’en tenais pas compte. Il n’y avait qu’un seul dieu en qui je croyais.

Attendez, ça veut dire que Dieu m’avait guidé là ? Dans ce cas, il n’y avait rien d’étrange à cela !

Alors que j’étais préoccupé par de telles pensées, Roxy se tourna vers moi et inclina de nouveau la tête.

« Hum, Monsieur Rudeus, ce que je veux dire c’est, euh… merci. »

Pourquoi avais-je eu l’impression que Roxy était froide et distante ? Non, je connaissais cette sensation. Je l’avais appris à l’école.

C’était mon nom. La façon dont elle avait appelé mon nom. Elle m’appelait « Monsieur », comme si j’étais une sorte d’étranger.

« Ne t’en fais pas. J’ai seulement fait ce que n’importe qui aurait fait. Plus important encore, s’il te plaît, appelle-moi Rudy. », avais-je dit.

Roxy baissa les yeux et marmonna : « M-mais est-ce que ça ne donne pas l’impression que je suis trop familière si je t’appelle comme ça ? »

« Quoi ? Mais nous sommes proches. Si mon professeur m’appelle “Monsieur Rudeus”, autant que mon père fasse de même. »

« Hein, pourquoi diable ferais-je ça ? »

J’avais ignoré la protestation de Paul.

« J’aimerais que tu m’appelles “Rudy”, aussi affectueusement que tu l’as fait autrefois. Peu importe le nombre d’années qui passent… je te vénérerai toujours, Roxy Migurdia, comme mon professeur. »

Roxy cligna des yeux plusieurs fois. Pour une raison quelconque, ses joues étaient rouges. Avait-elle de la fièvre ? Elle se tapa alors soudainement les joues.

« Oui. Tu as raison… Rudy. »

« Voilà, c’est parfait. »

Elle fit un sourire d’autodérision en me regardant. Ses joues étaient encore un peu roses.

« Tout ça mis à part, tu as vraiment grandi. »

« Je suis après tout un humain. Tu n’as pourtant pas l’air d’avoir changé. », lui avais-je rappelé.

« Oui, toujours aussi petite. »

« Je ne pense pas que tu sois aussi petite que tu le crois. »

« Oh vraiment ? »

Ça me rappelait tellement de souvenirs. Si je fermais les yeux, je pourrais tous les évoquer : le premier jour où elle m’avait appris la magie, le jour où j’avais obtenu mon objet de culte, le jour où elle m’avait appris la magie de rang Saint, le jour où nous nous étions dit au revoir, et les jours que nous avions passés à échanger des lettres. Chaque souvenir était précieux pour moi.

« En tout cas, c’était une magie spectaculaire. On dirait que tu as bien suivi ton entraînement en mon absence. C’était de la magie de l’eau de niveau Empereur ? », dit Roxy.

« De quelle magie parles-tu ? », avais-je demandé, même si j’étais presque sûr de ne pas avoir utilisé de magie de niveau Empereur.

« La magie que tu as utilisée quand tu m’as sauvée. Cette puissance, cette vitesse, et la portée. C’était une magie incroyable. C’était la magie de niveau Empereur dont j’ai entendu parler, Zéro Absolue, non ? »

Non. C’était juste un simple Nuage Glacé. Nous traversions le deuxième étage lorsque Talhand m’avait parlé de la magie utilisée par Roxy et de son efficacité. Je l’avais simplement imitée.

Mais maintenant, Roxy avait un regard qui semblait dire Eh bien ? J’ai raison, n’est-ce pas ? J’avais hésité à la corriger ou non. Elle était une spécialiste de la magie de l’Eau. Elle pourrait avoir honte de découvrir qu’elle avait mal interprété mon sort. Peut-être qu’un petit mensonge blanc était approprié ici ?

D’accord, je serais exposé immédiatement. Peut-être que le plus sage était de dire oui et de dire la vérité après, en secret. Mais si je faisais ça et qu’elle réagissait négativement ? Mon Canon de pierre avait apparemment le même niveau de puissance qu’un sort de niveau Empereur, mais il s’agissait d’une magie d’un niveau bien inférieur.

Hmm, comment dois-je répondre ?

« Nan, c’était un Nuage de Glace. Il avait juste plus de puissance que celle que tu utilises. »

Comme j’hésitais, Talhand en avait profité pour répondre à ma place. Comme c’était injustifié. Je ferais mieux de poursuivre avec quelque chose ou sinon…

« Oh, c’est donc ça. Toutes mes excuses. »

« Honnêtement, Roxy, tu n’as pas du tout changé. Même si je suis d’accord avec toi, ça ne me semblerait pas étrange que Rudeus utilise une magie de niveau Empereur. Après tout, il est considéré comme le plus puissant magicien de l’Université de la Magie. »

Elinalise était intervenue sans hésiter pour soutenir Roxy, bien que ce dernier commentaire n’était pas nécessaire.

Les regards de tous s’étaient portés sur moi. OK, c’était ma chance !

« Mes capacités actuelles sont toutes dues aux conseils de mon professeur », avais-je dit avec confiance.

Les yeux de Roxy s’étaient rétrécis avec suspicion.

« Rudy, je n’arrête pas d’entendre que tu prétends cela, mais penses-tu honnêtement que c’est vrai ? »

« Bien sûr que je le pense. »

Les enseignements de Roxy étaient ma base. « Sors et parle aux gens », « Essaie de t’entendre avec les autres sans préjugés » et « Donne toujours le meilleur de toi-même ». Ces mots avaient pris racine au plus profond de moi. C’est grâce à eux que j’avais pu établir par exemple la relation que j’avais avec Ruijerd.

Bien sûr, il y avait des moments où je n’étais pas à la hauteur de ces enseignements, mais c’était une autre affaire. Les humains n’étaient pas capables de vivre pleinement leur potentiel à chaque instant. Ce qui comptait, ce n’était pas de toujours réussir à vivre selon ses idéaux, mais d’en faire la clé dans sa façon d’appréhender le monde.

« Tu t’es amélioré par toi-même. Et pratiquement sans mon enseignement. »

Roxy fit alors un sourire d’autodérision.

« Tu es devenu un homme incroyable. Tout le contraire d’une empotée comme moi, qui s’est fait piéger dans un labyrinthe. »

Elle s’était affaissée sur la table avec un bruit sourd. Je pouvais voir la tache sur son cuir chevelu d’où les cheveux tourbillonnaient, ce qui était plutôt mignon.

« Le maître est incroyable, et l’élève aussi. Qu’est-ce qui pourrait être mieux ? », dit Paul.

Bien dit. C’était exactement ça. Je n’étais pas particulièrement spécial, mais Roxy était certainement une personne extraordinaire. Et si elle perdait contre son élève dans quelques catégories étroites ? Ce n’était pas un indicateur de sa valeur en tant que personne.

« Si tu n’avais pas été avec nous, nous ne serions pas ici. Aie un peu confiance. »

Les mots de Paul semblaient atteindre l’esprit de Roxy. Elle s’était alors assise et hocha la tête.

Geese était revenu après cela et nous avions poursuivi notre réunion. Nous nous étions assis serrés les uns contre les autres, le groupe d’attente inclus.

***

Partie 2

« J’ai dit que nous allions attendre de voir l’état de Roxy, mais je pense que nous allons y retourner dans trois jours », annonça Geese.

« N’est-ce pas un peu hâtif ? », demanda Paul.

Même si cela n’en avait pas l’air, la plongée en labyrinthe épuisait vraiment une personne. Surtout un labyrinthe comme celui de la téléportation, qui était truffé de pièges, vous obligeant à faire constamment attention où vous mettiez les pieds, même si vous étiez en plein combat. C’était déjà épuisant pour quelqu’un comme moi à l’arrière, mais l’avant-garde portait un fardeau encore plus lourd.

« Il est préférable pour Roxy de rentrer le plus vite possible. »

« Hm ? Ah, oui, je comprends ce que tu veux dire. Tu as raison, » dit Paul en acquiesçant.

Pourtant je n’étais pas tout à fait d’accord. Ne serait-il pas difficile pour elle de devoir réintégrer l’endroit où elle avait failli perdre la vie auparavant ?

« Ne pensez-vous pas qu’un peu plus de repos est nécessaire pour elle ? », avais-je demandé.

« Mm ? Ah. Vous ne le savez peut-être pas, patron, mais quand vous avez failli mourir dans un labyrinthe, vous devez y retourner rapidement ou vous serez maudit et ne pourrez plus jamais y entrer. », expliqua Geese.

« Une malédiction ? Une telle chose existe ? », avais-je demandé, dubitatif.

« Oui. Je ne sais pas pourquoi, mais quand vous essayez d’entrer dans un labyrinthe après ça, votre cœur est tellement rempli de peur que vous ne pouvez rien faire. »

Ah, j’avais lu quelque chose comme ça dans un manga une fois. Un type de trouble panique, autrement connu sous le nom de DP. J’avais aussi entendu dire qu’un traitement efficace consistait à réessayer immédiatement ce à quoi on avait échoué. Apparemment, c’était la même chose dans ce monde.

« De plus, vous êtes un débutant, patron. Aller à un rythme lent et répétitif à plusieurs reprises sera une bonne expérience pour vous. »

« Je vois. Tu as raison. »

Après cet échange, les autres avaient commencé à intervenir.

« Je peux te donner quelques conseils pour doubler ton rôle de magicien guérisseur et offensif », déclara Roxy.

« Nous ne devrions pas répéter la méthode de Rudy qui consiste à frapper à travers les murs pour naviguer. Le risque d’effondrement est trop élevé », dit Paul.

« Si tu veux, je peux passer devant toi », dit Talhand.

« J’ai réfléchi… Et si Paul et moi échangions nos positions ? », suggéra Elinalise.

Geese nous permit de nous organiser tout en partageant nos réflexions sur l’aventure précédente, ainsi que sur la façon dont nous devrions aborder la prochaine. Tout le monde avait l’air très sérieux. J’avais pensé qu’ils seraient un peu plus joviaux, mais apparemment non. Bien qu’affaiblis, ils étaient encore un groupe de rang S.

Je n’avais pas eu grand-chose à dire lors de cette réunion, si ce n’était de répondre quand on me demandait ce que je pensais de mon premier labyrinthe. Ils étaient des pros. J’étais un amateur. Peu importe à quel point j’étais doué en magie, je ne pouvais pas oublier ces deux choses. Notre dernier voyage s’était bien passé, mais cela ne signifiait pas que celui-ci le serait aussi.

« Pour le moment, nous allons nous concentrer sur la cartographie du reste du troisième étage. En fonction de comment ça se passe, on peut au moins aller assez profond pour trouver le cercle du quatrième étage. Ça vous va ? », dit Geese.

« D’accord »

On avait répondu à l’unisson.

Généralement, une fois qu’un groupe découvrait les escaliers menant à l’étage suivant, il décidait s’il voulait aller plus profondément ou revenir temporairement à la surface. S’ils optaient pour cette dernière solution, ils empruntaient un chemin direct vers le bas pour reprendre au point où ils s’étaient arrêtés à leur retour. Il en allait de même pour nous, nous étions descendus directement au troisième étage la dernière fois. Si vous n’étiez pas rapide, il y avait une possibilité que le nombre de pièges augmente. La vitesse était cruciale.

« Oh oui, le livre dit que le quatrième étage est complètement différent de ce que nous avons vu jusqu’à présent. Une sorte de ruines ou quelque chose comme ça. », dit Geese.

« Dans ce cas, il pourrait y avoir deux niveaux inférieurs », dit Paul.

« Hmm. Eh bien, nous allons garder la réflexion sur le quatrième étage pour la prochaine fois. Pour l’instant, on se concentre sur le troisième étage. »

« Compris. »

Il y avait des cas de labyrinthes existant depuis longtemps qui se combinaient avec d’autres, formant un seul labyrinthe avec deux centres, deux cœurs avec des cristaux imprégnés de magie. On disait de ces types qu’ils changeaient de structure à mi-chemin. Le Labyrinthe de Téléportations avait ce genre de disposition, mais cela ne signifiait pas nécessairement qu’il avait deux centres. C’était une possibilité, rien de plus.

En fait, selon le livre, le Labyrinthe de Téléportations n’avait qu’un seul cristal magique. Cependant, il était toujours possible qu’il s’agisse à l’origine d’un labyrinthe ordinaire qui aurait ensuite fusionné avec ces vieilles ruines pour prendre sa forme actuelle. En parlant de ruines, il y avait aussi celles qui contenaient les cercles de téléportation que nous avions utilisés pour venir ici.

« Quel est ce livre dont tu parles ? », demanda Roxy, méfiante.

« Rudy l’a apporté. Il contient les notes d’un type qui a voyagé presque jusqu’au plus profond du Labyrinthe de Téléportations. Tu devrais aussi le lire. »

Geese lui passa le livre en question.

« Oh, je ne savais pas qu’une telle chose existait. Je comprends. Je le parcourrai attentivement demain. »

Roxy avait donc prévu de passer la journée de demain à lire. Dans ce cas, je resterais à l’auberge. J’avais envie de lui parler un peu plus, mais je ne savais pas trop à quel sujet. Si elle allait lire le livre, peut-être pourrions-nous discuter de son contenu ? Elle pourrait me poser des questions, et je ferais de mon mieux pour y répondre.

Oui, ça sonne bien. Super. Absolument parfait !

« Maintenant, à propos de notre formation. Secouons un peu les choses. Talhand ? », commença Geese.

Comme j’étais préoccupé par mes pensées, la conversation était passée au sujet suivant. Talhand s’était éclairci la gorge. En tant qu’homme le plus souvent tout à l’arrière, qui avait donc le plus longtemps observé la situation, il était chargé de décider de notre formation.

« Hmph, laisse-moi faire. »

Mais il empestait l’alcool. Il empestait toujours l’alcool. Geese s’abreuvait aussi de liqueurs la nuit, mais Talhand se tapait des chopes jusqu’à midi. Au moins, il était devenu complètement sobre au moment où nous avions commencé notre plongée dans un labyrinthe. Il avait une impressionnante capacité à activer et désactiver sa consommation d’alcool.

« Ce sera la même chose qu’avant. »

Il y avait sur la table un papier avec deux lignes dessinées dessus, ainsi que des petites pierres de différentes couleurs. Talhand posa la pierre bleue en premier.

« D’abord, comme avant, Roxy prendra l’arrière. »

« Compris. » dit Roxy en hochant la tête.

Puis il posa une pierre grise à côté de la précédente.

« Rudeus sera le soutien de Roxy. Elle est du genre à déraper quand quelque chose d’inattendu se produit, mais Rudeus a l’œil de la prévoyance. Il est aussi assez calme pour son âge, alors peut-être qu’il peut arrêter quelque chose avant que ça tourne mal. »

« D’accord. »

Il avait fait comme si Roxy manquait de sang-froid. Je voulais protester, mais c’était vrai qu’elle avait glissé et marché sur un piège de téléportation. Je ne ferais qu’attirer les ennuis si j’essayais. Mais, en y réfléchissant bien, l’œil de la prévoyance ne pouvait prédire que les choses que je pouvais voir. Cela signifiait que j’avais une bonne excuse pour garder mes yeux sur Roxy tout le temps que nous étions dans le labyrinthe.

Dit comme ça, ça ne semblait pas si mal. J’étais juste heureux de pouvoir la regarder.

« Essayons d’échanger Elinalise et Paul. Paul, tu vas devant. Elinalise, tu vas derrière lui », dit Talhand en avançant la pierre rouge représentant Paul et en reculant la pierre jaune représentant Elinalise.

En gros, ils étaient toujours côte à côte. Il s’agissait probablement d’un simple changement de rôle. Avant, Elinalise était le tank tandis que Paul était le soutien, mais cette fois, ce serait l’inverse. Paul serait notre tank principal et Elinalise le soutiendrait.

« Geese, tu seras là où tu étais avant. »

Il plaça la pierre brune loin devant le reste de la meute. Enfin, il plaça sa propre pierre au milieu.

« Je doute que nous en ayons besoin, mais il y aura plus de monstres au troisième étage. Je servirai de bouclier pour ceux qui sont derrière. »

SCOUT : Guese

AVANT : Paul, Elinalise

MILIEU : Talhand

ARRIÈRE : Rudeus, Roxy

C’était notre nouvelle formation. En excluant Geese, nous ressemblions à une tuile de mah-jong à cinq points.

« Un avis sur cette formation ? », demanda le nain.

J’avais immédiatement levé la main.

« Dois-je en déduire que mon rôle ne changera pas ? »

« Oui. Tu peux parler à Roxy des détails de ton travail d’équipe. »

En entendant cela, j’avais jeté un coup d’œil à Roxy. Elle retourna mon regard, semblant nerveuse. Elle avait dégluti.

« Très bien. J’ai hâte de travailler avec toi, professeur. »

« Oui, et moi aussi. Je ferai de mon mieux pour ne pas te retenir. »

C’était tout le contraire. J’étais celui qui était le plus susceptible de la retenir.

J’aimerais qu’elle soit plus confiante.

Certes, je la battais peut-être en matière de capacité de mana et d’utilisation des sorts, mais la force des statistiques d’une personne n’était pas la somme de sa valeur. Ce n’était qu’avec l’expérience que l’on acquérait une véritable puissance, et je sentais que Roxy était en avance sur moi à cet égard. Elle avait passé un mois entier à se battre dans le Labyrinthe de téléportations. Et quelques jours après avoir été secourue, elle était suffisamment rétablie pour y retourner comme si rien ne s’était passé.

Si c’était moi, si je devais vivre une expérience aussi horrible, je jurerais probablement de ne plus jamais entrer dans ce labyrinthe. Comme le dit le proverbe japonais, un homme sage reste loin du danger. Vous pouviez me traiter de poule mouillée si vous vouliez, je savais que j’étais un lâche.

« Très bien, on en a fini avec ça. Passons maintenant au groupe d’attente. »

Après cela, Geese donna rapidement ses ordres au groupe d’attente. Il donna à Vierra une liste de fournitures à acheter, puis consulta Shierra sur la condition de Roxy. Il lui conseilla également de préparer tout le matériel médical qu’elle jugeait nécessaire en vue du sauvetage de Zenith. Enfin, il confia à Lilia la supervision de ces tâches.

Si Geese était le leader du groupe du labyrinthe, alors Lilia était la leader du groupe d’attente. Et Paul était le leader général de notre groupe. Il supervisait toutes les décisions définitives et gardait la trace de tout le monde.

« Très bien, tout le monde, préparons-nous pour partir dans trois jours à partir de maintenant. Rompez. »

Sur l’ordre de Paul, la réunion prit fin.

Le lendemain, j’avais passé mon temps à déambuler au premier étage de l’auberge, restant à proximité de Roxy pendant qu’elle lisait. Je voulais qu’elle me consulte s’il y avait quelque chose qu’elle ne comprenait pas. Moi, spécifiquement — et personne d’autre.

« Um, Rudy ? »

« Oui ?! Qu’est-ce qu’il y a, Professeur ?! »

« Tu t’agites comme ça, c’est distrayant », avait-elle dit avec un sourire forcé.

« Mes excuses. »

J’avais baissé la tête et je m’étais décidé à partir.

C’est donc ça. Je la distrais. C’est logique. Je la gêne dans sa lecture.

Je ne pouvais pas lui causer de problèmes. Ce n’était pas mon intention, je voulais juste l’aider. Mais si j’étais une distraction, alors je ne pouvais rien y faire. Peut-être que je devrais juste aller ailleurs. Oui, peut-être que j’irais dans une taverne déserte quelque part. C’était bon de boire seul de temps en temps.

Oui, c’est ce que je vais faire.

Une voix m’avait appelé de derrière : « Rudy. Si tu as assez de temps pour te balader, il y a des choses dans ce livre que je ne comprends pas bien et j’aimerais que tu… »

« Ok ! »

Je m’étais immédiatement assis à côté d’elle. Je crois que j’avais battu le record de l’assise la plus rapide. Si j’étais un chien et que j’avais une queue, elle aurait fouetté l’air comme une hélice en ce moment.

« Qu’est-ce ? N’hésite pas à me demander n’importe quoi. »

Ahh, Roxy était vraiment minuscule, bien que je sois sûr que c’était en partie parce que j’avais tellement grandi. Si je la mettais sur mes genoux, je pourrais facilement l’entourer de mes bras. Bien que je sois sûr qu’elle serait énervée si j’essayais.

Comme je l’avais regardé, Roxy leva les yeux vers moi de côté.

« Qu’est-ce qui ne va pas ? », avais-je demandé.

Elle détourna rapidement son regard vers le livre.

« Non, ce n’est rien. C’est cette partie juste là… »

Dans les années qui avaient suivi, ma taille avait dépassé la sienne. Peut-être s’était-elle sentie découragée par cela. Elle semblait être consciente de sa petite taille.

Telles étaient mes pensées alors que nous passions la journée ensemble, à lire.

J’étais satisfait.

 

 

***

Chapitre 6 : Simple comme bonjour

Partie 1

Avec Roxy parmi nous, nous avions repris notre exploration du labyrinthe. Nous avions avancé comme prévu, en nous dirigeant vers le troisième étage. Il y avait trois types d’ennemis : Les Crânes de Boue, les Tarentules conduisant à la Mort et les Chenilles d’Aciers.

Le Crâne de Boue était un monstre de rang A. Il ressemblait à un géant sans tête, fait de boue, d’environ deux mètres et demi de haut, avec une circonférence qui témoignait de sa nature durable. La créature avait un crâne enfoui dans sa poitrine, qui était aussi son point faible, un peu comme Jamila dans Ultraman ou Sachiel dans Evangelion. Il se déplaçait lentement, mais était capable d’encaisser tous les coups portés sur les parties de son corps recouvertes de boue, et s’il se sentait en danger, il pouvait cacher le crâne à l’intérieur de son corps. La méthode d’attaque du Crâne de Boue consistait à lancer de la boue et à utiliser un sort similaire à Canon de Pierre.

Cependant, ce n’était pas pour ces raisons qu’il était considéré comme de rang A. Bien qu’il ait l’apparence d’un simple golem, le Crâne de Boue était assez intelligent et capable de donner des ordres à des monstres de moindre importance comme les Tarentules conduisant à la Mort et les Chenilles d’Aciers. Il attaquait en formation avec les Chenilles d’Aciers à l’avant-garde, les Tarentules conduisant à la Mort au milieu, et lui-même à l’arrière. En d’autres termes, c’était un vrai monstre.

Au deuxième étage, les Chenilles d’Aciers se précipitaient à l’avant tandis que les Tarentules conduisant à la Mort essayaient de nous coincer en nous lançant des toiles. Maintenant, nous avions le Crâne de Boue qui les supervisait, et qui envoyait aussi des canons de pierre. Cela devait être une dynamique difficile à contrer pour Paul, qui s’était déjà retrouvé dans des combats rapprochés au deuxième étage. Le combat lui demanda tout ce qu’ils avaient. Par ailleurs, il n’y avait aucun moyen de chercher Zenith.

Ce ne serait pas un problème avec Roxy et moi dans le groupe. La Tarentule conduisant à la Mort stationnée au milieu posait peu de problèmes, j’avais donc juste à prendre la tête du Crâne de Boue à l’arrière pendant que Roxy affrontait les Chenilles d’Aciers à l’avant. Tout ce qui restait était laissé à Paul et aux autres.

Étant fait de boue, les Crânes de Boue étaient vulnérables à la magie de l’eau. Une abondance d’eau les ferait disparaître. Le feu fonctionnait également. Si je faisais cuire, leur boue sécherait, ils ne pouvaient plus bouger. Mais mon Canon de pierre était tout ce dont j’avais besoin. J’avais utilisé mon Œil de Prévoyance pour les tuer, infligeant des coups critiques aux crânes dans leurs poitrines. Un tir, une mort. J’étais un sniper expert, mais lent, comme les joueurs de FPS qui ne pouvaient pas déplacer leur position.

« Ouf… »

Une fois l’ennemi complètement anéanti, Roxy poussa un soupir. Je pouvais voir une partie de son visage sous le bord de son chapeau. Elle avait dû utiliser une quantité importante de mana. Elle semblait épuisée.

Soudainement, elle rendit mon regard, en levant les yeux vers moi de côté. Quand nos yeux s’étaient rencontrés, elle avait rapidement détourné les siens.

« Je n’ai presque plus de mana. J’aimerais me reposer. », dit-elle.

Nous étions retournés au passage principal et y avions fait une pause. Il me restait encore beaucoup de mana. En fait, je n’avais même pas consommé la moitié de ma réserve. Après tout, je n’utilisais que le Canon de pierre, tandis que Roxy était celle qui gelait nos ennemis avec Nuage de Glace. Ce n’était pas une surprise qu’elle soit plus vite à court.

« Je suis désolée d’avoir une si petite réserve de mana », avait-t-elle dit.

« Non, je pense que tu en as plus qu’assez. »

Elle utilisait la magie avec une précision exceptionnelle, lançant des sorts dans une zone étroite sans aucun tir manqué. De temps en temps, sa Cascade d’eau éclaboussait Paul et les autres, mais sa précision avec le sort de zone de Champ de Glace était si parfaite que seuls les ennemis étaient gelés. La précision exigeait également une quantité appropriée de mana. Malgré tout cela, elle avait continué à se battre pendant un bon moment. Elle n’avait bien sûr pas une petite réserve de mana. La sienne était probablement de la même taille que celle de Sylphie, si ce n’est plus.

« J’aimerais trouver le cercle magique menant au quatrième étage ici bientôt. »

Geese s’était gratté le menton en vérifiant le livre par rapport à la carte.

Presque deux jours s’étaient écoulés depuis que nous étions descendus au troisième étage. Il avait fallu cinq jours à l’auteur du livre pour aller aussi loin. Nous avions devancé son groupe et traversé le troisième étage plusieurs fois, en le cartographiant. Il était maintenant temps pour nous de trouver le prochain cercle magique.

« Rudy, je peux emprunter ton dos ? », me demanda Roxy.

« Sens-toi libre. »

Une fois que je lui avais répondu, celle-ci s’était affalée contre moi. Elle se reposait comme ça à chaque fois que nous faisions une pause. Je suppose que c’était parce que le dos d’une personne lui semblait plus confortable que les murs de pierre qui nous entouraient. Un avantage secondaire pour moi.

« Tu sais, je n’aurais jamais pensé pouvoir plonger dans un labyrinthe comme celui-ci avec toi », avait-elle dit.

« Moi non plus. Dis, est-ce qu’il y a quelque chose que je fais dont je devrais être plus prudent ? »

« Hein ? Tu connais déjà l’essentiel quand il s’agit de se déplacer en groupe, alors je n’ai aucun conseil à te donner. »

« Merci », avais-je dit.

« Utiliser les incantations silencieuses avec une précision parfaite. Tu es vraiment incroyable. »

« Pas du tout. J’ai encore beaucoup à apprendre. », dis-je en secouant la tête.

C’est vrai. Il y avait encore beaucoup à apprendre. Voir Roxy m’avait vraiment fait ressentir ça. Elle n’avait pas ajouté de cartes à celles qu’elle avait en main, mais avait plutôt augmenté ce qu’elle pouvait faire avec celles qu’elle avait. Elle combinait les éléments existants dans son arsenal pour écraser son adversaire.

J’étais sûr d’avoir fait la même chose dans le passé, mais à un moment donné, j’avais commencé à n’utiliser que Canon à Pierre et Bourbier. Ce n’était pas la meilleure des habitudes, mais c’était suffisant pour battre la plupart des adversaires plus faibles. Pourtant, les petites astuces de ce genre ne fonctionneraient pas contre les ennemis plus forts que je m’imaginais affronter, mais je n’avais personne d’un niveau approprié pour m’entraîner. Je visais haut, mais il n’y avait rien de tangible en face de moi à viser. Ainsi, je ne m’améliorais pas.

« Rudy ? »

Roxy m’avait soudainement appelé.

« Oui, qu’est-ce qu’il y a ? »

« Si nous parvenons à sauver ta mère en toute sécurité et que nous en avons tous les deux l’occasion, que dirais-tu d’aller dans un labyrinthe un jour, juste tous les deux ? »

J’avais cligné des yeux.

« Juste tous les deux ? »

« Oui. Nous sommes un peu pressés par le temps en ce moment, mais la plongée dans un labyrinthe peut être très amusante. Alors que dirais-tu de former un groupe composé de nous deux et d’essayer ensemble un labyrinthe plus simple ? »

Un labyrinthe, hein ? Pour être franc, s’il n’y avait pas Geese, j’aurais probablement déjà marché droit dans un piège. Pourtant, si quelqu’un pouvait s’aventurer seul dans un labyrinthe, c’était bien Roxy. Elle avait l’habitude d’être maladroite, mais si je l’accompagnais, nous pourrions peut-être nous en sortir.

« Ça a l’air génial. Quand on sera de retour, pourquoi ne pas essayer ? », dis-je en acquiesçant.

« C’est une promesse. »

« Oui, une promesse. »

Du coin de l’œil, je pouvais voir Roxy serrer sa main en un poing.

« … Ah, je commence à avoir un peu sommeil. Je vais aller me reposer un peu », avait-elle dit.

« Bien sûr. Dors bien. »

Après quelques instants, je la sentais s’affaler contre mon dos.

J’avais accepté sa proposition dans le feu de l’action, mais s’aventurer dans un labyrinthe prenait plusieurs jours d’affilée. Je n’étais pas vraiment sûr d’en avoir l’occasion, puisque je devrais aider à l’éducation des enfants.

Mais bon. Ce n’était pas comme si nous devions décider de la bonne manière d’agir. Si j’avais le temps supplémentaire, alors nous pourrions le faire. Peut-être une fois que notre enfant serait un peu plus grand et que Sylphie et moi aurions plus de temps libre. J’aurais probablement plus de vingt ans à ce moment-là, mais ce ne serait pas un problème.

J’étais simplement heureux qu’elle m’ait invité à son groupe. C’était comme si elle reconnaissait mes compétences. Je devais faire attention à ne pas révéler mes défauts devant elle.

Alors que je réfléchissais à tout cela, je m’étais endormi.

Après avoir découvert le cercle menant au quatrième étage, nous avions fini de cartographier le troisième. Il n’y avait aucun signe de Zénith, alors nous avions décidé de continuer.

Les murs du quatrième étage étaient faits d’un type de pierre familier. Elle ressemblait aux ruines auxquelles nous avions accédé pour nous téléporter ici depuis les Territoires du Nord. Peut-être s’agissait-il de structures similaires, sauf que celle-ci s’était transformée en labyrinthe.

« Geese, comment cela se passe-t-il ? », demanda Paul.

« Hm ? Eh bien, on a l’air d’aller bien. »

« Super. Alors, allons explorer un peu le quatrième niveau avant de retourner à la surface », dit Paul froidement, regardant dans ma direction pendant que j’examinais notre environnement.

Quand Paul était au fond du trou, il avait l’air d’une cause perdue, mais il semblait assez suave quand il travaillait. Je ne serais pas surpris si c’était le côté pour lequel Zenith s’était laissé prendre. Si le même sang coulait vraiment dans mes veines, alors peut-être que Sylphie ne faisait pas que me flatter quand elle me faisait le même genre de compliments.

« Professeur, est-ce que j’ai l’air beau quand je suis sérieux ? », avais-je demandé brusquement.

Ça aurait pu sembler un peu narcissique.

Les yeux de Roxy s’étaient levés de dessous le bord de son chapeau.

« Huh ? Oh, uh, um… Bien sûr, tu es… beau ? » Elle tâtonna avec ses mots, puis détourna rapidement les yeux.

Ok. Cette réaction disait tout ce que j’avais besoin de savoir. Elle avait exprimé ses sentiments de manière évidente. C’était clairement une question inconfortable. Comme c’était impoli de ma part. Il semblerait que je me sois un peu emporté.

Si Roxy devenait super mignonne et me demandait : « Rudy, sur une échelle de 1 à 10, suis-je mignonne ? » Je lèverais joyeusement des bâtons lumineux dans chaque main et je dirais volontiers « 100 ! ».

Je serais au premier rang, ne vous y trompez pas.

Un homme ne se résumait pas à son visage, il y avait aussi son cœur. Il avait besoin d’un cœur d’acier rougeoyant et flamboyant. Un cœur qui pouvait assommer n’importe qui d’un seul coup de poing.

« Rudy… ennemis. »

J’avais levé les yeux pour voir deux monstres à quatre bras en armure s’approcher. Des guerriers en armure. Par ailleurs, ces monstres étaient considérés comme des morts-vivants. Les magies terrestres et divines fonctionnaient mieux contre eux. Le Canon de pierre, s’il était assez gros, pouvait réduire la plupart d’entre eux en pièces en un seul coup.

« Je vais commencer par le Canon de Pierre », avais-je dit.

« Attends, Rudy, tu ne peux pas. »

Roxy m’avait arrêté au moment où je levais mon bâton.

« J’ai entendu dire que le Guerrier Blindé utilisait le Style du Dieu de l’Eau. Si tu es imprudent avec ta magie, ils vont nous la renvoyer. »

Le Style du Dieu de l’Eau était quelque chose que je n’avais pas vraiment rencontré, mais c’était un style d’épée basé sur la déviation et le contrecoup des attaques. Et pour une raison inconnue, elle était également efficace contre la magie. Je ne savais pas trop comment, mais une de leurs capacités leur permettait de contrer la magie offensive avec la frappe d’une épée. D’ordinaire, je ne serais pas trop inquiet, mais ces types avaient quatre bras et n’étaient pas humains. Ils pourraient bien être capables d’engager quatre personnes à la fois et de réussir à contrer chaque attaque.

« Très bien alors, que devons-nous faire ? »

« Couvrons les autres pour les faire trébucher. C’est notre première combat contre cet adversaire. Nous devons être prudents. », proposa Roxy.

« Bien reçu. Père, je vais utiliser Bourbier. Fais attention à tes pieds ! »

« Entendu ! »

Ces monstres de type en armure avaient beaucoup de puissance et leurs compétences à l’épée étaient redoutables, mais ils étaient léthargiques. L’acier sur leurs corps était assez lourd pour qu’ils s’enfoncent facilement dans la boue. Ils risquaient de passer à travers le sol si mon sort était trop profond. Je ne pensais pas qu’il y avait un grand risque d’effondrement, mais il était quand même préférable de limiter au maximum les effets sur l’environnement. Aller jusqu’au genou était suffisant.

« Bourbier ! »

Leurs pieds s’enfonçaient alors qu’ils tentaient d’avancer, la boue les avalant jusqu’aux cuisses. Nos deux membres de première ligne s’étaient alors mis au travail.

« Paul, je prends la gauche », dit Elinalise.

« Entendu… »

Paul fit alors une pause.

« Attends, tu prends toujours la gauche. »

« Le mur se met en travers du chemin et rend le swing difficile. »

« Donc tu ne penses qu’à toi… Waouh, c’était juste ! »

***

Partie 2

Paul les manipula avec facilité. Il dévia une attaque arrivant avec son épée droite et sectionna rapidement l’un des bras du monstre avec l’épée courte dans sa main gauche. Leur armure semblait assez solide, mais apparemment cela n’avait pas d’importance. Les épéistes du style Dieu de l’Épée étaient des monstres. Ou peut-être que son épée courte était juste aussi tranchante.

Elinalise, d’un autre côté, semblait un peu dépassée. Elle ne subissait jamais beaucoup de dégâts de la part de son adversaire, mais il lui manquait le facteur offensive nécessaire pour porter un coup fatal.

« Faisons-les reculer. Rudy, libérons notre magie en même temps, dans la direction de Mlle Elinalise. », dit Roxy.

« Compris. »

J’avais levé mon bâton pour créer un canon de pierre. Maintenant qu’ils ne pouvaient plus bouger, ils n’avaient plus aucun moyen de s’échapper. Je n’avais aucune idée de la vitesse à laquelle mon attaque devait être lancée pour les empêcher de la dévier, et je ne le saurais jamais si je n’essayais pas.

« Monsieur Talhand ! »

« Je t’entends ! »

Il leva son bouclier et se dandina devant nous. Si un contre nous revenait dessus, il serait là pour l’absorber. Tant qu’il ne mourait pas instantanément, je pourrais utiliser ma magie de niveau avancé pour le soigner. J’espérais juste que toutes les attaques manqueraient ses organes vitaux.

« Canon de pierre ! »

« Majestueuse lame de glace, je t’invoque pour terrasser mon ennemi ! Lame de glace ! »

Bien que nos temps de lancement soient différents, nous avions libéré notre magie en même temps. L’un était un boulet de canon rond et l’autre, une épée de glace, presque comme l’attaque Ultra Slash d’Ultraman.

Notre adversaire en armure tenta de dévier les attaques. Deux de ses bras armés bougèrent, changeant sa position défensive. C’était l’occasion idéale pour Elinalise de le frapper avec son bouclier et de le déséquilibrer. Mon canon transperça l’un de ses bras, le sectionnant, tandis que la lame gelée s’enfonça profondément dans la poitrine de l’armure. Au même moment, Paul termina également son combat.

« Ça ne devrait pas être une grande surprise, mais ces monstres de rang A ne se laissent pas abattre facilement », avait-il commenté, bien que notre combat n’ait duré qu’une minute.

Nous ne les avions pas terrassés d’un seul coup, mais ce n’était pas un combat difficile. C’était ce que l’on attendait d’un homme qui avait atteint le niveau avancé dans les trois écoles d’escrime. En termes d’aptitudes, il avait probablement la capacité d’atteindre le niveau Saint.

Non, en fait, Paul était peut-être déjà aussi fort que n’importe quel épéiste de niveau Saint. La force des gens ne pouvait pas être mesurée uniquement par leur rang.

« Père, es-tu devenu plus fort que tu ne l’étais avant ? »

Oh, merde. Je venais de dire quelque chose qui allait booster son ego. Maintenant, il pourrait commencer à se vanter.

« Hm ? Non, pas du tout. Je suis plus faible maintenant que je l’étais avant. »

Mais Paul n’avait même pas souri. Il avait simplement jeté un coup d’œil dans ma direction avant de regarder devant lui.

« Allez, on y va. Et ne baisse pas ta garde. »

Les mots de Paul me firent réfléchir. Il avait raison. Nous étions dans un labyrinthe en ce moment. Je devais me ressaisir.

Mon père était vraiment cool aujourd’hui. Norn serait probablement ravie si je lui disais à quel point il était suave en action.

« Qu’est-ce que c’est ? »

Elinalise prit soudainement la parole en regardant le visage de Paul. Elle mit une main sur sa bouche et sourit.

« C’est quoi ce sourire, Paul ? C’est flippant. »

« Allez, tu n’as pas besoin de faire ce genre de commentaires », avait-il répondu en grommelant.

« Es-tu si heureux que Rudeus te fasse un compliment ? Oh, ne t’inquiète pas, je comprends. Heh heh heh… »

« Ça suffit, ferme-la. »

Non, je retire ce que j’ai dit. Paul est resté toujours le même.

Nous avions éliminé plusieurs autres Guerriers en armure après cela, puis nous avions commencé notre voyage de retour vers la surface. La remontée prit environ cinq heures à pied. Cette recherche allait nous prendre un certain temps. Je me demandais si Zenith pourrait vraiment tenir le coup pendant ce temps…

Non, nous ne pouvions pas nous précipiter. Nous devions éviter tout autre accident comme celui de Roxy.

Les choses se passaient tranquillement pour le moment. J’étais nerveux, mais pas trop. Je ne me sentais pas émotionnellement dépassé.

Nous étions dans une bonne position en ce moment. Garder ce rythme nous serait bien plus bénéfique.

Dès que nous avions atteint la ville, nous nous étions tous réunis pour une réunion.

Il y avait plusieurs objets dont nous aurions besoin pour notre prochaine aventure, alors nous avions commencé à les récupérer. J’avais également récupéré quelques parchemins spirituels supplémentaires, car nous étions à court. Comme on pouvait s’y attendre, étant donné qu’il s’agissait de la Cité-Labyrinthe de Rapan, la teinture pour cercles magiques et le parchemin étaient facilement disponibles. Créer des extra s’était avéré facile. Tout ce que j’avais à faire était d’en dessiner un pour l’utiliser comme référence, et Shierra ferait le reste. Apparemment, elle était assez douée pour cela, ayant déjà travaillé sur des parchemins pour l’église de Millis. Elle avait promis qu’elle pourrait avoir cinquante copies faites dans la journée. Ça, c’était prometteur.

Geese avait acheté des produits chimiques qui étaient censés être efficaces sur les monstres blindés. Il nous informa que ces produits, s’ils étaient bien utilisés, s’enroulaient autour des articulations des créatures et ralentissaient leurs mouvements. Lorsque j’avais suggéré de répandre de l’huile sur le sol pour les faire glisser puisqu’ils étaient si lourds, il avait ri, disant que c’était Paul qui atterrirait sur le cul. J’avais répondu par un « Je suppose que tu as raison » réfléchi, et Geese gloussa simplement.

Paul et Elinalise étaient allés chercher des armes. Apparemment, ils essayaient de trouver une épée bon marché pour Elinalise. Celle qu’elle utilise actuellement, son estoc, était un objet magique. Lorsqu’elle la brandissait, elle déclenchait une lame de vide, ce qui n’était pas le mieux adapté à la lutte contre les guerriers en armure, qui étaient tout de même un adversaire difficile à battre. Je pouvais comprendre pourquoi elle voulait une autre arme.

L’épée courte que Paul tenait dans sa main gauche était un objet magique qu’il avait acheté à Rapan. Elle avait la capacité de couper l’acier, ce qui signifiait que plus l’adversaire était difficile à trancher, plus l’épée devenait tranchante. C’était une capacité plutôt rare, à tel point que les gens du marché n’avaient pas été capables de l’identifier. Ils l’avaient traitée comme un couteau à beurre émoussé qui ne pouvait même pas scier de la viande séchée, et l’avaient pratiquement vendue pour quelques centimes.

Paul prétendait : « C’est ma vue perçante qui m’a permis d’identifier le véritable pouvoir de cette épée. » Mais j’en savais plus. J’avais lu la légende de Perugius au Village de Buena, et il y avait un guerrier dont l’arme possédait cette même capacité. Bien qu’incapable de trancher de la viande séchée, elle était capable de couper un morceau d’acier en deux. Paul avait dû savoir ce que c’était dès qu’il avait entendu la phrase disant qu’elle n’était même pas capable de trancher de la viande séchée.

Quoi qu’il en soit, je comprenais maintenant pourquoi ses attaques contre les Guerriers Blindés étaient si efficaces. Même s’il la maniait dans sa main la plus faible, il était toujours aussi puissant s’il frappait bien.

Elinalise acheta un seul glaive, qui avait apparemment la capacité d’émettre une onde de choc lorsqu’il était poussé en avant. Il ne faisait pas beaucoup de dégâts, mais il permettait à son porteur de prendre de la distance avec son adversaire en l’envoyant voler en arrière. Cela le rendait très utile, et il coûtait aussi une jolie somme, mais Elinalise avait simplement sorti un cristal rond, imprégné de magie, de sa poche et l’avait acheté. Combien de ces choses avait-elle sous la main ?

Ce soir-là, j’étais sorti boire avec Roxy et Talhand, ce dernier m’ayant invité en disant : « Tu es un adulte maintenant, alors tu peux aller boire, non ? »

Mais il était hors de question que je boive de l’alcool devant Roxy, alors je m’étais contenté de les suivre.

C’était censé être une réunion entre trois magiciens, mais à un moment donné, le « Professeur » Talhand commença à nous faire un cours sur « Ce qui fait d’un homme un vrai homme… » Les hommes étaient censés avoir des muscles. Des muscles superbes signifiaient un esprit superbe. Ce n’était pas une conversation pour les magiciens, mais c’était quand même significatif. Il avait tout à fait raison. Les hommes devaient être musclés et forts.

Roxy assista à la conversation en somnolant. Elle n’aurait pas pu être moins intéressée, mais ce n’était pas comme si je pouvais la blâmer.

Le lendemain, Lilia nous fit ses adieux alors que nous nous enfoncions à nouveau dans le labyrinthe.

Notre voyage jusqu’au quatrième étage s’était déroulé sans encombre. C’était en partie grâce à nos préparations élaborées et au changement de vitesse, mais nous avions aussi eu de la chance. C’était pratiquement une ligne droite tout le long du chemin jusque là. En termes de temps, cela n’avait pris que trois heures. Nous n’avions presque pas eu de problèmes avec les monstres.

Une fois arrivés, nous avions continué à cartographier le quatrième niveau plutôt que d’aller plus loin, mais à la surprise générale, Zenith était introuvable.

Comme nos provisions étaient encore en bon état, nous étions descendus pour commencer notre conquête du cinquième étage. À ce niveau, les Guerriers en armure avaient été rejoints par les Démons dévorants.

Le Diable Dévorant était un démon avec une bouche géante et des crocs acérés comme des rasoirs. Il avait également de longs membres et des griffes pointues qui lui permettaient d’escalader le plafond, un peu comme un extraterrestre dans une certaine franchise cinématographique. C’était un adversaire redoutable. Le fait qu’il puisse venir en sautillant depuis le plafond ou les murs signifiait que notre formation était inutile. Il passait juste au-dessus d’Elinalise et de Paul alors qu’ils affrontaient un guerrier blindé et se dirigeait vers nous. J’en avais des frissons dans le dos.

Cela dit, le Diable Dévorant lui-même n’était pas si fort que ça. Il était rapide, avec des attaques puissantes, mais ses défenses étaient faibles et il ne se battait pas beaucoup. J’avais été un peu surpris quand il fit son apparition, mais après l’avoir repoussé du mur, Elinalise plongea avec sa nouvelle arme et le combat se termina sans incident.

Et bien que le Diable Dévorant soit de rang A, nous nous étions habitués à ses mouvements inhabituels. C’était le guerrier en armure, avec sa force exceptionnelle, qui s’était avéré être l’adversaire le plus difficile. C’était quand même ennuyeux de devoir regarder en l’air pour repérer les Démons. Si votre attention était attirée par le plafond, vous ne repéreriez pas les pièges posés sur vos pieds. Et si vous marchiez négligemment sur un tel piège, vous pouviez être projeté vers Dieu qui sait où.

« Très bien, c’est l’heure de notre arme secrète », dit Geese.

Heureusement, nous avions notre guide. Il y avait une contre-mesure innovante pour ces parasites, enregistrée dans les pages du compte-rendu d’exploration du Labyrinthe de téléportations.

Les racines de l’arbre Talfro étaient vendues pour la consommation, mais si vous les brûliez comme de l’encens, les diables descendaient du plafond — ils détestaient cette odeur. De plus, ils essayaient de s’éloigner le plus possible de la fumée. Il était donc incroyablement facile de les combattre. En fait, avec cette méthode, ils n’étaient même pas de rang B, mais plutôt de rang C ! L’auteur de ce livre avait vraiment fait ses recherches.

Ce fut ainsi que nous avions franchi le cinquième étage en un rien de temps. Incapables de localiser le cercle menant à l’étage suivant, nous avions été obligés d’errer un peu, mais notre objectif n’était pas d’explorer l’endroit. Nous étions ici pour trouver Zenith. Tout allait bien. En fait, tout se passait à merveille pour nous.

Finalement, nous étions arrivés au sixième étage.

« Alors, Geese ? »

« On peut continuer. »

Geese donna une réponse courte à la question ambiguë de Paul.

Nous n’avions presque pas utilisé nos provisions, nous étions donc bien préparés. En plus, on était sur la bonne voie.

« OK, pas de retour en arrière. Alors, on continue. »

« Oui. »

Il n’y avait pas besoin de rentrer puisque nous avions des provisions et que nous étions prêts. Notre recherche allait continuer.

***

Chapitre 7 : Le cercle magique du sixième étage

Partie 1

Le sixième étage était rempli de Démons dévorants.

Les Guerriers en Armure avaient entièrement disparu, laissant seulement les ennuyeux rampants au plafond. Les combats se déroulaient sans problème grâce à l’encens, mais ils étaient encore beaucoup trop nombreux. Tellement, en fait, qu’il fallait se demander pourquoi ces choses étaient si nombreuses ici.

La raison en était devenue évidente au fur et à mesure que l’on empiétait sur les parties les plus profondes du sixième étage.

Là, dans la pièce menant au prochain cercle magique, se trouvait un nid. Un essaim de bêtes se pressait à l’intérieur, et d’innombrables œufs étaient posés sur les bords de la zone. C’étaient des formes sombres et oblongues, enduites de liquide, un peu comme les cafards de mon monde. J’avais des frissons dans le dos rien qu’en les regardant.

Peut-être qu’il y avait une reine quelque part et qu’elle utilisait Zenith pour aider à la naissance de ses œufs. Cette idée m’avait traversé l’esprit, mais rien n’indiquait que les Démons dévorants aient de telles habitudes. Ils se regroupaient, mais ils ne semblaient pas avoir de reine. Comme les cafards.

Quoi qu’il en soit, d’où venaient tous ces parasites, et quel était leur but ? Comment pouvaient-ils être si nombreux alors qu’il n’y avait pas de source de nourriture équivalente pour les faire vivre ?

« Professeur, que mangent des bêtes comme ça ? », avais-je demandé à Roxy.

« Bonne question. Il existe de nombreuses théories, mais j’ai souvent entendu dire qu’elles se nourrissaient de mana. »

« Mana ? »

Les forêts et les grottes avaient une forte concentration en mana, en plus d’être pleines de monstres. En y réfléchissant, Nanahoshi avait bien mentionné que cette énergie magique pouvait être trouvée dans toutes sortes de choses à travers ce monde. Le mana, cependant, ne pouvait pas être vu à l’œil nu, alors comment confirmer cette théorie ?

Attendez, il y a l’œil ressentant le pouvoir magique, ce qui voudrait dire que c’était vrai.

Pourtant, s’ils se nourrissaient vraiment de mana, alors ne serait-il pas logique qu’ils engloutissent mes sorts ? Le fait qu’ils ne puissent pas le faire devait signifier qu’il existe deux types de puissance magique : celle qui pouvait être consommée et celle qui ne le pouvait pas.

Maintenant que j’y pense, Paul m’avait dit il y a longtemps que les monstres étaient attirés par le cristal imprégné de magie au cœur d’un labyrinthe. Les cristaux étaient-ils vraiment si attirants pour les monstres ? Ceux d’ici n’essayaient même pas de creuser plus profondément. Tout ce qu’ils avaient fait était de créer un nid et de commencer à habiter l’endroit.

Eh bien, réfléchir à ce mystère ne me mènerait à nulle part pour le moment. Il y avait d’autres monstres, comme le Guerrier en armure, qui ne consommaient rien pour survivre. Je laissais les questions d’écosystème des monstres aux experts.

« Bon, peu importe ce qu’ils consomment, ça ne change rien au fait qu’ils attaquent les humains à vue. Détruisons ces œufs là où nous les trouvons, ou ils deviendront une épine dans notre pied lors de notre prochain retour », dit Roxy en s’attaquant froidement à leurs œufs.

Elle n’utilisa pourtant pas de la magie pour les empaler un par un, mais une épée courte. Son expression était la définition même de l’indifférence. J’aimais bien ce côté d’elle, moi aussi.

En tout cas, les monstres produisaient des œufs, hein ? Je m’étais demandé si les Guerriers en armure avaient aussi une progéniture. Je m’étais imaginé une version miniature d’eux, aussi grande qu’une poupée de feutre, portant une épée en jouet et se dandinant partout. J’imaginais leur maman blindée et leur papa blindé veillant sur eux avec bonheur. Puis, soudainement, des bruits de pas — un intrus. La maman et le papa en armure ordonnent à leur fils de se cacher alors qu’ils se rendaient sur le champ de bataille. Paul apparaît devant eux, son visage étant celui d’un démon. Il tua brutalement les parents avec une épée courte particulièrement efficace pour transpercer leur armure, un peu comme un pesticide contre les insectes. L’enfant en fut témoin et apprit ainsi que les humains étaient ses ennemis. Il grandit et se transforma en une bête qui attaquait les humains à vue.

Oui c’est vrai, c’était une pensée ridicule.

« Rudy, qu’est-ce que tu fais ? Aide-moi, s’il te plaît. », dit Roxy.

« Oh, d’accord. »

J’avais fait ce qu’on m’avait demandé, et j’avais commencé à casser les œufs.

Les trois autres pièces liées à celle-ci étaient également remplies de ces choses. Il n’y avait aucun signe d’éclosion, mais si c’était le cas, la larve essaierait de s’accrocher à n’importe quel humain qu’elle voyait.

Notre nettoyage s’était terminé assez tranquillement après ça, sans qu’une seule larve nouvellement éclose sorte pour essayer de s’accrocher à l’entrejambe de Roxy.

*****

Nous étions enfin arrivés dans les profondeurs du labyrinthe, l’endroit même dont il était question dans les dernières pages de notre livre. C’était une pièce spacieuse et carrée construite en pierre. Il y avait trois cercles magiques près de l’un des murs qui faisaient face à l’entrée de la pièce.

Si c’était tout, l’endroit n’aurait pas semblé spécial. Mais la pièce était absolument vide, à l’exception des cercles. Dans la pièce précédente, il y avait un essaim virtuel de Diables dévorants, et plus d’une centaine de leurs œufs par-dessus le marché. Pourtant, il n’y avait que ces cercles ici, comme s’il s’agissait d’une terre sainte où ni les œufs ni les bestioles qui les avaient engendrés n’osaient entrer. Un seul mot pouvait décrire suffisamment ce phénomène : anormal.

« C’est le boss » : dit Elinalise.

Paul est d’accord : « C’est vrai que cela dégage une drôle d’aura. »

« Rester vigilant », avait prévenu Roxy.

Tous les trois tenaient leurs armes près d’eux pendant qu’ils parlaient. Peut-être était-il courant que la pièce située juste avant la tanière du boss dégage une aura inquiétante.

« Eh bien, lequel ça va être ? »

Geese tenait notre guide dans une main et examinait chaque cercle. Tous les autres se tenaient à l’entrée en attendant.

« Je vais aider. »

J’avais proposé de me joindre à lui, en tant que personne ayant déjà assisté à la création de cercles d’invocation.

« Oui, ce serait génial », dit Geese.

Pour une raison quelconque, Roxy s’était glissée derrière moi. Sa présence sera au moins une source de réconfort.

« Comment ça se présente ? », avais-je demandé.

« Exactement comme le dit le livre. »

Un par un, j’avais vérifié chacun des cercles devant nous par rapport à ce qui était transcrit dans le livre. Le livre, d’ailleurs, disait ceci :

Il y a trois cercles magiques. Nous avons immédiatement su que deux d’entre eux étaient des cercles de téléportation aléatoires, nous avons donc utilisé une pierre pour marquer celui qui nous semblait correct, et nous avons sauté dessus. Cependant, c’était un piège. J’ai été transporté dans un espace inconnu, et je me suis retrouvé piégé entre des corps noirs et visqueux serrés les uns contre les autres. C’est ça, un nid de Diables dévorants. Dès qu’ils m’ont vu…

Je vous épargne la scène de combat qui suivit.

J’avais immédiatement repéré la pierre qu’ils avaient utilisée comme signe. C’était une pierre de la taille d’un poing, magnifiquement polie. Le nombre six était gravé sur sa surface. Nous n’avions rien vu de tel aux étages précédents.

« La voir ici m’émeut un peu. »

Geese fronça les sourcils.

« Tu crois ? Je dis que c’est juste de la malchance. Écoutez, patron, les choses comme ça, les objets laissés par un mort, ça porte la poisse. »

« La poisse ? »

« Oui, c’est ça. La poisse. »

« D’accord. Mais ce n’est pas comme si tout leur groupe avait été anéanti. », avais-je dit.

Pendant que nous parlions, j’avais continué à inspecter le cercle devant nous. Il ressemblait exactement aux cercles à double sens que nous avions utilisés pour aller et venir de nombreuses fois jusqu’à présent, et pourtant celui-ci était différent. Si vous marchiez dessus, il vous téléportait de manière aléatoire. Ou peut-être que vous n’aviez même pas besoin de marcher dessus, peut-être qu’une fois activé, il déformait tout ce qui se trouvait dans la pièce.

Cela signifiait que l’un des deux autres doit être la bonne option. Pourtant, les deux avaient très clairement les caractéristiques d’un cercle de téléportation aléatoire.

« Rudy, peux-tu dire lequel est le bon ? », demanda Roxy.

J’avais secoué la tête.

« Non, je n’en sais rien. Nanahoshi le saurait peut-être si elle était là. »

« Nanahoshi ? Qui est-ce ? »

« Une fille qui étudie la téléportation, ou plutôt l’invocation, à l’université. Elle en sait beaucoup sur les cercles magiques, donc elle pourrait être en mesure d’intervenir. »

« Pourrait-elle être… ton amante ? »

« Nanahoshi ? Pas possible. »

J’avais ri de sa question. Ce faisant, je m’étais dit Si seulement Nanahoshi était là. Ou Sylphie, ou même Cliff. Les deux premières auraient été impossibles, mais peut-être que j’aurais dû peut-être amener Cliff. Peut-être que je devrais retourner le chercher ? Mais ça prendrait trois mois pour faire l’aller-retour. Peut-être même quatre mois. Cliff n’était pas habitué à voyager autant.

Nah. Même si j’allais le chercher, il pourrait dire, « Je ne sais pas non plus. »

« En fait, j’ai fait des recherches sur la téléportation à l’université, mais je suis gêné de dire que je n’y comprends rien. », avais-je dit.

« Tu as fait des recherches sur la téléportation ? » demanda Roxy, surprise.

« Oui. »

« Je vois. J’aurais dû m’y attendre de ta part, Rudy. Tout le monde ne peut pas penser à cerner un problème à sa source plutôt que de chercher aveuglément des réponses. »

Elle semblait avoir mal compris. J’avais juste suivi les conseils de l’Homme-Dieu. Mais ce n’était pas comme si je pouvais vraiment partager cela avec Roxy, puisque mes motifs pour le faire étaient impurs. Il valait mieux ne pas dire certaines choses.

« Eh bien, c’est une conclusion évidente, en tant qu’élève du grand professeur Roxy. »

« Tu peux me féliciter si tu le veux, mais tu n’obtiendras rien en retour. »

Nous avions terminé notre examen des cercles.

« Eh bien, patron, vous avez trouvé quelque chose ? », demanda Geese.

« Non, rien. »

***

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