Mushoku Tensei (LN) – Tome 10

Table des matières

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Chapitre 1 : Soutien

Partie 1

J’offre ma fidélité à Sylphie, pensais-je en regardant la tache rouge laissée sur les draps. Sylphie m’avait donné quelque chose de précieux, et maintenant c’était mon tour. J’allais faire ce qu’elle voulait de moi. C’était ce que j’avais promis en utilisant un couteau pour découper la tache laissée sur le tissu.

Le problème était que Sylphie exprimait rarement ses sentiments. Je pouvais dire qu’elle voulait être avec moi, mais elle ne l’aurait probablement pas dit explicitement. Peut-être que ça avait quelque chose à voir avec le fait qu’elle soit la garde du corps de la Princesse Ariel. Devrais-je en parler à la Princesse ?

Préoccupé par ces pensées, j’avais pris le morceau de tissu que j’avais retiré des draps de lit, je l’avais mis dans une petite boîte que j’avais créée avec la magie de terre et je l’avais placée dans mon autel. Puis j’avais joint mes mains dans une prière.

Je m’étais enfin senti à nouveau humain.

◇ ◇ ◇

Le jour où j’étais complètement guéri était aussi le jour de notre séance de cours mensuel. Alors que j’étais aux anges, je m’étais séparé de Sylphie, qui marchait avec ses jambes légèrement arquées, et j’avais jeté un coup d’œil dans la classe. A l’intérieur se trouvaient Zanoba, Julie, Linia, Pursena, et enfin Cliff. Comme d’habitude, Nanahoshi n’était pas là.

« Bonjour, Maître. »

« Bonjour, Grand Maître. »

Zanoba et Julie me saluèrent dès qu’ils me virent. Je m’étais alors rendu compte que Julie était plutôt mignonne. Elle allait avoir sept ans cette année. Elle était encore toute petite, mais était déjà mignonne, avec ses cheveux orange qui frisaient vers l’extérieur aux extrémités.

Et alors que je lui tapotais la tête, Julie me regarda avec surprise, mais elle baissa immédiatement son regard et se mit à trembler.

On aurait dit qu’elle avait encore peur de moi. Bon, ce n’était pas comme si j’allais la manger…

« Bonjour, Zanoba. Julie. »

Dès que je les avais salués en retour, Zanoba inclina la tête en faisant un « Hm ? » audible. Il me demanda alors ceci : « Maître, t’est-il arrivé quelque chose de bien ? »

« Quoi ? »

Il l’avait donc remarqué. Zanoba s’était toujours montré inquiet pour moi, j’avais donc voulu lui annoncer la bonne nouvelle le plus tôt possible. Cependant, si j’avais le droit d’annoncer que mon impuissance était guérie, j’aurais du mal à répondre si on me demandait comment c’était arrivé. Je ne pouvais pas révéler la véritable identité de Sylphie.

J’avais pris un siège pendant que je réfléchissais à la question.

« Yo, Patron. Bonjour, miaou. »

« Bonjour. Miam, miam… »

Linia et Pursena avaient pris place comme d’habitude, Linia posant sa jambe jeune et tonique sur son bureau, et Pursena, dont l’uniforme était si serré contre ses courbes qu’il menaçait d’éclater, grignotait un morceau de viande séchée. J’avais pensé à la façon dont j’avais touché leurs poitrines, fait glisser leurs sous-vêtements trempés et jeté un coup d’œil à la terre promise qui se trouvait en dessous. Soudainement, les deux avaient l’air plus mignonnes.

« Miaou ?! »

« Putain ! »

Elles s’étaient couvert le nez au moment où je m’étais approché. Hein ? C’était quelque peu choquant. C’était probablement cette odeur dont elles parlaient toujours, celle de l’excitation. J’étais enfin de retour aux affaires après plusieurs longues années, l’odeur devait donc être probablement intense.

« Que devons-nous faire ? On dirait que le Patron ne peut plus se contrôler. », demanda Pursena.

« Je croyais que son truc en bas ne fonctionnait pas, miaou ? »

« Ça doit être dû à mon charme irrésistible. Je suis une fille si pécheresse. »

« Alors tu seras sa proie, Pursena, miaou ! Laisse-moi m’occuper de notre village, miaou. »

« Non, non. C’est peut-être toi qu’il cherche, Linia. »

« Mais si tu deviens la femme du patron, tu pourras contrôler le monde entier, miaou ? Tu pourras avoir un buffet de viande quotidien, miaou. »

« … Je… Je suppose donc que je n’ai pas le choix. Je dois le faire pour te protéger. »

Pursena s’était ressaisie après cet étrange échange et s’était approchée de moi. Elle battit des cils de façon adorable et souleva ses seins pour les mettre en valeur.

« Hee hee… Je veux que tu m’aimes… Aïe ! »

Je lui donnais alors un coup de main sur la tête. Qu’est-ce que c’était que ce « hee hee » ? Essayait-elle de se moquer de moi ?

« Assieds-toi. Je ne vais toucher aucune de vous deux. »

Pursena leva ses mains de manière protectrice au-dessus de sa tête et, la queue repliée entre ses jambes, prit place à côté de moi. Il était rare qu’elle s’approche de moi. Linia, quant à elle, s’était glissée dans un siège voisin, juste hors de ma portée. Elle était étonnamment prudente. C’était le contraire de leur comportement habituel.

« Rudeus, qu’est-ce qui ne va pas ? Tu sembles différent de la normale. », dit Cliff en hochant la tête.

Apparemment, ce que l’on disait sur la façon dont le sexe changeait les hommes était vrai. Bien que ce ne soit pas comme si c’était ma première fois.

« Différend dans quel sens ? », avais-je demandé.

« C’est presque comme si… tu débordais de confiance ? Je suppose que c’est comme ça que je le ressens. »

Je jetais un coup d’œil à Zanoba, qui acquiesça. De l’assurance, hein ? En y réfléchissant, l’Homme-Dieu avait dit que je devais retrouver ma confiance en tant qu’homme. C’était donc à ça qu’il faisait référence ? Je n’avais cependant pas vraiment pensé que je me sentirais plus confiant que d’habitude.

« Eh bien, tout le monde, merci pour tout ce que vous avez fait pour moi. Je ne peux pas entrer dans les détails, mais ma maladie a enfin été guérie. »

Ma déclaration suscita quelques « oh » de la part de la foule. Zanoba hocha la tête d’un air satisfait et Cliff me tapa sur l’épaule. Linia et Pursena avaient échangé un regard, tandis que Julie inclina simplement la tête en signe de confusion.

« En tout cas, félicitations. »

« En effet. Félicitations, Maître. »

« Félicitations. »

« Félicitations, miaou. »

Pour je ne ne sais quelle raison, ils étaient alignés autour de moi et applaudissaient. Il était vrai que c’était une occasion spéciale, mais c’était quand même un peu gênant, presque comme le dernier épisode d’une certaine série animée. Peut-être que l’ordre dans lequel ils m’avaient félicité était l’ordre dans lequel ils allaient mourir.

« Mais si le Patron a été guéri, cela va créer des problèmes, miaou. La chasteté de toutes les étudiantes est en péril maintenant, miaou. »

« Ne t’approche pas trop de lui, sauf si tu veux tomber enceinte. »

Linia et Pursena faisaient des déclarations obscènes.

« Quelle impolitesse ! Je suis un gentleman. »

C’était bien gentil, mais je n’allais pas poser mes mains sur quelqu’un d’autre que Sylphie.

◇ ◇ ◇

Une fois la classe terminée, je m’étais dirigé vers la salle du personnel pour m’inscrire à des cours supplémentaires. Je voulais rattraper le temps que j’avais perdu durant notre voyage de l’autre jour. L’air dans la salle était glacé quand j’étais entré.

Le vice principal Jenius m’avait arrêté.

« Monsieur Rudeus, s’est-il passé quelque chose ? »

J’avais maintenant vraiment l’impression que quelque chose avait changée en moi. Mais pour être vraiment franc, c’était un peu embarrassant.

« Un problème qui me préoccupe depuis trois ans a enfin été résolu. Je me sens soulagé maintenant, c’est tout. »

Il hocha la tête et m’adressa un sourire tendu : « Oh, vraiment ? Heureux de l’entendre. Dans ce cas, envisagez-vous de quitter l’université ? »

« Hein ? », avais-je dit en penchant la tête.

En y réfléchissant, il avait raison. Je m’étais inscrit ici dans le but de guérir mon impuissance. Maintenant que c’était fait, ce serait une bonne idée de me rendre à Begaritt pour retrouver ma famille. Mais…

beaucoup de choses s’étaient passé l’année dernière. J’avais été réuni avec Zanoba et nous avions adopté Julie. J’étais devenu ami avec Linia et Pursena, et je m’étais aussi lié avec Cliff. Et puis il y avait Nanahoshi, la fille de mon ancien monde qui avait été transportée ici. J’avais le sentiment que notre rencontre n’était pas une coïncidence. Le véritable objectif de l’Homme-Dieu était peut-être même de m’amener ici pour que je rencontre Nanahoshi, Sylphie n’étant que la cerise sur le gâteau.

Bien sûr, Sylphie était ce qui comptait le plus pour moi. Un garde du corps de la Princesse ne pouvait qu’être confronté au danger, et même si je n’avais pas grand-chose à offrir, je voulais la protéger de toutes mes forces.

La Princesse Ariel était actuellement dans sa cinquième année. Elle resterait probablement jusqu’à la remise des diplômes, mais je me demandais ce qu’elle avait prévu après cela. Si elle avait l’intention de retourner au Royaume d’Asura, serait-il bon pour moi de les accompagner ? Maintenant que ma maladie était guérie, je sentais que je devais prendre contact avec Paul avant de me déplacer à travers le pays. Je lui avais régulièrement envoyé des lettres depuis que je m’étais inscrit ici. Je n’avais aucun moyen de savoir si l’une d’entre elles lui était parvenue, mais si c’était le cas et qu’il y répondait, sa réponse me manquerait si je quittais l’université.

J’avais donc décidé d’attendre pour le moment. Au minimum, je resterais dans cette ville jusqu’à ce que je reçoive une réponse de Paul.

« Non. Je ne suis pas sûr de rester jusqu’à l’obtention du diplôme, mais je vais continuer ici en tant qu’étudiant pour le moment. », avais-je dit à Jenius.

« Oh vraiment ? Heureux de l’entendre », avait-il dit avec un sourire crispé. Je ne pouvais pas dire si ce sourire signifiait qu’il était heureux ou non.

◇ ◇ ◇

Même si mon impuissance avait été guérie, Nanahoshi n’y avait pas fait attention. Nous ne conversions pas beaucoup, alors peut-être qu’elle ne faisait pas vraiment attention à moi.

Même lorsque nous parlions, je ressentais souvent le fossé générationnel entre nous. Une fois, j’avais abordé le sujet d’une certaine collégienne qui punissait les gens au nom de la lune. J’étais convaincu que Nanahoshi reconnaîtrait la référence, mais s’était contentée de hocher la tête comme pour me dire : « Mais de quoi parles-tu ? » Apparemment, les enfants de nos jours n’avaient jamais entendu parler de Sailor Moon. Nanahoshi était même apparemment une lectrice assidue de mangas et de romans. Je lui avais demandé si elle connaissait la série où les personnages rassemblaient sept boules de dragon, mais elle m’avait répondu qu’elle en avait entendu parler.

Dans notre monde précédent, elle avait dix-sept ans et moi trente-quatre. J’avais donc deux fois son âge. Elle était aussi arrivée dans ce monde dix ans après moi, donc nos âges cumulés étaient encore plus éloignés maintenant.

Je ne pouvais rien y faire. C’était juste le fossé entre les générations. Quant au fait de ne pas connaître Sailor Moon, c’était peut-être une évidence, vu les dates de diffusion de la série à la télévision. Pourtant, cela m’avait surpris. C’était peut-être ce manque de points communs qui avait fait que la question suivante s’était échappée de ma bouche.

« Mlle Nanahoshi, qu’attendrais-tu d’une personne si tu dois sortir avec elle ? »

Sa main glissa involontairement. Elle chiffonna alors le papier sur lequel elle griffonnait et le jeta.

« Qu’est-ce qui te prend subitement ? Tu parles d’amour ? »

« Quelque chose comme ça. »

« Au cas où je ne me serais pas fait comprendre, je veux rentrer chez moi le plus vite possible. Peux-tu prendre ça au sérieux ? Tu es toujours en train de bavarder. On avancerait plus vite si tu te taisais et si tu bougeais tes mains au lieu de ta bouche. »

Malgré ce qu’elle disait, Nanahoshi ne détestait pas le badinage. En fait, elle était parfaitement ouverte à un petit bavardage ici et là pendant que nous travaillions, tant que cela restait à un niveau raisonnable. Le fait qu’elle ait répondu de cette façon ne pouvait signifier qu’une chose.

« Cela signifie-t-il que tu es l’une de ces personnes ? Quelqu’un qui n’a aucune expérience romantique ? »

« Tch ! »

Elle avait claqué sa langue durement.

« Même moi, j’ai déjà été amoureuse. Mais on s’est battus et ça s’est terminé comme ça. »

En y réfléchissant, n’était-elle pas en pleine querelle d’amoureux lorsqu’elle avait été convoquée ici ? Je ne savais pas si elle n’aimait qu’un seul de ses prétendants, ou si elle était la vedette de son propre harem inversé, mais qu’elle ait l’intention de s’excuser ou de poursuivre leur dispute, elle devait quand même rentrer chez elle.

En fait, maintenant que j’y pense, il y avait de fortes chances que les deux autres aient été transportés ici également. Mais je n’avais pas entendu de rumeurs sur des gens comme ça en dehors de Nanahoshi, il était donc également possible qu’ils ne l’aient pas été. Là encore, la probabilité de survie après avoir été jeté dans ce monde tout seul et sans mana serait… Non, je ne devrais pas dire ça. Peut-être que Nanahoshi avait déjà fait ces calculs, en se basant sur la chance qu’elle avait eue d’arriver jusqu’ici… et sur ce qui arriverait à quelqu’un s’il n’était pas aussi chanceux.

Les lèvres de Nanahoshi s’étaient durcies en un froncement de sourcils alors qu’elle marmonnait : « Si la personne que tu aimes reste à tes côtés, c’est amplement suffisant. »

On aurait dit qu’elle passait un moment difficile. Je n’aurais pas dû demander.

***

Partie 2

C’était la pause déjeuner, mais je n’étais pas allé à la cafétéria. J’avais à faire ailleurs aujourd’hui, plus précisément dans la salle du conseil des élèves. Si je devais avoir une véritable relation avec Sylphie, je devais le faire savoir à Luke et à la Princesse. Ils avaient travaillé pour que nous soyons ensemble, donc dans un sens, ils avaient déjà approuvé notre relation. Mais je voulais que mes intentions soient claires.

Je m’étais rendu au dernier étage du bâtiment principal, où se trouvait une porte un peu fantaisiste sur laquelle étaient gravés les mots Salle du conseil des élèves. J’avais frappé.

« Qui est là ? »

C’était la voix de Luke.

« Rudeus Greyrat. Il y a un certain sujet dont j’aimerais discuter. »

Après un bref silence, j’avais pu entendre la clameur paniquée des pas. Je n’avais après tout pas pris rendez-vous. Peut-être que c’était ma faute.

« E-Entrez ! »

Sur l’ordre légèrement agité de Luke, j’avais ouvert la porte et j’étais entré.

La Princesse Ariel était assise sur une chaise de luxe, ses magnifiques cheveux blonds tressés derrière sa tête. Bien qu’elle soit évidemment magnifique, son corps était plutôt moyen pour son âge. Elle avait la même quantité de muscles que n’importe quelle autre fille, avec des seins qui n’étaient ni gros ni petits.

Sylphie, avec ses lunettes de soleil, se tenait au garde-à-vous à côté de la princesse. Elle avait l’air très digne lorsqu’elle travaillait. Et pimpante, presque comme un officier militaire. La petite timide pleurnicheuse n’était nulle part, pas plus que la fille douce et légèrement enfantine à laquelle j’étais habitué. Elle semblait presque froide. Non, elle était en fait plutôt cool.

C’était logique. Si c’était l’image qu’ils voulaient que « Fitz » projette, il valait mieux que Sylphie reste silencieuse.

« C’est un plaisir de faire votre connaissance. Mon nom est Rudeus Greyrat. »

J’avais fait la révérence du noble, m’étais agenouillé devant elle et avais baissé la tête. Je n’avais pas appris l’étiquette à utiliser pour saluer la royauté, mais c’était probablement suffisant.

« Ce n’est pas le palais royal ici. Nous ne sommes tous deux que des étudiants. Veuillez lever la tête. »

J’avais levé la tête à sa demande. Mais comme je ne voulais pas risquer d’embarrasser Sylphie, j’étais resté agenouillé. Il serait sage de rester humble devant le patron de ma partenaire.

« Alors, qu’est-ce qui amène quelqu’un d’aussi renommé dans cette école que vous, Maître Rudeus, devant moi aujourd’hui ? »

Je pouvais sentir mon cerveau picoter en écoutant sa voix. C’était agréable. Voilà donc ce que les gens appelaient le charisme, hein ? Ou peut-être était-elle aussi une enfant bénie. Je pouvais facilement croire qu’il existait un Enfant béni dont la voix ressemblait à une magie qui hypnotisait l’auditeur.

« Je suis sûr que Sylphie — je veux dire Sylphiette — vous a déjà raconté pas mal de choses. Je suis venu ici dans l’espoir d’en discuter plus longuement avec vous. »

La Princesse Ariel avait une expression sérieuse. Bien qu’elle se soit retirée à l’université, elle n’avait apparemment pas renoncé au trône. Au moins, c’était la raison pour laquelle elle prenait de telles mesures pour établir des connexions avec des personnes puissantes pendant son séjour ici.

« Sylphie a guéri ma maladie. J’ai entendu dire que vous l’avez aidée, Votre Altesse. Donc si vous deviez avoir besoin de mon aide, n’hésitez pas à me la demander. », avais-je poursuivi.

Ariel digéra lentement ces mots. Puis elle jeta un coup d’œil à Luke, qui hocha la tête avant de dire : « Je pensais que vous évitiez les luttes de pouvoir des nobles d’Asura ? »

« C’est vrai que je n’ai aucune envie de me retrouver au milieu de querelles politiques. Mais si quelqu’un qui m’est cher est impliqué, cela change les choses. »

J’avais regardé Sylphie après avoir dit cela. Ses joues s’étaient colorées.

« Je ne peux pas rester là alors qu’elle pourrait être en danger. »

« Aha. »

Ariel avait l’air surprise. Luke aussi. Avais-je dit quelque chose d’étrange ?

« N’avez-vous aucune affection pour les Notos, la famille que votre père a fuie ? Ou pour le Boreas, qui vous a donné des ordres ? », dit Luke.

« Je trouve regrettable que le seigneur Sauros ait été exécuté, mais à part ça, pas particulièrement. »

Quelque chose dans cette conversation n’était pas normal. Ah, attendez ! Avaient-ils supposé que je détestais la famille Boreas ? Ce n’était pas du tout le cas. Ils m’avaient très bien traité, et je leur devais une dette de gratitude. Enfin, Éris m’avait abandonné, mais c’était une autre histoire.

« Bien que… Maître Luke semble ne pas m’apprécier », avais-je ajouté.

Luke fronça les sourcils.

« C’est parce que vous êtes un idiot stupide qui ne comprend pas ce que ressentent les filles. »

« Je n’ai rien à dire sur le sujet. »

Après tout, je n’avais même pas réalisé que Sylphie était une fille durant toute une année. Je n’avais rien à dire pour défendre mon étourderie.

« Et toi, tu es un merdeux qui joue avec les sentiments des filles, Luke », dit Sylphie dans un murmure étouffé.

C’était une surprise. Et c’était étonnamment dur de sa part. Ou alors n’était-elle timide qu’avec moi ? Luke et Sylphie étaient camarades depuis six ans, ce qui signifiait que Luke avait passé plus de temps avec elle que moi. C’était peut-être pour ça qu’elle se sentait assez à l’aise avec lui pour ne pas retenir ses mots.

Sincèrement, ça m’avait rendu un peu jaloux. Je me demandais si elle finirait par atteindre ce niveau de confort avec moi.

« Quoi, alors même que tu n’as pas l’ombre d’un sex-appeal, tu vas prendre le parti des filles ? », demanda Luke.

« Moi aussi, j’ai du sex-appeal. Après tout, Rudy m’a remercié. N’est-ce pas, Rudy ? », avait-elle répondu en me regardant pour que je l’aide.

Ça ne me dérangeait pas d’entrer dans leur routine comique assez longtemps pour dire « Et c’est tout, les amis ! ». Mais rien que l’idée de le faire devant la Princesse Ariel me mettait mal à l’aise. Je l’avais regardée, réalisant soudainement qu’elle avait des miettes de pain autour des lèvres. Elle devait être en train de déjeuner quand j’étais arrivé.

« Taisez-vous, tous les deux, s’il vous plaît », dit la princesse.

Sylphie et Luke s’étaient tus. J’avais l’impression que c’était un échange familier pour eux.

« Rudeus Greyrat. Cela me réconforterait grandement de savoir que nous pouvons compter sur votre aide. »

« Je suis heureux de l’entendre », avais-je dit.

« Très bien. »

La Princesse Ariel jeta alors un coup d’œil à Sylphie. Puis son expression s’assombrit, comme si elle trouvait sa prochaine question difficile à poser.

« Que comptez-vous faire ? »

« Faire ? Qu’est-ce que vous voulez dire ? »

« Je m’excuse d’être brusque, mais j’ai entendu parler de votre objectif en venant dans cette école. J’ai été surpris d’apprendre que vous étiez ici pour un traitement médical, mais vous avez maintenant atteint votre objectif, hein ? »

« … Effectivement. »

En d’autres termes, mon impuissance était guérie. Je n’avais aucun doute là-dessus. J’avais atteint mon objectif. Ce qui voulait dire que mon prochain objectif devrait être de retrouver Paul. C’est à ça qu’elle faisait référence, non ?

« Je dois encore rechercher les membres de ma famille disparus. Si vous avez l’intention de partir immédiatement pour le Royaume d’Asura et d’y revendiquer le pouvoir politique, je ne pourrais pas vous aider. », avais-je ajouté.

« Oui, je suis consciente de cela. Je ne vois pas d’inconvénient à ce que vous attendiez pour m’aider que vos problèmes familiaux soient réglés. »

J’étais reconnaissant pour cela, bien que cela signifiait que je lui serais redevable à l’avenir. Avec un peu de chance, j’aurais au moins réglé les choses avec Paul avant qu’elle n’obtienne son diplôme. Il ne me restait plus qu’à retrouver Zenith, et Elinalise m’avait assuré qu’elle n’était pas en danger.

« Alors, qu’est-ce que vous comptez faire ? »

« Pardon ? »

J’avais un peu penché la tête, ne sachant pas de quoi elle parlait. Je venais de lui dire ce que j’allais faire, n’est-ce pas ? Avons-nous en quelque sorte remonté le temps ?

« Qu’est-ce que vous voulez dire ? »

« Ne me dites pas que maintenant que votre impuissance est guérie, vous allez juste dire au revoir à Sylphie et partir à la recherche de votre père ? »

« Il est évident que je ne ferais pas une chose pareille ! Je vais être avec elle ! »

J’élevai la voix sans le vouloir à cette suggestion impensable. Il était hors de question que je me laisse séparer de Sylphie. Pas question !

Je comprenais cependant pourquoi Ariel posait la question. Les voyages prenaient tellement de temps dans ce monde que cela pourrait prendre des mois, voire des années, avant que je ne retrouve Paul, et même si je pouvais revenir avant que la princesse ne se lance sérieusement dans la course au trône, il serait difficile d’emmener Sylphie. Après tout, elle avait déjà son propre emploi à plein temps en tant que garde du corps de la Princesse Ariel.

« Alors, qu’est-ce que vous comptez faire ? »

« … »

« Vous ne laisseriez pas Sylphie être une marchandise endommagée, sans prendre aucune responsabilité personnelle, pas vraie ? »

« Bien sûr que je vais en prendre la responsabilité. »

Ma réponse avait été instantanée. En partie parce qu’elle l’avait provoquée, en partie parce que ma décision était déjà prise.

« Je vais l’épouser. »

Sylphie plaqua une main sur sa bouche devant ma déclaration sans retenue. Luke hésita, rompant sa posture formelle alors que le choc se lisait sur son visage. Même Ariel avait l’air complètement abasourdie. J’avais encore dit quelque chose de bizarre ? Ils avaient peut-être pensé que j’allais trop vite.

« Allez-vous épouser Sylphie ? »

« Oui. »

Évidemment c’était assez rapide. Je n’avais réalisé que récemment que Maître Fitz était en fait Sylphie. Une partie de moi pensait qu’on devrait sortir ensemble pendant plusieurs mois, pour apprendre à mieux se connaître d’abord. De plus, si nous nous marions, je ne pourrais pas partir à l’improviste, même si je recevais une lettre urgente de Paul. Pourtant, même en tenant compte de tout cela, je pensais ce que j’avais dit.

J’avais repensé à Éris. Sylphie pourrait aussi me quitter si je tournais encore une fois autour du pot au lieu d’être clair et honnête sur mes sentiments. Je ne pensais pas pouvoir encaisser un autre coup comme celui-là. Je ne laisserais rien au hasard cette fois-ci.

« Le mariage. Quelle magnifique décision ! »

La princesse Ariel hocha la tête en signe de satisfaction et regarda Sylphie.

« Sylphiette Greyrat. »

« Quoi ?! Huh ?! Greyrat… Quoi ?! »

Sylphie s’était énervée.

« Il a dit ce qu’il voulait faire, qu’en est-il de toi ? »

« O-oui ! Moi, Fitz — je veux dire moi, Sylphie — je continuerai à te servir comme je l’ai toujours fait, Princesse, et je veux aussi travailler dur en tant que femme de Rudy — je veux dire Rudeus ! »

« Maintenant que Rudeus a dit qu’il te prendrait pour épouse, ma protection n’est-elle pas inutile ? »

« Princesse Ariel, s’il te plaît, ne dit pas ça. »

« … Merci. »

Après un moment de silence significatif, Ariel poussa doucement Sylphie.

Sylphie était venue vers moi, se grattant l’oreille avec embarras. Comme c’était mignon. Ça m’avait donné envie de lui lécher l’oreille. Je m’étais retenu pour l’instant, nous étions après tout devant la princesse Ariel.

« Um, uh, um, R-Rudy, um, je me réjouis de notre futur ensemble. »

« Oui, moi aussi. »

Nous nous étions maladroitement inclinés l’un vers l’autre.

Pendant quelques minutes, Sylphie s’était agitée avant de se retourner. Elle et la princesse se regardaient fixement. Puis la princesse prit soudain la parole.

« Sylphie, puisque tu vas devenir la femme de Rudeus, tu n’as plus besoin de t’habiller en homme. Retourne t’habiller comme une femme. »

Je l’avais interrompu : « Mais sans Maître Fitz comme couverture, elle… »

« En échange, Rudeus, je vais utiliser votre nom. Il n’y a pas une personne par ici qui n’ait pas entendu parler de vous, et beaucoup pourraient tirer leurs propres conclusions lorsqu’ils apprendront que je vous ai confié mon bras droit. »

Elle voulait probablement dire que puisque Sylphie et moi serions ensemble, les gens pourraient penser que j’étais lié à la princesse. Donc, au lieu de se servir de mes pouvoirs magiques, elle se servirait de ma réputation. Le résultat final était à peu près le même, mais la façon dont elle l’avait formulé était amusante.

« Je serais tout aussi d’accord pour vous servir dans le cadre d’un rôle officiel. »

Je devais retrouver Paul à un moment donné, mais c’était une autre affaire. J’étais d’accord pour qu’elle fasse une déclaration définitive sur ma loyauté — même si ce n’était pas en tant que sympathisant de sa cause, mais plutôt en tant que personne liée à elle par Sylphie.

« Inutile. Votre pouvoir est bien trop grand pour que mes mains puissent le contenir. »

Je ne suis pas sûr d’être aussi fort, avais-je pensé, dubitatif. Mais ce serait quand même pénible d’avoir à la suivre partout et à devoir faire ses courses. J’avais décidé de la croire sur parole.

« Et bien sûr, s’il vous arrivait quelque chose, vous êtes libre d’utiliser mon nom en cas de besoin. Malgré ma situation actuelle, le nom de la deuxième Princesse du Royaume d’Asura pourra vous être utile. »

« J’apprécie cela. »

Ça ne faisait jamais de mal d’avoir plus d’amis haut placés. Ce n’était pas non plus comme si j’obtiendrais des choses gratuitement. Je ne doutais guère qu’elle hésiterait à faire appel à mon aide lorsqu’elle serait prête à passer à l’action, mais je décidai de ne pas m’attarder sur cette partie pour le moment.

Sylphie enleva ses lunettes de soleil, inclina la tête et dit : « Princesse Ariel, Luke… merci pour tout ce que vous avez fait pour moi. »

J’avais suivi son exemple et m’étais également incliné.

Et ainsi, j’étais devenu membre du cercle intime d’Ariel, et le fiancé de Sylphie.

***

Chapitre 2 : Les choses à préparer avant le mariage

Partie 1

Le mariage. C’était un domaine inexploré dans ma vie antérieure. Cette perspective me rendait anxieux. Aussi important que cela soit pour moi, pouvais-je vraiment le faire et me marier sans régler les choses avec ma famille ? Ils me pardonneraient probablement s’il savait que mon mariage était la raison de mon retard. De plus, je me réjouissais de tout ce qu’un mariage impliquerait. Rien que de penser à planter mes crocs dans cette douce jeune fille me mettait l’eau à la bouche… même si je laissais bien sur Sylphie donner le ton.

Il y avait juste un problème. Maintenant que j’y pense, je ne savais pas comment le mariage fonctionnait dans ce monde. Je n’avais jamais vu de cérémonie de mariage. Paul n’en avait pas eu quand il avait épousé Lilia. Ce fut juste une fête à laquelle tout le village avait été invité. Les nobles organisaient probablement des fêtes similaires à l’annonce de fiançailles, mais je n’avais jamais vu de véritable cérémonie de mariage.

Que signifiait le mot « mariage » ? Que devait faire un homme marié ? J’avais passé seize ans dans ce monde, et je ne savais toujours rien sur cette chose assez basique.

Non, attendez. Ne rien savoir était une bonne chose. Je pouvais apprendre. Si je ne connaissais pas les réponses moi-même, je pouvais simplement demander.

J’avais commencé par interroger Zanoba — vingt-six ans et déjà divorcé — à ce sujet pendant le dîner à la cafétéria.

« Le mariage, hein ? Quand je me suis marié, j’ai envoyé un cadeau sous forme de bétail, de troupes et de nourriture au foyer de mon partenaire », dit Zanoba.

Il était de coutume dans le Royaume de Shirone que l’homme envoie des cadeaux de célébration à la famille de la mariée.

« Mais tu es un prince. Ne devrais-tu pas être celui qui reçoit les cadeaux ? »

« Hm ? Que vous soyez de la famille royale ou non ne fait aucune différence. L’homme est évidemment celui qui devrait envoyer des cadeaux. »

Ce fut alors que Cliff mit son nez dedans.

« C’est l’inverse à Millis. La femme reçoit une dot à fournir à son mari. »

Il dînait avec nous assez souvent ces derniers temps. Il n’avait pas beaucoup d’amis, il devait donc se sentir seul.

« Hmm. La famille de la fille ne perd-elle pas trop ? », avais-je dit.

« En échange, l’homme est tenu de fournir une assistance si la famille de sa femme en a besoin. »

« C’est donc comme ça que ça marche. »

Millis et Shirone semblaient tous deux mettre en avant un lien fort entre les familles.

« Mais les coutumes de mariage varient selon les races », poursuivit Cliff.

« Et les elfes ? », avais-je demandé.

« Je n’ai pas encore épousé Lise, alors je ne sais pas. J’ai promis d’attendre jusqu’à ce que je lève sa malédiction. Mais elle n’est pas comme la plupart des elfes, donc je doute qu’elle soit trop pointilleuse sur le maintien de la tradition. »

Il allait donc avoir une longue attente devant lui.

On avait déjà beaucoup discuté, et toujours aucune mention d’une cérémonie. Je commençais à penser que le concept n’existait pas dans ce monde.

« Donc, si je devais me marier avec quelqu’un, de quoi aurais-je besoin ? »

« Voyons voir… Tout d’abord, une maison, non ? », suggéra Cliff.

« En effet. », acquiesça Zanoba.

« Quoi ? Une maison, dès le départ ? », avais-je demandé, un peu incrédule.

« Pourquoi te marier si tu n’as même pas de maison ? »

Un coup d’œil à Zanoba, qui acquiesçait aux paroles de Cliff, m’avait appris qu’il était du même avis. En y réfléchissant, Paul avait déménagé au Village Buena quand il s’était marié. Jusque-là, il était un aventurier vivant dans une auberge, et avait dû demander l’aide de Philip pour obtenir une maison et un travail stable.

« De plus, les filles ne peuvent pas aller dans le dortoir des garçons. Normalement, les couples se marient et quittent les dortoirs, ou attendent d’avoir leur diplôme pour se marier. »

Maintenant qu’il le mentionnait, il était vrai que je n’avais pas entendu parler de couples mariés vivant dans les dortoirs. Il n’y avait pas non plus de dortoir spécial pour les couples mariés.

« Bien sûr l’histoire est différente si ta partenaire est une fille de haut rang qui a son propre logement, sinon c’est à l’homme de fournir le logement », ajouta Cliff.

Cela semblait un peu injuste, mais c’était peut-être simplement ce qui était considéré comme la norme dans ce monde. Dans ce cas, il était logique que je sois le pourvoyeur. En fait, ma partenaire pourrait être déçue si je ne l’étais pas.

« Compris. Donc, une maison d’abord. »

Cliff a eu un regard suspicieux au moment où j’avais dit ça.

« Attends. Rudeus, tu vas te marier ? »

« Eh bien, oui. »

« Avec qui ? »

Est-ce que je pouvais dire le nom de Sylphie ici ? Bien sûr, son identité finirait par être découverte, mais j’avais décidé de la cacher pour le moment.

« À la personne qui a guéri ma maladie. »

« … Ah, je vois. Et son nom ? »

« Hum, je dois le garder secret pour le moment. »

« OK. Eh bien, s’il s’avère que c’est une disciple de Millis, fais-le-moi savoir. Je connais l’évêque de la ville, nous pourrions donc organiser une cérémonie, du moment que tu es d’accord pour que ce soit informel. »

Donc la foi de Millis avait bien quelque chose comme une cérémonie de mariage ! Je n’étais cependant pas un adepte de Millis, et j’étais sûr que Sylphie ne l’était pas non plus.

« Maître, si tu manques de fonds, puis-je t’aider ? », proposa Zanoba.

« Non, non. L’idée de devoir compter sur toi pour ça me mettrait mal à l’aise. »

Même si je faisais bonne figure en disant cela, je n’avais aucune idée de ce qu’était le marché du logement par ici. J’espérais que mes économies seraient suffisantes.

« En tout cas, je vais aller voir les maisons en ville demain. Si j’ai l’impression de ne pas pouvoir le faire moi-même, je te demanderai peut-être ton aide. »

« Bien sûr. Je peux me permettre de même acheter la plus grande maison de la ville, alors tu n’as pas à t’inquiéter », dit Zanoba en souriant.

Même les royautés des petits pays étaient à un tout autre niveau que nous, les gens normaux.

◇ ◇ ◇

Le lendemain, je m’étais rendu à l’agence immobilière. Le seigneur féodal d’une région était généralement celui qui offrait des prêts immobiliers aux résidents, mais il n’y avait pas de seigneur féodal clair dans Charia. Au lieu de cela, les Trois Nations Magiques et la Guilde des Magiciens administraient conjointement le territoire en créant une agence immobilière chargée de résoudre tous les problèmes qui se posaient. Quant à ce que ces « problèmes » pouvaient être, je n’en avais aucune idée.

J’y faisais référence comme étant une agence immobilière, mais son nom officiel était le Bureau de gestion des terres. Il s’occupait de l’achat et de la vente de maisons vacantes, ainsi que de l’octroi de permis de construire sur des terrains vides. Lorsque j’avais dit à la réceptionniste que je voulais une maison, on m’avait remis une liste. Les informations sur les maisons disponibles étaient répertoriées sur chaque page : adresses, taille des terrains, taille des maisons, nombre de pièces et prix. Il y avait une grande variété de maisons, de la petite maison d’une pièce au véritable manoir.

« Hmm… »

Pour être honnête, je n’avais aucune idée de la taille de la maison que je devais acheter. Quelque chose avec un jardin et de la place pour un gros chien serait préférable… ou peut-être une maison de ville ? Ça ne me dérangeait pas de vivre dans un endroit petit, mais Sylphie était le garde du corps de la Princesse, et sa bonne amie par-dessus le marché. Cela signifiait que la Princesse viendrait la voir de temps en temps, et nous ne pouvions pas vivre dans un appartement miteux si une royauté venait nous rendre visite. Cela dit, mes économies actuelles ne suffiraient pas à couvrir le coût d’une résidence huppée du genre de celles conçues pour la noblesse.

Je devrais peut-être accepter l’aide de Zanoba ? Non, le fait de l’utiliser comme porte-monnaie me rendrait mal à l’aise. Je pourrais quand même acheter une maison décente avec ce que j’ai.

J’aurais peut-être dû emmener Sylphie. Les gros achats comme celui-ci ne devraient-ils pas être discutés avec son partenaire ? Mais dans ce monde, c’était apparemment l’homme qui achetait la maison et accueillait la femme à l’intérieur. Sylphie pourrait me trouver pitoyable si je ne pouvais pas faire ça tout seul. Je devais au moins lui montrer que j’étais fiable.

« Donc une grande maison bon marché avec beaucoup de pièces. »

J’avais cherché dans la liste pour trouver une correspondance.

« Hm ? »

Une annonce tout en bas de la pile attira mon attention. Une page usée et décolorée annonçait ce qui ressemblait à une sorte de manoir. Il était situé dans un coin du quartier résidentiel, ce qui signifiait qu’il n’était pas trop loin de l’université. Au prix où il était vendu, je pouvais l’acheter et avoir encore un peu d’argent de côté. Le seul inconvénient était son âge.

« Et celle-là ? Pourquoi est-il si bon marché ? »

L’employé à qui j’avais posé la question me fit un sourire troublé.

« Pour être honnête, ce manoir est maudit. »

« Vous avez dit maudit ? »

« On dit qu’on peut entendre un craquement au milieu de la nuit, mais si on en cherche la source, on ne trouve rien. L’ancien propriétaire fit passer cela pour un simple bruit de maison causé par le vent… et le lendemain, les nouveaux résidents avaient été brutalement assassinés. »

Sérieusement ? Là encore, les histoires de manoirs maudits hantés par des esprits maléfiques étaient monnaie courante.

« Vous n’avez pas pratiqué d’exorcisme ? »

« Nous avons fait une demande auprès de la Guilde des Aventuriers, mais… les premières personnes qui ont voulu s’en occuper ont été elles aussi brutalement assassinées. Personne n’a voulu faire cette quête depuis. »

Il poursuivit en mentionnant que la demande qu’ils avaient soumise était de rang E. Ils voulaient augmenter son rang. Ils avaient voulu élever son rang, mais n’avaient pas reçu les fonds nécessaires. Ajoutez à cela l’existence d’une certaine discorde entre eux et la Guilde des Aventuriers… il semblerait qu’il y avait beaucoup de facteurs compliqués en jeu.

« Et la guilde des magiciens ? »

« Ils ont dit que l’immobilier n’est pas dans leur juridiction, que nous devrions nous débrouiller nous-mêmes. »

« Et si j’étais capable de nettoyer l’endroit avec succès ? Vous me le donneriez ? »

L’employé me jeta un regard comme s’il demandait : « Mais qu’est-ce que tu fumes ? »

« Désolé. Que diriez-vous donc d’un contrat provisoire ? Je visiterai l’endroit moi-même dans les deux prochains jours. Et si je trouve ce bien à mon goût, nous rendrons alors la vente officielle. Est-ce que ça marche ? », avais-je répondu.

« Dans ce cas, veuillez écrire votre nom ici. »

J’avais échoué dans ma tentative de marchandage, mais j’avais quand même continué, écrivant mon nom là où on me l’avait demandé. Il y avait un endroit où l’on pouvait inscrire un garant, et j’avais pris les devants en inscrivant les noms de la Princesse Ariel et de Badigadi. Je le lui avais alors remis.

Après avoir jeté un coup d’œil, l’employé pâlit et se retira à l’arrière. Presque immédiatement, quelqu’un qui ressemblait au directeur apparu, se frottant les mains. Je devais être assez célèbre pour qu’on me traite de la sorte rien qu’en écrivant mon nom. Attendez, peut-être que c’était en fait l’effet de l’utilisation des noms de la princesse Ariel et de Badigadi ? Ou peut-être une combinaison des trois ?

Après un peu de discussion, j’avais réussi à réduire le prix demandé de moitié. Apparemment, je m’étais transformé en client VIP exigeant alors que je n’avais aucune intention de l’être.

***

Partie 2

Quelques jours plus tard, j’étais arrivé au manoir en question. Il avait été construit il y a plus d’un siècle, mais le bâtiment lui-même semblait solide. Le mana était infusé dans toutes sortes de choses dans ce monde, alors peut-être y avait-il quelque chose dans la structure qui la protégeait de la pourriture ?

La structure du manoir était construite en boue et en pierre, avec un plancher en bois. De la mousse et du lierre poussaient le long des murs, mais à part ça, c’était magnifique. J’avais imaginé quelque chose de plus délabré.

« Entrons, Monsieur Zanoba ? Monsieur Cliff ? »

J’avais beau être un aventurier de rang A, je n’étais pas assez sûr de moi pour m’aventurer seul dans un lieu inconnu et peut-être hanté. J’avais demandé à Zanoba de m’accompagner et de me servir de bouclier. Si une poupée rousse armée d’un couteau surgissait de nulle part pour nous attaquer, il y mettrait un terme rapidement. Cliff avait ce regard dans ses yeux, comme s’il voulait venir, je l’avais donc aussi invité à se joindre à nous. C’était un génie de la magie divine de niveau avancé, donc si nous étions vraiment confrontés à des monstres de type esprit maléfique, il nous serait certainement utile.

« C’est une maison respectable. Elle semble un peu petite, mais je suppose que cette taille est appropriée », commenta Zanoba.

Cliff n’était pas d’accord.

« Tu ne penses pas que c’est beaucoup trop grand pour seulement deux personnes ? Tu sais que tu peux acheter quelque chose de petit pour commencer, et économiser pour déménager quand tu seras trop à l’étroit ? »

J’allais couper la poire en deux, ça voulait dire que cet endroit avait la taille parfaite.

« Grâce à certaines circonstances particulières, cet endroit n’était pas si cher. Maintenant, entrons. »

« Si tu penses que cet endroit est le bon, Maître, alors je n’ai plus rien à dire à son sujet », dit Zanoba en ouvrant courageusement la voie.

Il tenait une massue, une arme que j’avais préparée pour lui. Je m’étais dit qu’il ne fallait pas y aller sans arme, mais comme Zanoba l’avait reconnu lui-même, sa force surhumaine le rendrait capable de briser n’importe quelle arme entre ses mains. Alors, j’avais utilisé ma magie pour lui fabriquer une massue. Comme elle était gratuite, cela ne poserait aucun problème s’il la brisait.

Cliff était au centre. Il tenait fermement dans ses mains un bâton qui avait l’air coûteux et il balançait sa tête d’avant en arrière, surveillant la zone. Il essayait probablement d’être vigilant, mais pour moi, il avait juste l’air d’être terrifié.

Enfin, j’avais pris l’arrière, fournissant des capacités offensives depuis l’arrière. Dans ce groupe, la chose la plus importante était de protéger Cliff, car il était notre guérisseur et pouvait également fournir une certaine puissance de feu. En tant que membre le plus expérimenté de notre équipe, il était donc plus sûr de m’avoir à cet endroit pour surveiller nos arrières.

Nous avions descendu le chemin de pierre fissuré et étions arrivés à l’entrée. Les portes en bois étaient fissurées et la charnière d’un côté était cassée. Il faudrait la réparer.

« Je ne pense pas que nous risquions de tomber sur un piège, mais faites tout de même preuve d’une extrême prudence », avais-je insisté en activant mon Œil de la prospective.

« Oui, Maître. »

Zanoba posa sa main sur le bouton de porte, puis l’arracha du cadre sans aucune hésitation.

« Bon, ne commence pas à casser des choses », dis-je en le réprimandant.

« Je m’excuse. La porte était tordue et ne s’ouvrait pas. De toute façon, je suis sûr que tu auras besoin de la réparer. »

« Eh bien, préviens-moi la prochaine fois, d’accord ? »

« Oui, Maître », répondit Zanoba.

Au moins, il avait de bonnes manières.

Nous étions finalement entrés dans la maison. La première pièce était le hall d’entrée. Devant nous, un escalier menait à l’étage suivant, avec des portes à gauche et à droite. Des couloirs menaient plus profondément dans la maison de chaque côté de l’escalier. Il n’y avait pas beaucoup de poussière, l’agence immobilière devait donc nettoyer périodiquement l’endroit. De l’extérieur, elle pouvait ressembler à une maison hantée, mais maintenant que nous étions à l’intérieur, je pouvais voir qu’elle avait un excellent éclairage naturel. C’était un bel endroit.

« Maître, comment allons-nous procéder ? »

« Nous allons commencer par le côté droit du premier étage. Nous allons regarder dans toutes les pièces. Je ne pense pas qu’il y ait de pièges, mais il est possible que le sol ou le plafond soient pourris, alors faites attention à votre tête et à vos pieds. »

« Compris », dit Zanoba en hochant la tête.

Cliff me regarda par-dessus son épaule.

« Tu te donnes à fond. »

« Eh bien, je suis un aventurier de Rang A », avais-je dit.

« O-oui, c’est vrai, hein ? »

Cliff semblait être nerveux à propos de quelque chose. En y repensant, il était parti l’autre jour pour une aventure agréable avec Elinalise, non ? Je me demandais comment ça s’était passé.

« Au fait, comment s’est donc passée cette aventure que tu as vécue l’autre jour ? »

« … Ils m’ont complètement démoli. »

« Eh bien, ils sont de rang S. »

Les membres de Stepped Leader n’avaient probablement pas été si durs avec lui. Après tout, ils savaient qu’ils avaient affaire à un débutant. Mais la façon dont la personne recevant cette critique décidait de l’interpréter était une autre question. Cliff était un génie autoproclamé. Il n’avait probablement jamais eu personne pour lui faire remarquer ses défauts auparavant.

« Que dois-je faire ? »

« Si nous rencontrons un ennemi, utilise la magie divine de base pour l’attaquer. »

« J’ai compris. Mais si ce n’est pas un esprit ? », demanda-t-il.

« Dans ce cas, reste en arrière. Zanoba ou moi allons nous en occuper. »

Cliff a eu l’air un peu indigné au moment où j’avais dit cela, j’avais alors su que je devais poursuivre avec quelque chose.

« Ta magie est si puissante que tu pourrais endommager la maison. »

Fort heureusement, il semblait satisfait de cette explication. Il était préférable qu’un débutant comme lui se concentre sur une seule chose à la fois.

« Zanoba, il est possible que, même si cela est improbable, qu’un monstre capable d’utiliser la magie se cache ici. Reste sur tes gardes. »

« Laisse-moi faire. »

À ma grande surprise, Zanoba n’avait pas du tout peur. Il avait l’esprit d’un guerrier, ce qui était encourageant.

La porte de droite menait à une pièce spacieuse dont le sol faisait plus de vingt tatamis de large. Elle possédait une très bonne luminosité et une grande cheminée. Cela pourrait être une salle à manger ou un salon.

Ce fut la cheminée qui attira mon attention.

« Maître Cliff, est-ce que cette cheminée est un outil magique ? »

« P-Pas sur. Je vais jeter un coup d’œil. »

Cliff essaya de regarder à l’intérieur.

« Attendez. Il pourrait y avoir quelque chose là-dedans. »

Je l’avais arrêté, examinant la cheminée moi-même. Quelque chose n’allait pas, mais je n’arrivais pas à savoir ce que c’était.

« Hm. »

Les hivers glaciaux de la région rendaient la cheminée indispensable. Si celle-ci était magique, elle pouvait chauffer toute la maison. Si elle ne l’était pas, j’envisagerais de la remodeler. Bien que j’avais du mal à abandonner l’idée de voir Sylphie et moi tenant le corps nu de l’autre pour nous réchauffer…

« Je vais souffler un peu d’air à travers. S’il y a un monstre à l’intérieur, il pourrait nous tomber dessus, alors restez vigilants. »

Les ayant mis sur leurs gardes, j’avais conjuré de la magie dans la cheminée du foyer, la balayant avec une forte rafale.

Rien ne s’était produit. J’avais tendu l’oreille, mais je n’avais perçu aucun mouvement. De la suie était bien tombée, mais c’était tout. Je pouvais aussi envoyer du feu dans la cheminée, mais si elle était endommagée de quelque façon que ce soit, la maison risquait de prendre feu. Pour le moment, j’avais passé la tête à l’intérieur et regardé en haut de la cheminée. Je pouvais voir le ciel, bien que de loin.

Par sécurité, j’avais utilisé le feu pour éclairer mon environnement immédiat. Je ne sentais aucune présence cachée à l’intérieur. C’était probablement sans danger.

« Je m’en remets dans ce cas à toi, Maître Cliff. »

« Entendu. »

Il fouilla l’intérieur de la cheminée et tomba immédiatement sur un cercle magique. Ce n’était pas une surprise, étant donné qu’il avait été occupé à rechercher des instruments magiques et des malédictions récemment.

« Est-ce que ça a l’air utilisable ? » avais-je demandé.

« Je ne peux pas en être sûr avant d’y avoir allumé un feu, mais il semble intact », évalua Cliff.

Bien.

« Très bien. Merci. »

J’avais hoché la tête, puis nous étions allés dans la pièce suivante, la plus intérieure à droite de l’entrée. Elle avait un sol en pierre et quelque chose comme un four, c’était donc probablement la cuisine. Il y avait un morceau de tissu déchiré sur le sol à côté du four. Quand je l’avais ramassé, j’avais découvert que c’était un tablier en lambeaux. Peut-être que Sylphie allait cuisiner nue pour moi ici, à l’exception d’un tablier qui la recouvrait. Ça me donnait de quoi être excité.

Non, oublie ça, m’étais-je dit. Nous étions ici pour éliminer le mauvais esprit — où n’importe quelle autre chose qui hantait cet endroit. Ce n’était pas le moment pour moi de planter une tente dans mon pantalon.

J’avais fouillé le four et tous les autres endroits où un être vivant pourrait se cacher.

« OK, rien d’anormal ici, à la suivante. »

Nous avions découvert une porte menant au sous-sol derrière l’escalier, mais nous avions décidé de la garder pour plus tard. Nous avions parcouru dans le sens inverse des aiguilles d’une montre chaque pièce du premier étage et n’avions trouvé aucune anomalie. Il y avait quelques endroits où la poussière s’était accumulée, mais la maison était en si bon état qu’on ne pouvait pas penser qu’elle avait été construite il y a plus d’un siècle. Peut-être que le propriétaire précédent y avait effectué quelques réparations.

« Alors c’est la dernière, hein ? »

Nous avions fini d’examiner tout le premier étage. D’après le plan, je savais que les deux côtés de ce manoir se reflétaient à l’identique, à l’exception du fait que la pièce correspondant à la cuisine dans l’aile gauche n’avait pas de four. Peut-être était-elle utilisée à d’autres fins que la cuisine, comme une sorte de buanderie. En tout cas, nous l’avions appelée cuisine pour l’instant.

Deux cuisines, deux grandes pièces, quatre petites pièces, deux toilettes. C’était presque comme si deux maisons avaient été reliées en un seul bâtiment. Et seul l’escalier se trouvait dans le hall.

« Quelle pièce serait l’hôte le plus probable pour les mauvais esprits ? Le sous-sol ou le deuxième étage ? »

« Je pense au sous-sol », dit Zanoba.

« Je parierais sur le sous-sol », dit Cliff.

Comme nous étions d’accord, j’avais décidé de me rendre d’abord au sous-sol. La porte, située derrière les escaliers menant au deuxième étage, menait à une autre volée d’escaliers descendants. J’avais allumé les lampes que nous avions et les avais passées à Zanoba et Cliff.

« Je ferai le guet depuis le centre avec mon œil de démon. Ne laissez pas tomber votre lampe, même si vous pensez que nous sommes en danger. Je ne pourrais porter aucun secours dans le noir. »

« Ha ha ha, je suis un enfant béni ! Il n’y a rien à craindre », déclara Zanoba alors que nous descendions les escaliers. Je craignais maintenant le pire.

Sois plus prudent, lui avais-je intérieurement reproché. On ne savait jamais si une flèche allait jaillir au moment où on ouvrait une porte ou non. Mais, connaissant Zanoba, elle ricocherait probablement sur son corps avec un tintement bruyant.

Nous avions atteint une porte qui menait plus loin dans le sous-sol.

« Hm. Rien ici. »

Il y avait plusieurs étagères en bois vides, mais cela ressemblait à une zone de stockage inutilisée. J’avais porté ma lampe un peu partout, mais je n’avais rien senti rôder. Il y avait une sorte de tache sur le mur, mais elle n’était pas de forme humaine. Les bords du panneau mural avaient un peu pourri, mais c’était tout. Je devrais les remplacer plus tard.

Pas de monstres. Cela cassait un peu l’ambiance.

« OK, on va donc au deuxième étage. »

Nous avions quitté le sous-sol et étions retournés à l’entrée. De là, nous avions monté les escaliers jusqu’au deuxième étage. Le bois sous nos pieds n’avait même pas craqué.

***

Partie 3

Le deuxième étage était aussi complètement symétrique. À chaque extrémité des deux ailes se trouvait une pièce reliée à une chambre intérieure. En dehors de cela, il y avait également un certain nombre de chambres supplémentaires, chacune faisant environ six tatamis. Cela faisait six chambres au total : quatre petites chambres, et deux chambres de taille moyenne d’environ douze tatamis. Ces deux dernières étaient reliées aux chambres intérieures. Enfin, il y avait également un balcon.

« Hmm… »

Mettons un grand lit dans cette chambre, avais-je décidé. Un avec plus qu’assez de place pour que trois personnes puissent s’y allonger. Deux lits normaux poussés l’un contre l’autre, ce serait bien aussi. Non, attendez, si le lit était petit, nous devrions nous serrer les uns contre les autres pour dormir, ce qui ne serait pas une mauvaise chose. Ensuite, quand je me réveillerais, je sentirais sa chaleur juste à côté de moi. Et ses petits seins seraient constamment à portée de main. Non, c’était pas mal du tout.

En tout cas, le lit était important. On l’utilisera, après tout, tous les jours — et non, je ne voulais pas dire uniquement pour le sexe. Les gens doivent aussi dormir.

« Maître Cliff. »

« Qu-Quoi ? As-tu trouvé quelque chose ? »

« Penses-tu qu’un lit plus grand serait mieux pour un couple marié ? »

« Hein ? »

Cliff resta silencieux pendant quelques secondes alors qu’il réfléchissait à la question. Puis il prit une grande inspiration. Finalement, il soupira : « Oh, toi. Oui, c’est un aspect important d’une relation. Mais tu ne rends pas justice à ta partenaire si c’est la seule chose sur laquelle tu te concentres. »

« Oh. Eh bien, oui, je suppose que tu as raison. »

Pour une raison ou une autre, ses paroles étaient convaincantes, probablement parce qu’il parlait en connaissance de cause. Je pouvais très facilement imaginer Elinalise se jetant sur lui, les yeux pleins de convoitise, dès qu’ils seraient seuls tous les deux.

J’avais donc pris ce qu’il m’avait dit à contrecœur. J’imagine que je vais choisir un lit plus grand.

« Ouf, rien ici, hein ? », avais-je dit tout en envoyant un soupir après avoir inspecté la dernière pièce.

« Comme prévu, je suppose que nous allons devoir passer la nuit ici. », dit Zanoba.

« Oui. Je compte sur vous. »

J’avais voulu fouiller la maison à l’avance, juste pour être sûr, mais je ne m’attendais pas vraiment à ce que cela donne quelque chose. D’après les récits, l’esprit ne se manifestait que la nuit, accompagné d’un grincement. C’était effrayant. C’était probablement un monstre qui squattait ici, mais je ne savais pas de quel genre de monstre on parlait. Je ne pensais pas qu’il pouvait être trop puissant, vu que nous étions au milieu d’une ville. Mais des aventuriers de bas rang envoyés pour nettoyer la maison avaient été brutalement assassinés. Nous ne pouvions pas baisser notre garde.

Peut-être que la vérité était en fait simple : des bandits auraient pu par exemple utiliser la maison comme cachette. Le grincement pourrait être causé par eux en crochetant la serrure de la porte d’entrée. Non, la porte d’entrée était cassée. Alors peut-être la porte arrière ? Mais il n’y avait aucun signe de quelqu’un vivant ici.

Oui, j’étais perplexe. J’aurais peut-être dû emmener Elinalise et les autres également. Elle avait vu beaucoup de choses dans sa longue vie, elle aurait pu nous aider. Mais maintenant que mon petit homme était de nouveau en action, je n’étais pas sûr que sa présence ne m’exciterait pas. Je pouvais l’imaginer — je faisais le guet au milieu de la nuit, et une ombre venait se faufiler jusqu’à moi, me murmurant des tentations à l’oreille. Mais Cliff dort juste à côté de nous, dirais-je. Et elle répondait, Et alors ?

« Restez vigilants. L’esprit pourrait ne pas se montrer tout de suite, donc on va passer la nuit ici. », avais-je déclaré alors que nous nous tenions dans la chambre du deuxième étage.

« Hm. Je m’inquiète pour Julie. »

« Je m’inquiète pour Elinalise. »

Julie était une enfant intelligente. Elle connaissait son statut d’esclave et n’allait pas provoquer quelqu’un sans réfléchir, alors qu’elle vivait dans une section du dortoir principalement occupée par des nobles. Zanoba n’avait aucune raison de s’inquiéter pour elle. Elinalise, en revanche, était à la fois populaire et capricieuse. Elle pourrait bien profiter de l’absence de Cliff pour avoir une liaison.

Mes pensées allèrent vers Sylphie, qui faisait probablement office de garde du corps de la Princesse, comme elle le faisait toujours. Il n’y avait pas de quoi s’inquiéter. Attendez, je lui avais bien dit que je sortais aujourd’hui, mais je n’avais pas mentionné que je serais absent pour la nuit. Et si elle venait dans ma chambre pour me parler avant de se coucher, et que je n’étais pas là ? Elle pourrait rôder dans ce hall froid, en m’attendant, et en marmonnant pour elle-même : « Rudy est vraiment en retard. »

« Le soleil est sur le point de se coucher », dit Zanoba.

Je pouvais voir le soleil du soir se refléter sur la fenêtre de la chambre. Si je partais maintenant, la nuit serait tombée lorsque je serais de retour sur le campus. Sylphie serait probablement déjà rentrée au dortoir des filles. Et même si je ne lui disais rien directement, je devais au moins laisser un mot sur ma porte, disant que je ne serais pas là ce soir. Pas vrai ?

Très bien, allons-y. Allons-y maintenant.

Non, attendez. Et si ces deux-là se faisaient tuer pendant mon absence ? Ça ne marcherait pas. J’étais, après tout, le leader de ce groupe.

Calme-toi, m’étais-je dit. Ce n’était pas un problème. Tant que j’expliquais tout par la suite, Sylphie comprendrait. Bien que… attendez. J’avais entendu quelque chose à ce sujet il y a longtemps. Si dans une relation, les fois où l’on entendait dire « juste pour cette fois » s’accumulaient trop rapidement, cela pouvait mener à une rupture entre vous et votre partenaire. Merde. J’avais un mauvais pressentiment à ce sujet.

La solution était évidente : lever intentionnellement mon propre drapeau mortel.

« Zanoba. »

« Oui ? Qu’est-ce qu’il y a ? »

« Je vais me marier dès que nous aurons terminé cette mission. »

« En effet. Finissons-la rapidement pour pouvoir faire une grande fête ici », dit Zanoba, la tête légèrement inclinée en hochant la tête.

Attendez. Maintenant que je l’avais vraiment dit, mon sentiment de malaise s’était encore aggravé. Si j’avais dit quelque chose comme : « Une fête, oui ! C’est exactement ce dont nous avons besoin ! », j’avais le sentiment que je ne survivrais pas assez longtemps pour me marier. Je devrais peut-être mettre quelque chose de dur dans ma poche de poitrine pour le moment. Sauf que je n’avais pas de poche de poitrine. Si une balle de 357 Magnum me frappait, je n’aurais aucun moyen de l’arrêter.

Cliff s’était de nouveau immiscé dans la conversation.

« Assure-toi d’inviter Lise et moi. »

« Bien sûr. Pourquoi ne serais-tu pas invité ? »

« Juste pour être sûr. Être laissé de côté ne me dérange pas trop, mais je serais triste de voir que ça lui arrive à elle. »

Cliff savait vraiment comment faire pour péter l’ambiance… c’était probablement pour cela qu’il était toujours laissé de côté dans ce genre de rassemblements. Je ne manquerais pas de l’inviter, et évidement Elinalise aussi. De toute façon, j’en avais assez d’être avec des mecs. J’avais envie de me dépêcher, de finir ça, et de rentrer chez moi pour retrouver Sylphie et ses seins — non, concentre-toi. Je pourrais la toucher autant que je le voudrais plus tard.

Et alors que je vaquais à ces pensées, la nuit était arrivée.

Pendant ce temps, au dortoir des filles, Sylphie avait déjà eu vent du fait que Rudeus était parti faire du shopping. Elle était actuellement dans son lit, les bras serrés autour de son oreiller, se roulant dans tous les sens en imaginant toutes sortes de choses.

◇ ◇ ◇

Nous nous relayions pour faire le guet. Une personne restait éveillée pour alerter les deux autres si quelque chose de bizarre se produisait. J’avais spécifiquement indiqué à mes compagnons que s’ils entendaient un craquement, ils ne devaient pas enquêter, mais plutôt réveiller les autres immédiatement.

Nous dormions à l’endroit où le résident précédent avait été assassiné : la chambre située au bord du deuxième étage. L’emplacement pouvait avoir un rapport avec l’apparition ou non du mauvais esprit. Je ne pensais pas vraiment qu’il s’agissait de bandits, bien que ce serait bien si ce n’était que ça. Je pourrais les arrêter, les dénoncer, et ajouter la récompense en espèces qui en résulterait à nos fonds de mariage. Si c’était juste un monstre ordinaire, ce serait encore mieux. Tout ce qu’on avait à faire était de chercher et détruire. Simple comme bonjour.

◇ ◇ ◇

« Rudeus ! Réveille-toi, on entend du bruit ! »

C’était arrivé au moment où Cliff faisait le guet.

Je m’étais immédiatement réveillé et j’avais sauté en vérifiant l’heure. Pour s’assurer que nous dormions légèrement, chaque personne n’avait que deux heures de sommeil à la fois, en utilisant un sablier pour en garder la trace. En ce moment, il en était à son deuxième tour, ce qui signifiait qu’il était environ deux ou trois heures du matin. Le moment idéal pour l’apparition d’un esprit maléfique.

« Réveille Zanoba. »

Après avoir donné ce bref ordre à Cliff, je m’étais dirigé vers la porte et j’avais tendu l’oreille.

Kree… kree…

Klak… klak…

Kee… kee…

Oh merde. Je pouvais vraiment l’entendre — et aussi assez clairement. On aurait dit une chaise qui grince. C’était en fait assez terrifiant maintenant que je l’entendais par moi-même. Mes lèvres se pincèrent alors que j’activais mon œil de clairvoyance.

« Aahh. »

Zanoba s’était frotté les yeux et avait poussé un gros bâillement.

Après avoir confirmé qu’il était réveillé, j’avais posé ma main sur la poignée de la porte. Puis, lentement, en m’assurant qu’elle ne fasse pas de bruit, j’avais ouvert la porte. J’avais regardé dans le couloir. Rien. Juste pour être sûr, j’avais aussi regardé dans l’autre sens. Rien. Puis de haut en bas. Rien.

J’avais tendu l’oreille, mais je n’avais rien entendu. Le son s’était arrêté.

Zanoba s’était levé et s’était approché derrière moi.

« Comment ça se présente là-bas ? »

« Je ne vois rien dans les environs. »

Nous pouvions soit fouiller le manoir, soit attendre que quelque chose de bizarre se produise. Le propriétaire précédent avait ignoré le bruit, pensant l’avoir mal entendu, puis était mort, alors nous ne devrions probablement pas l’imiter.

« Cherchons la source », avais-je décidé.

« Très bien. Je suppose que nous utilisons la même formation qu’avant ? », demande Zanoba.

« Oui. Soyez prudent. »

« Tant que tu surveilles mes arrières, Maître, je n’ai rien à craindre. »

Il s’était emparé de sa massue. Cliff l’avait suivi, l’air nerveux.

« Maître Cliff, vous souvenez-vous de ce que vous êtes censé faire ? »

« Magie divine. »

« C’est exact. Je compte sur vous. »

Zanoba sera notre bouclier, Cliff utilisera la magie divine, et si ça ne marchait pas, j’utiliserais mon Canon de pierre. Nous étions prêts.

« Zanoba, on y va »

Notre enquête nocturne avait commencé.

J’étais déjà familiarisé avec la disposition de la maison suite à notre recherche en journée, et l’enquête s’était déroulée sans heurts. Tout d’abord, nous avions fouillé la totalité du deuxième étage. On n’y avait trouvé rien d’anormal. Ensuite, nous étions descendus prudemment au premier étage. Nous avions parcouru chaque pièce, vérifiant chaque endroit où quelque chose pourrait se cacher, comme la cheminée et le four. Encore une fois, rien. Toutes les pièces étaient vides.

« Maître, il ne reste plus que le sous-sol. »

« Oui. »

Nous avions descendu les marches vers le sous-sol. C’était sombre. Il n’y avait rien ici quand nous avions cherché pendant la journée, mais maintenant, je sentais quelque chose de sinistre en dessous.

Je devenais nerveux. Mon cœur battait fort. J’avais pris une profonde inspiration, en restant sur mes gardes au cas où quelque chose nous attaquerait par-derrière. Et alors que nous descendions les escaliers, j’avais l’impression que nous descendions en enfer. Finalement, nous étions arrivés au sous-sol.

« Comment est-ce ? », avais-je demandé.

« Il n’y a rien ici », répondit Zanoba.

J’utilisais ma lampe pour éclairer la zone. Il n’y avait rien, pas même sur les bords de la pièce. De plus, l’ancien propriétaire avait sûrement vérifié le sous-sol. C’était après tout l’endroit le plus suspect du manoir.

« Retournons dans la chambre et préparons-nous. »

***

Partie 4

Nous nous étions prudemment glissés hors du sous-sol et étions retournés au deuxième étage. Nous avions traversé le couloir jusqu’à la chambre où nous étions postés.

« Zanoba, il y a une chance qu’il se cache dans la chambre où nous dormions, alors fais attention en ouvrant la porte. »

« Compris. »

Il resserra sa prise sur son gourdin et posa doucement son autre main sur la poignée de la porte avant de l’ouvrir.

« … »

Rien ne s’était passé.

« On dirait que tout est vide. »

Il n’y avait rien eu. Pas d’attaque.

« Ouf. »

Nous pouvions nous reposer pour le moment. Peut-être était-il temps de considérer que la créature n’attaquait que lorsque les gens dormaient. Ou quand ils étaient aux toilettes. Maintenant que j’y pensais, nous n’avions pas vérifié le jardin. Je devrais y jeter un coup d’œil de plus près demain.

Ce fut alors que j’avais soudainement regardé derrière nous.

Il était là.

Il était au bout du couloir, près du sol. C’était comme s’il rampait. Seule sa moitié supérieure dépassait le haut de l’escalier. Il avait la tête inclinée en regardant dans notre direction. Au début, j’avais pensé que ça pouvait être un humain. Il avait des yeux, un nez, une bouche, mais pas de cheveux ou d’oreilles.

Je n’avais pas non plus eu l’impression qu’elle était vivante.

« … »

Il nous montra une silhouette pâle et obsédante dans l’obscurité tout en nous observant. Pendant quelques secondes, on s’était regardés fixement.

« Oh », avais-je commencé, essayant de dire quelque chose.

Ce fut alors qu’elle bougea. Son corps se leva et il sauta au deuxième étage. Il était de taille humaine… mais ce n’était pas un humain. Il avait quatre bras et quatre jambes. Il était arrivé dans la nuit noire, brandissant ce qui ressemblait à un pieu, se déplaçant silencieusement sur ses quatre pattes à une vitesse incroyable, droit vers…

« Whoaaah ! »

Mes jambes avaient lâché, et j’avais atterri sur le cul en lançant à la hâte un Canon de Pierre. La peur de détruire ma propre maison montait en moi. J’avais hésité, mais j’avais finalement affaibli la force de mon attaque. La boule de terre s’était brisée contre l’épaule de notre ennemi, mais tout ce que cela avait fait, c’était de faire chanceler la chose inhumaine. Elle s’était dirigée vers moi avec son pieu, et j’avais utilisé mon œil de démon pour essayer de l’éviter, mais…

« Maître ! »

Zanoba vola devant moi. La créature frappa fortement avec son arme. Elle était allée droit vers son cœur.

« Zanoba ! »

Elle ne l’avait pas transpercé. La peau bénie de Zanoba était trop résistante pour l’attaque de la créature. O-oui ! C’est bien mon élève, même pas une égratignure, pensais-je.

Zanoba avait saisi le visage de la créature à deux mains. Les huit membres de la créature s’agitaient dans l’air tandis que les coups de poing pleuvaient sur Zanoba.

Cliff jeta un léger coup d’œil hors de la pièce pour réciter une incantation.

« Je t’invoque, Dieu qui bénit la terre qui nous nourrit ! Délivre un châtiment divin à ceux qui sont assez fous pour défier les voies naturelles ! Exorcise ! »

La lumière blanche de son bâton frappa la silhouette à quatre pattes… mais ne l’avait pas empêchée de bouger. Ce n’était donc pas un esprit ?

Dans ce cas, il était temps pour moi d’utiliser ma magie.

« Zanoba, écarte-toi du chemin. Je vais utiliser le Canon de Pierre ! »

« Attends, Maître ! »

Zanoba ne voulait pas bouger. Même si le pieu mettait ses vêtements en lambeaux, il ne voulait pas s’écarter. Pourquoi ?

« Assez, bouge ! Je vais m’en occuper ! »

« Attends ! Maître, je t’en supplie ! »

Zanoba jeta ses bras autour de la chose, comme s’il essayait de la protéger de moi. Cette dernière continua à s’agiter, réduisant ses vêtements en lambeaux. Son dos, maintenant exposé, était si frêle qu’on ne pouvait pas croire qu’il possédait une puissance surhumaine.

Quelques secondes passèrent comme ça. Puis, des minutes. L’ennemi continuait sa lutte violente, mais ses mouvements s’émoussaient progressivement jusqu’à s’arrêter.

« Ouf. »

Une fois que Zanoba fut certain qu’il s’était arrêté, il retira ses vêtements déchirés et les utilisa pour lier les mains et les pieds de la chose inhumaine.

« Maître, retournons dans la chambre. »

« Très bien… »

Cliff se tenait au milieu de la pièce, tremblant de terreur.

« Ne te fais pas d’idées ! Ce n’est pas comme si je m’étais enfui. J’ai juste pensé que je serais plus une gêne dans ce couloir exigu. »

« Ah, je vois. Bien pensé. »

« V-Vraiment ? »

Son excuse n’était pas du tout convaincante, mais bon, j’avais eu peur moi aussi. Je n’avais pas l’intention de dire quoi que ce soit.

« Maître… »

« Tu m’as vraiment sauvé pour le coup, Zanoba. Mais c’était vraiment dangereux. Contrairement à un certain Roi-Démon, tu n’es pas immortel.

« C’est incroyable, Maître. Jettes-y un coup d’œil. »

Zanoba était très excité. Il m’avait complètement ignoré alors qu’il posait notre attaquant ligoté, qui faisait des bruits légers et inattendus. Zanoba attrapa une lampe pour l’éclairer.

« Est-ce… une construction ? »

Devant nous se trouvait un mannequin de bois peint en blanc, froissé sur lui-même. Il avait quatre bras et quatre jambes. Malgré sa forme étrange, c’était à tous les coups une construction. Je m’étais demandé pourquoi je n’avais pas entendu ses pas, mais maintenant je le savais. Un tissu noir comme du charbon était enroulé autour de chacun de ses pieds. Ce que je pensais être un pieu n’était qu’un bras cassé, deux de ses quatre bras étaient cassés. Il avait un truc pitoyable à la place du nez et une bouche sur son visage, avec des boules de verre pour les yeux. Ces yeux froids et insensibles étaient ceux que je regardais avant.

Pour être honnête, c’était vraiment trop effrayant pour être supporté… et ça pouvait recommencer à bouger d’une minute à l’autre. Cliff était du même avis. Il tenait son bâton à portée de main et fixait prudemment son regard sur la poupée.

« Maître, c’est une découverte incroyable ! »

Zanoba, quant à lui, n’arrivait pas à cacher son excitation.

« Zanoba, peu importe à quel point tu aimes les figurines… », avais-je commencé à dire.

« Celle-ci a bougé ! Une figurine qui bouge ! »

Au moment où il avait dit ça, j’avais réalisé qu’il avait raison. Cette poupée nous avait attaqués.

« Une figurine qui bouge. »

Une figurine qui bouge ! Une figurine qui bougeait toute seule. Donc… un automate. Comme un robot. Comme… une servante robot. Oooh ! Lorsque ces mots traversèrent mon esprit, la peur que j’avais ressentie s’était instantanément dissipée.

« Tu as raison. C’est incroyable. », avais-je dit.

« Comprends-tu enfin ? »

« Oui. Je suis heureux que nous ne l’ayons pas détruit. Zanoba, ton jugement était sans faille. »

« Heh heh. J’ai su ce que c’était au premier coup d’œil. »

« Je n’en attendais pas moins. Ton œil pour les figurines a déjà surpassé le mien », avais-je dit tout en offrant à mon élève fièrement souriant quelques éloges.

Cela dit… Une figurine qui bouge. En y réfléchissant, il y avait d’autres objets inanimés dans ce monde qui bougeaient, comme les armures. Cette poupée était sculptée dans du bois, mais je pourrais peut-être faire bouger des figurines en pierre ? Et si je pouvais trouver un moyen de faire bouger les figurines par elles-mêmes… et si je pouvais développer une substance comme le silicium pour leur donner une peau, comme les humains…

Les possibilités étaient infinies.

« Zanoba, que dois-je faire ? J’ai le cœur qui bat si fort ! »

« Le mien aussi. Je sens les larmes venir ! »

Pour l’instant, nous allions ramener la poupée à la maison. Nous pourrions alors rechercher le mécanisme qui lui permettait de bouger.

« Hé, vous deux, ça suffit ! »

Cliff avait soudainement perdu sa patience avec nous. Je l’avais regardé, il était en train de nous regarder fixement, son bâton serré dans les deux mains.

« Ce n’est pas le moment de parler de ce genre de choses ! »

« Ce n’est pas le moment de parler de quelles “choses” ? »

Zanoba saisit le visage de Cliff d’une main et le souleva dans les airs. Ah, ça faisait longtemps que je ne l’avais pas vu faire ce tour.

« Aggghhhhh ! »

Cliff s’agrippa au bras de Zanoba, mais ce dernier n’avait même pas bronché.

« La poupée a bougé ! Ne comprends-tu pas à quel point c’est remarquable ?! »

« Aïe, aïe, aïe ! Il existe des monstres comme ça, des armures qui bougent toutes seules ! »

Des monstres. Entendre cela m’avait rappelé notre objectif initial. La raison pour laquelle nous étions venus ici n’était pas d’attraper une poupée qui pouvait bouger, mais de sécuriser cette maison. Mais ce n’était pas comme si je ne pouvais pas faire d’une pierre deux coups.

« Zanoba, s’il te plaît, relâche-le. »

« Grr… Mais, Maître… »

« Maître Cliff n’a pas tort. »

Dès que Zanoba le laissa partir, Cliff chanta immédiatement de la magie de guérison pour se rétablir. Quel bébé ! 

« Cette poupée est probablement l’esprit maléfique que nous recherchions. »

« Hrm. »

« Et il n’y a aucune garantie que ce soit la seule. Trouvons et capturons toutes les autres présentes ici. Peut-être que nous pourrions trouver des informations sur la façon dont ils ont été fabriqués, tant que nous y sommes. »

« Je comprends ! »

Zanoba acquiesça, enfin convaincu.

« Nous ne dormirons pas cette nuit. Nous devons faire une fouille exhaustive de la maison et trouver où cette poupée se cachait. »

C’était ainsi que commença notre troisième balayage du bâtiment.

Nous cherchions un endroit assez grand pour cacher une poupée à taille humaine, mais nous n’avions rien trouvé de tel lors de notre deuxième série de recherches dans la maison. J’avais pensé qu’elle pourrait être dans le jardin, puisque nous n’avions pas vérifié, mais cette piste n’avait pas abouti. Les empreintes de la poupée étaient clairement imprimées sur la neige, mais ne menaient nulle part.

Je commençais à soupçonner qu’il y avait une pièce cachée dans la maison. Elle avait clairement été conçue pour être complètement symétrique, alors peut-être devions-nous chercher tout ce qui n’était pas symétrique. Avec cette idée en tête, j’avais fouillé le premier et le deuxième étage de la maison à la recherche d’anomalies dans la disposition, mais je n’avais rien trouvé. Le manque de lumière rendait la chose difficile à dire.

« Il serait peut-être préférable de regarder à nouveau demain, quand nous aurons la lumière du jour », suggéra Cliff.

Nous avions accepté. Mais avant de nous arrêter pour la nuit, nous avions décidé de déplacer la poupée vers l’université. Nous avions attaché ses bras et ses jambes fermement et l’avions placée dans la chambre de Zanoba. Sous un meilleur éclairage, nous avions pu constater qu’elle était assez vieille. Elle avait l’air d’un blanc pâle auparavant, mais je pouvais voir maintenant que la peinture blanche d’origine commençait à s’écailler et qu’il y avait des taches de moisissure.

« Maître, est-ce une… nouvelle figurine ? », demanda Julie.

J’avais pensé qu’elle en aurait peur, mais au contraire, elle semblait simplement curieuse.

« Dois-je… la nettoyer ? »

Lorsque Zanoba ramenait des figurines du marché, elle était chargée de les nettoyer. Zanoba pensait que la meilleure façon d’accroître son appréciation des figurines était de lui faire pratiquer le nettoyage et le polissage, et il semblerait que son éducation fonctionnait.

« Comment la faire bouger à nouveau ? », s’était demandé Zanoba.

« Nous y réfléchirons après nous être occupés du manoir. »

Je comprenais son impatience, mais il fallait qu’il se calme. Pour l’instant, nous avions enfermé la chose dans une boîte fabriquée avec ma magie de terre. Je ne voulais pas qu’elle attaque Julie pendant notre absence.

Nous étions retournés au manoir, nous arrêtant pour acheter un tas de lampes en chemin. J’avais décidé de fouiller à nouveau la cheminée, en me glissant dedans pour l’examiner de près cette fois.

« Hm, ce n’est pas ça, hein ? »

J’avais chassé la suie et les toiles d’araignées en finissant ma recherche. Puis quelque chose me frappa… il n’y avait pas de suie sur le sol. C’était presque comme s’il avait été nettoyé, complètement essuyé. Maintenant que j’y pense, le tissu enroulé autour des pieds de la poupée était noir. Est-ce que ça nettoyait l’endroit tous les soirs ?

***

Partie 5

Maintenant entre le deuxième étage, le premier étage et le sous-sol, cette dernière était certainement la zone la plus suspecte. Nous nous étions aventurés en bas une fois de plus avec nos lampes. J’avais laissé la porte entrouverte pour m’assurer que nous ne manquerions pas d’oxygène et j’avais aligné les lampes pour que l’espace soit bien éclairé. Si j’étais un conteur pour enfants, j’aurais pu m’exclamer : « Regardez, regardez, c’est aussi lumineux qu’en plein jour ici ! »

Il y avait une forme carrée assombrie sur le mur : une porte cachée que nous n’avions pas remarquée dans l’obscurité. Lorsque la maison avait été construite, elle s’était probablement fondue dans le décor, mais avec le temps, l’usure des ouvertures et fermetures répétées avait assombri la zone autour des charnières. Il y avait également des marques sur le sol à l’endroit où la porte s’était ouverte.

« Eh bien, entrons ! »

Cliff avait joyeusement tendu la main pour ouvrir la porte. Je m’étais préparé à une éventuelle attaque et j’avais gardé un œil sur la porte, mais Cliff fit une pause.

« Qu’est-ce qui ne va pas ? », avais-je demandé.

« Je ne sais pas comment l’ouvrir. »

J’avais jeté un coup d’œil moi-même, et il avait raison. Il n’y avait ni poignée ni encoche dans la porte pour aider à l’ouvrir. Il ne semblait pas non plus qu’on doive la soulever pour l’ouvrir.

« Maître, dois-je la casser ? », proposa Zanoba.

J’avais secoué la tête. Même si je devais rénover la majeure partie de la maison, je ne voulais pas endommager quoi que ce soit si je pouvais l’éviter. Je regardai les éraflures sur le sol. Je n’avais aucun doute sur le fait que la porte pouvait être ouverte, et qu’elle s’ouvrait vers nous.

« Hm ? »

J’avais remarqué quelque chose d’étrange en regardant ces marques. Elles commençaient à trois planches sur la gauche, non alignées avec l’usure du mur.

Dans ma vie précédente, nous étions allés en voyage scolaire dans un ancien village ninja qui avait une porte cachée. Avec ce souvenir en tête, j’avais essayé d’appuyer sur le bord gauche de la porte. Il y eut un craquement, mais la porte ne s’était pas ouverte. Elle était lourde.

« Zanoba, appuie sur cette partie, juste là. »

« Hrm. »

Une fois qu’il le fit, la porte s’ouvrit en grinçant. C’était donc le bruit que nous avions entendu la nuit dernière, hein ? Il y avait une poignée à l’intérieur de la porte, donc l’ouvrir de l’intérieur était apparemment facile.

« Je doute qu’il y ait des pièges, mais veuillez rester sur vos gardes », avais-je dit en entrant, éclairant la pièce avec ma lampe. C’était une pièce exiguë avec un seul bureau, un piédestal en bois, et rien d’autre. Il y avait plusieurs livres et une bouteille d’encre sur le bureau. La bouteille était fissurée et son contenu était tout desséché.

Quant au piédestal, comment le décrire ? Il avait la forme d’un cercueil, sa base était creusée d’indentations adaptées à la taille et à la forme de la poupée. En regardant de plus près, j’avais remarqué un cristal transparent incrusté dans le bois, juste à l’endroit où la tête de la poupée devait reposer. Elle s’était probablement rechargée en s’allongeant ici — au sens magique du terme, en tout cas, pas au sens électrique.

« Cliff, peux-tu me dire quelque chose sur ce piédestal ? »

Celui-ci secoua la tête : « Non, c’est la première fois que je vois quelque chose comme ça. »

J’avais nerveusement tendu la main pour le toucher. Je ne pensais pas qu’il allait me capturer ou quoi que ce soit, mais je devais m’assurer qu’il était inerte. Comme il n’avait pas réagi, j’avais porté mon attention sur l’un des livres du bureau. Je pouvais dire qu’il avait été laissé ici pendant un certain temps, mais heureusement, il n’y avait aucun signe d’insectes. Peut-être que la poupée les avait exterminés ?

Sur la couverture, il y avait un titre et un blason dans une langue que je ne pouvais pas lire. L’intérieur du livre était identique, écrit dans une écriture que je ne connaissais pas, ce qui signifiait qu’il devait s’agir de la langue du dieu du ciel, de la langue du dieu de la mer ou d’une langue si obscure que je n’en avais jamais entendu parler. L’écusson et l’écriture me semblaient pourtant familiers. Où les avais-je vus ? À la bibliothèque de l’université, peut-être ?

En feuilletant les pages, j’étais tombé sur un certain nombre de croquis. Des croquis du corps humain, des croquis de cercles magiques. En continuant à feuilleter, j’étais tombé sur une poupée à quatre jambes et quatre bras.

« Zanoba ? »

« Oui ? »

Zanoba, qui était posté à l’entrée, s’était approché.

« Je pense que c’est la poupée que nous avons trouvée. Qu’en penses-tu ? »

« Je ne peux pas lire le texte, mais tu as probablement raison », avait-il convenu.

« Où ? Laisse-moi voir », dit Cliff tout en s’interposant une fois de plus.

Nous avions tous les trois regardé le livre, en feuilletant les pages. La reliure était assez vieille et semblait pouvoir céder à tout moment. Il y avait des flèches dessinées à côté des croquis et des mots écrits en dessous, probablement des annotations ou des commentaires. Il y avait des croquis des bras de la poupée, des cercles magiques, et d’autres flèches et annotations. Les marges étaient remplies de gribouillages détaillés.

« À en juger par les seuls croquis, cela semble similaire aux cercles magiques utilisés pour enchanter les instruments magiques », marmonna Cliff.

« Vraiment ? »

« Oui, je peux le dire parce que j’ai fait des recherches sur eux dernièrement. La poupée doit être un outil magique. »

« Alors c’est ça. »

L’ancien propriétaire — non, le premier propriétaire de cette maison — avait probablement fait des recherches sur quelque chose d’interdit. Je pense qu’il avait demandé à la poupée de protéger la maison, ce qui semblait avoir été un succès, puisqu’elle s’était déplacée dans le manoir et avait attaqué les intrus. Puis le propriétaire original disparu. Je ne savais pas vraiment s’il avait laissé son travail inachevé et où s’il avait déménagé ailleurs, ou s’il s’était fait prendre. Mais vu qu’il avait laissé le fruit de son travail derrière lui, il était fort probable qu’il soit décédé dans un accident imprévu.

Quant à la poupée, elle était probablement restée endormie sur ce piédestal jusqu’à ce que quelque chose se produise et la fasse se réveiller. Elle commençait par nettoyer la maison et par patrouiller, tuant tous les intrus qu’elle découvrait. Il était probablement programmé pour retourner sur le piédestal pour se recharger une fois qu’il avait terminé.

Cela semblait être la conclusion la plus logique. Mais si elle patrouillait dans le jardin, quelqu’un aurait déjà dû la repérer… Attendez, non, nous avions cassé la porte d’entrée quand nous étions arrivés ici, et c’était la seule porte cassée du bâtiment. La programmation originale de la poupée l’avait peut-être fait patrouiller dans le jardin, mais elle avait été forcée d’abandonner cette route quand elle n’avait pas pu ouvrir les portes, la laissant piégée à l’intérieur de la maison. Et puis nous avions cassé la porte en entrant, ce qui lui avait permis de recommencer à faire le tour du jardin — probablement juste au moment où nous étions passés devant et avions monté les escaliers, ce qui l’avait amenée à nous suivre.

◇ ◇ ◇

Par sécurité, j’avais à nouveau fouillé tous les coins et recoins de la maison et j’avais gardé l’œil ouvert pendant plusieurs jours encore. Il n’y avait plus de bruit la nuit. Une fois que j’étais certain que la maison était sûre, j’étais allé à l’agence immobilière pour signer officiellement le contrat. Quant à l’esprit maléfique, je leur avais dit que c’était un monstre diabolique qui s’était installé dans une pièce cachée au sous-sol de la maison.

Demain, je demanderais à des gens d’y aller pour commencer le nettoyage et les réparations. J’avais décidé de n’acheter que le strict minimum de meubles pour l’instant. Peut-être que c’était juste la partie japonaise de moi qui parlait, mais j’avais l’impression que je devais garder le reste pour Sylphie et moi, afin de décider ensemble. De plus, nous ne pourrions pas emménager avant un mois, lorsque les rénovations seraient terminées.

Je pouvais imaginer l’excitation sur le visage de Sylphie.

« Tu vois, c’est notre nouvelle maison ! », lui dirais-je.

« Whoa ! Rudy, c’est incroyable ! »

« Il y a aussi beaucoup de pièces à l’intérieur. On aura donc assez d’espace, quel que soit le nombre d’enfants qu’on aura ! »

« Incroyable, tu penses même à notre avenir ensemble ! Prends-moi maintenant ! »

« Bien sûr, mon amour. J’ai déjà préparé le lit pour nous. »

« Rudy, prends-moi ! »

Oui, ça avait peu de chances d’arriver, mais l’idée me faisait quand même sourire.

Attendez, se pourrait-il qu’elle soit décue ? Genre : « Ugh, Rudy, est-ce tout ce que tu as pu avoir pour nous ? »

Non, Sylphie n’était pas si égoïste. Du moins, j’étais presque sûr qu’elle ne l’était pas.

Quoi qu’il en soit, ça avait été un effort fructueux. En quelques jours, j’avais mis la main sur un bel endroit et hérité d’un des trésors qui y avaient été laissés. J’étais presque sûr que cette poupée était un instrument magique. Il était possible que le protocole approprié dans ces circonstances soit de soumettre ma découverte à la guilde des magiciens, mais je n’étais pas encore officiellement membre.

Une fois le processus plus ou moins terminé, j’avais décidé de déplacer le matériel de recherche qui avait été laissé dans la pièce du sous-sol. Zanoba porta le piédestal tandis que je portais les livres et autres. Nous allions les utiliser pour enquêter sur cette poupée.

« Maître ? »

Nous étions sur le chemin qui ramenait à l’université lorsque Zanoba m’avait interpellé, un air sérieux sur le visage. Il tenait le grand piédestal en bois en équilibre sur son épaule. Il était incroyablement lourd, mais Zanoba n’avait eu aucun mal à le soulever. Par précaution, nous l’avions enveloppé dans un tissu pour qu’il ressemble à un cercueil aux yeux de tous.

« Qu’il y a ? »

« Puis-je te convaincre de me laisser l’entière responsabilité des recherches sur la figurine mobile ? »

J’avais croisé son regard. Derrière ces cadres ronds se cachait un regard de détermination que je n’avais jamais vu auparavant.

« Ma réserve de mana est déplorablement petite, et mes mains sont bien trop maladroites. Je te retiens même pour la figurine de wyrm rouge que nous sommes censés fabriquer pour Julie. Je n’ai pratiquement pas avancé sur ce projet. »

Il serait facile de lui assurer que ce n’était pas vrai, mais je savais que cela le préoccupait. Je ne pouvais pas parler sans réfléchir.

Zanoba poursuivit : « Cependant, je me sens capable d’effectuer des recherches. Honnêtement, regarder le livre me donne une idée de ce que l’auteur voulait accomplir. »

Hm. Il pouvait donc deviner les pensées du créateur de la poupée puisqu’ils partageaient la même passion, hein ?

« Cela dit, identifier et traduire la langue peut prendre un certain temps. Il serait peut-être plus rapide pour toi de mener la recherche », avait-il suggéré.

Je n’étais pas sûr de cela. Je ne pouvais pas passer tout mon temps à faire des recherches sur des figurines. Il serait peut-être plus avantageux de laisser Zanoba s’en charger. Mais…

« Dans le pire des cas, que feras-tu si cette poupée devenait à nouveau folle furieuse ? »

« Même si elle se déchaînait, je pourrais la recapturer sans blessure. Tu l’as vu par toi-même, n’est-ce pas ? »

C’était vrai. L’idée qu’elle se déplaçait la nuit était un peu terrifiante, mais cela n’arriverait probablement pas tant qu’on ne le laisserait pas se recharger sur son piédestal. Le laisser dans la chambre de Zanoba était cependant dangereux, alors ce serait une bonne idée d’emprunter une des chambres de recherche de l’université. Une avec une porte solide.

Non, attendez. Il était possible que de la magie interdite soit vraiment à l’œuvre. Peut-être que nous ferions mieux de ne pas faire ça sur le campus, même si Nanahoshi faisait quelque chose de similaire avec ses recherches sur les cercles magiques. Je lui demanderais peut-être de glisser un mot en ma faveur, juste au cas où. Elle était après tout un membre de rang A de la guilde.

« S’il te plaît, Maître ! Quand ton plan sera pleinement réalisé, je ne veux pas que ma seule contribution soit de l’argent ! »

Il semblerait que Zanoba avait beaucoup réfléchi à tout cela. J’étais un peu inquiet de sa fixation sur les figurines, mais si c’était ce qu’il pensait, je devais peut-être le laisser faire.

« Je t’en supplie ! Confie-moi cette recherche ! »

Apparemment, il avait interprété mon silence comme une réticence. Il avait mis le piédestal de côté et était maintenant à quatre pattes, les deux mains écartées devant lui alors qu’il se prosternait dans la neige.

« Ok, j’ai compris. Mets-toi debout ! Je te le laisse. »

« Vraiment ?! »

Il s’était immédiatement levé d’un bond, une expression de joie absolue sur le visage. Il avait vraiment changé en un clin d’œil.

« Il est possible que tu t’avances sur le territoire de la magie interdite », avais-je prévenu.

« De la magie interdite ? »

« Oui. Nous allons emprunter une chambre de recherche à l’université pour le moment, alors fais ton travail là-bas. »

« … Merci ! »

Il avait rapidement soulevé le piédestal à nouveau, manquant de peu le bout de mon nez. C’était passé près ! Qu’avait-il prévu de faire s’il m’avait accidentellement frappé à la tête avec ça ?

« Voulez-vous bien arrêter d’attirer l’attention sur vous au milieu de la rue ? », grommela Cliff.

C’est ainsi que Zanoba commença ses recherches sur les poupées automatiques et que j’avais mis la main sur une nouvelle maison. Prochaine étape : les rénovations !

***

Chapitre 3 : Drama

Partie 1

Dans le Royaume de Ranoa, la ville magique de Charia

Dans un quartier de cette ville — très peuplé d’étudiants — se trouvait un vieux manoir avec de nombreux problèmes. Un simple pas dans l’allée vous amenait à un jardin non entretenu, puis à une porte d’entrée cassée. Les murs et les plafonds avaient subi des dégâts des eaux, et le toit fuyait quand il pleuvait. Il y avait une cheminée qui pouvait ou non être en état de marche, et les murs extérieurs étaient enveloppés de mousse et de vignes ratatinées. En bref, c’était plus une ruine abandonnée qu’une maison.

Et le pire dans tout ça ? La maison était hantée.

De façon assez surprenante, un homme nommé Rudeus Greyrat essayait d’emménager dans la maison. C’était un ancien aventurier de rang A et était actuellement étudiant de l’Université de Magie. Rudeus avait acheté la maison pour y vivre avec sa future femme. Il avait effectivement des goûts un peu particuliers. Peu de gens choisiraient un tel endroit pour commencer leur vie de jeunes mariés.

Un homme avait répondu à l’appel de ce client : Balda du Grand Creux. C’était un artisan et rénovateur, et un architecte expert affilié à la Guilde des Magiciens du Duché de Basherant. Il avait trente ans d’expérience, allant de la conception d’un bâtiment à sa construction. Ayant acquis ses compétences dans le Pays Saint de Millis, il avait un certain nombre de réalisations notables à son actif, comme la construction d’un bâtiment scolaire indépendant pour l’Université de la Magie.

Balda était un homme un peu têtu, mais un homme bon dont les compétences étaient indéniables. Il avait toujours un marteau à ses côtés, et s’il trouvait quelque chose qui ne lui plaisait pas, même si c’était la maison d’un étranger, il la démolissait et la reconstruisait. Tel était le tempérament de cet artisan. Il mettait tout en forme avec son marteau, que ce soit des bâtiments ou ses propres élèves. C’était ainsi qu’il avait acquis un autre surnom : Balda au Marteau.

« Aha. Nous y sommes. Vous devez être Quagmire ! J’ai entendu dire que vous alliez vous marier ! »

La personne qui accueillit l’artisan était le client lui-même, un homme connu dans la rue sous le nom de « Rudeus Quagmire », bien que l’artisan l’appelle plus affectueusement « Quagmire ».

« Oui. Je remets tout entre vos mains, Monsieur Balda. »

Balda connaissait Rudeus. Talhand était un vieil ami à lui, et il avait entendu parler de Rudeus par la compagne de Talhand, Elinalise.

« Je suis heureux d’avoir pu acheter une maison pour ma nouvelle femme, mais comme vous pouvez le voir, elle a besoin de quelques restaurations. »

« Eh bien, pourquoi ne pas me laisser jeter un coup d’œil ? »

« Je vous en prie. »

Au moment où ils avaient essayé d’entrer dans la maison, l’artisan fronça les sourcils.

« Hé ben, qu’est-ce que c’est que ça ? Cette porte est en mauvais état. C’était comme si elle avait été arrachée de ses gonds. »

« Elle n’était pas bien ajustée et ne pouvait pas être ouverte, nous n’avions donc pas d’autre choix que de la casser », expliqua Rudeus.

« Tsk, honnêtement. Vous, les enfants, vous aimez vraiment tout casser. Vous n’avez aucun respect pour les choses. », cracha le nain.

« Je suis tout à fait d’accord. »

Le client balaya facilement les propos colériques de l’artisan. Il parlait comme s’il n’avait rien à voir avec la destruction de la porte. L’artisan n’aimait pas trop ce genre d’attitude, mais il avait retenu ses sentiments. Il avait entendu dire que Rudeus Quagmire était un individu assez terrifiant si on provoquait sa colère.

« Alors qu’est-ce que vous voulez faire pour cette porte ? »

« Qu’est-ce que vous voulez dire ? », demanda Rudeus.

« Qualité des matériaux, design, ce genre de choses. Si vous n’avez pas de préférence, je me contenterai d’utiliser mon propre savoir-faire », expliqua Balda.

« Je n’ai pas de préférence particulière en ce qui concerne les matériaux, mais j’aimerais demander une porte solide. De plus, veuillez ajouter un heurtoir de porte. »

« Bien sûr. Après tout, c’est l’entrée principale. »

Après cela, ils s’étaient dirigés vers l’intérieur, où l’artisan arborait à nouveau un regard mitigé.

« Cet endroit a vraiment subi beaucoup de dégâts. »

« Vraiment ? »

« Le sol est plutôt assez bien fait, mais les murs et le plafond sont plutôt mal faits en comparaison. C’est comme si le sous-sol était la partie la plus importante de la maison et que tout le reste n’était que du superflu. »

« Vous pouvez dire tout ça ? »

« Bien sûr que je le peux. »

Les yeux de Balda pouvaient facilement dire ce qui était bien fait et ce qui ne l’était pas. Le plancher, les escaliers, le deuxième étage, la salle à manger, la cuisine et la cheminée étaient tous des ouvrages solides. Il pouvait dire qu’un constructeur talentueux avait exercé ses compétences architecturales et ses capacités magiques pour créer ceci il y a cent ans. Mais quelqu’un d’autre avait fait des rénovations aux murs et au plafond. Ce fut à ce moment que tout devint détraqué.

« Eh bien, ça peut être réparé très rapidement. »

Les paroles de l’artisan étaient rassurantes. Soulagé, le client l’avait conduit dans une grande salle à manger.

« Une grande pièce, hein ? La lumière du soleil ici n’est pas mauvaise », dit Balda.

« Et la cheminée ? »

« Voyons voir. »

Les yeux du nain s’illuminèrent devant la cheminée qui pouvait ou non être utilisable.

« C’est une belle cheminée. Un peu vieille, mais il vaudrait mieux ne pas y faire d’ajustements. »

« Vous êtes sûr ? »

« Tenez, regardez cette marque ciselée ici. »

Balda désigna l’emblème que Rudeus était certain d’avoir déjà vu quelque part.

« C’est la marque d’un artisan de génie. Son nom s’est perdu dans la nuit des temps, mais dans le Royaume d’Asura, les outils magiques portant cette marque se vendent très cher. La plupart d’entre eux sont cependant de petits gadgets. Qui aurait cru que la même personne aurait créé une cheminée entière comme celle-ci ? »

Le client repensa à l’écusson sur le journal qu’il avait trouvé dans cette maison quelques jours auparavant, réalisant finalement qu’il ressemblait terriblement à celui-ci. Il semblerait que le premier propriétaire de la maison ait construit ces choses lui-même.

« Alors, que voulez-vous faire avec cette grande pièce ? », demanda Balda.

« C’est une bonne question. Que faites-vous normalement avec une pièce comme celle-ci ? »

« Eh bien, c’est un grand espace. Installez une grande table et vous pourrez l’utiliser pour des fêtes. Prenez celle de l’autre aile de la maison comme réserve. Si quelque chose arrive et que vous ne pouvez pas utiliser cette pièce, alors vous pouvez utiliser celle-là à la place. »

« Donc vous ne l’utiliseriez pas la plupart du temps ? »

« Pas normalement, non. Et puis, pour la plupart d’entre nous qui vivons une vie normale, une grande pièce est plus que suffisante. »

« Je suppose que vous avez raison. Utilisons la pièce de l’autre aile comme salon. »

« D’accord. »

L’artisan et son client poursuivirent leur échange en passant à la pièce suivante.

« Il y a aussi deux cuisines ici. Mais la seconde n’a pas de four. »

« Je suppose que cela signifie qu’elle n’a pas été utilisée, non ? », demanda Rudeus.

« Il y a un tuyau de drainage, ça a donc probablement servi pour se laver et se baigner. »

« Oh, c’est donc une salle de bain ! »

L’artisan regarda la cuisine, puis la zone de lavage. Il vérifia la détérioration et l’obstruction de la plomberie, puis hocha la tête.

« Cet endroit est très bien et ne nécessite aucune réparation. C’est plutôt propre pour l’usage qu’on en a fait. Bien qu’elle n’ait peut-être pas été beaucoup utilisée au départ. »

« Il y a une chose pour laquelle j’aimerais vous consulter », dit le client en poursuivant avec sa propre suggestion.

Les yeux de l’artisan s’illuminèrent.

« Vous pensez à des choses intéressantes. Mais je n’ai pas les matériaux pour ça, donc ça risque de vous coûter cher. »

« Je les créerai moi-même avec de la magie. »

« Vous avez donc tout compris, hein ? Très bien. Voyons ce que nous pouvons faire. »

Et ce fut ainsi que le client confia son idée à l’artisan.

◇ ◇ ◇

Le lendemain, dix des subordonnés de Balda se réunirent et les rénovations commencèrent.

PARTIE 1 : PORTE

Tôt dans la matinée, une grande porte faite de bois coûteux, découpé pour s’adapter au cadre, fut apportée. Sur l’extérieur de la solide dalle se trouvait un heurtoir en forme de lion, avec un cercle magique dessiné sur le bord de la porte comme mesure de sécurité.

« Ce n’est pas grand-chose, mais si quelqu’un essaie de forcer la porte, un bruit fort résonnera dans toute la maison. Ça pourrait aussi servir d’alarme. », dit le nain.

Le client rit hardiment de l’idée de l’artisan.

PARTIE 2 : SALLE DE BAIN

Grâce à l’habileté de l’artisan, cet espace avait subi de grands changements. Tout d’abord, une cloison fut installée pour diviser l’espace en deux. Le sol en pierre avait été remplacé par du carrelage et incliné vers un drain dans un coin de la pièce. Dans un autre coin, une boîte carrée en pierre assez grande pour que trois personnes puissent s’y allonger avait été installée. Le sol en dessous avait été légèrement entaillé pour que la boîte puisse être mise en place. Puis une fenêtre avait été installée près du plafond. À quoi cette pièce était-elle censée servir exactement ?

PARTIE 3 : PIÈCE DU SOUS-SOL

Le client et l’artisan s’étaient tenus dans l’obscurité du sous-sol.

« C’est une belle pièce. Vu la façon dont elle a été construite, vous n’aurez presque jamais de souris qui entreront. »

« Oui. Eh bien, à propos de cette porte cachée ici. Derrière elle, j’aimerais que vous créiez une pièce comme celle-ci. »

« Pourquoi voulez-vous une pièce aussi étrange ? Ah, oubliez ça. Je ne dirai rien. Je suis un bon disciple de Millis, mais il semble que vous ne le soyez pas. »

Des machines et des matériaux avaient été apportés dans le sous-sol pour répondre aux souhaits du client, et les taches sur les coins de la porte cachée avaient été complètement lavées.

***

Partie 2

Deux semaines plus tard, alors que les rénovations étaient enfin terminées, le client avait amené sa femme avec lui.

« Oh, je me demande ce que tu veux me montrer. Je suis tellement excitée ! »

« On dirait que tu récites des lignes écrites sur un morceau de papier, Sylphie. Ne me dis pas que tu as secrètement recueilli des informations et que tu sais déjà ce que c’est ? »

« Oh ? Qu’est-ce que tu veux dire ? Je n’ai aucune idée de ce dont tu parles. »

Rudeus flirtait avec sa femme tandis qu’elle continuait à feindre une surprise guindée, et les deux se frayèrent un chemin dans la neige.

« Apparemment, pendant que j’avais le dos tourné, la fille honnête et fautive que je connaissais a appris à mentir. Maintenant que j’y pense, je devrais peut-être être heureux. Mais si tu peux mentir si audacieusement maintenant, alors je suis inquiet que tu puisses me mentir à nouveau dans le futur. »

« C’est aussi ta faute, Rudy. Si tu utilises le nom de la princesse Ariel, je finirai bien par le découvrir. »

« Je m’excuse. »

« Je vais devenir anxieuse si tu ne me dis rien, tu sais. Je veux dire, tu es si beau… »

Sylphie s’était éloignée.

« Tu penses que je vais te tromper ? C’est vexant. »

« Non, je veux dire… hum, tu sais. Je ne suis pas très… je veux dire, au niveau de la poitrine. Ils sont plutôt petits. »

Au moment où l’homme vit le regard anxieux sur le visage de sa femme, un sourire s’était répandu sur le sien.

« C’est quoi ça, tu t’inquiètes de la taille de tes seins ? Ne t’inquiète pas, ce vieil homme croit en l’égalité. Je ne fais pas de discrimination. Ha ha ha ! »

« Vieil homme ? Ah, hé, ne commence pas à me toucher soudainement ! Les gens regardent ! »

« Oui, madame. Je suis désolé. »

Jusqu’au moment où ils arrivèrent à la maison, l’homme était devenu silencieux, comme un chien qui avait la queue entre les jambes. Sa femme ajusta ses lunettes de soleil et grommela de frustration.

« Considère l’heure et le lieu. Garde ce genre de choses pour la nuit, dans la chambre ! D’accord ? »

« Oui, Mlle Sylphiette. Je ne le ferai plus jamais. »

« Ah, m-mais si tu ne peux vraiment pas te retenir… alors hmm… »

« Oho ? Il va falloir que tu parles plus fort, petite, les oreilles de ce vieux monsieur ne sont plus ce qu’elles étaient. »

Tous deux jetèrent un coup d’œil à leur nouvelle maison.

AVANT :

La mousse s’accrochait aux pierres et le lierre serpentait à l’extérieur de la maison. Les fenêtres étaient brisées et la porte d’entrée pendait de son cadre. La demeure de Rudeus dégageait une aura étrange, comme si elle abritait une sorcière.

MAINTENANT :

Les pierres couvertes de mousse avaient été nettoyées et polies, et une nouvelle couche de peinture blanche pure avait été appliquée sur les murs extérieurs. Le toit, auparavant si terne qu’il était impossible de distinguer sa couleur d’origine, était maintenant d’un vert éclatant. De solides portes doubles brun foncé avaient été installées dans l’entrée. Les portes avaient des charnières dorées étincelantes en forme de lion qui ressemblaient presque à des chiens de garde.

En voyant cela, la femme s’était couvert la bouche.

« Qu’est-ce que tu en penses ? »

« Um, uh, qu’est-ce que j’en pense ? »

« J’ai choisi une couleur proche de la couleur originale de tes cheveux pour le toit. Tu n’aimais peut-être pas tes cheveux, mais moi, je les aimais vraiment. »

« Huh ? Oh, je vois. Aah… »

Elle gardait sa main pressée sur sa bouche, les yeux pleins d’admiration en regardant la maison.

« Viens alors, allons à l’intérieur pour voir le reste. »

Le duo entra. Un tapis était posé à l’entrée principale afin qu’ils puissent s’essuyer les pieds. C’était une représentation des sentiments du client sur la culture de ce monde qui consistait à porter des chaussures à l’intérieur.

« À droite, la salle à manger. À gauche, le salon. Laquelle veux-tu voir en premier ? »

« Hum, je suppose qu’il serait bon de voir la salle à manger en premier ? »

« Donc tu préfères la salle à manger ! Très bien. Je suis sûr que tu aimeras encore plus cet endroit, une fois que tu l’auras vu. Viens par ici. »

La nervosité du client filtrait dans son discours, comme s’il était une sorte de vendeur de voitures.

Ils avaient quitté le couloir pour se rendre dans une pièce située sur la gauche. La pièce, auparavant grande et vide, avait subi une sacrée transformation. Tout d’abord, une longue table avait été placée à l’intérieur. Elle était vide pour le moment, mais elle semblait pouvoir accueillir dix personnes. Les murs étaient recouverts d’un papier peint blanc, et dans un coin se trouvait un vase avec un petit arrangement de fleurs. La grande cheminée avait été réparée avec des briques rouges flambant neuves qui accentuaient le reste de la pièce.

« Whoa, c’est incroyable. »

« Nous mangerons soit ici, soit dans le salon », dit l’homme.

« Qu’allons-nous faire avec une table aussi longue ? »

« Je suis sûr que nous l’utiliserons quand nous inviterons des gens. »

« Oh, c’est logique. Tu as raison. On va inviter des gens. »

La fille avait retiré ses lunettes de soleil et s’était gratté l’arrière de ses oreilles.

Il avait alors tendu la main et l’avait tapotée sur la tête, un regard affectueux sur le visage. Nul doute que le client pensait intérieurement non seulement aux invités potentiels, mais aussi à remplir les sièges de la table avec leurs enfants.

« Bon, alors ! Au salon. »

Ils se dirigèrent vers le salon. Devant eux s’étendait un grand espace accueillant et familial. Des canapés étaient installés autour de la cheminée. Une table trônait à proximité, sur laquelle reposaient un pichet et quelques tasses. L’artisan avait fait preuve d’une magnifique ingéniosité en mettant en œuvre si naturellement le désir du client d’avoir une maison relaxante.

« C’est incroyable. Puis-je m’asseoir là-dessus ? »

« Bien sûr que tu peux ! Ah, mais s’il te plaît, ne mentionne même pas que les coussins sont durs, je le sais déjà. Ils vont s’adoucir avec l’usure, à ce qu’on m’a dit. »

« Je ne me suis même pas encore assise. En fait, Rudy, ça fait un moment que tu parles bizarrement. »

« Je suis juste un peu nerveux. »

Sa femme avait prudemment pris place sur le canapé.

« Ce n’est pas du tout dur. »

Le client s’était installé à côté de sa femme. Il passa un bras autour de son épaule et les deux s’étaient fait face, les regards se croisant. Sa femme avait doucement fermé les yeux et…

Il l’avait remise sur ses pieds.

« Pourquoi ne pas aller voir la pièce suivante ? C’est la cuisine. La demeure de Rudeus est fière d’avoir une fantastique zone de préparation des repas, viens voir ! »

« Euh, ouais ! »

Outre le four en pierre existant, la cuisine accueillait également un assortiment d’équipements de cuisson dernier cri. Il y avait un comptoir assez grand pour dépecer un sanglier entier dessus, et une cuisinière avec un gigantesque chaudron. Il y avait aussi des fûts, des bocaux et des récipients en terre pour le stockage.

« C’est tellement normal. »

« C’est sûr. »

Alors que l’expression de son mari devenait solennelle, la femme avait fait à son tour un signe de tête solennel. Une fois cela terminé, ils étaient passés à la zone suivante — la salle de bain. Ils avaient traversé le couloir et s’étaient glissés dans l’entrée. Quand ils le firent, la femme inclina la tête.

« Oh ? C’est assez petit. »

Il y avait un grand seau et une planche à laver dans la pièce, et rien d’autre. C’était plus qu’assez d’espace pour faire la lessive, mais ce qui avait attiré son attention était la porte à l’arrière.

« Jette un coup d’œil. »

Le client conduisit sa femme à travers la porte.

Ce qui l’attendait à l’intérieur était une énorme baignoire.

AVANT :

Ce n’était rien de plus qu’une pièce ordinaire sans four à pierre, trop grande pour être utilisée uniquement pour laver le linge. Une deuxième cuisine désolée.

MAINTENANT :

Le sol avait été remplacé par du carrelage, et au bord de la pièce se trouvait une grande baignoire remplie d’eau chaude. Elle était inclinée de façon à ce que l’eau s’écoule doucement dans le drain qui avait été installé. La pièce qui avait été recouverte de pierre était maintenant une salle de bain élégante.

« Hum, est-ce que cela pourrait être… une baignoire ? », demanda sa femme.

« J’aurais dû m’attendre à ce que tu trouves la solution. Tu sais donc ce qu’est une baignoire ? »

« Oh, oui. J’ai eu une petite expérience avec eux quand je vivais dans le palais royal. Mais c’est la première fois que j’en vois une aussi grande. Est-ce ce que tu appelles une source chaude ? »

« C’est un peu différent d’une source chaude. »

Elle n’avait pas pu masquer sa surprise. Le client l’observait avec une expression curieuse. On pouvait presque entendre sa sinistre voix intérieure dire « J’ai hâte de prendre un bain ensemble, heh heh heh » rien qu’à l’expression de son visage.

« J’ai mis de l’eau dedans juste pour pouvoir te montrer, mais normalement on la garde vide. »

« OK. Tu pourras m’apprendre à m’en servir plus tard. Ahh ! »

Il jeta alors soudainement ses bras autour d’elle. Apparemment, il venait juste d’être submergé par l’émotion rien qu’en l’écoutant.

« Bon sang, de quoi s’agit-il ? », demanda-t-elle.

« Je me demandais comment je pourrais t’amener à prendre un bain avec moi. Alors, quand je t’ai entendu dire ça, je n’ai pas pu m’en empêcher », dit le client.

« Étais-tu vraiment inquiet à ce sujet ? Un bain n’est pas quelque chose que l’on fait seul, non ? La princesse y va toujours avec ses préposées. Je l’ai même déjà aidée à se laver. »

« Il y a une coutume dans une des tribus là-bas où la femme et le mari se lavent mutuellement le corps. En as-tu entendu parler ? »

« Non, jamais. C’est un peu embarrassant, mais je vais faire de mon mieux. »

Une fois leur conversation terminée, ils avaient pris les escaliers et étaient montés au deuxième étage. Le plafond avait été magnifiquement restauré avec des panneaux en bois clair, éliminant toute inquiétude quant au risque d’être arrosé par la pluie. Le client avait emmené sa femme directement à la porte la plus éloignée.

« Pour l’instant, c’est la seule pièce que j’ai refaite au deuxième étage. »

« Ah, c’est incroyable. »

Les yeux de sa femme s’étaient élargis de surprise en entrant. La chose la plus évidente dans la pièce, bien sûr, était le lit massif assez large pour que trois personnes puissent y dormir confortablement. Il n’y avait qu’un seul oreiller dessus : le préféré du client.

« Pourquoi un si grand lit ? »

« C’est évident, bien sûr. C’est pour que nous puissions vraiment nous amuser lorsque nous serons seuls ensemble. »

« Oh, c’est donc ça. Je suppose que c’est logique. Hee hee hee. »

Ils arboraient tous les deux des sourires carnassiers.

***

Partie 3

Ce fut ainsi que j’avais présenté à Sylphie notre nouvelle maison, comme un documentaire.

Elle s’était assise sur le lit et s’était blottie contre moi. Elle était de bonne humeur, avec un grand sourire sur le visage. La voir apprécier l’endroit me rendait heureux. Je voulais la pousser vers le bas et passer aux affaires entre mari et femme, mais il y avait un petit quelque chose dont je voulais parler d’abord.

« Sylphie, cela fait environ trois semaines que j’ai annoncé nos fiançailles. Je réalise que c’était comme si c’était hier, mais nous avons fait une petite pause pour ne pas en discuter. »

« O-oui. »

La raison pour laquelle je parlais de manière si raide était parce que cette conversation était sérieuse.

Sylphie avait dû s’en rendre compte aussi, car elle s’était redressée.

« Même si j’ai dit qu’on allait se marier, pour être honnête, je ne sais pas ce que je suis censée faire. J’ai acheté cette maison, mais honnêtement, je ne peux pas m’empêcher de penser que je me suis précipité. »

« Je… je ne me sens pas du tout comme ça. Je suis vraiment heureuse de tout ce que tu as fait. En fait, c’est moi qui me demande si c’est vraiment bien pour moi de vivre dans un endroit aussi luxueux. »

« Vraiment ? Je suis heureux d’entendre que cela ne te pose aucun problème, mais je souhaite discuter de ce qui se passera dans le futur. »

Le futur. Quand j’avais dit ça, son visage était devenu rouge, et pour une raison quelconque, elle avait commencé à s’agiter.

« Hum, j’aurais autant d’enfants que tu le souhaiteras. Mais le sang d’elfe coule fortement dans mes veines, donc ça pourrait être difficile de me mettre enceinte. »

« O-oui. »

C’était incroyablement sexy à entendre. Après tout, on n’était pas dans le Japon de l’ère moderne. J’aurais été déçu d’entendre qu’elle voulait repousser les enfants pour des raisons financières alors qu’on venait de se marier. C’était vrai. J’étais fidèle à mes instincts. Et par là, je voulais dire l’instinct animal naturel de se reproduire. En d’autres termes, faire des bébés.

Malgré tout, j’avais l’intention d’être compréhensif à propos de sa carrière.

« Mais que vas-tu faire de ton travail pour la princesse Ariel ? »

Je ne savais pas ce que la princesse pensait de tout ça, mais je ne voyais pas comment Sylphie pourrait continuer son travail de garde du corps si elle tombait enceinte. Je suppose que moi ou quelqu’un d’autre pourrions la remplacer sur le front, mais ce n’était pas le seul aspect du métier de garde du corps.

« Qu’est-ce que tu veux dire ? », avait-elle demandé.

« Ne serait-il pas difficile de faire les deux en même temps ? »

« J’en ai déjà parlé avec la princesse. »

Huh. C’était logique.

« Nous prévoyons de rester dans ce pays pour les deux prochaines années au moins, et même dans ce cas, ce n’est pas comme si nous allions nous diriger vers le Royaume d’Asura dès que nous serons diplômés. Nous allons rester ici encore environ cinq années supplémentaires. Donc, hum… »

Sylphie ne semblait pas avoir l’intention d’abandonner son travail de garde du corps. Le fait qu’il n’avait jamais été question de démissionner en disait long sur la force de ses liens avec Ariel et Luke. Je me demandais ce que l’ancienne Sylphie, celle qui dépendait entièrement de moi, dirait. Peut-être qu’elle proposerait de tout laisser tomber pour me suivre. Ça me rendrait heureux aussi, mais…

« Désolé. Maintenant que j’y pense, c’est injuste pour toi, non ? Tu m’as offert une maison si magnifique, mais je ne pourrai pas y passer beaucoup de temps à cause de mon travail avec Ariel. Je suppose que je ne mérite pas vraiment d’être ta femme, hein ? »

Elle baissa la tête, le visage plein de chagrin.

Aucune règle ici n’obligeait l’homme à travailler pendant que la femme restait à la maison, peut-être parce qu’il n’y avait pas dans ce monde autant d’écart de pouvoir social entre les hommes et les femmes. Pourtant, c’était généralement plutôt la norme.

« Je ne suis donc finalement pas assez bien ? », demanda Sylphie, les yeux remplis de larmes.

Je me sentais un peu coupable. J’avais passé deux ans dans l’abstinence. Une fois ma libido enfin rétablie, l’émotion chauffée à blanc qui avait été refoulée pendant ces deux — non, trois ans — avait jailli, et la seule pensée que j’avais en tête était Sylphie. C’était la seule personne qui me laisserait faire l’amour avec elle.

Je ne pensais pas que c’était nécessairement une mauvaise chose. Après tout, c’était Sylphie qui avait pris l’initiative, elle m’avait même donné un aphrodisiaque et m’avait laissé faire ce que je voulais avec elle, même si c’était sa première fois.

J’étais un obsédé sexuel que même les hommes-bêtes étaient dégoûtés par moi. Si elle m’avait trouvé effrayant, elle n’en avait montré aucun signe. Quand je m’étais réveillé le lendemain matin, elle m’avait regardé et avait souri.

Si ce n’est pas maintenant, alors quand ? Si ce n’est pas Sylphie, alors qui ? Si j’hésitais encore, et qu’elle finissait par épouser quelqu’un d’autre, j’étais sûr que je le regretterais pour le reste de ma vie. Si elle m’était enlevée — attendez, c’était vrai. Sylphie m’appartenait déjà.

« Tu es à moi, Sylphie. »

« Eh ? ! Euh, oui. Je suis à toi, Rudy. »

« Alors s’il te plaît, épouse-moi. »

Maintenant que j’y pensais, c’était peut-être la première fois que je le lui demandais explicitement.

« … Oui. »

Ses joues chauffèrent tandis qu’elle hochait la tête. Puis elle avait laissé échapper un petit soupir de soulagement.

« Ne t’inquiète pas pour ton travail de garde du corps. Je m’occupe de la maison. Fais donc simplement ce que tu as à faire. »

« Oui. »

« Eh bien, j’aimerais quand même que tu dormes avec moi une fois de temps en temps si possible. »

« Huh ? »

Ooops. Mes désirs sexuels avaient débordé.

« Par dormir, tu veux dire ça ? », avait-elle demandé.

« Non, non, seulement si tu en as envie. Si tu n’en as pas envie, laisse-moi juste tripoter tes petits seins et tout ira bien. »

« Hum, je vais faire de mon mieux, ok ? Je ne veux pas que tu te restreignes, ok ? »

« Ouais, mais ne te force pas non plus. Quand tu es épuisée, tu as besoin de récupérer. Si tu me laisses juste te toucher un peu, soit avant de nous coucher, soit après nous être levés, je m’en occuperai moi-même. »

Mes désirs sortaient tout droit de ma bouche. Mais bon, ça ne servait à rien de la jouer cool pour Sylphie. C’était comme ça que j’étais.

« Tu aimes tant que ça mes seins ? »

« Je les aime », avais-je dit.

« Mais Luke a dit qu’ils n’avaient rien d’attirant. »

« Ne fais pas confiance à ce que dit un jeune freluquet comme lui. »

Plus un gars était jeune, plus il était obsédé par des seins plus gros ou plus petits. Ce n’était pourtant pas la partie la plus importante. C’était le cœur. Pas vrai, ermite amoureux des seins ?

« Mais ma poitrine n’est pas très différente de la tienne ? »

« C’est faux. Les miens sont des pectoraux ciselés, les tiens sont de petits et beaux seins. Ils sont totalement différents. Si tu ne me crois pas, pourquoi n’essaies-tu pas de toucher les miens ? »

« Bien sûr, d’accord. »

J’avais gonflé ma poitrine et Sylphie s’était approchée doucement pour la toucher.

« Tu as raison, ils sont complètement différents. Les tiens sont un peu durs. »

« Hmph ! », avais-je grogné.

« Ouah ! »

J’avais fléchi ma poitrine, ce qui poussa Sylphie à paniquer et à rétracter sa main.

« Ces pectoraux t’appartiennent, donc tu es libre de les toucher quand tu veux. »

« Les miens t’appartiennent aussi, mais garde à l’esprit le moment et le lieu où tu les touches. »

« Pourquoi pas maintenant ? »

« M-mais nous avons une conversation i-importante en ce moment, non ? »

Oh ouais. On s’est un peu éloigné du sujet.

« Revenons-en à nos moutons. Communiquons ouvertement l’un avec l’autre quand nous avons besoin de quelque chose ou quand nous serons mécontents de quelque chose, d’accord ? Cela permettra à notre vie de couple de rester paisible », avais-je résumé à la hâte.

Sylphie hocha la tête.

« Oui, je suis d’accord. »

« Et à ce propos, il y a quelque chose que tu veux me dire maintenant ? »

Sylphie considéra la question un instant, puis baissa les yeux. Avec un air triste sur le visage, elle sourit et dit : « Ne disparais pas soudainement, d’accord ? »

« Oui. »

C’était vrai. Le fait de voir partir quelqu’un précipitamment était déchirant.

« Je comprends. Je ne disparaîtrai pas soudainement. »

Je savais bien moi-même à quel point il était douloureux de voir quelqu’un à qui on tenait disparaître soudainement.

Avec ça, notre importante conversation était pratiquement terminée. Il y avait probablement encore des choses dont nous devions parler et que nous devions régler, mais pour le moment, c’était suffisant.

« Bon, alors, je peux ? »

« Vas-y. »

Elle avait un regard nerveux sur son visage au moment où elle pressa sa poitrine vers moi.

J’avais tendu une main pour les toucher, mais je m’étais arrêté. La dernière fois, je l’avais attaquée comme une bête. Cette fois, je voulais privilégier la douceur avec elle plutôt que mes propres désirs. Je l’avais donc doucement prise dans mes bras et l’avais lentement poussée sur le lit.

« T-tu ne vas pas les tripoter ? »

« C’est pour le matin et le soir. »

« O-okay. »

Nous nous étions regardés, les visages rapprochés. Je pouvais voir mon visage se refléter dans ses yeux humides. Elle les avait doucement fermés. Je lui avais tapoté la tête et lui avais donné un baiser maladroit.

◇ ◇ ◇

Cette nuit-là, j’avais traîné mon corps léthargique jusqu’au sous-sol. Il n’y avait rien dans l’entrepôt souterrain, puisque nous venions d’emménager. Il était nu, à l’exception de quelques étagères qui avaient été installées. Je m’enfonçai plus profondément à l’intérieur et posai ma main sur la porte cachée qui avait été restaurée par l’artisan nain.

AVANT :

C’était une porte bruyante qui grinçait et gémissait lorsqu’elle était ouverte ou fermée. Bien qu’elle soit appelée porte cachée, les bords étaient si sales qu’on pouvait la repérer au premier coup d’œil.

MAINTENANT :

Le dispositif d’ouverture et de fermeture de la porte avait été remplacé par du métal neuf, avec une application abondante d’huile pour s’assurer qu’elle soit silencieuse. Les panneaux muraux du sous-sol avaient également été complètement restaurés. Personne n’aurait la moindre idée qu’une porte était cachée ici.

J’avais doucement ouvert la porte. À l’intérieur se trouvait un petit autel en bois non verni. C’était là, à l’intérieur d’un autel construit en pierre noire lustrée, que mon idole était enchâssée. La vieille salle de recherche poussiéreuse avait été nettoyée à fond et transformée en un lieu de culte. Là, dans le calme de la nuit, alors que tout le monde dormait, j’avais offert une prière à mon dieu depuis cette nouvelle terre sainte.

***

Chapitre 4 : Préparatifs de la réception de mariage

Partie 1

Une semaine s’était écoulée depuis la fin des rénovations. Ariel avait donné sept jours de congé à Sylphie en signe de considération, et j’avais profité de ce temps pour que Sylphie me dorlote et que je la dorlote en retour. Nous avions passé des nuits romantiques ensemble, douces comme du miel.

… Je l’aurais tant aimé, mais ce n’était pas du tout comme ça que ça se passait.

Maintenant que j’étais le roi de mon propre royaume, il y avait des choses que je devais faire. Dans ce monde, il était apparemment normal pour les couples nouvellement mariés qui venaient d’acheter leur propre maison d’inviter des amis proches pour un repas. Ce n’était pas seulement une pendaison de crémaillère, mais quelque chose que vous faisiez spécifiquement si vous vous mariez et achetiez une nouvelle maison. En d’autres termes, une réception de mariage.

Sylphie et moi étions assis sur l’un des canapés du salon, les fronts serrés. En dessous de nous se trouvait l’objet de nos regards : la liste des personnes à qui nous allions envoyer des invitations pour la fête. Il y avait aussi un tableau pour déterminer les places assises.

« Nous avons vraiment un groupe d’amis très diversifié… »

J’allais inviter Elinalise, Zanoba, Julie, Cliff, Linia, Pursena et Badigadi. Ensuite, je devais décider si j’invitais ou non Jenius et Soldat. Sylphie inviterait Ariel, Luke et deux autres personnes. En tout, il y devrait y avoir environ onze personnes. J’aimerais que Paul et ma famille soient là, mais je ne pouvais pas inviter des gens qui étaient à des milliers de kilomètres. J’avais bien envoyé une lettre pour les informer de mon mariage, mais qui savait combien de temps il faudra pour qu’elle leur parvienne ?

« Nous avons la royauté, des hommes bêtes, un démon, un esclave, un aventurier, et certains d’entre eux ne savent pas se taire. Je prévois des problèmes. »

Linia et Pursena étaient toujours aussi rancunières envers Ariel, et je pouvais très bien imaginer que des étincelles jailliraient lorsqu’elles se retrouveraient face à face. S’il s’agissait d’une cérémonie de mariage dans mon monde précédent, nous aurions pu les placer aux deux extrémités de la salle pour les empêcher de se rencontrer, mais même les plus grandes pièces de cette maison n’étaient pas des salles de bal.

« Tu crois ? La princesse Ariel ne ferait pas de vagues dans une situation comme celle-ci », dit Sylphie.

« Je ne voudrais pourtant pas qu’elle rentre chez elle d’une humeur maussade à cause d’une chose qui se serait passée à une fête chez nous. Peut-être serait-il préférable de diviser la fête en deux, pour séparer les fauteurs de troubles. »

« Hmm. Mais la princesse Ariel avait vraiment envie de rencontrer les autres, vu que certains de tes amis occuperont des postes importants dans le futur. »

J’avais imaginé Ariel s’enflammant et se maquillant en disant : « C’est ma chance ! Il y a beaucoup d’hommes sexy aux réceptions de mariage que l’on n’a pas l’occasion de voir normalement ! »

Non, je savais que ce n’était pas ce qu’elle cherchait. Elle voulait créer des liens avec les autres étudiants spéciaux. Ariel était après tout calculatrice.

« Très bien, alors invitons-la, étant entendu qu’elle doit se débrouiller seule. Ce qui laisse juste le problème de l’ordre des places. »

Je ne pensais pas qu’on pouvait les laisser s’asseoir où ils voulaient. Il serait cependant difficile de les asseoir par ordre d’importance. Quel ordre devrait-on choisir afin de n’offenser personne ? Badigadi était actuellement un roi-démon, il avait donc le plus d’autorité, mais après lui, il y avait Ariel, Zanoba, Linia et Pursena. Une véritable foule de royauté, ou équivalent. De plus, Cliff semblait être du genre à se plaindre si on le mettait en bout de table. Non, attendez. Malgré sa personnalité, on lui avait appris l’étiquette de la cour. Étonnamment, il pourrait être tout à fait d’accord avec ça. De plus, tant qu’Elinalise était assise à côté de lui, cela lui conviendra.

Julie avait le statut le plus bas de tous, celui d’esclave, elle serait donc assise en dernier. Je ne voulais cependant pas la séparer de Zanoba. Elle était encore une enfant et ne maîtrisait pas encore complètement la langue. De plus, elle était aussi mon élève. Je devais pouvoir faire quelque chose.

« Quel est le statut des assistants de la princesse ? »

« Hmm, ils sont de la noblesse moyenne. »

D’après ce que Sylphie m’avait dit, je supposais que c’étaient deux femmes. Trouver une place pour eux s’était avéré difficile. On pouvait dire la même chose de Luke. Il valait mieux ne pas le mettre trop loin de la princesse. Je ne pensais pas que c’était probable, puisque les invités n’étaient que mes amis, mais ce serait mauvais si Ariel se faisait assassiner.

« Hm ? N’avons-nous pas oublié quelqu’un ? », demanda Sylphie en étudiant la liste.

J’avais regardé. Avions-nous oublié quelqu’un ? Qui ça pourrait être ? Je n’avais pas l’impression que c’était le cas. À moins qu’elle ne parle de Mlle Goliade ?

« Oh, c’est vrai ! Mlle Nanahoshi ! On doit aussi l’inviter ! »

J’avais vérifié les noms et Silent Sevenstar n’était pas dans la liste. Je l’avais vraiment oubliée. Mais…

« Je me demande si elle viendra », avais-je dit.

« Je suis sûr qu’elle viendra. »

« Je suppose qu’on peut au moins l’inviter. »

Je n’avais pas l’intention de l’exclure, mais j’avais l’impression qu’elle s’était complètement fermée à ce monde.

« Après avoir fait tous ces préparatifs, qu’est-ce qu’on va faire si personne ne vient ? »

L’épisode de Noël d’un certain anime m’était venu à l’esprit. Un personnage s’était donné à fond et avait préparé un gâteau pour l’occasion, mais l’avait perdu après que personne ne se soit présenté. C’était un épisode déchirant.

« Je peux te promettre qu’à minima la princesse Ariel et Zanoba seront là. La princesse Ariel aimerait mieux te connaître, et Zanoba sait que cela détruirait absolument ta confiance s’il ne venait pas. »

En un instant, Sylphie avait réussi à apaiser mon inquiétude. Bien sûr, Ariel viendrait avec ses trois disciples, et mes deux élèves, Zanoba et Julie, seraient également présents. Ces six personnes seront certainement présentes. Même si nous n’invitions pas Zanoba, il se prosternerait probablement devant notre porte le jour J, nous suppliant de le laisser participer.

« Je suppose que tu t’inquiètes de ce genre de choses après tout, hein ? »

Je… Ce n’est pas comme si cela me dérangeait particulièrement. Je ne suis pas du genre à m’inquiéter pour des petites choses comme ça. Je suis un gars décontracté !

« Je suis sûre que Linia et Pursena viendront aussi. Les hommes bêtes ne sont pas du genre à refuser l’invitation d’une personne de statut supérieur », remarqua Sylphie.

« Vraiment ? »

« Oui, et si elles ne viennent pas, on n’aura qu’à les remettre à leur place. »

Sylphie avait dit que c’était la façon dont les choses étaient faites dans la coutume des hommes-bêtes. Maintenant que j’y pensais, Gyes s’était peut-être prosterné devant moi parce qu’il pensait que Ruijerd pourrait devenir fou furieux autrement. Il ne s’était pas non plus plaint quand Éris lui avait donné un coup de pied.

« J’imagine que Cliff sera certainement aussi présent, puisqu’il a expressément demandé une invitation », avais-je dit.

« Personnellement, j’aimerais qu’Elinalise vienne », murmura Sylphie.

Elinalise ? Je m’étais bien demandé pourquoi. Je ne les avais jamais vraiment vues parler toutes les deux.

« Il y a un petit quelque chose que j’aimerais lui demander. Même si ce n’est pas grand-chose. », expliqua Sylphie.

Je m’étais demandé ce que c’était. Peut-être voulait-elle savoir si Elinalise et moi avions couché ensemble ? Il n’y avait rien entre nous deux, ça ne me dérangeait donc pas qu’elle veuille des détails.

En tout cas, nous avions maintenant un plan. Avec plus de dix invités, nous devions servir un sacré repas, nous avions donc décidé de faire du shopping. Nous avions marché ensemble, côte à côte, vers le quartier du commerce.

« Avant de faire les courses, j’aimerais t’acheter de nouveaux vêtements, Rudy », proposa Sylphie.

Je regardai ce que je portais. J’étais dans ma robe grise habituelle. Il n’y avait pas besoin de gros manteaux pour rester au chaud pendant la journée.

« Hum, j’aime bien ta manière d’être dans cette robe, mais il y a des gens qui font attention à ce genre de choses, et s’ils te voyaient dans quelque chose d’aussi rapiécé… hum, eh bien, tu sais ? Ou alors tu es vraiment attaché à cette robe ? »

Je n’avais pas vraiment réfléchi à ma garde-robe. Quand j’étais aventurier, j’avais vu des gens qui avaient l’air bien plus négligés. Il était cependant vrai que cela remettrait en question le caractère de Sylphie si j’avais l’air échevelé. Il n’y avait donc pas moyen que je lui fasse honte.

« Cela doit sûrement être le cas. C’est la première robe que j’ai achetée sur le Continent Démon, alors j’y suis attachée, mais elle est de mauvais goût. »

La seule autre chose que j’avais était un gilet en fourrure. Il ne correspondait pas vraiment au style vestimentaire d’un magicien, je ne l’avais donc pas porté depuis un moment. En plus, c’était un peu minable pour être porté quand j’étais avec Sylphie. J’aurais juste eu l’air d’un bandit.

« Alors, allons dans un magasin de vêtements. Choisis la tenue qui te plaît », avais-je dit.

« Merci. Laisse-moi faire. »

Nous nous étions dirigés vers une boutique chic, un endroit où je n’aurais jamais mis les pieds de mon propre chef. Sylphie avait mis ses lunettes de soleil et était redevenue Fitz.

« Ah, Seigneur Fitz, c’est bon de vous voir. Merci de votre fidélité. »

Le propriétaire s’était incliné profondément devant Sylphie. Il semblerait qu’elle soit une habituée, où bien c’était la princesse Ariel qui fréquentait l’endroit en étant déguisée en Fitz. Un endroit qui s’adressait à la royauté d’Asura. On pouvait se le permettre ? C’était anxiogène.

« Pouvez-vous me montrer des robes de magiciens ? »

« Bien sûr. Par ici, je vous prie. »

Apparemment, même les magasins chics comme celui-ci avaient encore des robes pour les magiciens. Je suppose que c’était logique. Les magiciens étaient partout, surtout dans Sharia. C’était une ville où même les enfants de la noblesse devenaient magiciens.

Nous avions été guidés vers une section contenant des douzaines de vêtements resplendissants fabriqués dans des matériaux coûteux. Il semblerait que les robes de magiciens avaient essentiellement la même forme et le même style, quel que soit le détaillant, bien que celles-ci aient été délicatement brodées.

« Excusez-moi, puis-je demander quels sont les éléments que vous préférez ? », demanda le propriétaire.

« Oh, oui. Je suppose que ce sont l’eau et la terre. »

« Dans ce cas, que pensez-vous de celle-là ? Elle est faite à partir de la peau d’un lézard de la Grande Forêt et elle est assez résistante à l’eau. Le créateur est Foglen. Il crée pour les magiciens de la cour royale de Ranoa. »

Hmm. Si ma mémoire est bonne, le lézard de Grande Forêt ne possédait pas une résistance à l’eau particulièrement élevée. Nous en avions combattu au cours de nos voyages, mais ils avaient gelé facilement lorsque j’avais utilisé ma magie de l’eau sur eux.

« Si vous préférez la terre, ceci pourrait vous convenir également. C’est fabriqué à partir de la peau d’un grand ver de terre du Continent Begaritt, il peut même résister à une tempête de sable. Le designer est le nouveau venu prometteur, Flone. Il est connu pour son utilisation très créative des couleurs. De plus, il sera difficile pour les monstres de vous repérer. »

Il avait montré une robe à motifs de camouflage du désert tout en parlant. Je m’étais demandé si le nom du créateur était un aspect essentiel de ces magasins de luxe.

***

Partie 2

Le camouflage ne me déplaisait pas, mais il y avait quelque chose qui n’allait pas. Si je devais opter pour ce genre de design, je préférerais un camouflage d’hiver.

« Syl… Je veux dire, Maître Fitz, que préfères-tu ? »

« Voyons voir… que penses-tu de celle-là ? Elle ressemble beaucoup à celle que tu portes en ce moment », dit-elle en sortant une robe d’un gris encore plus foncé que celle que je portais, presque noire.

Comment appelait-on cette couleur déjà ? Gris anthracite ? Elle était aussi plus compliquée que la mienne. Il y avait des poches et des boutons noirs pour refermer les manches, et un cordon qui pouvait être utilisé à la place d’une ceinture.

« Celle-ci est fabriquée à partir de la peau d’un rat porte-bonheur du Continent Démon. Le créateur est Kazra. Connu pour ses designs discrets, qui ont tendance à être populaires auprès des personnes un peu plus âgées. »

« Une souris porte-bonheur ? »

« Non, non, un rat porte-bonheur, monsieur. C’est une espèce supérieure à celle des rats de gouttière, et l’équivalent d’un monstre de classe D. Leur pelage est splendide, avec une forte résistance au poison et à l’acide. »

J’avais d’ailleurs vu cette dernière créature en parcourant le Continent Démon. Le rat de gouttière mesurait vingt pouces, et le rat chanceux était encore plus grand. J’avais été horrifié la première fois que je les avais vus. Une horde de ces énormes vermines avait infesté un entrepôt, avec un seul rat chanceux parmi eux. Je crois que j’étais resté à l’arrière-plan, sidéré, pendant que Ruijerd et Éris se débarrassaient d’eux.

Cela mis à part, j’aimais la robe elle-même. Ma femme avait bon goût. Ce qui me préoccupait, c’était le prix — et maintenant que j’y avais jeté un coup d’œil, oui, c’était cher. On pourrait acheter une maison sur le Continent Démon en comparaison.

« Eh bien, on dit que les noms représentent leur nature. Si “chanceux” est dans le nom, peut-être que ça me portera chance. Je pense qu’on va prendre celle-là. », avais-je dit.

« Les noms représentent leur nature ? Pardonnez mes manières, mais puis-je vous demander votre nom ? »

« Oh, oui. Je m’appelle Rudeus Greyrat. »

« Oh là là, vous êtes un membre de la famille Greyrat ? Pardonnez mon impolitesse. Maître Luke est un client très apprécié de notre établissement, alors je vais vous faire une remise sur votre achat cette fois-ci. »

Était-ce ce que je pensais que c’était ? Un moyen d’obtenir les faveurs de Luke ? Non, ce n’était pas ça. Peut-être essayait-il simplement de nous encourager à revenir ici pour notre prochain achat. Quoi qu’il en soit, j’étais content de la réduction.

« Est-ce que Luke vient souvent ici ? », demanda Sylphie.

« Vous êtes sûrement au courant de ça, Seigneur Fitz ? »

« Oh, oui. Hum, je veux dire à part quand il vient avec moi. »

« Oui, il vient toujours ici avec des femmes différentes. »

Pendant que Sylphie continuait à discuter avec le propriétaire, j’avais été pris à part par un des employés de la boutique pour prendre mes mesures. La robe que nous avions regardée n’était qu’en exposition, ils allaient en faire une à ma taille. L’employée s’était servie d’un ruban à mesurer pour prendre mes données vitales. Je m’étais alors demandé s’ils en vendaient dans une boutique d’objets magiques. Je voulais essayer un jeu de rôle avec Sylphie qui impliquait de mesurer les siennes.

« Nous avons les matériaux sous la main, ce sera donc terminé dans les trois jours. Si vous nous donnez votre adresse, nous pourrons vous le faire livrer. »

Heureux et un peu gênés, nous avions donné l’adresse de notre nouvelle maison.

Après cela, nous étions allés à l’épicerie. D’abord, nous avions acheté les épices. Puis les denrées non périssables. Grâce aux circuits de distribution que Nanahoshi avait développés, nous avions également pu facilement mettre la main sur de l’huile de cuisson. Nous avions également acheté du poisson et des légumes surgelés qui se conservaient un certain temps, puis nous avions commandé de la viande que nous récupérerons plus tard.

« Tu sais cuisiner, Sylphie ? »

« Oui. J’ai appris avec ma mère et Mlle Lilia. Oh, mais je ne suis pas sûre que ma cuisine convienne à tes goûts. »

« Je te dirai que c’est délicieux, même si c’est du charbon de bois à moitié brûlé. »

« Du charbon de bois à moitié brûlé ? Allons, pour qui penses-tu que j’ai travaillé si dur pour apprendre à cuisiner ? »

De bon goût vestimentaire, et bonne cuisinière. Maintenant que j’y pensais, elle avait dit qu’elle pouvait aussi faire la lessive et le ménage. Contrairement à son apparence, ma femme était effectivement une femme capable.

« Mlle Sylphiette, tu es une épouse tellement idéale que je ne peux m’empêcher de penser que je ne suis pas digne de toi », ai-je dit.

« Tu sais que tu es aussi mon mari idéal. »

« Eh bien, si tu trouves une partie de moi qui n’est pas si idéale, je suis tout ouïe. Je travaillerai dur pour répondre à tes attentes. »

« Dans ce cas, sois plus ferme. Tu es parfois un peu trop soumis. »

Plus ferme ? Et qu’est-ce qui m’arriverait si je faisais ça et que mes actions détérioraient l’humeur d’un dieu de passage ? Il y avait des gens dans ce monde qui vous battaient à mort uniquement parce que vous les aviez mal regardés.

Et puis, est-ce que je voudrais être marié à un homme sans confiance qui ne faisait rien d’autre que de s’asseoir dans le salon, en lisant le journal ? Non.

Très bien. Je crois que je vais agir avec plus d’assurance à partir de maintenant. À partir d’aujourd’hui, je serai un connard suffisant !

« Hmph. Sylphie. Fais en sorte de montrer à quel point tu m’aimes. Ne te relâche pas. »

« Hum, ce n’est pas tout à fait ce que je voulais dire, mais bien sûr. Je ferai de mon mieux », dit Sylphie en serrant le poing dans sa main.

Aww, ma Sylphie est si mignonne ! J’ai juste envie de lui faire un smoochie-woochie !

Mais je m’étais retenu. Sylphie n’était pas une fan de PDA dans les rues bondées. Si j’essayais de la toucher ici, elle me gronderait certainement. Mais ça ne la dérangerait pas si je passais mon bras autour de son épaule, non ? Non, je devrais peut-être essayer de lui tenir la main d’abord ? Bien sûr, malgré mon débat interne, mes deux mains étaient actuellement occupées par des sacs à provisions. Grrr.

« Nous devons aussi acheter de grandes assiettes. Oh, je suppose que tu peux juste les faire. »

« Tant que tu es d’accord avec des assiettes en pierre », avais-je dit.

« Celles que tu fais n’ont pas l’air d’être en pierre, donc c’est bon. »

C’était donc une question d’apparence, hein ? Eh bien, si elle voulait vraiment quelque chose d’agréable à regarder, j’en ferais une et je la polirais de façon si spectaculaire qu’elle pourrait y voir son reflet. Le type de poterie cuite pour lequel le Japon était connu ne semblait pas si populaire ici. Apparemment, ils préféraient quelque chose de plus chic que l’esthétique japonaise wabi-sabi. Peut-être que je devrais vraiment me surpasser et créer quelque chose comme de la porcelaine ? Bien que ce sera toujours gris ou brun, et ce quoi que je fasse.

« Y a-t-il autre chose dont nous avons besoin ? », avais-je demandé.

« Hum, du thé à servir pour nos invités. »

Du thé noir et des tasses à thé, hein ? Ok, pas de problème. Peut-être que nous devrions acheter un tapis pendant que nous y sommes. Ça pourrait être une bonne idée de préparer une chambre d’amis aussi, juste au cas où.

« Devrions-nous aller de l’avant et acheter quelque chose comme un lit et une armoire pour les invités ? »

« Ah, bonne idée. »

Notre maison était si grande que la meubler épuiserait lentement mais sûrement mes fonds. J’étais content de ne pas avoir gaspillé d’argent pour acheter des outils magiques et autres. Il me restait encore un peu d’argent, grâce à la remise que j’avais obtenue sur la maison, mais cela s’épuisait à chaque achat. Peut-être que je devrais gagner un peu plus en chassant des monstres ? Non, je ne pouvais pas faire ça. Ce serait vraiment stupide si je me faisais tuer dans une quête d’élimination pour une raison aussi futile.

Soudainement, je comprenais un peu pourquoi Paul avait repris son poste de chevalier afin d’avoir un salaire régulier.

« Um, Rudy, ne t’inquiète pas. J’ai de l’argent qui vient de mon travail avec la Princesse Ariel. »

« Ugh, désolé. »

Je suppose que si le besoin s’en faisait sentir, je pourrais rejoindre le groupe de Soldat ou de quelqu’un d’autre. Attendez, non. Les aventuriers quittaient leur maison pendant des jours pour un salaire relativement faible en retour. Peut-être que je devrais moi-même commencer à chercher un travail stable.

Le mariage était vraiment compliqué.

***

Partie 3

Ce soir-là, j’avais invité Sylphie à me rejoindre dans le bain, soi-disant pour lui apprendre à s’en servir. Ma vraie motivation était de passer du bon temps ensemble dans le bain. Si c’était un livre, il pourrait être raconté ainsi : Un pervers était sur le point de planter ses crocs dans une adorable jeune fille.

Je vais le faire ce soir. Je vais le faire ! Regarde-moi, Père !

Attends, ce « Père », c’était Paul, non ? Alors je préférerais qu’il ne regarde pas.

« Bon, l’étiquette du bain chez nous est un peu différente de celle de la famille royale d’Asura. », avais-je expliqué.

Nous nous étions d’abord dirigés vers l’espace de lavage, qui faisait également office de vestiaire. Là, lui avais-je dit, elle était censée enlever ses vêtements et les mettre dans l’un des paniers. Cette fois, je les avais enlevés moi-même, puis je les avais pliés et jetés dans l’un des paniers.

Sylphie avait une petite silhouette sans graisse, mais elle n’avait pas que des os. Bien qu’elle soit mince, elle avait aussi des muscles. Et même si ses seins étaient petits, ils étaient toujours doux et bien formés. Ma respiration était devenue erratique rien qu’en la regardant.

« Euh, euh, est-il nécessaire que tu me déshabilles ? », demanda Sylphie.

« Non. »

« Et pourquoi respires-tu si fort ? »

« Parce que je suis excité. »

« Hum, et est-ce que s’exciter est nécessaire pour entrer dans le bain ? »

« Non. »

J’avais donné la réponse appropriée à chaque question en me déshabillant rapidement pour que nous puissions entrer dans la zone de bain. Il n’y avait ni douche ni miroir, mais il y avait un seau et une chaise. Juste pour le plaisir, j’avais inscrit « Kerorin » sur le seau, comme la publicité pour l’aspirine que l’on voyait souvent imprimée sur les seaux des bains publics au Japon.

« Tu vas te verser de l’eau sur les épaules avant d’entrer dans le bain. Alors, prends un siège ici et utilise ce chiffon et ce savon pour te laver le corps. »

« Hé, Rudy, pourquoi y a-t-il un trou au milieu de cette chaise ? »

« Pour faciliter le lavage de ton corps, bien sûr. »

J’avais humidifié le tissu avec de l’eau chaude, je l’avais savonné et j’avais commencé à laver le corps de Sylphie. Je m’étais principalement concentré sur l’arrière de ses oreilles, le creux de sa clavicule, son dos et d’autres zones qui se salissaient facilement. J’avais utilisé ma main pour les zones plus douces, celles que je ne pouvais pas frotter avec le tissu. C’était pour ça que le trou était là.

« Hum, tu n’as pas utilisé le tissu depuis un moment maintenant, et tu ne te concentres que sur ces endroits. En plus, ton truc se presse contre moi. »

« Oups, désolé. »

Apparemment, mes désirs avaient pris le dessus sur moi. On ne pouvait pas avoir ça. Ce n’était pas une partie de l’étiquette de la salle de bain dans notre maison.

« Euh, si tu ne peux vraiment pas te retenir, euh, eh bien, nous pouvons aller de l’avant et le faire si tu veux ? »

« On le fera après que le bain soit terminé. »

Le bain devait venir en premier. Nous devions laver nos corps.

« Une fois que tu as fini de laver tous les coins de ton corps, la prochaine étape est la tête. Maintenant, ferme tes yeux. »

« O-okay. »

Sylphie ferma alors les yeux. Comme c’était mignon. Ça m’avait donné envie de l’embrasser et de l’attirer vers moi pour des ébats sexuels, mais j’avais repoussé cette idée au fond de mon esprit. Baisser ma garde même pour un instant pourrait être fatal. Ouf, tout ce truc de lavage était vraiment un enfer.

« Une fois que tu as mouillé tes cheveux avec de l’eau, utilise le savon pour les faire mousser. Pas seulement sur ta tête, mais à tous les endroits où des poils poussent sur ton corps. Tu n’as probablement pas besoin de te laver les cheveux si souvent que ça. »

J’avais continué à shampouiner ses cheveux tout en parlant. Ils étaient courts et faciles à nettoyer.

« Une fois que tu as terminé, assure-toi de tout rincer à l’eau chaude. »

J’avais utilisé la magie pour conjurer l’eau et rincer ses cheveux.

« Ça me rappelle un peu notre première rencontre. », dit-elle en gloussant

Oh, c’était vrai… j’avais aussi utilisé de l’eau chaude pour la rincer à l’époque. C’était au village Buena, au moment où j’avais commencé à pouvoir marcher dans la ville. J’avais trouvé Sylphie en train de sangloter alors que les enfants du quartier la brutalisaient. Elle était en train de livrer le repas de son père quand ils l’avaient accostée et avaient commencé à lui lancer des boules de boue. Alors je l’avais sauvée, puis j’avais utilisé de l’eau chaude pour la laver et une brise chaude pour la sécher. Elle ressemblait à un garçon à l’époque, en partie parce que ses cheveux étaient courts.

Ah, ça m’avait vraiment rappelé des souvenirs. Je n’aurais jamais pu rêver que cette petite garçonne deviendrait mon adorable épouse. La vie vous emmenait dans des endroits inattendus.

« Une fois le nettoyage terminé, place au bain. Fais attention, on peut facilement glisser. »

Sylphie suivit mes instructions et se glissa dans le bain, s’enfonçant ainsi dans l’eau. J’avais gardé l’eau légèrement chaude pour que nous puissions profiter d’une longue trempette ensemble.

« Ah, je sens la chaleur s’infiltrer dans mes bras et mes jambes. C’est bon. »

Il semblerait que cela soit parfait. Très agréable.

Une fois que je m’étais assuré que Sylphie appréciait le bain, j’avais commencé à me laver. Honnêtement, j’aurais préféré savonner Sylphie et utiliser son corps pour laver le mien, mais je me retenais de le faire pour aujourd’hui. Il n’y avait pas besoin de tout faire en même temps. J’allais la traiter avec soin et douceur.

« … »

Soudain, j’avais réalisé que Sylphie me regardait avec insistance. J’avais pensé qu’elle regardait peut-être pour avoir un point de vue extérieur sur la façon de se laver le corps avant d’entrer dans le bain, mais ça ne semblait pas être ça. Elle devait être intriguée par la vue de cette partie du corps que j’avais et qu’elle n’avait pas. La curiosité, je suppose.

« Ouf ».

Une fois que j’avais fini avec mon lavage, je m’étais enfoncé dans le bain, en prenant soin de poser ma serviette sur le dessus de ma tête. Lorsque je m’étais immergé dans l’eau chaude, j’avais pu sentir mon flux sanguin augmenter et s’étendre à mes bras et mes jambes refroidis. Ahh, les bains étaient si agréables. C’était le summum de la culture humaine. Je détestais les bains dans mon ancienne vie, à l’époque où je trouvais que se laver était une nuisance. Maintenant, j’aimais cette sensation. Vivre dans un pays enneigé m’avait appris à quel point un bain était précieux.

« Au fait, ne mets pas le chiffon avec lequel tu t’es lavé dans le bain », avais-je dit.

« Et pourquoi pas ? »

« Ça va salir l’eau. »

Bien que cela n’avait pas vraiment d’importance puisque nous étions en famille. Et vu qu’il n’y avait pas non plus de bains publics dans ce monde, il n’y avait donc pas besoin de suivre cette règle. Alors que je considérais ces choses, Sylphie s’était blottie contre moi. Elle me tenait la main et posait sa tête humide sur mon épaule.

« Combien de temps sommes-nous censés rester ici ? »

« Jusqu’à ce que tu puisses sentir la chaleur jusqu’à la moelle de tes os. »

J’avais enroulé un bras autour de son épaule et je l’avais tirée vers moi. Au moment où je l’avais fait, elle tourna sur elle-même et positionna son corps comme si elle était assise sur moi. Nous étions tous les deux serrés l’un contre l’autre, face à face. Les cerises de Sylphie se frottaient contre ma poitrine.

Merde. Je sentais que je n’allais plus pouvoir me retenir. Les hommes étaient censés faire preuve d’endurance et les femmes étaient censées faire preuve d’amour. Et par amour, je ne voulais pas dire jus d’amour.

« Hee hee, c’est plutôt amusant », gloussa Sylphie.

J’avais baissé les yeux sur elle. Je pouvais voir son dos fin jusqu’à ses petites fesses, ainsi que ses jambes fines qui battaient la surface de l’eau. Il y avait du mouvement autour de ma poitrine et de mes épaules : Sylphie s’était accrochée à moi, s’enfouissant dans mon cou. De cette position, elle caressait mon corps avec ses mains.

Heh heh, vas-y, caresse-moi autant que tu veux. C’est à ça que servent ces muscles.

Il y a longtemps, j’avais regardé Sylphie et pensé qu’elle serait un jour un bel homme. Au lieu de ça, elle était devenue une femme adorable et belle qui avait surpassé toutes mes attentes. Peut-être que j’étais juste biaisé par mes sentiments pour elle, mais quand même. Cette belle femme était nue et s’accrochait à moi en ce moment. À ce rythme, nous allions finir par faire quelque chose qui boucherait les canalisations ici.

J’avais caressé son dos, puis j’étais passé à ses aisselles, puis à ses côtés. Mmm, elle était si mince.

« Rudy, ça chatouille », dit Sylphie tout en tordant son corps.

Le symbole de mon désir se pressait contre elle depuis un moment déjà, mais elle ne se plaignait pas. Elle s’énervait si je la touchais lorsque nous rentrions à la maison, mais elle baissait sa garde à l’intérieur. Elle était à ma merci. Tout ce que je faisais, elle le permettait.

Puis elle avait levé les yeux vers moi. Je regardais dans les siens. Nos regards s’étaient naturellement rencontrés. Et soudainement, Sylphie gloussa, son expression s’était fendue d’un sourire carnassier.

« Rudy, je t’aime », avait-elle dit en déposant un baiser sur ma joue.

Merde.

« Agh ! »

Je l’avais prise dans mes bras, comme une princesse, et l’avais soulevée hors de la baignoire avec un plouf. J’étais encore en train de l’instruire sur l’étiquette du bain, mais je pourrais toujours reprendre ça une fois qu’on aurait fini. Je m’étais dirigé, trempé, vers le deuxième étage pour rejoindre notre chambre.

***

Chapitre 5 : Organisation de la réception de mariage

Partie 1

Quelques jours plus tard…

Nous avions prévu d’organiser la réception de mariage l’après-midi, puisque cela tombait un jour férié. Jenius avait décliné notre invitation, tout comme Soldat, parce qu’ils étaient occupés par des réunions. Je pensais que Badigadi serait également trop occupé pour venir, mais étonnamment, il était libre et avait indiqué qu’il viendrait. Les onze autres invitations que nous avions envoyées avaient toutes été acceptées. Oui, même Nanahoshi viendrait.

Le jour de la réception, Sylphie était toute excitée dès son réveil.

« C’est le travail d’une épouse, alors laisse-moi faire ! », disait-elle tout en s’affairant dans la maison.

Nous avions préparé une chambre vide au deuxième étage pour l’occasion, c’est-à-dire que nous l’avions meublée d’un lit modeste, d’une armoire et d’une table, ainsi que d’une carafe d’eau au cas où quelqu’un tomberait malade et en aurait besoin.

Linia et Pursena avaient été les premières à se présenter, au beau milieu de nos préparatifs qui ne cessaient de progresser. Elles étaient arrivées avec deux heures d’avance.

Ne me dis pas qu’elles se sont trompées d’heure, avais-je pensé.

« Dans notre culture, la coutume veut que les participants arrivent tôt et apportent leur propre part, mew. »

« C’est exact. Nous sommes arrivés en premier. C’est une preuve de notre loyauté. »

Un sanglier géant était placé sur le traîneau à neige qu’elles avaient traîné derrière elles. Apparemment, la tradition des hommes bêtes, lorsqu’ils assistent à un mariage, était d’aller chasser le matin et d’offrir leur butin à l’hôte. L’heure à laquelle on partait chasser, où on tuait et où on revenait avec était une mesure du respect qu’ils avaient de leur l’hôte.

« Incroyable. Mais que prévoyiez-vous de faire si vous n’étiez pas en mesure de chasser quoi que ce soit ? »

« Dans ce cas, nous avions prévu d’acheter quelque chose sur les marchés, mew. »

« Oui, on utiliserait plutôt de l’argent. »

Je suppose que cela avait du sens.

Elles portaient toutes les deux l’uniforme de l’école. C’était une décision que j’avais prise. Il y avait une grande disparité de richesse parmi les invités, si les riches en faisaient trop avec leurs tenues, les autres participants ne se sentiraient pas à leur place. Heureusement, tous les participants avaient leur propre uniforme — sauf Julie, à qui nous en avions acheté un.

Je leur avais demandé de se détendre dans le salon jusqu’à ce que les festivités soient prêtes à commencer. L’accueil des invités était la tâche du mari. Elles étaient dehors depuis ce matin, et elles étaient gelées. Elles s’étaient donc installées sur le canapé le plus proche de la cheminée et s’étaient blotties l’une contre l’autre.

« Tout le reste mis à part, je n’aurais jamais imaginé que toi et Fitz vous marieriez, patron, miaou. »

« Fitz était donc bien une fille. Je m’en doutais, vu son odeur. »

« Oui, mew. Mais maintenant, tout a un sens, miaou. »

Les deux se caressaient la queue tout en parlant. Nous avions partagé la véritable identité de Fitz avec les invités, en leur demandant de la garder pour eux pour le moment, bien qu’il soit inévitable que la vérité devienne publique maintenant.

« Qu’est-ce qui a du sens ? », avais-je demandé en leur servant du thé chaud.

« Tu as une préférence pour les poitrines plates », dit Pursena.

« Même si l’odeur de l’excitation se dégage de toi, si tu ne nous as pas attaqués, c’est parce que nous ne sommes pas ton genre, miaou. »

D’après ce qu’elles disaient, j’étais une sorte de pervers qui attaquait sans discernement toutes les femmes que je voyais. C’était franchement impoli de leur part. Peut-être que je devrais les tripoter en représailles ? Bien sûr que non, vu que je m’étais déjà rassasié avec Sylphie la veille. Tout mon désir reposait en elle maintenant. Aujourd’hui, j’étais un sage.

À ma grande surprise, les prochains à arriver étaient Zanoba et Julie. Ils étaient arrivés environ une heure avant la fête.

« Pardon. J’ai vu une figurine intéressante en chemin, et ça m’a distrait. J’aurais eu des ennuis si Julie n’avait pas été avec moi », avait-il dit.

Julie portait elle aussi son uniforme. Il était de la taille d’un nain et lui allait si bien qu’elle était toute mignonne.

« Grand-Maître, merci de nous avoir invités aujourd’hui », dit-elle en soulevant légèrement le bord de sa jupe en signe de politesse. Oh, comme c’est mignon.

Zanoba s’était à nouveau incliné au moment où j’avais jeté un regard dans sa direction. Puis, d’un ton profondément respectueux, il ajouta : « Maître Rudeus Greyrat. Je te suis profondément reconnaissant de ton invitation. »

Ouah. Zanoba était normal. Très bien. Alors je devrais peut-être suivre son exemple et répondre avec le même niveau de sincérité.

« Zanoba, Votre Altesse, vous avez toute ma gratitude pour… »

« Oh, Maître. Il n’y a pas besoin de me montrer une telle courtoisie. De toute façon, je sais que tu fais uniquement ça pour sauver les apparences. Je préférerais que tu sois grossier avec moi, comme d’habitude. »

« Oh, d’accord. Alors, va traîner dans cette pièce. »

« Ha ha, très bien. Viens donc, Julie, on s’en va. »

C’est quoi ce bordel ? Et moi qui essayais d’être sérieux. Quel gâchis, avais-je pensé en préparant plus de thé.

J’étais toujours l’hôte et il était toujours un invité, même si je le traitais grossièrement. Alors que j’étais ainsi préoccupé, j’avais entendu les voix arrogantes de Linia et Pursena qui provenaient du salon. Elles se vantaient d’être arrivées les premières. Je pouvais entendre la frustration dans les réponses de Zanoba, mais j’étais content qu’ils s’amusent.

Le troisième à arriver avait été Ariel et son groupe, trente minutes avant le début de la fête. Il y avait Ariel, Luke, et deux autres étudiantes que j’avais déjà vues quelque part. Ces deux-là étaient donc les préposées de la princesse ? Ce qui signifiait qu’elles étaient aussi les camarades de combat de Sylphie. Je ne pouvais pas me permettre de les ignorer.

« Je vous suis très reconnaissant de votre invitation aujourd’hui. Malheureusement, je ne suis pas très familière avec l’étiquette des gens du peuple, alors je vous prie de me pardonner pour tout manque de courtoisie », dit Ariel en s’inclinant.

J’aurais pensé que Luke ou les assistants auraient été les premiers à s’incliner, mais peut-être qu’elle essayait d’être polie.

« Il y a des invités de nombreuses races différentes rassemblés ici, alors s’il vous plaît ne vous inquiétez pas de l’étiquette. En fait, je suis plus préoccupé par le fait que ce soit nous qui soyons impolis. », avais-je dit.

« Je vous remercie. Mesdames ? »

Elle fit un signe des yeux. Les deux préposées s’étaient alors avancées.

« Nous sommes les préposés de la Princesse Ariel. Je suis Ellemoi Bluewolf. »

« Et je suis Cleane Elrond. »

Leurs prénoms mis à part, leurs noms de famille étaient au moins faciles à retenir. Un loup bleu et un elfe de légende. Mon nom était « Grey Rat », alors peut-être qu’il y en avait beaucoup parmi la noblesse d’Asura dont le nom était une combinaison d’une couleur et d’un animal. Peut-être même y avait-il quelqu’un avec un nom comme… Hum, quel était l’autre mot pour âne déjà ? Oh oui, ass. Peut-être que quelqu’un avait Whiteass comme nom de famille.

« S’il vous plaît, acceptez ceci. »

Les deux femmes m’avaient offert une boîte enveloppée dans un tissu coûteux.

« C’est un cadeau pour célébrer votre mariage. »

« Merci, c’est très attentionné », avais-je répondu.

« Nous avons apporté des choses que nous pensions pouvoir être utiles à un couple marié. Voyez par vous-même. »

À sa demande, j’avais jeté un coup d’œil à l’intérieur, et j’étais resté sans voix. À l’intérieur se trouvaient une bouteille familière de liquide rose et une tige en bois. Pour dire les choses plus crûment, c’était un aphrodisiaque et un long gode. C’est quoi ce délire ?

« Je suis sûr que, en tant que membre de la famille Greyrat, vous êtes parfaitement capable de satisfaire les femmes. Mais si le besoin s’en fait sentir, veuillez utiliser ceci. »

« Bien sûr. »

Ariel était complètement calme. Peut-être que c’était considéré comme un cadeau normal ? Luke et les deux autres semblaient également imperturbables. Cela doit être une différence culturelle.

Je les avais guidés tous les quatre dans la salle de séjour. L’atmosphère autour de Linia et Pursena était devenue tendue dès que nous étions entrés.

« … »

Il n’y avait pas moyen qu’elles se battent, n’est-ce pas ? Oui, ce sont des femmes bêtes, mais elles ne perturberaient pas une fête à laquelle elles avaient été invitées, hein ? Je leur avais jeté un regard significatif. Elles semblaient comprendre ce que je pensais.

« Ravi de vous voir, Mlle Linia, Mlle Pursena. Je m’excuse pour le dérangement précédent. »

« Moi aussi, miaou. »

« On vous a aussi causé des problèmes, alors ça va », ajouta Pursena.

Ariel les salua gentiment et s’assit à proximité. Les trois autres étaient restés debout. J’avais lancé un regard à Zanoba, lui indiquant qu’il devra intervenir au cas où quelque chose se produirait. Ce dernier fit un signe de tête brusque et, comme s’il n’avait rien compris, s’était levé et s’était incliné vers Ariel.

« C’est un plaisir de faire votre connaissance, Princesse Ariel. Je suis le troisième prince du royaume de Shirone et l’élève bien-aimé de Maître Rudeus Greyrat, Zanoba Shirone. »

« C’est un plaisir de vous revoir, Prince Zanoba. Je suis heureuse de voir que vous êtes en bonne santé. Je vous ai rendu visite peu après votre entrée à l’université. Auriez-vous oublié ? »

« Ah. Je m’excuse de mon impolitesse. Il semblerait que j’ai été doté d’une force exceptionnelle, mais que je manque d’intelligence. »

« Vraiment ? J’ai entendu dire que vous aviez les meilleures notes dans votre classe de magie de Terre », répondit la princesse.

« C’est entièrement grâce aux enseignements de mon maître. »

J’avais écouté pendant qu’ils préparaient leur thé, choqué par les compétences sociales raffinées de Zanoba.

***

Partie 2

Cliff et Elinalise s’étaient présentés dix minutes seulement avant le début de la fête. Nanahoshi les accompagnait. Quelle combinaison inhabituelle ! Je m’attendais à ce que Nanahoshi vienne seule.

« Elle se tenait devant votre porte, l’air agité. C’est une de vos connaissances, non ? », avait demandé Elinalise.

« Oui, bien sûr. C’est Mlle Silent Sevenstar. »

Au moment où j’avais dit son nom, Cliff l’avait regardée, choqué. Apparemment, ils ne s’étaient jamais rencontrés.

« O-oh ! Alors c’est toi qu’ils appellent Silent, hein ? Hmph. Je suis Cliff. Je suis sûr que tu as au moins entendu parler de moi avant, non ? »

« Oui, j’en ai entendu parler. Ils disent que tu es incroyable. Et oui, je suis Silent. »

Son discours semblait guindé et peu naturel, probablement parce qu’elle faisait seulement semblant de savoir qui était Cliff. Cliff avait l’air d’être d’une humeur joyeuse, alors je n’allais rien dire.

« Enchanté de faire votre connaissance. Je suis Elinalise Dragonroad. C’est un masque incroyable. »

« Un plaisir. Votre coiffure est également étonnante », répondit Nanahoshi sur un ton complètement plat. À la manière dont elle interagissait avec eux… cela me rendait nerveux. Pourtant, elle n’allait sûrement pas commencer quoi que ce soit, puisqu’elle voulait éviter les problèmes.

Honnêtement, je n’avais pas pensé qu’elle viendrait. Je lui avais envoyé une invitation au cas où, et elle l’avait acceptée. Mais même là, je n’avais pas pensé qu’elle viendrait vraiment. Elle avait juste répondu, d’une voix dénuée d’émotion :

« Mariage ? Je suppose que tu es vraiment sérieux à propos de la vie dans ce monde. »

« C’est rare de te voir en dehors de cette pièce. », lui avais-je dit à voix basse.

« N’est-ce pas toi qui m’as invitée ? »

« C’est vrai. Eh bien, détends-toi aujourd’hui. Nous avons fait des chips pour toi. »

« Des chips ? Tu en as vraiment fait ? », demanda-t-elle, surprise.

« Nous nous sommes procuré de l’huile de cuisson assez facilement, et ceci grâce à toi. »

« C’est remarquable. »

« Pas vraiment. Tout ce que nous avons fait, c’est trancher finement une pomme de terre, la faire frire dans l’huile, puis la recouvrir de sel. Comme les ingrédients viennent de ce monde, la saveur est légèrement différente de celle des chips que nous avons appréciées dans notre précédent. »

« Eh bien, si vous voulez bien nous excuser. »

Elinalise fonça dans le salon, entraînant Cliff et Nanahoshi sans une once d’hésitation. En tant qu’aventurière sans titre de noblesse, elle se situait juste au-dessus de Julie en termes de statut, mais visiblement, elle s’en fichait. Il était vrai que les notions de statut ne se traduisaient pas facilement d’une race à l’autre.

Ces deux-là étaient comme d’habitude : Cliff menaçant de ruiner l’ambiance avec sa vantardise, Elinalise adoucissant son comportement. Cliff voulait bien faire, mais il était souvent acerbe. Nanahoshi était généralement silencieuse, mais elle répondait si quelqu’un lui parlait. J’avais pensé qu’elle était renfermée et avait des problèmes de communication, mais il semblerait que ce ne soit pas le cas.

Après un moment, Sylphie était venue m’informer que les préparatifs étaient terminés. Nous n’attendions maintenant plus que Badigadi. La nourriture allait refroidir s’il arrivait trop tard, mais au moment où je commençais à m’inquiéter, Elinalise prit la parole.

« Il n’y a absolument aucune chance que Badigadi arrive maintenant. Les êtres qui ont vécu des milliers d’années n’ont aucune idée de la façon dont le temps passe pour nous autres, mortels. Vous devriez probablement l’attendre dans un mois. »

Et donc, nous avions décidé d’aller de l’avant et de commencer la fête à l’heure. Désolé, Badi.

◇ ◇ ◇

La fête consistait en un buffet de style cocktail. Nous avions décidé de ne pas attribuer de places, mais heureusement, la salle était suffisamment spacieuse pour que les gens puissent se déplacer, même avec la table au milieu. Nous avions tout de même laissé quelques chaises au bord de la salle au cas où quelqu’un en aurait assez de rester debout. Le menu était composé d’aliments qui pouvaient facilement être mangés debout. Nous avions commencé par offrir à chacun une tasse d’alcool. Nanahoshi avait refusé l’alcool, nous lui avions donc donné du jus de fruits à la place.

J’étais responsable du discours pour notre toast. Sylphie et moi étions debout l’un à côté de l’autre, nous étions le centre d’attention. Onze paires d’yeux nous fixaient avec impatience. Il n’y avait rien de désagréable dans leurs regards, mais je me sentais quand même nerveux, même si j’avais préparé un discours.

Sylphie m’avait serré la main. Elle me fit alors un grand sourire et me murmura : « Tu peux le faire. »

Ah, elle me donne envie de l’emmener dans la chambre tout de suite, avais-je pensé.

« Et bah, le visage de Rudeus est rouge vif. Héhé, héhé. »

Elinalise se mit à rire et, pour une fois, Cliff n’avait pas plombé l’ambiance.

« Lise, tais-toi. »

Très bien alors, c’est parti.

« Ahem. Merci d’avoir trouvé une place dans vos emplois du temps chargés pour être avec nous aujourd’hui. Permettez-moi de faire cette déclaration une fois de plus. Sylphie et moi sommes… »

« Bwahaha ! Et maintenant, j’entre avec un ba-bang ! »

J’avais cru que mon cœur allait traverser ma poitrine sous l’effet de la surprise. J’avais regardé derrière moi, et il était là. Ce corps noir et cette grande silhouette. Les six bras, tous fourrés dans un uniforme d’école aux coutures éclatantes. Le Roi-Démon Immortel Badigadi était entré avec fracas… par la porte arrière de la cuisine.

Son arrivée avait laissé tout le monde sans voix, même Cliff. Moi aussi, je ne savais pas quoi dire.

« Badgadi, tu es en retard », avait judicieusement lancé Elinalise.

Mais Badgadi n’était pas le moins du monde inquiet.

« Hmph. C’est vrai que je suis en retard, mais dans ma tribu, lorsqu’un Roi-Démon assiste à une fête, il doit attendre le moment parfait pour étonner et perturber les participants avec son entrée. C’est notre façon de faire. »

« Tu plaisantes, n’est-ce pas ? »

« Pas du tout. Bien que Kishirika ait inventé cette coutume particulière sur un coup de tête, je reconnais que c’est ridicule ! »

Et il l’avait quand même fait ? Quelle personne irrationnelle ! C’était pourquoi tu as été éradiqué par les humains tant de fois…

« J’ai même fait un détour pour entrer par la porte de derrière. Soyez reconnaissants ! Bwahaha ! »

Enfoiré, avais-je commencé à penser, puis je m’étais arrêté.

Non, calme-toi. Il est comme ça, c’est tout. Tu le savais déjà, n’est-ce pas ?

« Ha ha ha, très bien alors. Merci. »

« Pas besoin de remerciements. Maintenant, allez-y et mariez-vous devant moi. Après tout, peu de gens ont l’occasion de se marier en présence d’un Roi-Démon. Je ne fournis pas ce genre de services ! », dit Badigadi, avant de se jeter à terre.

Nous avons des chaises, protestai-je intérieurement. Mais beaucoup parmi le peuple démon préféraient s’asseoir sur le sol, j’avais donc supposé que c’était bon.

« Bien, pour en revenir à notre ordre du jour précédent… »

Je m’étais alors raclé la gorge.

« Merci d’avoir pris le temps, malgré vos emplois du temps chargés, d’être avec nous aujourd’hui. Permettez-moi de faire cette déclaration une fois de plus. Sylphie et moi allons nous marier. Je suis conscient que nous sommes tous les deux encore jeunes et que nous manquons de beaucoup de choses, mais j’espère que nous aurons une vie fructueuse ensemble. Euh, vous douze qui êtes réunis ici avaient été particulièrement proches de nous au cours de ces deux dernières années. Nous avons passé moins de temps avec certains d’entre vous qu’avec d’autres, mais d’une manière ou d’une autre, nous avons tous réussi à nous entendre, et je vous considère comme des amis. Si vous vous trouvez un jour en difficulté, j’espère être là pour vous soutenir, en tant qu’ami. Si jamais vous avez des problèmes entre vous, j’espère que vous vous souviendrez de nous et que vous essayerez d’être la plus grande personne et de laisser les choses aller. Um… »

Oh merde, ce discours était beaucoup trop rigide. Ils avaient tous des regards interrogateurs sur leurs visages.

Ce fut alors que Badigadi m’avait donné une petite tape sur l’épaule.

« Pas besoin d’une telle formalité. Vous vous aimez tous les deux et vous voulez que tout le monde ici le reconnaisse, non ? »

Oh ! Oui, exactement. C’était ça. Ok !

« Eh bien, comment dire ? Sylphie et moi allons aller de l’avant dans notre relation. J’espère que vous serez là pour nous si nous avons besoin de vous. Merci à tous. »

« D’accord, maintenant trinquons à l’avenir du jeune couple ! »

« Santé ! »

Badigadi avait levé un gobelet de vin qu’il avait piqué à un moment donné sans que je le remarque. Tout le monde l’avait rejoint en levant la sienne. Un peu d’alcool avait été renversé alors que la fête commençait.

***

Partie 3

Pursena s’était directement attaquée à la viande de sanglier qui était encore fumante il y a quelques instants. Je me demandais s’il était de coutume que les hommes bêtes mangent d’abord les proies qu’ils avaient eux-mêmes capturées… Non, c’était vraiment un truc de Pursena. Linia était près de la cheminée, en train de grignoter des nanahoshiyaki, une imitation du poulet frit.

Nanahoshi prit une assiette de chips et se retira dans un coin de la pièce où elle put grignoter. Julie prit soudainement place à côté d’elle. Nanahoshi avait l’air abasourdie, mais Julie l’avait ignorée et elle s’était enfilé des chips dans la bouche. L’autre jour, elle en avait mangé pour nous en tant que goûteuse. Elle avait dû en réclamer depuis.

Nanahoshi et Julie. Elles formaient une image intéressante côte à côte. Peut-être que Badigadi pensait la même chose, vu qu’il s’était approché d’elles. Nanahoshi paniqua et sortit l’une de ses bagues. Quelle idiote ! Elle avait prétendu ne pas vouloir d’ennuis, mais elle avait gardé sa nourriture comme une lionne.

J’avais remarqué que Zanoba me regardait. Je n’étais pas sûr de ce qu’il voulait, mais il semblait attendre qu’Ariel fasse un geste — et elle le fit peu après, en guidant son entourage jusqu’à Sylphie et moi.

« Sylphie, félicitations. »

« Princesse Ariel, merci. »

Sylphie fit son habituel sourire carnassier et inclina la tête.

« Alors, est-ce que Rudeus et cette maison répondent à tes attentes ? »

« Ils sont encore plus incroyables que ce que j’avais espéré. La maison a même une baignoire ! »

« Oh ? Très peu de maisons personnelles ont des baignoires à Asura. Je suis envieuse. Sylphie, tu sais que tu peux arrêter d’être mon garde du corps pendant un an si tu veux. »

« Je-je vais garder ça pour le jour où on aura des enfants. »

Ariel gloussa. Sylphie continua à discuter avec Luke et les assistantes de la princesse, dont je n’avais appris les noms qu’aujourd’hui. Apparemment, elles avaient un lien fort avec Sylphie. Elles semblaient proches, et la fille louve bleu avait les larmes aux yeux. C’était comme si je regardais les filles du club d’athlétisme se dire au revoir.

« Eh bien, je suppose que tu ne m’aimes toujours pas, mais essayons de nous entendre », dit Luke, en me tendant soudainement la main.

Malgré ce qu’il avait dit, je n’avais aucune animosité envers lui. J’étais prêt à être amical s’il l’était.

« Ça me paraît bien, Luke… monsieur. »

« Prends bien soin de Sylphie. »

Il avait lâché ma main après cette courte remarque. Pour être honnête, j’avais l’impression que c’était Luke qui ne m’aimait pas. Qu’est-ce que c’était exactement ? Ce n’était pas vraiment de la jalousie, mais je n’arrivais pas à mettre le doigt dessus.

Zanoba s’était approché une fois qu’Ariel fut partie. Il semblait faire attention aux hiérarchies sociales, ce qui était logique, étant donné qu’il était de la famille royale.

« Encore une fois, Maître, je te présente mes félicitations. »

« Merci, Zanoba. »

Il s’était tourné vers Sylphie et s’était incliné.

« Madame. Je pensais sincèrement que vous étiez un homme. Pardonnez-moi d’avoir commis une erreur aussi honteuse. »

Sylphie s’était empressée d’agiter la main.

« Oh, non, s’il vous plaît, levez la tête. Vous êtes de la famille royale. Vous ne pouvez pas vous incliner devant quelqu’un comme moi. »

« Quelqu’un comme vous ? Je respecte profondément mon maître, et vous êtes sa femme. Votre Sainteté n’a d’égal que celle de Dieu. »

« Mais même Rudy m’a prise pour un homme, alors c’est bon, d’accord ? »

Elle m’avait regardé pour avoir du soutien. Aussi embarrassant que ce soit, c’était vrai, alors j’avais acquiescé.

Une fois Zanoba parti, Linia et Pursena étaient arrivées.

« Est-ce que c’est bien vu chez les humains de se saluer au milieu d’un repas, miaou ? »

« C’est mal élevé. »

C’était tout ce qu’elles avaient dit. De plus, elles ne nous avaient même pas félicités. J’aurais certainement besoin d’enquêter à l’avance sur le déroulement des mariages des hommes bêtes quand le moment sera venu pour ces deux-là de se marier. Bien que je ne sache même pas si elles pourraient trouver des partenaires.

« Mais c’est logique que vous vous mariiez tous les deux. C’est bien quand les gens forts s’unissent, miaou. »

« C’est vrai. Les enfants forts apportent la tranquillité à la tribu. »

À mon avis, c’était « mal vu » de parler si franchement au milieu d’un repas.

La prochaine à s’approcher était Nanahoshi, qui avait réussi à s’éloigner de Badigadi… qui avait fait on ne sait quoi, puisque ses cheveux étaient en désordre. J’avais regardé dans sa direction et je l’avais vu s’amuser à laisser Julie monter sur ses épaules.

« Félicitations. »

« Merci. »

Elle avait commencé à se retirer après cette courte remarque, mais Sylphie l’avait arrêtée.

« Hum, Mlle Nanahoshi, puis-je vous demander quelque chose ? »

« Qu’est-ce que c’est ? »

« Vous avez dit tout à l’heure que vous veniez tous les deux du même endroit. Mais qu’est-ce que cela signifie ? Hum, corrige-moi si je me trompe, mais vous venez d’un monde différent, non ? »

La voix de Sylphie était devenue un chuchotement dans la dernière partie de sa question.

Nanahoshi m’avait regardée comme si elle voulait savoir ce que je voulais faire. Je n’avais pas fait attention à la façon dont elle avait répondu.

Je n’essayais pas de cacher quoi que ce soit à Sylphie… bien qu’elle puisse me regarder bizarrement si elle le découvrait. Ce serait délicat à expliquer.

« J’ai mal compris, puisqu’il parle la même langue que moi », dit Nanahoshi. Eh bien, c’était décidé.

Les derniers à s’approcher de nous étaient Cliff et Elinalise. Cliff nous avait fait nous aligner, puis il avait tracé une forme de croix dans l’air avec une main, offrant une simple prière.

« Vous n’êtes pas des disciples de Millis, mais c’est la seule bénédiction que je connaisse. »

J’étais vraiment heureux de ce sentiment. Après tout, il était extrêmement courant pour les gens de célébrer Noël sans participer à la messe. J’avais un dieu en qui je croyais, mais elle ne m’en voudrait pas si j’acceptais les bénédictions d’une autre religion.

« Rudeus, je suis heureuse de ton rétablissement », dit Elinalise, avec un air légèrement boudeur.

C’est vrai. Je ne lui avais pas dit que mon impuissance avait été guérie jusqu’à présent.

« Tu aurais quand même pu me le dire un peu plus tôt. »

« Et si je te l’avais dit, tu aurais fait un pas vers moi. “Laisse-moi voir par moi-même si c’est vrai”, etc. etc. »

« Je ne le ferais jamais. Je te l’ai déjà dit, n’est-ce pas ? Je n’ai pas l’intention de devenir la belle-fille de Paul. »

C’était donc comme ça. J’aurais peut-être dû le lui dire plus tôt. Parmi tous ces gens, c’était celle que je connaissais depuis le plus longtemps. D’accord, je ne la connaissais que depuis six mois environ.

« Mais encore une fois, si Cliff n’était pas avec moi, j’aurais pu envisager l’idée de le faire avec toi une fois. »

« J’aurais pu ressentir la même chose si je n’avais pas eu Sylphie. »

« Eh bien, c’est malheureux, n’est-ce pas ? Puisqu’on n’était pas destiné à faire ça, continuons à être amis. »

« Oui, restons-en là. »

Elinalise tourna son attention vers Sylphie, une expression douce sur le visage.

« Mlle Sylphiette, félicitations. Je prie pour… pour ton… bonheur du… du fond du… »

Des larmes commencèrent à rouler sur les joues d’Elinalise. Elle avait continué à regarder Sylphie tandis qu’un sanglot s’échappait de sa gorge.

J’étais abasourdi. Je n’avais aucune idée de la raison pour laquelle elle pleurait tout d’un coup.

Elinalise tendit la main pour toucher la joue de Sylphie d’une main tremblante. Puis ses jambes avaient commencé à trembler et à se dérober sous elle. Son visage était complètement défait, mais elle continuait à regarder Sylphie.

« Je suis désolée. Je n’arrive pas à croire que je fais ça… »

Sylphie avait aussi dû être choquée. Ou du moins, je pensais qu’elle le serait, mais au lieu de ça, elle avait l’air légèrement perplexe, pas surprise.

« Hum. Ça fait un moment que je veux vous demander ça, mais, Mlle Elinalise… êtes-vous peut-être ma grand-mère ? », dit Sylphie.

Je n’étais pas le seul à être sidéré. Cliff et Elinalise avaient l’air complètement abasourdis, eux aussi.

« Père m’a dit que ma grand-mère était l’un des membres du groupe du père de Rudy », expliqua Sylphie.

Il avait vraiment dit ça ? Attendez… c’est logique, en fait. Laws avait dit que Paul et lui étaient devenus amis pendant qu’il aidait à garder le village. Peut-être avait-il découvert le lien entre Paul et Elinalise au fil de leurs conversations, même si je doutais que Paul le sache.

Le monde était petit. Maintenant que j’y pensais, le pendentif en bois sculpté que Sylphie m’avait fabriqué avait la même forme que le pendentif de l’épée d’Elinalise. En fait, les traits de leur visage étaient également similaires.

« Mlle Elinalise, es-ce vraiment le cas ? », avais-je demandé.

« Tu te trompes. Il est impossible que ta grand-mère soit une pute comme moi. »

« Mon père m’a dit que c’était à cause de vous qu’il avait été chassé de la Grande Forêt, et que les gens s’opposaient à ce qu’il épouse ma mère », dit Sylphie.

« Quoi… ?! »

« Il a dit que vous étiez dévastée par la culpabilité, et que vous pourriez ne pas révéler qui vous êtes vraiment, même si nous nous rencontrions. »

Je n’aurais jamais deviné qu’Elinalise et Laws avaient une telle histoire… même si je pouvais comprendre pourquoi les gens s’étaient opposés à son mariage avec la mère de Sylphie. J’avais aussi hésité lorsque Cliff m’avait demandé de le présenter à Elinalise. Je pouvais comprendre que le fait d’être le fils d’Elinalise ait pu ternir la réputation de Laws.

« Je… Je… ! »

Elinalise éclata en sanglots. Elle essaya de dire quelque chose, mais les mots ne voulaient pas se former. Sylphie avait l’air un peu troublée, comme si elle craignait d’avoir dit quelque chose de mal.

« Maître Cliff ? », avais-je dit.

Il avait aussi l’air très agité.

« Qu’est-ce qu’il y a ? »

« Emmene Mlle Elinalise dans une des chambres du deuxième étage pour qu’elle puisse se reposer. »

« D-D’accord. Oui, j’ai compris. »

« Sylphie, et si tu continuais ta conversation avec elle après qu’elle se soit calmée ? »

« O-okay », dit-elle.

Cliff tirait Elinalise par la main au moment elle me regarda, terrifiée.

« R-Rudeus, je-je sais que tout cela peut te troubler, mais, hum, Laws était un garçon tout à fait normal. Et bien sûr, son enfant, Sylphie, l’est aussi. Alors s’il te plaît… »

Alors s’il te plaît quoi ? Ne les regarde pas avec des préjugés. Elle n’avait donc vraiment aucune confiance en moi. Pour être honnête, je l’avais évitée ces derniers temps. Peut-être que cela avait causé un certain malentendu.

J’avais approché ma bouche de son oreille.

« S’il te plaît, ne t’inquiète pas. Je ne vais pas rompre avec Sylphie à cause de toi. »

« Mais… »

« Plus important encore, ne penses-tu pas que tu devrais être plus préoccupée par le fait que tu es maintenant liée à ce Paul que tu détestes tant ? »

Elinalise sourit faiblement.

« Heh, Rudeus. Tu dis vraiment des choses amusantes parfois. »

Je m’étais un peu détendu. Elle avait probablement juste besoin de se calmer un peu.

« Tu peux prendre ton temps et parler à Sylphie, rien que vous deux, un peu plus tard. »

« Oui. J’apprécie que tu sois si prévenant. »

Après ça, Cliff guida Elinalise. Ils s’étaient retirés à l’étage. Il est temps de passer à la vitesse supérieure, Cliff. Fais un bon travail pour la réconforter, avais-je pensé.

Badigadi n’était jamais venu nous féliciter. Il s’était installé dans un coin de la pièce, en poussant son habituel rire « Bwahaha ! », et avait maintenu l’ambiance joyeuse. J’étais reconnaissant pour sa présence.

***

Chapitre 6 : Fin de la réception de mariage

Partie 1

La réception fut un succès. Nous n’avions pas scellé notre promesse par un baiser ou échangé des alliances, mais nous avions passé tout le temps à manger, boire, discuter et nous amuser. J’avais apprécié la facilité et le caractère informel de tout cela.

Les gens s’étaient séparés en groupes de deux ou trois lorsqu’il fut le temps de rentrer chez eux. Les premières à nous dire au revoir avaient été Linia et Pursena. Peut-être les hommes bêtes considéraient-ils qu’il était de bon ton de ne pas s’attarder trop longtemps ?

« Eh bien, miaou… Amusez-vous bien, chef. »

« Vous êtes vraiment le patron de l’école maintenant. J’ai hâte d’être au prochain semestre. »

Après avoir dit cela, le duo commença à marcher péniblement dans la neige afin de rentrer chez elles.

La deuxième à partir était Nanahoshi, avec qui Luke avait engagé une conversation au hasard. La plupart du temps, il essayait de la draguer, bien qu’il ne soit pas complètement transparent à ce sujet. Il s’efforça de parler de nourriture et de vêtements, des sujets qui semblaient pouvoir intéresser Nanahoshi. Il était doué pour paraître intéressé par un sujet qui intéressait l’autre personne, même s’il était un peu hors de son élément ici. Quand même, c’était éducatif. Mais ce n’était pas comme si j’avais l’intention de faire usage de ces connaissances.

Nanahoshi, d’un autre côté, n’avait pas essayé de dissimuler le fait qu’elle était clairement dérangée par lui. Elle l’avait regardé avec agacement, elle soupirait avec agacement. Au final, elle avait couru vers la salle de bain juste pour lui échapper. Quand elle était réapparue, elle s’était approchée directement de moi, l’air agité.

« Il est temps pour moi de partir. Il m’énerve, celui-là. »

« Très bien, alors. Je suis sûr que tu es épuisée. Merci d’être venue aujourd’hui », avais-je dit.

« Je vais encore compter sur ton aide demain. Et encore une chose. »

« Qu’est-ce que c’est ? »

« Dans le futur, pourrai-je utiliser ton bain ? »

Apparemment, elle avait jeté un coup d’œil à notre salle de bain en allant aux toilettes. En tant que compatriote japonaise, les bains lui manquaient probablement. Après tout, son nom était Shizuka.

« Bien sûr. Mais tu pourrais avoir Nobita qui te regarde… »

« Oublie ce que j’ai dit. »

« Non, je plaisante. Tu peux venir quand tu veux. »

Nanahoshi hocha la tête et commença à partir. Le soleil ne s’était pas encore couché, mais je me demandais si elle serait en sécurité en rentrant seule chez elle, même si elle était venue ici elle-même, et avait des objets magiques pour sa propre protection.

« Escortez Maître Silent jusqu’à sa résidence, s’il vous plaît. »

« Oui, Princesse. »

Alors que j’hésitais sur ce que je devais faire, la princesse avait décidé d’envoyer une de ses servantes comme escorte. J’aurais dû m’y attendre de la part d’une personne avec un tel charisme. Cependant, Nanahoshi avait obstinément refusé l’offre et était rentrée chez elle toute seule.

Les suivants étaient Zanoba et Julie, puis Badigadi. Badigadi, Zanoba et Ariel avaient tous partagé un verre en discutant joyeusement entre eux. Comme je connaissais l’affinité de Badi pour l’alcool, j’en avais préparé une quantité appropriée, juste pour être sûr. Mais apparemment, ce n’était pas suffisant. Avant même de m’en rendre compte, deux des trois fûts de vin que j’avais cachés au sous-sol étaient vides. J’avais envisagé d’aller en chercher, mais avant que je puisse le faire, Zanoba avait été frappé.

« Bwahaha ! Tu es vraiment faible pour un “enfant béni” », gloussa Badigadi.

« Ha ha ha… urgh, j’ai honte. On dirait que je me suis laissé emporter. »

« Maître, vous allez bien ? »

La petite Julie essayait de soutenir Zanoba qui trébuchait.

« Hee hee hee. Peut-être devriez-vous vous reposer dans l’une des chambres ici ? », suggéra Ariel.

Elle n’avait pas bu tant que ça elle-même — garder son sang-froid faisait probablement partie de sa formation de dame de haute naissance. Tout ce qu’elle faisait était fait avec élégance, de la façon dont elle inclinait sa tasse à la façon dont elle riait. Elle était probablement un peu pompette, mais le léger rougissement que l’alcool lui avait donné ne faisait que la rendre plus charmante.

« Non. En tant qu’élève et fier membre de la famille noble Shirone, j’ai déjà honte d’être aussi ivre dans la maison de mon propre maître. Je vais prendre congé tant que je peux encore marcher. »

Zanoba était venu me faire ses adieux. Personnellement, j’aurais été d’accord pour qu’il reste dans notre chambre d’amis… Enfin, peu importe ce qu’il voulait faire.

« Je suppose que je devrais aussi partir. Princesse d’Asura, portez-vous bien ! », dit Badigadi.

« Oui, votre altesse. J’espère que vous resterez en bonne santé vous aussi. »

« Bwahaha ! Je ne tombe pas malade et je ne me blesse pas ! »

Et ainsi, Zanoba et Badigadi avaient pris congé. Huh. J’étais persuadé qu’ils seraient les derniers à partir.

La réception avait pris fin lorsqu’Ariel et son groupe se préparaient à partir. Pendant qu’ils faisaient ça, j’avais décidé d’aller voir comment allait Elinalise. J’étais monté au deuxième étage et j’avais jeté un coup d’œil dans la chambre d’amis.

J’avais été accueilli par un spectacle excitant — non non, pas du genre sexuel. C’était simplement Elinalise qui utilisait les genoux de Cliff comme oreiller. Apparemment, il avait fini de la réconforter, et ils étaient passés à l’amour. J’étais un peu envieux. Je devrais faire la même chose avec Sylphie plus tard.

« Hum, Monsieur Cliff, j’aimerais parler à grand-mère, je veux dire, à Mlle Elinalise. Est-ce que ça te dérange ? » demanda timidement Sylphie tout en se glissant derrière moi.

Cliff me regarda comme s’il demandait de l’aide. Elinalise s’était redressée et m’avait fait un signe de tête. Je lui répondis par un signe de tête. À ce moment-là, Cliff s’était levé et avait quitté la pièce.

« Merci, Rudy. »

Sylphie avait souri doucement avant de se diriger vers l’intérieur.

Cliff et moi avions descendu les escaliers ensemble. Il avait l’air anxieux.

« Est-ce que ces deux-là vont s’en sortir ? »

« Si ce n’est pas le cas, nous devons juste être là pour elles après », avais-je répondu alors que nous nous dirigions vers le rez-de-chaussée.

Lorsque nous étions arrivés, Ariel et sa compagnie venaient de terminer leurs préparatifs de départ. Les deux préposées aidaient Ariel à enfiler son manteau. Quand elle me vit, elle inclina son menton.

« Seigneur Rudeus. Merci pour aujourd’hui. »

Le reste de son groupe s’était également incliné profondément.

Je m’inclinai à mon tour, à la japonaise, bien que je sois certain que je ne devais pas le faire dans cette situation.

« Comment va Sylphie ? », demanda Ariel.

« Elle est en train de parler à Elinalise. »

« Je vois. C’était une surprise de découvrir que Sylphie avait de la famille ici. Je pensais qu’elle les avait tous perdus. »

« En effet. Le monde est vraiment petit. »

Sans compter qu’Elinalise et Sylphie étaient aussi différentes que le jour et la nuit. Principalement en termes de chasteté.

« En tout cas, c’est l’occasion rêvée. Seigneur Rudeus, puis-je avoir un peu de votre temps ? »

Ses mots laissaient entrevoir une arrière-pensée, mais j’avais quand même hoché la tête.

« Très bien, alors. Venez par ici. »

Tout en parlant, Ariel traversa rapidement la pièce et se dirigea vers le couloir. De là, elle se dirigea vers l’entrée principale, ouvrit la porte et se dirigea vers l’extérieur. Comme si ça leur venait aussi naturellement que de respirer, les trois autres l’avait suivie. J’avais fait de même.

Dehors, le soleil commençait à se coucher. Ariel s’était arrêtée le long du chemin où les gens avaient marché et où la neige avait à peine eu le temps de s’accumuler. Elle s’était retournée pour me regarder.

« Seigneur Rudeus. Je réalise qu’il pourrait être inapproprié de ma part de demander… »

Un moment d’hésitation suivit cela.

« Accepteriez-vous de vous battre en duel avec Luke ? Sans magie, juste épée contre épée. »

Ce fut une demande très soudaine. Incapable de répondre, je pinçai les lèvres. Luke avait l’air complètement calme, sa main reposant sur la poignée de son épée. Ce n’était clairement pas quelque chose qu’Ariel avait décidé sur un coup de tête.

« Pourriez-vous expliquer au moins votre raisonnement ? »

Elle avait juste souri doucement : « Juste pour le plaisir. »

« Pour le plaisir ? », avais-je dit.

Luke avait dégainé ce qui était une véritable épée. Vu qu’elle était à double tranchant, il n’allait pas me frapper avec le côté émoussé.

« Peut-on utiliser des épées en bois, au moins ? Je n’ai même pas une vraie épée. »

« Ça ne me dérange pas si vous en conjurez une pour vous », a-t-elle répondu.

« Je pensais que vous aviez dit pas de magie ? »

« Je suis d’accord pour que vous l’utilisiez pour créer une arme. »

Très bien, alors. J’avais utilisé ma magie de terre pour créer une lame de pierre. Je l’avais faite épaisse et durable, ce qui signifiait qu’elle était aussi lourde. Je m’entraînais à faire des coups tous les jours, donc je pouvais la manier sans problème, mais si elle touchait quelqu’un au mauvais endroit et que le pire arrivait, il pouvait mourir. Ce n’était pas quelque chose avec laquelle on devait frapper quelqu’un « pour le plaisir ».

« Ne vous inquiétez pas. C’est quelque chose que Luke a demandé. », dit Ariel.

« Luke l’a demandé ? »

« Ça ne me dérange pas si vous utilisez toute votre puissance pour le battre. »

Sans ma magie, je n’étais qu’un épéiste moyen. Il n’y avait aucune garantie que je puisse le battre à plates coutures.

« Pour référence, Luke est de niveau intermédiaire dans le style Dieu de l’épée et un débutant dans le style Dieu de l’eau. Son épée est un objet magique, fait pour couper des boucliers en acier aussi facilement que du beurre. Ses bottes sont les mêmes que celles de Sylphie, donnant un boost à la vitesse du porteur. Sa cape peut bloquer la chaleur, ses gants augmentent sa force, et sous son uniforme, il porte des vêtements à l’épreuve de l’épée. »

« C’est incroyable. »

***

Partie 2

Il était donc vêtu de la tête aux pieds de la tenue d’un héros fringant ! Même en vendant ma maison fraîchement rénovée, je n’aurais pas assez d’argent pour payer tout ça.

« En d’autres termes, je pourrais être celui qui se fera battre sans raison. »

« J’en doute. Mais si vous sentez que votre vie est en danger, n’hésitez pas à utiliser la magie. »

« Je vais juste prier pour qu’il ne me coupe pas en deux avant que je n’en aie l’occasion. »

Mais d’abord, pourquoi avait-il proposé ça ? Aucun de nous ne bénéficierait de la mort de quelqu’un ici.

« Avant de commencer, j’aimerais que vous me disiez pourquoi on fait ça. Ai-je fait quelque chose qui vous a contrarié ? », avais-je demandé.

« Non. C’est juste pour le plaisir. Bien sûr, vous pouvez refuser si vous le souhaitez. »

« Que j’accepte ou non, cela me trouble. Cette épée de pierre est même assez mortelle pour tuer quelqu’un si elle le touche au mauvais endroit. »

« Luke est préparé à cette éventualité. »

Eh bien, je ne l’étais pas. J’étais nouvellement marié et je ne voulais pas tué ou être tué.

« S’il vous plaît », dit Ariel. Sa voix était sombre.

Qu’est-ce que ce match allait prouver ? Peut-être que c’était une sorte de tradition du Royaume d’Asura. Je pouvais facilement imaginer le vieux Sauros me dire ceci : « Si tu veux prendre Éris comme épouse, tu dois d’abord me vaincre ! »

Mais Sauros était mort.

« Rudeus. Acceptez, s’il vous plaît. Si vous êtes un homme, vous devriez comprendre », dit Luke.

C’était ça, la phrase « si vous êtes un homme ». C’était une remarque injuste. C’était presque comme s’il disait que je n’étais pas un homme parce que je ne comprenais pas.

Ah, bon. Ce n’était pas comme si on allait sérieusement se sauter à la gorge.

« Très bien. S’il vous plaît, soyez gentil avec moi. »

J’allais au moins utiliser mon Œil Démoniaque de la Prévoyance. Je ne voulais pas que quelqu’un meure accidentellement.

« Merci d’avoir accepté notre demande. »

Je ne comprenais toujours pas pourquoi ils faisaient ça, mais aux mots d’Ariel, Luke s’était préparé. Dès que Cliff vit ça, il m’avait appelé, confus.

« H-hey, Rudeus, tu es sûr de ça ? »

« Oh, Maître Cliff. Si les choses commencent à mal tourner, lance immédiatement un sort de guérison. »

« O-Oui. Je l’avais déjà prévu. »

L’épée de pierre en main, j’avais lentement pris une position de mon côté. Nous étions à environ trois pas l’un de l’autre. Cela signifiait qu’un pas de plus et nous pouvions nous frapper l’un et l’autre. C’était plus proche que la distance que je m’imposais normalement dans mes simulations.

« Êtes-vous prêt maintenant ? »

« Oui. »

Après avoir entendu ma confirmation, Ariel déclara brusquement : « Commencez ! »

« Haaaaah ! »

Luke hurla et donna un coup de pied dans le sol. Alors que la neige se dispersait, il lança son corps vers le mien.

Il était lent. Non, comparé à la moyenne des gens, il n’était probablement pas si lent. Il était probablement aussi rapide que Linia, mais quand même, assez lent pour que je puisse prédire ses mouvements. Il n’était pas du tout au niveau d’Éris ou de Ruijerd, sans parler de celui d’Orsted. Il était probablement aussi un peu plus faible que Soldat. C’était tout ce qu’il pouvait faire, même avec un objet magique ?

Luke s’était rapproché, en balançant son épée en diagonale.

« Hah ! »

Sa forme était techniquement correcte, et il mettait son poids dans son balancement. Il ne se fiait pas non plus trop à ses objets magiques. Mais il bougeait toujours beaucoup plus lentement que mes simulations mentales.

« Hah ! »

Je visais son avant-bras. Style du Dieu de l’épée - Frappe initiale, coupe du bras ! C’était une compétence que j’avais apprise il y a longtemps, un mouvement ancré en moi par des centaines de milliers de coups d’entraînement.

« Guh ! »

Le poids de ma lame brisa son bras en un seul coup. Il lâcha son épée qui disparut dans la neige.

« Ce n’est pas fini ! »

Luke avait immédiatement essayé de la ramasser avec sa main gauche.

« Non, c’est fini. »

Je l’avais empêché d’attraper l’épée en lui claquant un pied dans la poitrine, l’envoyant voler. Il avait roulé dans la neige. Quand il avait essayé de se relever, j’avais pointé mon épée sur lui.

« C’est assez ! »

L’exclamation d’Ariel mit fin au duel.

« Grr ! »

Luke frappa le sol avec sa main cassée, puis gémit de douleur et berça son bras.

« Ellemoi, guéris-le. »

Sur l’ordre de la princesse, une de ses assistantes se précipita vers lui. Elle tenait son bras cassé si près que ses énormes seins menaçaient de l’avaler tout entier, puis lança une magie de guérison.

« Incroyable », dit Cliff avec admiration.

Il ne connaissait rien au maniement de l’épée et ne savait donc pas que ce match n’avait rien de sérieux. Il y avait beaucoup d’épéistes et de guerriers plus doués que moi, comme Soldat ou Éris. J’étais sûr que je ne pourrais vaincre aucun d’entre eux sans utiliser la magie et mon Œil de Démon. Luke n’était qu’un épéiste normal. Si je n’avais pas utilisé mon Œil, nous aurions pu échanger quelques coups, mais c’était comme Ariel l’avait dit. Il n’était pas de taille pour moi.

« Maître Luke, vous allez bien ? »

« Je vais bien. »

Une fois que j’avais entendu sa réponse calme, j’avais jeté mon épée de pierre de côté. Elle coula dans la neige.

Luke s’était levé et regarda dans ma direction. Son habituel sourire superficiel n’était nulle part. Il avait l’air sérieux.

« Prenez bien soin de Sylphie. »

« Bien sûr. »

Était-il en train de tester pour voir si j’étais assez fort pour protéger Sylphie ?

« Ça m’aiderait si vous expliquiez votre raisonnement. »

« Ce n’est pas très important. Luke avait juste ses propres sentiments sur la question. Certainement de la fierté masculine. », remarqua Ariel.

« La fierté masculine ? Quoi, il est aussi amoureux de Sylphie ? »

Je n’avais pas l’intention de me moquer de lui, mais Ariel avait froncé les sourcils à ma question. Merde. Peut-être que c’était une chose impolie à demander.

« Nous aimons tous Sylphie, mais pas dans le sens romantique du terme. En tant que camarades qui ont traversé des situations de vie et de mort ensemble, nous partageons un lien puissant. », dit-elle.

« Toutes mes excuses. C’était impoli de demander ça. »

« Tant que vous comprenez. »

L’expression d’Ariel retrouva son calme habituel. Elle regarda vers la maison, où Sylphie et Elinalise étaient probablement encore en train de parler.

« Je finirai par retourner au Royaume d’Asura. Il n’y a que deux chemins possibles à partir de là : soit je prends le trône, soit je meurs. Il y a une probabilité significativement plus élevée que la deuxième option se réalise et que le palais soit ma tombe. »

« Devez-vous y retourner ? »

« Si je ne le faisais pas, je trahirais la mémoire de ceux qui sont morts pour m’amener jusqu’ici. C’est mon devoir de retourner à Asura. »

Le privilège vient avec la responsabilité. Malgré ses paroles sinistres, il n’y avait aucune émotion sur le visage d’Ariel. Son visage était celui de quelqu’un qui ne doutait pas un seul instant qu’il faisait ce qu’il devait faire. Non pas que je sois en position de juger, mais en ce qui me concerne, cette conviction faisait d’elle une bonne candidate au trône.

« Sylphie, cependant, n’a pas un tel devoir », continua-t-elle.

C’était vrai. Sylphie n’était ni royale ni noble, c’était juste une étrangère qui avait été jetée dans le palais royal pendant l’incident de téléportation.

« Sylphie m’a sauvé la vie. Elle a été là pour moi en tant qu’amie pendant tout ce temps, même après avoir appris que ses parents étaient morts. J’ai tellement dépendu d’elle. Mais trop c’est trop. Il est temps que j’arrête de dépendre d’elle et que je la laisse suivre son propre chemin. »

Malgré cela, Sylphie avait bien l’intention de suivre la princesse. Elles avaient traversé tellement de choses ensemble. Je pouvais comprendre pourquoi Sylphie voulait aller jusqu’au bout. Si Ruijerd avait décidé de défier Laplace au combat, par exemple, je l’aurais probablement suivi, les jambes tremblantes tout le long du chemin.

Attendez, ce n’était probablement pas une bonne comparaison. Mais le sentiment de vouloir se battre aux côtés de son ami était le même. Si Sylphie choisissait de suivre Ariel, je serais fier d’elle. Mais si je pensais que c’était un combat qu’elle n’avait aucune chance de gagner, je voudrais l’en empêcher.

« Sylphie a l’intention de rester avec moi jusqu’à la fin. Mais elle est mariée maintenant, et si vous faites tous les deux de votre mieux, je suis sûre que vous finirez par avoir des enfants. Quand cela arrivera, je pense que sa détermination à me suivre s’émoussera d’elle-même. », dit Ariel

Je n’en étais pas si sûr. Quand ce moment arrivera, serais-je capable de l’arrêter ? Je ne le pensais pas. Au contraire, j’irais probablement avec elle pour l’aider.

« Ceci étant dit, si vous maltraitez Sylphie, alors je la reprendrai. Je suis sûre que nous ne pouvons pas vous vaincre avec une démonstration de puissance brute, mais il y a beaucoup d’autres méthodes. Alors s’il vous plaît, ne me donnez pas l’impression qu’elle ferait mieux de venir avec nous. », continua Ariel.

« Je prendrai ces mots à cœur. »

« Bien, Seigneur Rudeus. Prenez bien soin de Sylphie. »

Ariel tourna les talons. Ses deux serviteurs s’étaient inclinés devant moi. Luke m’avait lancé un regard de reconnaissance en ramassant son épée. Puis les quatre partirent, traînant dans la neige jusqu’à ce qu’ils disparaissent, sans même attendre que Sylphie descende.

En les regardant partir, je m’étais dit : « Quand ce jour viendra, quoi qu’Ariel dise, nous serons là pour elle. »

***

Partie 3

Lorsque nous étions rentrés dans la maison, Elinalise et Sylphie venaient de descendre les escaliers. La première avait les yeux gonflés, mais on aurait dit qu’un poids avait été enlevé de ses épaules.

« Oh, Rudy. Où est la Princesse Ariel ? »

« Elle vient de partir. »

« Oh. Je suis désolée de ne pas avoir été là. A-t-elle dit quelque chose ? »

« Juste “Prends bien soin de Sylphie”. »

Je réfléchissais encore à la meilleure façon de mentionner le duel, mais Cliff m’avait devancé.

« Luke a soudainement défié Rudeus en duel ! Mais il laissa Rudeus faire. Il contra Luke d’un seul coup. Ahh, j’aimerais pouvoir te montrer comment cet insupportable crétin s’est recroquevillé en tenant son bras cassé. »

Tu ne déçois jamais, n’est-ce pas, Cliff ? Il semblerait que j’ai mal interprété le combat, avais-je pensé sèchement. Cela n’avait pas beaucoup d’importance, mais j’avais le sentiment qu’il n’aimait pas beaucoup Luke. Bon, peu importe.

Quand Sylphie entendit ça, celle-ci fronça les sourcils.

« Rudy, tu t’es disputé avec Luke ? »

« Non, je n’appellerais pas vraiment ça une bagarre. On m’a demandé de me battre en duel avec lui, et la princesse Ariel nous a regardés. »

« Je vois. Luke a probablement voulu voir par lui-même. »

« Voir quoi ? », avais-je demandé.

« Ta force. Jusqu’à présent, c’est Luke qui nous a protégés, la princesse et moi. »

Je comprenais ce qu’elle essayait de dire, mais j’étais surpris d’apprendre que son zèle était si profond. Je suppose qu’on ne connaît jamais vraiment le cœur d’une personne, hein ? Plus important encore, ma femme venait d’apprendre que j’avais participé à un duel, et elle ne s’inquiétait même pas pour moi ? Mon adversaire avait quand même utilisé une vraie épée.

« Mais merci, Rudy. »

« Pour quoi ? »

« D’y être allé doucement avec Luke. Il est faible. Tu le tuerais si tu utilisais ta vraie force. »

Apparemment, ça ne lui avait même pas traversé l’esprit que je puisse perdre.

Quand même, cela doit être terrible pour Luke.

« Bon, assez parlé de moi. As-tu fini de parler ? », avais-je dit.

« Oui. »

Sylphie hocha joyeusement la tête.

◇ ◇ ◇

Elinalise était donc bien la grand-mère de Sylphie. La mère de Laws, en d’autres termes. Elinalise avait donné naissance à des enfants demi-elfes dans le monde entier et, en raison de la malédiction et de sa propre personnalité, les problèmes la suivaient partout. Ses capacités à résoudre les conflits n’étaient maîtrisées que depuis quelques décennies. Auparavant, elle avait souvent laissé des tempêtes et des scandales dans son sillage, dont certains la hantaient encore.

Sa réputation était particulièrement mauvaise parmi les autres elfes, qui ostracisaient régulièrement ses enfants avec comme seul crime le fait d’être apparentés à elle. Nombre de ses enfants et petits-enfants la dénigraient, essayant de prendre leurs distances avec elle. Elinalise ne révéla plus son vrai nom aux enfants qu’elle eut par la suite. Elle les élevait jusqu’à l’âge adulte, puis coupait les ponts avec eux. Ce fut ainsi qu’elle avait vécu jusqu’à présent.

Elinalise avait su d’un seul regard que Sylphie était soit sa petite-fille, soit son arrière-petite-fille. Elle n’avait pas l’intention de le lui révéler, mais quand elle vit Sylphie si heureuse de son mariage, elle avait été submergée par l’émotion. C’était une histoire pleine d’émotions. J’avais moi-même eu les larmes aux yeux en la racontant. Mais Elinalise avait refusé toutes les tentatives pour la réconforter, affirmant que c’était le résultat de ses propres actions.

Une fois cette conversation terminée, Cliff m’avait appelé dans le coin de la pièce.

« Rudeus ? », avait-il dit.

« Oui, Maître Cliff ? »

« Arrête avec cette connerie de “Maître”, et ne parle plus de manière rigide. S’il te plaît, appelle-moi Cliff à partir de maintenant. Non, oublie-le s’il te plaît, fais-le. »

Il n’y avait donc pas besoin d’être respectueux, mais il me donnait des ordres comme une figure d’autorité ? Ah, ok. Je vais donc arrêter là pour cette fois.

« C’est à propos de Lise », avait-il continué.

« Ok. »

« Honnêtement, elle n’est pas la personne que je pensais qu’elle était. »

« Uh-huh. Et ? »

Je comprendrais qu’il se sente désillusionné. Après tout, la personne qu’il avait aimée tout ce temps avait non seulement des enfants, mais aussi des petits-enfants. À en juger par sa conversation, il était possible qu’elle ait même des arrière-petits-enfants. Même moi, j’aurais été considérablement choqué. Cependant, s’il allait dire « Aide-moi à rompre avec elle » après avoir entendu cette conversation, même moi je serais énervé. Ce n’était pas comme si Elinalise l’avait trompé. Cliff l’avait mal comprise et était tombé amoureux d’elle de son propre chef. Les gens dans des situations similaires se sentaient souvent désenchantés après avoir entendu la vérité, mais cela me dégoûtait quand même.

D’accord, je n’allais pas l’arrêter. Il valait mieux qu’Elinalise se débarrasse complètement d’un sale type comme celui-là et qu’elle vive avec nous. Ensuite, si Sylphie le permettait, nous pourrions avoir notre propre petite pseudofamille — attendez, non, je ne pouvais pas être avec quelqu’un d’autre que Sylphie. Attendez, on pourrait dire qu’on faisait ça pour le bien de Sylphie.

« Elle est encore plus tragique que je ne le pensais. Je vais me débarrasser de sa malédiction, quoi qu’il en coûte. Comme je suis un génie, je suis sûr que je finirai par trouver comment faire, mais juste pour être sûr, veux-tu bien m’aider ? »

Lequel d’entre nous était l’horrible tas de merde maintenant ? Moi. Désolé, Cliff.

« Donc tu ne te sens pas désillusionné après avoir entendu ce qu’elle a dit ? »

« Désillusionné ? Bien sûr que non. Pourquoi dirais-tu ça ? », répondit-il sans une once d’hésitation.

« M,-mais la femme que tu aimes a couché avec un tas d’autres personnes et a non seulement des enfants, mais elle a même des petits-enfants ? »

« Et alors ? Je suis un disciple de Millis. Quelles que soient ses circonstances ou la distance qui la sépare de mon idéal parfait, elle m’aime et j’ai le devoir de la rendre heureuse. », avait-il dit.

J’en tremblais. Oh, merde. Peut-être que je l’avais vraiment sous-estimé. Je devrais probablement l’appeler Seigneur Cliff à partir de maintenant. Eh bien, peut-être qu’il n’était pas nécessaire d’aller aussi loin. Je l’appellerai simplement Maître Cliff comme je l’avais toujours fait.

« Ok, je comprends. Je suis heureux de pouvoir être ton soutien et je t’aiderais autant que je le pourrais. »

« Oui, il est bon de savoir que j’ai ton soutien. »

Il prit fermement ma petite main dans la sienne lorsque j’avais tendu la main pour une poignée de main.

« Aussi, arrête d’être si formel. On est amis, non ? »

« Je refuse. »

J’étais rempli d’un profond sentiment de respect envers Cliff. Aussi maigre que soit mon aide, j’étais heureux de la lui apporter.

◇ ◇ ◇

Cliff et Elinalise furent les derniers à rentrer chez eux. Il ne restait plus que Sylphie et moi. Nous avions commencé à nettoyer la pièce en désordre que nos invités avaient laissée derrière eux ensemble. Enfin, je dis « en désordre », mais nos invités étaient pour la plupart bien élevés, tout ce que nous avions à faire était d’essuyer le sol où ils avaient renversé de l’alcool. Il nous restait pas mal de nourriture, mais c’était probablement mieux que d’en avoir préparé trop peu. Nous mangerions à nouveau les restes pour le dîner.

Le temps que nous terminions le nettoyage, le soleil s’était couché et le ciel était devenu sombre. J’avais allumé l’endroit et j’étais retourné dans la salle de séjour. Lorsque j’avais pris place sur le canapé à trois places, Sylphie s’était installée à côté de moi. J’étais soudainement épuisé par les événements de la journée.

« Il s’est passé beaucoup de choses, mais je suis contente que ça se soit bien passé », dit Sylphie avec un sourire, en posant sa tête sur mon épaule.

« Oui. »

Lorsque j’avais enroulé mon bras autour de ses épaules, celle-ci s’appuya de tout son poids contre moi. J’avais enfoui mon visage dans ses cheveux et j’avais pris une profonde inspiration, pour respirer son odeur. Mmm, un parfum si doux.

« Rudy, ça chatouille. »

Mais elle ne m’avait pas repoussé. J’avais continué à renifler.

« Je pense que je vais me laisser pousser les cheveux », avait-elle soudainement déclaré.

Je lui avais suggéré de le faire plusieurs fois, il y a longtemps, et j’avais essuyé un refus à chaque fois. J’avais toujours pensé que des cheveux courts ou une queue de cheval lui conviendraient, mais je ne pensais pas que je le verrais un jour.

« Tu es sûre que c’est ce que tu veux faire ? »

« Pourquoi es-tu si formel ? »

« Parce que c’est une conversation sérieuse. »

« Hum, ce n’est pas vraiment si sérieux. C’est juste que, tu sais, mes cheveux ne sont plus verts, pas vrais ? La princesse Ariel m’a dit d’être plus féminine, mais je prévois toujours de porter des pantalons à l’école, alors j’ai pensé que je devrais au moins laisser pousser mes cheveux. »

C’était donc ça. Elle ne se sentait plus gênée par ses cheveux.

« Tu ne vas pas porter l’uniforme des filles ? », avais-je demandé par curiosité.

« Pas question. Ça ne m’irait pas. »

Allez, je me suis dit que si. Si elle doit le voir pour le croire, alors je lui en achèterai un quand j’en aurai l’occasion.

Cela mis à part…

« Eh bien, j’aimerais voir de quoi tu as l’air avec des cheveux longs. Tu seras certainement très mignonne. Bien que tu sois déjà mignonne en ce moment. »

« Hee hee, merci. C’est donc entendu. Je vais les laisser pousser. »

Je devais donc bientôt dire adieu à la Sylphie aux cheveux courts. J’avais besoin de graver cette image d’elle dans mon esprit tant que je le pouvais encore. Bien que je pense que je pourrais la revoir comme ça si elle se coupait les cheveux.

« Rudy, je vais travailler dur pour que ton amour pour moi reste fort. »

Pourquoi fallait-il qu’elle le dise comme ça ? Maintenant, j’avais les larmes aux yeux. Comment avais-je pu être autant aimé ? Je devais travailler dur aussi, pour que ses sentiments pour moi ne s’effacent jamais. Apparemment, le type de connard prétentieux n’était pas tout à fait ce qu’elle avait en tête, alors j’arrêterais d’être borné et je chercherais plutôt à être intelligent. Je n’étais pas sûr de pouvoir le faire, mais je devais au moins essayer.

« Sylphie, merci pour tout le travail que tu as fait aujourd’hui. »

« Merci aussi, Rudy. »

Comme nous étions tous les deux épuisés, j’avais décidé que nous allions prendre un bain et nous détendre.

Et ce fut ainsi que Sylphie et moi nous nous étions mariés.

***

Chapitre 7 : Vie quotidienne

Partie 1

Deux mois s’étaient écoulés depuis que Sylphie et moi nous étions mariés. L’université entrait dans un nouveau semestre, je devenais un étudiant de deuxième année, et ma vie quotidienne subissait un changement radical.

D’abord, j’avais quitté la résidence universitaire et j’avais commencé à faire la navette depuis chez moi. Je me réveillais chaque matin dans un grand lit, dans ma propre maison. Si Sylphie était à côté de moi, nous partagions un baiser matinal. Ses journées commençaient tôt, elle se levait donc à peu près en même temps que moi pour mon entraînement.

Une fois levé, je commençais ma routine en faisant un circuit à l’intérieur de la ville, puis je m’entraînais à manier l’épée de pierre que j’avais conjurée lors de mon duel avec Luke. Comme d’habitude, je ne parvenais pas à envelopper mon corps d’une aura de combat, mais cela ne signifiait pas que l’entraînement était inutile.

Pour une raison que j’ignore, Badigadi se présentait souvent pendant mon entraînement, en poussant un rire odieux qui était si fort qu’il dérangeait tout le voisinage. Je le saluais néanmoins poliment et il me servait parfois de partenaire d’entraînement. En termes d’habileté, il n’était pas à la hauteur de Ruijerd ou Ghislaine. En fait, il était plus faible qu’Éris… en fait, non.

Ce n’était pas comme s’il n’était pas à la hauteur, mais j’avais l’impression qu’il n’utilisait pas toute sa force. Comme il avait un corps immortel, peut-être qu’il ne pensait pas que la défense était nécessaire ? D’un autre côté, il me donnait de temps en temps des conseils étonnamment utiles. Il se pourrait donc qu’il soit vraiment très fort.

Après l’entraînement, nous nous dirigions vers ma maison, où Sylphie nous accueillait avec un petit-déjeuner. Badigadi disparaissait dès qu’il avait mangé sa part. Cet homme était un véritable mystère pour moi. Je me demandais à quoi il pensait. Certains jours, j’avais l’impression qu’il ne pensait pas du tout.

Les jours où Badigadi n’était pas là, Sylphie et moi nous nourrissions amoureusement l’un l’autre. Une fois le petit déjeuner terminé, nous nous rendions à l’université, qui se trouvait à environ trente minutes de marche. Zanoba me fit remarquer que c’était un peu gênant, mais je n’avais pas l’impression que c’était si éloigné. Je pouvais faire le trajet assez rapidement si je courais.

Nous arrivions bien avant le début des cours. Sylphie et moi nous séparerions juste avant les dortoirs, et je tuais un peu de temps ici et là avant d’aller voir Zanoba et Cliff. Cliff travaillait d’arrache-pied dans la recherche sur les malédictions tous les matins. Il avait revendiqué un laboratoire de recherche et y passait son temps à démonter des objets magiques, à fouiller dans des livres et à chercher des modèles. Finalement, il avait commencé à travailler sur un instrument magique original de sa propre conception.

« Je sais que tu as parlé de transférer une malédiction, mais je ne vois pas comment tu pourrais le faire. Mais si ma propre théorie est correcte, je devrais être capable de concevoir un instrument magique qui peut annuler les malédictions. », m’avait-il dit.

Sa théorie était que les objets magiques et les malédictions fonctionnaient de la même façon. Une malédiction placée sur un objet produit un objet magique, alors qu’une malédiction sur une personne produisait un Enfant Maudit. En d’autres termes, si vous pouviez faire quelque chose sur les effets d’un objet magique, alors vous pouviez faire quelque chose sur une malédiction. (Le fait qu’il soit coincé en utilisant un langage aussi ambigu que « quelque chose » prouvait que ses recherches n’en étaient qu’à leurs débuts).

« Je n’ai rien qui nécessite ton aide pour le moment. Ce sont mes recherches, alors laisse-moi m’en occuper. C’est une question de fierté pour moi. »

Il avait l’air d’un enfant qui pensait que j’étais là pour lui piquer ses jouets. Ce serait une chose si c’était Nanahoshi qui proposait de l’aider, mais je ne pense pas que je puisse faire grand-chose pour l’aider.

L’après-midi, il y avait une forte probabilité qu’Elinalise et Cliff soient tous les deux constamment l’un sur l’autre, alors je m’abstenais de lui rendre visite pendant cette période.

Zanoba passait souvent ses journées entières dans sa propre salle de recherche. En général, il essayait de déchiffrer le livre que nous avions découvert dans le manoir, ou frottait affectueusement sa joue contre celle de la poupée automatisée. Il n’avait fait aucun progrès jusqu’à présent, mais c’était à prévoir. Sa passion était indéniable. J’étais certain qu’il finirait par résoudre l’affaire.

« Maître, s’il te plaît, surveille Julie. Je m’occupe de ça. »

Apparemment, il était terrifié à l’idée que je mette mon nez dans ses recherches. Il parlait comme si j’allais résoudre le puzzle d’un seul coup d’œil et mettre fin à sa quête. Les gens surestimaient vraiment mes capacités. Je ne savais rien en dehors de mon domaine d’expertise.

Dans un autre ordre d’idées, Zanoba continuait à progresser étape par étape sur la figurine du wyrm rouge quand il faisait des pauses dans sa recherche. Julie, assise à côté, fabriquait elle-même une figurine. Il lui avait donné son propre bureau pour travailler et elle s’entraînait assidûment.

« Grand-Maître, merci pour votre enseignement. »

Maintenant que je ne pouvais plus lui enseigner le soir, je lui enseignais la magie de terre le matin à la place. Cela faisait bientôt un an que nous l’avions trouvée, et sa croissance était étonnante, mais il était encore trop tôt pour mettre en pratique nos plans de production de masse. Pour l’instant, tout ce que je pouvais faire, c’était de la focaliser sur l’entraînement par des répétitions régulières.

D’après Sylphie, si un enfant continuait à pratiquer la même école de magie pendant sa jeunesse, il augmenterait ses compétences dans ce domaine. Par conséquent, je lui avais demandé de se concentrer sur l’utilisation de la magie de terre. Si la théorie de Sylphie était correcte, alors Julie deviendrait bientôt une experte en magie de terre. Nous pourrions passer à la phase suivante une fois qu’elle aura progressé davantage. Il n’y avait aucune raison de se précipiter.

J’allais toujours à la cafétéria pour le déjeuner. Pour diverses raisons, j’avais décidé de ne pas apporter de nourriture de chez moi. Les sièges dans le coin du premier étage étaient réservés à notre usage exclusif. Le « notre » était composé de Zanoba, Julie, occasionnellement Badigadi ou Cliff et Elinalise, ainsi que Linia et Pursena. Ces jours-ci, Luke ou Sylphie venaient presque tous les jours. Ils ne mangeaient pas avec nous, mais ils échangeaient quelques mots avant de prendre congé. Selon eux, c’était pour donner l’impression qu’Ariel et moi étions amis.

Je ne discutais pas beaucoup avec Luke, mais j’étais de plus en plus amoureux de « Maître Fitz », qui commençait à avoir l’air plus féminine avec l’allongement de ses cheveux. Certaines personnes pensaient encore qu’elle était un homme, et nous regardaient avec des regards étranges quand ils nous voyaient être affectueux. Sylphie n’aimait toujours pas les démonstrations d’affection en public lorsqu’elle était dans son personnage de Fitz. Elle s’était vraiment énervée quand je lui avais touché les fesses une fois. Elle ne s’était pas mise en colère et ne m’avait pas jeté un regard furieux, elle avait juste l’air triste. Elle m’avait dit qu’elle voulait que je m’abstienne d’être un sale type devant les gens.

Je suppose qu’elle avait raison. Sylphie n’était pas du genre à s’inquiéter de l’attention du public, mais elle ne voulait probablement pas que les gens pensent que son mari était une sorte de babouin obsédé sexuel qui ne pouvait pas se retenir. Je me comporterais bien, pour son bien.

Après le déjeuner, j’allais toujours en cours. Comme d’habitude, je suivais des cours de guérison de niveau avancé et de désintoxication de niveau intermédiaire. Je m’asseyais à côté de Pursena et nous nous concentrions entièrement sur la mémorisation des informations, le lancement de sorts de guérison et la consommation de viande. Les jours où je n’avais pas cours, j’enseignais à Linia la magie offensive.

« Tu ne nous as pas touchés dernièrement, miaou. »

« Tu pues toujours l’excitation, mais je ne peux pas m’empêcher de penser que le fait que tu n’essaies pas de nous toucher soit bizarre. »

Les deux ne pouvaient pas cacher leur surprise devant mon bon comportement, mais j’avais juré ma fidélité à Sylphie et je n’allais pas toucher d’autres filles. Pursena me taquinait en ricanant, mais je l’ignorais. Linia me montrait parfois ses sous-vêtements, mais j’essayais de détourner les yeux. Malheureusement, je ne pouvais pas vaincre mes instincts profondément ancrés, et je savais qu’ils étaient féroces aujourd’hui.

Comme l’après-midi touchait à sa fin, je rendais visite à Nanahoshi. Elle était plus grincheuse que jamais. Maintenant que ma libido était revenue, je pouvais apprécier sa petite taille et ses traits japonais qui la distinguaient des autres personnes de ce monde. Mes préférences avaient dû changer depuis ma dernière vie, car je n’avais pas trouvé son aura morose très attirante. Cependant, elle m’avait rempli d’un sentiment de nostalgie.

« Juste pour que tu le saches, si tu lèves la main sur moi, je vais me plaindre à Orsted. »

« S’il te plaît, ne fais pas ça. »

« Hmph. »

Elle disait des choses comme ça si je la regardais trop. Elle savait à quel point j’étais terrifié par Orsted. Je n’avais de toute façon pas l’intention de la toucher, donc l’échange était essentiellement une réaffirmation afin que nous gardions nos distances.

Nanahoshi avait toujours dégagé une aura d’irritation et d’impatience. Cependant, nous avions épuisé son stock de cercles magiques non testés au cours des six derniers mois. Il semblerait qu’il était temps pour elle de passer à l’étape suivante.

Une fois que j’en avais fini avec Nanahoshi, je retrouvais Sylphie. Ses fonctions de garde du corps se poursuivaient selon le même horaire qu’auparavant, mais comme nous venions de nous marier, la princesse la laissait rentrer chez elle un moment après la fin des cours. Elle devait toujours garder la princesse le soir, alors après avoir dîné, fait un peu de ménage et pris un bain, elle retournait immédiatement à l’école. Cela lui faisait sans doute deux fois plus d’efforts. Je lui en faisais baver.

Sylphie, cependant, ne semblait pas ressentir cela : « J’aime avoir une maison où revenir. » Enfin, c’était ce qu’elle disait.

Sylphie était de garde de nuit deux jours sur trois. Ce qui voulait dire qu’elle n’avait qu’un jour pour se reposer. Ce qui n’était pas rien, vu qu’elle n’avait eu aucun jour de repos jusqu’à présent. Si elle avait pu bénéficier d’un jour de repos, c’était grâce à Elinalise, qui s’était portée volontaire pour garder la princesse à sa place. Je ne les avais jamais vues parler, mais apparemment, elles s’entendaient très bien. Elles semblaient comme l’huile et l’eau, vu la promiscuité d’Elinalise et la nature circonspecte d’Ariel, mais selon Sylphie, Ariel n’était pas aussi pure que ça. Elle ne faisait que jouer la comédie.

Les jours où Sylphie n’était pas de garde de nuit, elle et moi nous arrêtions au marché en rentrant à la maison pour acheter des provisions pour trois jours. La plupart des aliments en vente étaient des choses ayant une longue durée de vie, comme des haricots, des pommes de terre et de la viande séchée. J’avais envie de riz. Si nous étendions les routes de distribution que Nanahoshi avait développées, nous pourrions peut-être importer du riz du sud. Ce sera en tout cas une question pour plus tard.

Une fois à la maison, c’était l’heure du dîner. Contrairement à son apparence de garçon manqué, Sylphie était une bonne cuisinière. Elle ne connaissait pas beaucoup de recettes, mais sa cuisine me rappelait mon enfance. Elle avait le goût de la nourriture que j’avais mangée en grandissant au Village Buena, ce qui était logique, étant donné que Lilia était celle qui lui avait appris.

***

Partie 2

Elle était si mignonne avec son tablier, s’affairant dans la cuisine. Ça me donnait envie de la prendre dans mes bras par-derrière. J’avais essayé de l’aider à cuisiner une fois, mais elle m’avait poliment repoussé. Apparemment, il y avait quelque chose dans la préparation de la nourriture qu’elle ne voulait partager avec personne d’autre, même si ce n’était pas forcément des techniques de chefs. J’aimerais bien lui suggérer de ne porter qu’un tablier, mais j’avais le sentiment qu’elle refuserait.

Nous avions parfois des invités à l’heure du dîner, et par « invités », j’entendais les treize que nous avions préalablement invités. Cliff et Elinalise venaient assez souvent. Zanoba, faisant peut-être preuve de retenue, ne venait que rarement. Nanahoshi venait environ une fois par mois pour utiliser notre bain. Elle voulait probablement venir plus souvent, mais s’en abstenait. Avant que l’un d’entre vous ne se fasse une fausse idée, laissez-moi le dire tout de suite : je ne l’ai pas regardée pendant qu’elle prenait son bain. Nanahoshi semblait de toute façon être sur ses gardes quant à cette possibilité. Elle ne venait que lorsque Sylphie était à la maison.

Une fois le dîner terminé et nos invités rentrés chez eux, nous nous retrouvions seuls pour passer un moment agréable. En tant que « Maître Fitz », Sylphie se comportait avec dignité tout au long de la journée et attendait de moi que je fasse preuve de la même retenue et des mêmes convenances, même si le simple fait de la voir de loin me donnait envie de courir vers elle comme un chiot excité. En revanche, elle était affectueuse et soumise la nuit. Elle faisait tout ce que je demandais. Même lorsque je me laissais aller à dire quelque chose de dégoûtant, elle accédait volontiers à mes demandes.

« Comparé aux gens du Palais d’Asura, tu es tout à fait normal », m’avait-elle dit.

Sylphie ne m’avait jamais rien demandé. En fait, elle s’en prenait à mon côté calme et rationnel quand elle me disait : « Je veux faire tout ce que tu désire, Rudy. »

J’avais cédé à la tentation plusieurs fois, et c’était ce que j’avais fait. Mais je ne pouvais pas continuer à la traiter comme un objet. Bien sûr, j’aimais le sexe. C’était tout ce dont j’avais toujours rêvé. Mais Sylphie était ma femme. Le respect, oui c’était ça, je voulais la respecter.

C’était ce que je pensais, mais quand elle me regardait avec ses yeux brillants et me disait : « Tu n’as pas besoin de te retenir », je m’étais senti stupide d’essayer. J’étais un homme faible. Il y avait des mots que je voulais essayer de dire au moins une fois dans ma vie, ou de me faire dire. Il y avait des choses que je voulais essayer de faire au moins une fois dans ma vie, ou qu’on me faisait. Au cours des deux derniers mois, j’avais réussi à en rayer la moitié de ma liste. Je n’avais cependant pas mis la pression à Sylphie pour quoi que ce soit. Tout ce qui ne lui plaisait pas, on ne le faisait pas.

Malgré tout, je voulais faire quelque chose pour elle. Avec cette pensée en tête, j’avais demandé : « Hey, Sylphie, y a-t-il quelque chose que tu veux que je fasse pour toi ? »

« Huh ? Ok, eh bien, tu te souviens de ce que tu m’as promis avant ? »

Aussitôt que j’avais entendu ça, je m’étais prosterné.

« Je suis désolé, je ne me souviens pas. »

Agacée, Sylphie me força à lever les yeux en disant : « Ce n’est pas ta faute, c’était il y a un an. Tu te souviens du truc que tu as utilisé ? La magie perturbatrice. Je veux que tu m’apprennes. »

« Ce n’était pas du tout un problème. Je te l’apprendrai dans les moindres détails. »

« Eh bien, je connais la magie de guérison de niveau avancé. Rudy, tu prends des cours là-dessus, non ? Je peux t’apprendre aussi. »

Nous avions donc passé notre temps après le dîner à nous enseigner mutuellement la magie. J’apprenais à Sylphie comment utiliser la magie perturbatrice et elle m’apprenait comment utiliser la magie de guérison sans incantations. Il n’y avait pas vraiment de but à ce dernier point, mais elle n’était pas satisfaite que je sois le seul à enseigner. Je m’étais demandé pourquoi. Était-elle du genre à ne pas être heureuse si elle ne fournissait pas quelque chose à son partenaire ? Ou du genre à se sentir mal à l’aise lorsqu’elle recevait quelque chose des autres ?

De toute façon, il était vrai que je ne pouvais pas lancer de magie de guérison sans incantations, alors j’avais accepté ses instructions avec gratitude. Je pouvais garder un œil sur tout ce que je voulais apprendre d’elle en attendant.

« Hum, je ne pense pas que ce soit si différent que de lancers d’autres types de magie sans incantation », dit Sylphie à un moment donné.

C’était ce que je pensais aussi, mais le fait était que je ne pouvais pas utiliser la magie de guérison sans incantation. Pas même après avoir écouté Sylphie m’expliquer comment cela fonctionnait, et après avoir essayé de mettre ses instructions en pratique.

« Rudy, est-il possible que tu ne comprennes pas ce que ça fait d’être à l’extrémité réceptrice du sort ? »

La magie de guérison consistait à toucher le corps d’une autre personne et à y déverser votre propre mana, en utilisant votre mana pour modifier le flux de son mana et guérir ses blessures. J’étais incapable d’évoquer la sensation de voir le mana d’une autre personne interférer avec le mien. Plus simplement, c’était comme presser votre index droit contre votre paume gauche, mais seul le doigt ressentait quelque chose.

La magie offensive était aussi facile que de respirer pour moi. C’était étrange. Peut-être que ce n’était pas seulement la magie de guérison que je ne pouvais pas lancer sans incantation, mais toutes sortes de magie de soutien ? Peut-être que, comme pour les auras de combat, c’était juste quelque chose que les gens qui avaient été réincarnés ici depuis un autre monde ne pouvaient pas maîtriser. Ou peut-être que je n’avais simplement pas de don pour la magie de guérison.

« Je suis un peu soulagée, tu sais ? Il y a vraiment des choses que tu ne peux pas faire », dit Sylphie avec son sourire caractéristique.

Être surpassé par quelqu’un dans n’importe quel domaine était un peu vexant, mais ça devait être décourageant pour Sylphie de penser qu’il y avait des domaines dans lesquels elle pouvait me battre. J’avais donc fait en sorte que cela ne me dérange pas.

Contrairement à mes tentatives futiles en matière de magie de guérison, Sylphie avait maîtrisé l’essentiel de la magie perturbatrice en un rien de temps. Elle avait encore besoin d’entraînement, mais j’étais sûr qu’elle serait capable de l’utiliser au combat. Sylphie était vraiment une élève exceptionnelle. J’avais enseigné la magie à un certain nombre de personnes — Éris, Ghislaine, Zanoba, Julie, Linia — mais j’avais l’impression que Sylphie était la plus apte à apprendre parmi eux. Elle pourrait même être elle-même une sorte de génie.

« Mais c’est un peu injuste, n’est-ce pas ? Un magicien ne peut rien faire si tu fais ça. »

« Eh bien, l’une des Sept Grandes Puissances a utilisé une technique similaire. »

« Vraiment ? Alors c’est de là que ça vient. Alors, tu connais l’une des Sept Grandes Puissances ? »

« Non, je ne le connais pas. Mais Nanahoshi oui. »

Sylphie s’inquiéterait probablement si je lui disais que l’une d’entre elles avait failli me tuer. Il était probablement plus sûr de garder toute mention d’Orsted pour moi. Il n’y avait aucune garantie qu’il ne s’en prenne pas à moi pour avoir appris aux gens à utiliser la magie perturbatrice.

« Tu ne devrais probablement pas partager cette information avec quelqu’un d’autre. C’est aussi valable pour la magie perturbatrice. Si l’une des sept grandes puissances nous poursuivait, je ne ferais pas le poids. »

« Compris. C’est donc un secret. », dit Sylphie en hochant sérieusement la tête.

Les jours où Sylphie était de garde la nuit, je faisais un effort concerté pour faire le ménage et la lessive. En général, je devais laver les vêtements de Sylphie, y compris ses culottes et ses soutiens-gorge. Bien sûr, en tant que mari, je m’abstenais de tout acte de perversion. Je ne les avais pas empochés ou emportés dans ma chambre pour m’en servir pour mon plaisir. J’avais pris une bouffée tout au plus. Sylphie satisfaisait ma jeune et active libido une fois tous les trois jours.

Je nettoyais aussi plus ou moins la maison, même si je faisais un travail bâclé, d’après Sylphie. Lorsque j’étais aventurier, je nettoyais chaque chambre d’auberge dans laquelle je m’installais pour la première fois, mais à part cela, j’étais du genre désordonné. Sylphie nettoyait pendant ses jours de congé, mais ce manoir était trop grand pour que nous puissions le garder impeccable tous les deux. Je pensais que le nettoyage était une nécessité, mais la maison était juste trop grande. Peut-être que nous devrions embaucher une femme de ménage.

Penser à une bonne m’avait fait penser à Lilia, et je m’étais demandé si Paul et les autres avaient déjà retrouvé Zénith. Cela faisait trois ans qu’Elinalise et ses camarades avaient retrouvés ma mère. J’estimais qu’il avait fallu un an ou deux à Roxy et Talhand pour traverser le continent des démons et arriver à Millishion. Si ma mémoire était bonne, ils seraient ensuite partis pour Rapan, la ville-labyrinthe du continent de Begaritt, et je ne pensais pas qu’il faudrait une année entière pour faire ce voyage. J’avais envoyé ma première lettre il y a un an et demi. Si elle était arrivée comme prévu, alors je devrais recevoir une réponse bientôt.

Je devrais être plus patient. Elinalise m’avait assuré qu’il n’y avait aucune raison de s’inquiéter, mais je me sentais quand même anxieux. Roxy était sur le coup, et j’avais confiance en elle. Je devais rester calme et attendre.

Maintenant que j’y pense, avec la disparition du village de Buena, Paul et les autres n’avaient nulle part où vivre. Ils décideraient peut-être de s’installer à Millishion, mais s’ils venaient par ici, on pourrait vivre ensemble dans cette maison. Maintenant que j’y pense, on pouvait dire que je m’étais marié et que j’avais acheté une maison pour le bien de ma famille. Bien sûr, je n’y avais pensé qu’après coup, ce n’était donc rien de plus qu’une excuse commode.

En tout cas, penser qu’un ancien reclus comme moi puisse s’occuper de mes parents ! C’était assez émouvant… même s’il serait difficile de renoncer à l’intimité de mon nid d’amour à deux avec Sylphie.

***

Chapitre 8 : Une lettre

Partie 1

Quand je m’étais réveillé ce matin, Sylphie dormait sur mon bras. Je regardais ses cheveux blancs, sa nuque pâle, ses longs cils. Une fille aussi incroyablement mignonne était allongée dans mon lit, vêtue seulement d’une culotte, et utilisait mon bras comme oreiller. Son visage semblait si détendu et vulnérable quand elle dormait.

Au moment où j’avais rabattu la couverture, ses pétales de sakura apparurent. Il y avait de petites ecchymoses sur sa peau juste au-dessus d’eux. En d’autres termes, des suçons. C’étaient ceux que j’avais mis sur elle la nuit dernière. Dans ma vie précédente, je n’avais pas compris l’attrait des suçons sur quelqu’un, mais maintenant j’aimais me réveiller et voir ceux que j’avais laissés sur Sylphie. C’était quelque chose de similaire à ce que devaient ressentir ces terribles petits amis qui obligeaient leurs copines à se faire faire un piercing ou un tatouage, en moins ignoble : un sentiment de fierté. Sylphie était à moi. Je n’allais pas laisser quelqu’un d’autre l’avoir.

À cette pensée, mon petit homme s’était levé pour l’appel du matin. Il était plein d’entrain, vu la difficulté de la journée d’hier. Dans ma vie précédente, la seule attention qu’il avait reçue était celle de ma main, et il était lui-même renfermé sur lui-même ces deux dernières années. Maintenant qu’il avait un endroit pour se dégourdir les jambes, il était vraiment plein d’énergie.

Ah merde, je ne peux pas commencer à m’exciter si tôt le matin, et Sylphie a du travail aujourd’hui. Il fallait tout simplement que je détourne cette énergie pour à la place faire de l’exercice. J’avais donc retiré mon bras de sous la tête de Sylphie et l’avais remplacé par un oreiller.

« Mm. Rudy, tu n’es pas censé boire dans ce… », dit Sylphie en remuant, se mettant en boule. Son somnambulisme était agréable à voir. Je me demandais ce qu’elle me laissait boire dans ses rêves ?

D’une certaine manière, je m’étais retrouvé à caresser sa poitrine. Je risquais de la réveiller si je ne faisais pas attention, alors je l’avais fait très doucement.

C’était comme toucher du tofu soyeux, je le faisais donc de manière très discrète. Je devais être l’homme le plus heureux du monde pour vivre une expérience aussi merveilleuse chaque matin. Est-ce qu’il est normal d’être vraiment, vraiment très heureux ?

« Mm…Rudy… »

Sylphie ouvrit légèrement les yeux et me regarda. Puis elle attrapa ma main et, encore à moitié endormie, sourit et dit : « Prends soin de toi. »

« Entendu. »

Puis j’avais quitté la chambre. Il faudra que j’attende trois jours avant que nous puissions à nouveau dormir ensemble. Je l’attendrais avec impatience.

◇ ◇ ◇

La vie était vraiment paisible ces derniers temps. Le seul événement notable avait été la présentation d’un garçon par Linia et Pursena. Apparemment, c’était un délinquant de première année qui, en l’espace de deux mois, avait combattu et vaincu tous les autres voyous de sa classe. Il était si fier de lui qu’il avait voulu défier le groupe du Patron, mais sa première cible, Zanoba, l’avait anéanti. Après tout ça, il avait fini par faire partie de mon groupe. C’était complètement inattendu.

D’après les rumeurs que j’avais entendues ces derniers temps, l’université était apparemment dirigée par quelque chose de similaire aux Quatre Rois Célestes, appelé le Cercle Démoniaque des Six. La rumeur disait que le Cercle m’appartenait. Si quelqu’un pouvait battre mon Cercle des Six, alors il gagnait le droit de me défier. Ça ressemblait au scénario d’un manga shounen. Ils n’allaient pas appeler ça un Fistival (Festival du Poing) ou quelque chose comme ça, si ?

Au fait, ces six personnes étaient Zanoba, Cliff, Linia, Pursena, Fitz et Badigadi. Si quelqu’un les battait tous, cela signifierait que j’aurais affaire à quelqu’un capable de vaincre un Roi-Démon. Non merci. En tout cas, le premier challenger de cette année avait déjà subi une défaite cuisante par les mains de la première personne qu’il avait ciblée. Au moment où je l’avais rencontré, il pendait déjà la tête et se comportait de façon mièvre, comme un chien qui avait la queue entre les jambes.

Apparemment, le combat avait été correct, et tout ceci grâce au garçon qui avait mis de la distance entre lui et Zanoba afin de pouvoir attaquer à distance avec sa magie. Mais Zanoba avait résisté à toutes les attaques jusqu’à ce que son adversaire soit vidé de son mana, puis il avait comblé l’écart et scellé sa victoire d’un seul coup de poing. Il semblerait que le combat à distance ne soit pas sa spécialité. Il faudrait que je lui apprenne la technique secrète chinoise qui consiste à frapper son adversaire avec une pierre.

De toute façon, j’étais devenu à mon insu le patron de l’école. Au moins, cela faisait que les délinquants m’écoutaient. C’était particulièrement utile lorsque j’avais récemment trouvé certains d’entre eux en train de frapper un élève derrière le bâtiment principal de l’école. J’étais intervenu verbalement et bien que j’étais prêt à me battre avec eux si nécessaire… ceux-ci pâlirent et s’arrêtèrent.

C’était agréable de pouvoir arrêter des brutes avec uniquement des mots. Avoir un tel pouvoir était franchement agréable. Aussi longtemps que je vivrai, je ne permettrai pas aux autres de harceler les faibles. Pas même si la personne harcelée était en quelque sorte à blâmer.

Puis, un jour, elle était enfin arrivée : la lettre de Paul.

◇ ◇ ◇

Cher Rudeus,

J’ai reçu ta lettre. Alors tu t’inscris à l’Université de la Magie ? Félicitations. Je suis content que tu suives ton propre chemin. Je suis sûr qu’Elinalise te l’a déjà dit, mais nous avons trouvé l’emplacement de Zenith, grâce à elle, Roxy et Talhand. Nous sommes en route pour la récupérer. Salue Elinalise de ma part. Bien sûr, elle aura probablement l’air dégoûtée si tu le fais.

Passons au vrai sujet. Nous sommes actuellement au Port Est. Nous sommes sur le point de nous rendre sur le continent de Begaritt. Je n’y suis jamais allé, mais on dit que c’est l’un des endroits les plus rudes du monde, après le Continent Démon.

J’ai hésité à emmener les enfants. Norn et Aisha n’ont encore que neuf ans. C’est alors que l’idée m’est venue de les envoyer toutes les deux là où tu es. Bien sûr, ce n’est pas comme si elles pouvaient y aller toutes seules. Ginger s’est portée volontaire pour les accompagner, mais je n’étais pas sûr que cela suffise.

Juste à ce moment-là, j’ai croisé quelqu’un. Quelqu’un que tu connais. Il s’est proposé de se charger d’escorter les enfants jusqu’à toi, et j’ai accepté. Je suis sûr que tu seras surpris quand tu le verras. Il est très fiable.

Honnêtement, c’était une décision douloureuse. Je n’arrêtais pas de penser, et si quelque chose leur arrivait en cours de route ? Et si quelque chose d’horrible arrivait, et que je ne sois pas là ? Et bien que je veuille qu’elles soient avec moi, je veux aussi qu’elles soient en sécurité. Et toi aussi.

Une fois qu’elles seront là-bas, trouve un endroit où vivre, aussi petit soit-il, et envoye les à l’école. Je les ai envoyés avec assez d’argent pour couvrir leurs frais de vie et d’inscription. C’est une somme assez importante. Ne va pas l’utiliser pour acheter des femmes, d’accord ?

Je te taquine. Te connaissant, tu feras du bon travail, j’en suis sûr. Mais, oui, je comprends que c’est quelque chose que je devrais faire moi-même. Désolé d’être un mauvais père. Cela me fait du mal de te demander ça, mais s’il te plaît, fais-moi cette faveur.

Maintenant que j’y pense, tu as déjà 15 ans. Je suppose que tu auras seize ou dix-sept ans quand cette lettre te parviendra. Dans tous les cas, tu es un adulte. Le fait que nous n’ayons pas pu fêter ton anniversaire ensemble me rend mal à l’aise. Je ne pourrai pas non plus fêter les dix ans de Norn ou d’Aisha. Ah, bien. On pourra faire une énorme fête quand on sera de retour tous ensemble, comme une famille.

Laisse-moi trouver ta mère. Le Corps de Recherche et de Sauvetage de Fittoa a été dissous, mais j’ai beaucoup de puissance de feu de mon côté. Entre Lilia, Talhand, Roxy, Vierra, Sherra et moi-même, nous pouvons aller jusqu’au continent de Begaritt et revenir. Si tout se passe bien, nous devrions pouvoir vous rejoindre à Ranoa dans un an ou deux.

J’ai envisagé d’envoyer Lilia avec les enfants, mais apparemment, elle est plus inquiète pour moi que pour elles. Quel gâchis ! Je me sens pathétique.

Bref, Lilia fait confiance à Aisha. Elle a fondamentalement appris à la fille tout ce qu’elle pouvait. Aisha est une génie. Je suis vraiment un peu effrayé par le pouvoir de mes propres gènes, vu comment toi et Aisha avez tourné.

Norn est cependant une enfant normale. Elle n’est pas comme toi et Aisha. Tu pourrais être vraiment frustré avec elle, mais essaie d’être patient. J’ai peur de l’avoir gâtée, et ça l’a rendue un peu égoïste. Elle te déteste, et elle ne s’entend pas bien avec Aisha. Elle pourra donc se sentir isolée là-bas. En tant que grand frère, sois gentil avec elle.

Je leur ai aussi donné une copie de cette lettre, juste au cas où. Je suis sûr qu’elles iront bien, vu qui s’occupe d’eux, mais si elles ne se manifestent pas dans les six mois suivant l’arrivée de cette lettre, j’aimerais que tu partes à leur recherche.

Voilà, je t’ai à peu près tout dit. Le fait de te devoir laisser tout faire me rend mal à l’aise, mais merci.

– Paul Greyrat

◇ ◇ ◇

C’était une lettre pleine de culpabilité. Franchement, Paul.

J’étais un peu nerveux à l’idée que Norn et Aisha viennent ici, mais je suppose que c’était préférable que de les traîner sur le continent Begaritt. N’aurait-il pas pu les laisser avec la famille de Zenith ? Non, peut-être que cela présentait ses propres problèmes. À part Norns, Aisha n’était pas liée à Zenith par le sang.

Elles seraient probablement bien ici. Comparé au Continent Démon, le Continent Central était relativement sûr. Le kidnapping était si répandu dans ce monde qu’il pouvait être une source d’inquiétude, mais les gens qui le pratiquaient ciblaient généralement les personnes vulnérables. Si Norn et Aisha avaient deux gardes du corps compétents, elles ne seraient probablement pas une cible attrayante.

En parlant de leurs gardes du corps, Ginger était un chevalier et un ancien membre de la garde impériale de Zanoba. Je ne me souvenais pas de ses capacités, mais les chevaliers de Shirone étaient formés au Style du Dieu de l’Eau, ce qui devrait être utile pour une mission d’escorte.

Et puis il y avait l’autre, que Paul avait qualifié de fiable. Qui cela pourrait-il être ? Geese, peut-être ? Il n’était pas possible que ce soit Éris. Qui donc était cette personne fiable que Paul et moi connaissions ? Ah ! Serait-ce la personne à laquelle je pensais ? Il avait dit qu’il chercherait sur le Continent Central, mais peut-être que la chance lui avait permis de croiser le chemin de Paul. Si j’avais raison, elles pourraient s’en sortir. En fait, elles n’auraient même pas besoin de l’aide de Ginger.

Je pouvais dire à quel point Paul me faisait confiance d’après sa lettre. Je devais m’assurer que j’étais à la hauteur de ses attentes. J’étais après tout son fils aîné. J’étais également soulagé d’avoir fait le bon choix en épousant Sylphie et en préparant cette maison. En particulier pour ce dernier point, car nous avions beaucoup de chambres. Nous pourrions accueillir mes sœurs dans notre maison une fois qu’elles seraient là.

***

Partie 2

Le plus gros problème que je voyais était que mes deux sœurs étaient encore jeunes. Nos séances d’amour ne seraient pas très bonnes pour leur éducation. Mais bon, je suppose que nous pourrions simplement les mettre dans des chambres éloignées des nôtres. Honnêtement, je me réjouissais de leur arrivée. Je me demandais quand elles seront là. Dans deux mois, peut-être ?

Attendez, il y avait quelque chose que je devais faire avant ça.

« C’est exactement le genre de chose pour laquelle je dois d’abord consulter Sylphie. »

J’étais parti à sa recherche. En ce moment même, elle devait être dans la cuisine en train de préparer le petit-déjeuner. Quand je m’y étais aventuré, je l’avais trouvée en train de hacher des légumes. Il y avait un bruit sourd et rythmé à chaque fois que la lame s’abattait sur la planche à découper. Elle était si petite, avec des épaules minuscules et un buste mince. La voir sous cet angle m’avait excité.

« Sylphie ! »

J’avais jeté mes bras autour d’elle par-derrière. Puis j’avais glissé mes mains dans les manches de son tablier et j’avais tripoté ses doux seins.

« Aïe ! »

« Oh non ! »

Quand j’avais regardé, Sylphie s’était coupé le doigt. La plaie avait gonflé et éclaboussé le dessus de la planche à découper. Elle s’était coupée au moment où je l’avais prise dans mes bras.

« Eeeeeek ! », avais-je crié.

« C’est une réaction exagérée, Rudy. Mais c’est dangereux de faire ça quand je tiens un couteau. », répondit Sylphie de manière réprobatrice à mon cri.

Elle avait rapidement soigné la blessure de son doigt. La façon dont elle lançait le sort sans dire un mot était si naturelle. C’était presque comme si c’était une seconde nature pour elle.

« Je suis désolé. Je ne te serrerai pas dans mes bras pendant que tu cuisines. »

« Oui, attends juste un peu. Le repas sera prêt dans un instant. »

Je m’étais retiré de la cuisine et j’avais attendu dans la salle à manger, me sentant agité et coupable. Je m’étais assis sur ma chaise et j’avais attendu. Puis, quand Sylphie était apparue de la cuisine, j’avais levé la tête.

« Je m’excuse profondément pour ce qui vient de se passer. »

« Je ne suis pas vraiment en colère. Tu peux juste dire que tu es désolé, comme d’habitude. »

« Ok, désolé », avais-je corrigé.

« C’est mieux. Fais juste attention la prochaine fois. »

Sylphie s’était assise à côté de moi, et nous avions commencé à manger. Ces derniers temps, je me sentais tellement aimé — trop aimé — que j’avais peur du recul quand son amour pour moi s’épuiserait.

« Alors, qu’est-ce qu’il y a ? C’est rare de te voir aussi excité. »

« Ah oui, la lettre de mon père est arrivée. »

« Quoi ? De Monsieur Paul ?! »

J’avais tendu la lettre à ma femme surprise. Son visage était tendu lorsqu’elle commença à la lire, mais son expression s’était vite transformée en déception.

« Oh. Notre lettre de mariage n’est pas encore arrivée. »

Il semblerait qu’elle ait voulu connaître la réaction de ma famille suite à notre mariage. Au fur et à mesure qu’elle lisait, son expression était devenue sérieuse. À la fin, elle murmura : « Je vois. » Puis elle avait fini par dire : « C’est super, Rudy. Je suis contente que tout le monde soit sain et sauf. »

« Oui. »

En y réfléchissant, j’avais abordé le sujet sans y penser, même si Sylphie avait perdu ses deux parents. Peut-être que je manquais un peu de tact.

Sylphie regarda mon visage et sourit tristement.

« Allez, Rudy, ne fais pas cette tête. C’est vrai que mon père et ma mère sont partis, mais là, je t’ai toi et Elinalise. Je ne me sens pas seule. »

Elle attrapa ma main en disant cela et gloussa.

Elle était devenue encore plus mignonne ces derniers temps. Ses cheveux extrêmement courts avaient poussé et elle était de plus en plus féminine. Ses adorables oreilles se dressaient entre des mèches lisses de cheveux blancs. Cette fille était ma femme. Ce n’était pas un rêve, hein ?

« Sylphie… »

Je voulais créer une nouvelle famille avec cette jolie fille. Ce désir était venu naturellement en bouillonnant à la surface, même si Sylphie était celle qui devra souffrir quand il s’agira d’accoucher. Elle avait d’adorables petites fesses, mais l’étroitesse de ses hanches pourrait causer des problèmes lors de l’accouchement. Ce monde disposait d’une magie curative, donc la mort pendant l’accouchement était rare, mais cela ne voulait pas dire qu’elle ne sera pas très mal à l’aise.

Plus important encore, étions-nous vraiment prêts à élever un enfant ? Honnêtement, Sylphie et moi n’avions pas encore beaucoup d’expérience de la vie. Nous avions des revenus stables et nous étions considérés comme majeurs dans ce monde, mais pouvions-nous vraiment être les parents d’un autre être humain ?

C’est bon, me suis-je dit. Tous les autres êtres vivants du monde s’en sortent très bien. Je devrais être aussi capable de le faire. Même si je ne pouvais pas, j’avais Sylphie avec moi. Nous devions juste faire de notre mieux. Paul se manifesterait probablement dans deux ans. Lilia avait de l’expérience dans l’éducation des enfants, et Zenith et Sylphie s’entendaient bien. Quant à Paul, il serait probablement heureux de voir ses petits-enfants.

Attends, merde. Ce n’était pas le moment de penser à ça.

« Comme tu l’as lu dans cette lettre, mes sœurs vont venir chez nous. Je pense les laisser vivre ici avec nous, mais je n’étais pas sûr que tu sois d’accord », avais-je dit.

« Bien sûr que je le suis. La maison sera beaucoup plus vivante », avait-elle répondu avec un sourire en coin.

Il n’y aura donc pas de problème

Une fois le dîner terminé, nous étions allés dans le salon. Il était temps d’étudier la magie. Je ne pouvais toujours pas lancer de sorts de guérison sans leurs incantations, mais je pouvais me débrouiller en mémorisant les mots et en étudiant la théorie. L’incantation silencieuse n’était pas la seule technique existante. Je me trouvais certes doué, mais loin d’être le plus doué de ce monde. Mieux valait s’assurer que mes fondations étaient solides et que je maintenais mon niveau de capacité actuel.

« Nngh… ! »

Actuellement, Sylphie essayait d’utiliser la magie perturbatrice pour neutraliser la boule d’eau que j’avais créée. Elle avait le bout de son doigt pointé sur ma main, et son visage était rouge vif alors qu’elle grognait. J’utilisais mon mana pour maintenir la boule d’eau afin de m’assurer qu’elle ne pourrait pas la neutraliser.

Si la boule ondulante de liquide éclatait, elle serait la gagnante. Elle gagnerait le droit de me faire ce qu’elle voulait au lit. Bon, ce n’était pas comme si elle avait vraiment besoin de ce droit — tout ce qu’elle avait à faire était de dire quelque chose et j’étais d’accord. Pendant ce temps, si je pouvais maintenir la forme de la balle jusqu’à la fin, je serais le gagnant. Je pourrais alors la couvrir de mon affection au lit autant que je le voudrais. Mais je pense que je pourrais le faire même si je ne gagnais pas.

Sylphie était actuellement de niveau avancé dans toutes les écoles de magie offensive, sauf la magie du feu. Elle connaissait également des magies avancées de guérison et de désintoxication. En d’autres termes, ses niveaux de compétences étaient les suivants :

MAGIE DU FEU : Intermédiaire

MAGIE DE L’EAU : Avancé

MAGIE DE LA TERRE : Avancé

MAGIE DU VENT : Avancé

MAGIE DE GUÉRISON : Avancé

MAGIE DE DÉTOXIFICATION : Avancé

Des statistiques extrêmement élevées.

Je ne l’avais découvert que récemment, mais ces six types de magie étaient appelés les Six Fondamentaux, car c’était six types les plus fréquemment utilisés. L’université cherchait à ce que ses étudiants atteignent un niveau de compétence de débutant dans les six types au cours de leurs deuxième et troisième années. Une fois cela fait, ils pouvaient choisir une matière principale et passer les années restantes à élever leur maîtrise au niveau avancé.

Cependant, si quelqu’un n’avait aucun talent pour la magie, il stagnerait au niveau intermédiaire même s’il se consacrait à l’étude d’un seul type. Ou bien leur réserve de mana serait trop faible, ou encore ils trébucheraient sur la magie combinée. Il n’y avait pratiquement aucun élève capable d’atteindre le niveau avancé dans plusieurs domaines, et encore moins de s’élever au niveau Saint. Les étudiants exceptionnels comme Sylphie et Cliff ne venaient qu’une fois tous les dix ans environ.

Pourtant, ces dernières années, il y avait un étudiant exceptionnel dans cette école chaque année. On pouvait probablement les appeler des génies, mais honnêtement, je les considérais comme ordinaires, comparés aux monstres que les gens appelaient des dieux.

Et moi, alors ? D’après ce que Badigadi et Kishirika m’avaient dit, ma capacité de mana était de niveau divin, mais j’avais le sentiment que je ne le serais jamais moi-même. En fait, j’étais comme une voiture ordinaire avec le réservoir d’un avion de ligne. Je pouvais parcourir toute la distance que je voulais sans tomber en panne d’essence, mais ma vitesse n’était pas remarquable. Si on ajoutait un moteur à réaction à ce réservoir, la voiture s’effondrerait. En tant que concept, j’étais de la camelote. Mais c’était agréable de ne jamais tomber en panne d’essence, quelle que soit la quantité utilisée.

« Au fait, Sylphie. »

« Qu-quoi ? Je suis en train de me concentrer là. »

« Penses-tu que nos enfants auront aussi du talent pour la magie ? »

« Qu… ? ! »

La concentration de Sylphie fut rompue. Son sort de perturbation de la magie, toujours de niveau débutant, s’était évanoui et la boule d’eau qui ondulait auparavant était redevenue une sphère parfaite. Je l’avais gelée et l’avais déposée dans la tasse devant moi.

Sylphie se frottait timidement les cuisses, le visage rouge vif.

« On ne le saura pas tant qu’ils ne seront pas nés. »

« Et leur naissance dépend de mon travail acharné en tant que mari, n’est-ce pas ? »

J’avais essayé de rire et de faire semblant, mais Sylphie avait commencé à caresser ma cuisse. Ses mains délicates me chatouillaient. J’avais riposté en me frottant entre ses épaules. C’était plutôt agréable de pouvoir la toucher à cette heure de la journée. En quelques secondes, l’ambiance dans notre salon était devenue sexuelle. Sylphie avait enfoui son visage dans mon cou et m’avait entouré de ses bras. C’était trop mignon.

Ton mari est sur le point de commencer à travailler dur maintenant, pensais-je.

En tout cas, c’était un peu précipité de parler d’enfants qui n’avaient pas encore été conçus, et encore moins nés. Le proverbe le dit bien, il ne faut jamais mettre la charrue avant les bœufs. D’abord, nous avions besoin d’un bœuf.

« Ah, mais le sang d’elfe est fort en moi, il pourrait donc être difficile pour moi de… Hum, je sais que tu veux avoir des enfants, mais cela pourrait prendre quelques mois ou même quelques années. Ma grand-mère, enfin, Mlle Elinalise, m’a dit la même chose. Donc, euh, il y a une forte probabilité que je ne tombe pas enceinte tout de suite. »

Sylphie s’était éloignée et avait baissé la tête, l’air un peu anxieux.

Plusieurs mois avaient passé depuis que nous nous étions mariés. Nous avions une vie sexuelle saine. C’était un peu grossier de dire ça, mais dès que j’appuyais sur la gâchette de mon magnum, je criais des phrases tout droit sorties d’un eroge. Des choses comme « tomber enceinte ! » entre autres. Il n’y avait pas vraiment de sens profond derrière ces mots. Je voulais juste essayer de les dire dans la vraie vie plutôt que dans un jeu vidéo. Mais il semblerait que Sylphie aie pris ces mots à cœur.

« Mais, euh, si je ne suis pas capable d’avoir des enfants, tu peux prendre une maîtresse si tu veux. »

« Je n’ai pas l’intention de faire ça pour l’instant. »

« Mais Rudy, tu veux des enfants, non ? »

J’avais essayé de voir les choses du point de vue de Sylphie. Et si on découvrait que c’était moi qui étais stérile ? Si Sylphie voulait avoir des enfants coûte que coûte, ira-t-elle trouver un autre homme pour l’engrosser ? Je pourrais me tuer si ça arrivait. Je ne pouvais donc pas faire subir ça à Sylphie.

« Ne sois pas bête. Ce n’est pas que je veux des enfants. Je veux juste une représentation physique de notre amour l’un pour l’autre. »

« Rudy… »

« Je t’aime, Sylphie. Ma princesse. »

Même si c’était moi qui les avais dits, ces mots étaient assez ringards pour me donner la chair de poule. Quant à Sylphie… Eh bien, les gens de ce monde étaient incroyablement sensibles à ce genre de phrases. Récemment, lorsque j’avais dit « Buvons à la beauté de tes yeux », elle était devenue toute rouge. C’était extrêmement efficace. Mais on ne pouvait pas avancer si elle était gênée si facilement.

« Je t’aime aussi. »

Ses yeux s’étaient humidifiés alors qu’elle s’accrochait à mon bras. Embarrassée, elle pinça les lèvres, ses joues étaient colorées.

Communication A+.

Puisque les choses étaient devenues si excitantes, il était temps de passer au deuxième étage. Je l’avais soulevée comme une princesse. Sylphie enroula ses bras autour de mon cou et abandonna son corps à moi. Ça fit battre mon cœur. J’étais content qu’elle soit encore d’humeur.

***

Chapitre bonus 1 : Maître baby-sitter

Partie 1

Environ un an avant que Rudeus ne reçoive la lettre de son père.

Le groupe de Paul était arrivé à Port Est, avec Roxy et Talhand qui les accompagnaient. Ils avaient déjà découvert que Zenith se trouvait dans la cité-labyrinthe de Rapan, sur le Continent de Begaritt. Ils devaient prendre un bateau à Port Est pour s’y rendre, mais une chose pesait sur l’esprit de Paul : ses filles, Norn et Aisha. Les bêtes erraient en grand nombre sur le Continent de Begaritt, et on disait que c’était une terre aussi dangereuse que le Continent Démon.

Paul était un ancien aventurier. Bien qu’il ait passé une période transitoire en tant qu’ivrogne, il avait continué à s’entraîner même après sa retraite. Ajoutez-y des aventuriers expérimentés comme Talhand et Roxy, et ils n’auraient aucun mal à traverser le Continent de Begaritt — s’il n’y avait que lui et les autres adultes. Emmener deux jeunes enfants serait une tout autre paire de manches.

Ainsi, Paul avait choisi d’envoyer ses deux filles chez Rudeus. Cela comportait ses propres dangers, mais il avait déterminé que c’était préférable que de les traîner sur un continent infesté de bêtes.

◇ ◇ ◇

Quatre filles occupaient une table dans la salle à manger d’une auberge : Lilia, Norn, Aisha et Roxy. L’une d’entre elles était une adulte, tandis que deux étaient de jeunes enfants. La dernière de leur groupe ressemblait elle-même à une enfant, mais était en réalité une adulte à part entière.

« Je ne veux pas. »

L’une d’entre elles, Norn, faisait la tête. Elle découpait la nourriture dans son assiette avec sa fourchette, mais refusait de la porter à sa bouche.

« Je vais avec Père. »

La raison de cette humeur maussade était évidente. Pendant le petit-déjeuner, son père avait annoncé : « Aisha et Norn vont aller vivre avec Rudeus. »

Depuis, Norn n’avait pas réussi à dissimuler son mécontentement, même pendant le déjeuner, les joues gonflées en une moue.

« Je te le répète, tu ne feras que gêner Père si tu pars avec lui. »

« Non, je ne le ferai pas. »

Aisha était celle qui se querellait avec elle. Contrairement à Norn, Aisha avait levé le poing en signe de célébration quand elle avait entendu qu’elles allaient rester avec Rudeus, ce qui était aussi la raison pour laquelle elle ne pouvait pas supporter que les grognements de mécontentement de Norn mettent un frein aux choses. En conséquence, elle avait critiqué sans relâche Norn tout en essayant de se faire passer pour raisonnable et convaincante.

Aisha n’avait aucun problème avec les demandes égoïstes, mais si sa sœur voulait que ces demandes égoïstes soient satisfaites, elle devait s’y prendre plus intelligemment. Elle devait le faire d’une manière qui fasse croire à son entourage qu’elles avaient réellement gagné. Au lieu de cela, elle s’irritait de voir Norn ergoter inutilement en répétant la même phrase : « Je ne veux pas ». C’était honteux.

« Tu ne veux juste pas aller vivre avec notre grand frère, c’est ça ? Tu le traites comme si c’était une personne horrible juste parce qu’il a eu une petite dispute avec notre père il y a longtemps. Même Père lui-même a dit qu’il avait tort. »

« Il n’avait pas tort ! »

Norn se mit soudainement à crier. Il n’y avait aucun doute dans son esprit que la dispute entre Rudeus et Paul était la faute de Rudeus. Norn ne voulait pas accepter autre chose.

« Tu es toujours comme ça. Dès que les choses ne vont pas dans ton sens, tu te mets à bouder et à pleurnicher. Tu attends que tout le monde autour de toi cède, et si quelqu’un dit quelque chose qui ne te plaît pas, tu lui cries dessus. C’est idiot. »

Norn serra les dents. Elle ne pouvait rien faire d’autre que de fixer sa jeune sœur, les larmes aux yeux.

Cependant, ce n’était pas seulement Norn qui regardait Aisha. Il en était de même pour la femme adulte à côté d’elle.

« Aisha, comment oses-tu parler de cette façon ? Excuse-toi immédiatement ! »

La femme en question était Lilia, actuellement chargée de surveiller les deux filles pendant que Paul cherchait un navire et un guide compétent. Ces disputes entre sœurs étaient quotidiennes. Paul avait plus ou moins renoncé à la médiation, l’air exaspéré en reconnaissant : « Eh bien, ce sont des sœurs, elles vont donc se battre. »

Il intervint tout de même pour gronder Aisha lorsqu’elle commença à débiter trop de gros mots.

Roxy était assise à côté d’elles, semblant un peu mal à l’aise face à cet échange. Dans le passé, elle avait travaillé comme tutrice à domicile pour la famille Greyrat. Elle connaissait aussi bien Lilia, mais cela ne rendait pas l’endroit facile pour elle en ce moment.

« Oui, m’dame. Je suis désolée, Mlle Norn, de m’être emportée. »

Aisha semblait totalement indifférente alors qu’elle récitait ses excuses. Ses mots étaient polis, tout comme son ton, mais ce n’était que des excuses purement formelles. Même Lilia avait compris qu’Aisha n’avait pas vraiment réfléchi à ses actions. Si elle l’avait fait, elle ne s’en serait pas prise à Norn à chaque occasion.

Elle voulait dire à sa fille qu’elle devrait avoir plus de respect pour la fille de l’épouse légitime de Paul, mais elle ne savait pas comment exprimer ce sentiment avec des mots. Mais ce n’était pas la seule raison pour laquelle Lilia s’était abstenue de presser Aisha davantage. Sa fille avait cette fois raison.

« Mlle Norn, le Continent de Begaritt est une terre incroyablement dangereuse. Bien sûr, le maître agira avec prudence et fera tout ce qu’il peut pour assurer votre sécurité. Cependant, des erreurs peuvent se produire. Si vous deviez être blessée, je suis sûre que cela lui causerait un chagrin incommensurable. », avait dit Lilia.

Même Norn comprit que cela signifiait qu’elle serait un boulet pour eux. Mais cela n’avait pas d’importance pour elle. En ce qui la concernait, être avec son père était l’endroit le plus sûr et le plus sécurisant pour elle. Personne d’autre ne pourrait la protéger. Elle ne pouvait pas le quitter.

« Je ne veux pas. »

« Mlle Norn. Ne dites pas cela. S’il vous plaît, essayez de comprendre. »

« Je le dis parce que je ne veux pas ! Je veux aller avec lui, là où est ma mère ! »

Elle claqua ses mains sur la table et se leva. Son assiette tomba et se brisa, éparpillant sa nourriture non consommée sur le plancher en bois.

« Tu vas avec lui aussi, Mlle Lilia ! Ce n’est pas juste ! »

« Mlle Norn ! Trop, c’est trop. Soyez raisonnable ! »

La voix de Lilia était devenue plus forte. Elle connaissait sa place dans la relation maître-serviteur, et elle tenait profondément à Norn, mais elle savait aussi quand il fallait la discipliner.

Norn tressaillit, mais bientôt elle fixa la femme d’un regard furieux, serra les poings et cria : « J’en ai assez ! ».

Elle renversa sa chaise d’un coup de pied et se précipita hors de la salle à manger.

« Ah, Mlle Norn ! S’il vous plaît, attendez ! »

Lilia poursuivit la fille alors qu’elle disparaissait dehors. Roxy s’était également précipitée après les deux, mais il était trop tard. Le temps qu’elles sortent de l’auberge, la petite Norn avait déjà disparu dans la foule.

« Hmph. »

Laissée pour compte, Aisha fit étalage de son mécontentement.

◇ ◇ ◇

Norn courait à travers une masse ondulante de personnes, ses yeux remplis de larmes et menaçant de se déverser à tout moment. Elle était frustrée, irritée, et elle se sentait pathétique. Ce n’était pas la première fois que les choses ne se passaient pas comme elle le souhaitait. C’était plutôt le contraire : Les choses se passaient rarement comme elle le voulait.

Pourtant, elle voulait malgré tout rester avec Paul. C’était la seule chose qu’elle voulait. Elle avait résisté à toutes les choses scandaleuses qui leur étaient arrivées pendant tout ce temps juste pour cette raison. Bien sûr, il lui arrivait de faire des demandes égoïstes, mais en général, elle s’abstenait de le faire. Depuis l’incident de téléportation jusqu’alors, elle pensait qu’être avec Paul était son droit absolu. Maintenant, ils essayaient de lui voler ce droit.

« Hic… »

Norn n’avait pas pu s’empêcher de pleurer. Alors qu’elle essuyait ses larmes, elle tourna au coin de la rue et entra en collision avec quelqu’un.

« Ah ! »

« Quoi ?! »

La personne qu’elle avait heurtée s’était écriée en voyant quelque chose tomber de sa main.

Norn leva les yeux et trouva un homme corpulent et barbu avec un regard abasourdi. À côté de lui se trouvait un homme mince dont les yeux étaient écarquillés d’étonnement. De la sauce maculait la poitrine de l’homme barbu. Aux pieds de Norn se trouvait la brochette qu’il avait dû laisser tomber.

Comme l’homme avait pris conscience de la scène devant lui, son visage était devenu rouge, tandis que celui de Norn était devenu pâle.

« Hé, petite garce ! Où est-ce que tu crois que tu marches ? »

« Eek ! »

Il l’attrapa par le col de sa chemise et la hissa dans les airs. Son visage débraillé se pressait contre elle, son souffle l’enveloppait. Il sentait l’alcool. Il était ivre.

« Uh, um, uh… »

Norn trembla de peur. Elle savait bien ce que les gens ivres faisaient. Elle avait vu Paul ivre assez souvent quand il fuyait ses problèmes. Bien que sa colère n’ait jamais été dirigée contre elle, c’était quand même suffisant pour que la jeune Norn comprenne. Les gens ivres étaient terrifiants, boire était mauvais. Elle avait accepté le fait que Paul ne pouvait pas fonctionner sans son alcool, mais son père était la seule exception.

« Qu’est-ce que tu vas faire pour te faire pardonner, hein ?! Paye !! »

« Ouais ! C’était le casse-croûte préféré du patron !! »

« Espèce de crétin ! Je parle de mes vêtements ! Et de cette tache ! Je ne vais pas être capable de l’enlever ! »

« Uhhhh… hic… hic… »

Norn ne pouvait que trembler et sangloter face à leur intimidation. S’efforçant d’étouffer la terreur écrasante qui menaçait de lui faire mouiller son pantalon, elle jeta un regard suppliant autour d’elle dans l’espoir que quelqu’un l’aide. Mais aucune personne sensible ne s’était arrêtée pour la regarder. Personne n’avait envie de s’impliquer avec un ivrogne querelleur, et tous s’étaient rapidement éloignés de la scène.

« Maintenant, dis-moi où sont ta mère et ton père ! »

« … »

« Tu dois parler pour que je puisse avoir une réponse ! Ne vas-tu même pas t’excuser !? As-tu été élevé par des animaux !? »

« Je suis désolée ! »

***

Partie 2

Attendez. Il y avait quelqu’un. Une personne qui avait croisé son regard désespéré, avait entendu ses excuses, et s’était arrêtée de bouger. Son expression montra des signes de colère tout en s’approchant de l’homme barbu.

« Qui es-tu, bon sang ? »

« … »

Le passant attrapa le bras de l’homme, celui qui maintenait Norn en suspension dans les airs. Il avait mis une telle force dans sa prise. Le bras de l’homme barbu était presque aussi épais que le torse d’une personne normale, et pourtant le passant l’avait tordu vers l’arrière comme s’il n’y avait aucune résistance.

« Aïe, aïe, aïe, aïe ! »

Incapable de résister à la pression, l’homme barbu relâcha sa prise sur Norn. Elle atterrit sur ses fesses, levant les yeux vers l’homme qui l’avait sauvée.

« Explique-toi. Qu’est-ce que cette fille t’a fait ? »

Le passant portait un protecteur frontal. Une cicatrice traversait en diagonale son visage, qui était maintenant tordu de colère.

Si ses cheveux et sa gemme avaient été visibles, il aurait été instantanément reconnaissable comme étant Ruijerd Superdia. Norn, bien sûr, n’avait aucune idée de qui il était. Cependant, dès qu’elle vit son visage, elle s’était instantanément levée et s’était abritée derrière lui.

« Cette gamine est entrée en collision avec moi sans crier gare et maintenant ma chemise… »

« Elle s’est excusée. »

« Ces excuses ne vont pas faire partir cette tache… Aïe ! »

Ruijerd renforça sa prise sur le bras de l’homme, qui s’était tendu de manière audible sous la pression.

« Espèce de salaud ! Lâche le patron ! »

L’homme mince essaya d’attraper le visage de Ruijerd, mais ce dernier l’avait facilement esquivé. Les doigts de l’homme avaient tout juste effleuré son bandeau.

« Abandonne la tache ou abandonne la vie. Que choisis-tu ? »

« Aïe, aïe, aïe ! Je suis désolé, c’est ma faute ! C’est moi qui ai tort ! »

Ruijerd le relâcha. Le plus petit homme avait rapidement couru aux côtés du barbu en demandant : « Tu vas bien ?! ».

« Toi, excuse-toi encore », dit Ruijerd en regardant Norn.

Norn sembla pendant un moment choquée, puis hocha rapidement la tête et s’inclina devant son accusateur.

« Je suis désolée. »

« Tch. C’est bon, c’était ma faute pour t’avoir dérangé. Allez, on s’en va. »

« Entendu, Patron ! »

Les deux hommes disparurent dans la foule. Norn glissa lentement sur le sol. Toutes les forces de son corps s’envolèrent lorsque le nuage de peur se dissipa enfin et qu’une vague de soulagement déferla.

« Vas-tu bien ? »

« Ah, oui. »

Norn leva les yeux vers Ruijerd. Son regard était un mélange de surprise et de familiarité. Elle se souvenait de lui. À l’époque où elle vivait à Millishion, avant qu’Aisha ou Lilia ne les rejoignent, elle avait failli trébucher et il avait tendu la main pour l’aider. Il lui avait tapoté la tête si gentiment et lui avait même donné une pomme. Elle ne pouvait pas l’oublier, cet homme chauve avec un protecteur de front et une grande cicatrice sur le visage.

Le soulagement fit déborder le vase, et bien que ce soit honteux pour quelqu’un de son âge, elle avait éclaté en sanglots.

Ruijerd paniqua quand il la vit pleurer. Les autres passants le dévisageaient, et à cause de son apparence effrayante, personne ne voulait s’approcher d’eux. Après avoir hésité, Ruijerd s’était accroupi, posa une main sur la tête de Norn et la caressa doucement. La chaleur de sa main et la façon dont il la manipulait aussi délicatement que de la porcelaine apportèrent à Norn un tel réconfort que ses sanglots commencèrent à se calmer.

◇ ◇ ◇

« Ils étaient si cruels. Tous autant qu’ils sont. Ils me disaient non, que je ne ferai que les ralentir. »

Très peu de temps après avoir dit ça, Norn s’était tue, bien qu’elle ait continué à renifler. Ruijerd pensait qu’il valait mieux la rendre à son père aussi vite que possible, mais quand il l’avait mentionné, elle avait fermement secoué la tête. Ruijerd pensait qu’il y avait peut-être un problème entre elle et Paul, il avait donc décidé d’écouter sa version des faits.

« Je vois. »

Après avoir entendu tous les détails, Ruijerd resserra sa prise sur sa lance.

L’histoire de Norn était unilatérale et manquait d’explications adéquates. Par conséquent, il y avait plusieurs choses qui nécessitaient des éclaircissements supplémentaires. Les points principaux, cependant, étaient suffisamment clairs pour que Ruijerd puisse déduire le reste. Et il pouvait comprendre le désir de Norn d’être avec son père.

« Ça doit être dur. »

Ruijerd savait ce que c’était d’être père. À un moment donné, il avait eu un enfant et une femme à lui. À l’époque, il servait dans la garde impériale de Laplace et avait traversé le Continent Démon. Il les avait laissés derrière lui pour se battre, poussé par un mélange d’ambition et de loyauté. Il ne les avait pas laissés derrière lui parce qu’ils l’empêchaient de satisfaire ses désirs, mais parce qu’ils étaient si précieux pour lui qu’il voulait qu’ils restent dans un endroit sûr.

Cependant…

Quand il avait quitté son village, son fils avait encore une queue attachée à son corps. Mais c’était au début de la guerre. Ruijerd avait combattu dans la garde personnelle de Laplace pendant des années. Au fur et à mesure qu’il gagnait des batailles et qu’ils commençaient à unifier le Continent Démon, son fils grandissait. Sa queue était devenue une lance, son corps s’était musclé, et il était devenu un magnifique jeune homme. Il avait suffisamment grandi pour que lorsque Ruijerd retourna à son village pour la dernière fois, son fils s’approche de lui et insiste avec arrogance : « Je suis un adulte maintenant. Emmène-moi à ta prochaine bataille ! »

À l’époque, son fils n’avait pas l’esprit à tenir compte de ce que son père lui disait. Alors Ruijerd avait plutôt utilisé sa force pour forcer son fils à reculer.

« Si c’est tout ce dont tu es capable, alors tu n’es pas encore un guerrier à mes yeux », avait-il dit à son fils avant de partir.

C’était un état d’esprit commun chez les guerriers. Ils essayaient de garder leurs proches loin de la bataille pour les protéger. Mais en fin de compte, Ruijerd était celui qui avait été indigne d’être un guerrier. Son fils était le véritable guerrier. Après tout, c’était son fils, qui avait vaincu Ruijerd lorsque la lance démoniaque qu’il brandissait l’avait rendu fou furieux. C’était son fils qui avait sauvé les autres guerriers.

Ruijerd ne savait toujours pas comment son fils avait pu le vaincre à l’époque. Il avait parcouru tout le Continent Démon en se posant cette question, mais il n’avait jamais trouvé de réponse satisfaisante. Maintenant, cependant, il avait une idée. Son fils avait sûrement travaillé dur pour devenir plus fort d’une manière que son père n’avait jamais connue. Il avait suivi les instructions de son père, et s’était entraîné avec détermination pour protéger sa mère et son village. Ruijerd ressentait une telle fierté.

Si Norn ressentait la même chose, alors elle n’écouterait pas, même si Paul lui disait qu’il était inquiet ou qu’elle était précieuse pour lui.

Si seulement elle était un peu plus âgée, un peu plus forte. Si seulement elle avait ce même sens du but et de la détermination et avait passé ses journées à s’entraîner. Si elle était aussi capable que Rudeus, alors Ruijerd aurait essayé de persuader Paul de la prendre. Mais pour l’instant, Norn n’était que jeune et fragile.

« Norn. »

« Oui ? »

Ruijerd regarda dans les yeux de la fille assise à côté de lui.

« Tu dois devenir plus forte. »

« Huh… ? »

« Si tu veux être avec quelqu’un, tu dois devenir plus grande, plus forte, plus impressionnante. Pour y arriver, tu vas devoir supporter les circonstances actuelles. »

Ses mots étaient maladroits. Il ne transmettait pas très clairement ce qu’il voulait dire.

Mais Norn avait compris. Aussi étrange que cela puisse être, elle avait trouvé un sens à ses mots. Ils résonnaient différemment de ce que Lilia, Aisha, et les autres adultes lui avaient dit auparavant, peut-être parce que ceux de Ruijerd venaient d’un lieu de positivité plutôt que de négativité.

« Ugh. »

Norn pinça ses lèvres et regarda vers le bas.

En réponse, Ruijerd avait juste souri et tendit sa main. Il caressa sa tête doucement.

« Ne t’inquiète pas. Je te protégerai à la place de ton père jusqu’à ce que tu y arrives. »

La façon dont il la touchait était si douce qu’elle était plus que suffisante pour la rassurer. Après un long silence, elle déclara d’une voix fluette : « D’accord. »

Satisfait, Ruijerd commença à retirer sa main.

« Ah ! »

Il s’était arrêté quand Norn s’était exclamé.

« Qu’est-ce que c’est ? »

« S’il te plaît, caresse ma tête un peu plus longtemps. »

Ruijerd le fit. Norn se recroquevilla sur elle-même pour maintenir son corps parfaitement immobile tandis qu’il caressait doucement ses cheveux, comme s’il caressait un bébé poussin.

« C’est plutôt réconfortant », avait-elle expliqué.

« Je vois. »

Ruijerd continua à lui frotter la tête pendant un petit moment après cela. C’était un spectacle agréable pour quiconque les regardait tous les deux. Même le visage bouffi et couvert de larmes de Norn s’était finalement illuminé d’un sourire.

« Ah ! Elle est là ! Miss Lilia, je l’ai trouvée ! »

Une voix était venue du côté de la place. Ils avaient repéré une jeune fille aux cheveux bleus qui essayait de maintenir le chapeau sur sa tête en courant vers eux.

« On dirait qu’ils sont là pour toi », marmonna Ruijerd.

Il laissa tomber sa main sur son côté et se leva.

Norn se sentit un peu triste alors que sa chaleur disparaissait. Elle l’avait suivi et s’était aussi levée.

« Hum… »

Il lui avait déjà tourné le dos, mais elle l’avait interpellé d’une voix forte.

« S’il te plaît, dis-moi ton nom ! »

Il jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. Le nœud de son bandeau s’était desserré pendant leur échange avec les deux hommes plus tôt et il était maintenant complètement défait. En tombant, il révéla une pierre précieuse semblable à du rubis sur son front.

« Ruijerd. Ruijerd Superdia. »

C’était une scène tout droit sortie d’un roman fantastique. Un homme avec un magnifique bijou sur le front, éclairé par la lumière du soleil par-derrière, un sourire sur son visage alors qu’il la regardait directement. À cet instant, Norn se sentait comme une princesse de conte de fées dont le chevalier était venu la sauver.

***

Partie 3

Au même moment, Ruijerd avait eu un autre impact, complètement différent, sur une autre fille qui l’avait entendu prononcer son nom. Roxy Migurdia.

Pour décrire la gravité de cet impact, il fallait un peu d’explications.

Il y avait trois choses que Roxy détestait quand elle était enfant, la première étant les poivrons verts. C’est le premier légume qu’elle avait mangé à son arrivée sur le Continent Millis. À l’époque, elle pensait que le monde des humains était le paradis, rempli uniquement de confiseries sucrées ! Et que les poivrons verts étaient une sorte de messager de l’enfer, envoyé pour l’entraîner dans les abysses. Elle se souvenait encore de l’odeur unique et du goût amer qui se répandait dans sa bouche lorsqu’elle en mangeait. La manière dont elle l’avait immédiatement recraché, pour se sentir encore nauséeuse. Le poivron vert était un poison pour la tribu des Migurd, avait-elle sérieusement pensé un jour. Elle avait vaincu cette peur lorsqu’elle devint le professeur particulier de Rudeus, mais elle était gênée à l’idée de faire la fine bouche devant lui.

La deuxième chose qu’elle détestait était les enfants. Les enfants humains entre cinq et quinze ans, en particulier. Surtout les mâles. Ils n’écoutaient pas. Ils agissaient à la hâte, selon leurs caprices, et ne tenaient pas compte de la logique. En rencontrant Rudeus, elle avait commencé à penser que peut-être elle aimait vraiment les enfants. Finalement, elle avait réalisé que le problème n’était pas qu’elle détestait les enfants. Plutôt, elle détestait les gens qui n’écoutaient pas. D’une certaine manière, elle avait aussi vaincu sa haine des enfants.

La troisième chose qu’elle détestait était la tribu des Superds. Elle avait entendu des histoires sur eux d’innombrables fois depuis qu’elle était bébé. C’était une tribu diabolique, impliquée dans une guerre bien avant sa naissance, qui avait trahi ses alliés. On disait qu’ils avaient eu des liens avec la tribu des Migurd il y a longtemps, mais qu’ils avaient été persécutés comme traîtres et conduits à la ruine. Les Superds en voulaient beaucoup à ceux qui s’étaient retournés contre eux, et dès qu’ils repéraient un démon d’une autre tribu, ils l’attaquaient et le tuaient sans poser de questions.

De tous les Superds, Dead End était le plus connu des enfants. Selon la légende, lorsqu’il trouvait un enfant qui s’était mal comporté, il venait le voler pendant que tout le monde dormait et l’emmenait dans sa tanière. Ensuite, il mangeait leurs jambes pour qu’ils ne puissent pas courir, leurs bras pour qu’ils ne puissent pas résister, puis commençait lentement à manger leur estomac, gardant leur tête pour la fin afin de les garder au frais. C’était pour cela qu’il fallait être bien élevé. Ce fut avec ces histoires qu’elle avait été élevée.

Lorsqu’elle avait quitté son village pour devenir une aventurière débutante, elle avait sérieusement pensé qu’elle était en danger parce qu’elle avait été si mal élevée. Cette anxiété s’était peu à peu estompée au fur et à mesure qu’elle devenait adulte, mais sa peur de la tribu des Superds demeurait. C’était pourquoi elle était en état d’alerte lorsqu’elle découvrit que quelqu’un se faisait appeler Dead End à Port Venteux.

Maintenant, plusieurs années plus tard, elle était tombée sur un individu de la tribu des Superds, juste au moment où elle courait dans la ville à la recherche de Norn et pensait enfin avoir trouvé la fille. La personne devant elle était le même homme chauve qu’elle avait repéré à Port Venteux. Il tenait dans sa main une lance à trois pointes, blanche comme la craie. Dans la seconde suivante, son bandeau était tombé, exposant la gemme rouge qui se trouvait en dessous.

« Ruijerd. Ruijerd Superdia. »

Et il se faisait appeler Superdia. Pour une raison quelconque, il n’avait pas de cheveux, mais il n’y avait aucun doute dans son esprit qu’il était un Superd — Dead End. Et il était à deux doigts de planter ses dents dans Norn.

« Ah…uh… »

La peur s’était emparée de Roxy, elle partait de la base de ses pieds et montait vers le haut. Des frissons parcouraient son corps. Elle avait l’impression qu’elle pourrait lâcher son emprise sur sa conscience à cet instant précis. Cependant, on lui avait confié la tâche de protéger Norn. Lilia sprintait derrière elle. Il y avait aussi Aisha à l’auberge. Non… ce n’était pas seulement elles. Tout le monde sur cette place était en danger. Le cœur de Roxy lui criait de ne pas lâcher prise, la forçant à s’endurcir et à tenir son bâton prêt à l’emploi.

« Laisse cette fille partir ! Si tu refuses, je serai ton adversaire ! »

Le silence se fit. Ruijerd se raidit, et Lilia se figea. Norn s’était accrochée à Ruijerd, et avait jeté un regard hostile dans la direction de Roxy. Roxy comprit que quelque chose n’allait pas, mais son anxiété extrême l’avait empêchée de trouver ce que c’était. Pourtant, elle avait la nette impression qu’elle était en train de faire une erreur. Elle en avait fait beaucoup jusqu’à présent, alors elle connaissait bien ce sentiment.

« Seigneur Ruijerd, cela faisait longtemps », dit Lilia en s’inclinant et en s’avançant derrière Roxy.

Secouée par la désinvolture avec laquelle Lilia l’avait salué, Roxy lui demanda : « Euh ? Hum, tu le connais ? »

« N’es-tu pas au courant ? Le Seigneur Ruijerd est celui qui a escorté le Seigneur Rudeus jusqu’au Royaume d’Asura… »

« Oh. »

Elle en avait entendu parler. En fait, elle avait même entendu dire que la Dead End qu’elle avait vue à Port Venteux était le même que celui qui avait escorté Rudeus. Mais elle n’avait jamais honnêtement cru qu’il était un vrai Superd.

« Je n’ai pas l’intention de lui faire du mal », dit Ruijerd en regardant Roxy d’un air méfiant alors qu’elle brandissait son bâton.

Roxy avait réalisé qu’elle avait complètement mal compris la situation. Son visage était devenu rouge vif. Elle détourna son regard vers ses pieds.

Elle détestait vraiment la tribu des Superds.

◇ ◇ ◇

Ruijerd escortera les filles jusqu’à Rudeus. Lorsque le groupe de Paul avait appris la nouvelle, ses réactions furent mitigées. Lilia et Ginger, qui connaissaient sa vraie force et son caractère, avaient donné leur approbation au plan, disant qu’ils pouvaient être assurés que les filles arriveraient en sécurité si Ruijerd était celui qui les escortait.

Vierra et Sherra échangèrent un regard et hochèrent la tête comme pour dire : « Pourquoi pas ? » Elles savaient que Ruijerd était celui qui avait protégé Rudeus lors de sa traversée du Continent Démon. Il était aussi assez fort pour être fiable, alors ils n’y voyaient aucun problème.

Talhand était contre ce plan. Tout comme Roxy, il avait grandi avec des histoires effrayantes sur la Tribu des Superds, et entendu des anecdotes sur leurs atrocités lorsqu’il voyageait sur le Continent Démon. Il n’y avait pas de fumée sans feu. Talhand n’avait aucun doute sur le fait que Ruijerd avait fait quelque chose de terrible dans le passé. Et même s’il était sur la voie de la rédemption maintenant, cela ne signifiait pas qu’on pouvait lui faire confiance en lui confiant les êtres chers d’un parfait inconnu.

Roxy était partiellement contre. Elle savait qu’elle ne devait pas juger les gens sur les apparences ou les idées préconçues. C’était juste que… c’était de la tribu des Superds dont ils parlaient. Même après avoir compris que Ruijerd ne présentait aucun danger pour eux, elle restait prudente.

Non, « prudente » n’était pas le bon mot. Elle avait peur. La tribu des Superds était l’incarnation de la peur qu’elle ressentait enfant, en entendant toutes ces histoires. Même si son village ne racontait plus d’histoires sur la tribu des Superd, c’était la meilleure façon de discipliner les enfants quand elle était jeune. C’était pourquoi elle ne pouvait pas complètement masquer sa terreur. Et bien qu’elle ait compris que c’était sans danger, la peur qu’on lui avait inculquée dans son enfance la figeait encore sur place et la rendait méfiante.

Elle répondit donc : « Si tu penses vraiment pouvoir lui faire confiance, alors vas-y. »

Il y avait donc quatre opinions : fortement pour, partiellement pour, contre, et partiellement contre. Paul les avait tous considérés. Il ne connaissait pas très bien Ruijerd. La seule fois où il avait eu un contact avec l’homme, c’était lorsque Ruijerd était apparu aux côtés de Rudeus, et même là, ils avaient à peine parlé.

À l’époque, il avait eu l’impression que Ruijerd était digne de confiance. Mais plusieurs années s’étaient écoulées depuis, ce qui était assez pour changer une personne. Paul le savait par expérience personnelle. Il n’était pas nécessaire d’attendre plusieurs années, une seule journée pouvait suffire. D’où la question : Paul pouvait-il vraiment faire confiance à Ruijerd ? Pouvait-il lui confier les filles ?

Alors qu’il pesait la décision dans sa tête, il regarda vers le bas. Là, accrochée à la jambe de Ruijerd, se trouvait Norn. Pendant un moment, c’était comme s’il voyait double — une image de lui-même avec Norn accrochée à sa jambe superposée à sa vision. Norn était si timide avec les gens qu’elle ne s’était jamais rapprochée d’un autre adulte que lui. Malgré cela, elle était là, appuyée contre Ruijerd, comme s’il était son père.

Mais c’était Ruijerd qui l’avait sauvée. Quand cet ivrogne s’était approché d’elle et qu’elle pleurait, cherchant désespérément de l’aide, Ruijerd était intervenu comme si c’était son devoir. Il avait dû agir de la même manière quand il était intervenu pour sauver Rudeus. Il avait agi sans se soucier des conséquences. Il était donc assez probable qu’il n’avait pas changé du tout.

« Puis-je te faire confiance ? »

Les mots avaient quitté la bouche de Paul avant même qu’il ne réalise qu’il parlait.

Ruijerd lui avait immédiatement rendu son regard.

« Même si cela me coûte la vie, je les livrerai à Rudeus. »

Sa réponse était à la fois sincère et encourageante. Dans les yeux de Ruijerd se reflétait un sens du devoir et de la détermination. Il avait le visage d’un guerrier, acquis au fil des lunes, ce que Paul ne possédait pas. Si c’était une tromperie, alors Paul ne savait plus ce qui était réel.

« Alors je m’en remets à toi. »

Paul tendit la main. Ruijerd la prit et ils échangèrent une poignée de main ferme.

Ce fut ainsi que Ruijerd devint le garde du corps de Norn et Aisha.

***

Chapitre 9 : Dépression

Partie 1

L’incident survint un mois après l’arrivée de la lettre. Ce jour-là, j’assistais Nanahoshi dans une expérience, mais ses paramètres étaient un peu différents de ceux d’habitude.

« Si celui-ci fonctionne correctement, je peux passer à l’étape suivante », dit Nanahoshi tout en me présentant un cercle magique significativement plus grand que tous ses précédents. Il ne faisait cependant que la moitié de la largeur d’un tatami. Il avait un motif complexe, densément écrit sur un rare morceau de grand parchemin.

« Juste pour être sûr, puis-je demander ce que ce cercle est censé faire ? »

« Il va invoquer un objet provenant d’un autre monde. »

« Et il n’y a aucune chance que cela provoque une autre calamité de téléportation, hein ? »

La Calamités’était produite parce que Nanahoshi avait été convoquée ici. Ce qui signifiait qu’il n’y avait aucune garantie qu’un incident similaire ne se produise pas juste parce qu’elle invoquait quelque chose de petit. Du moins, c’était ce que je pensais, mais Nanahoshi secoua simplement la tête.

« C’est sans danger. Théoriquement, du moins. »

« Juste au cas où, puis-je demander quelle est cette théorie ? »

« D’après nos expériences précédentes, j’ai confirmé que plus l’objet que vous essayez d’invoquer est grand et complexe, plus il faut de mana. En d’autres termes, la magie dans ce monde obéit aux lois de la conservation de l’énergie. Nous allons invoquer quelque chose de simple et de petit cette fois-ci. Si nous supposons que l’énergie de mon invocation est ce qui a anéanti la région, alors théoriquement ce cercle ne téléportera, au maximum, que les personnes se trouvant dans un rayon d’un mètre. Honnêtement, je ne pense pas que ce soit possible, mais juste au cas où, j’ai écrit une mesure de sécurité dans le cercle lui-même afin de pouvoir contrôler la quantité de mana qu’il utilise. »

Je vois, je vois… En fait, non, je n’avais aucune idée de ce dont elle parlait.

« Conservation de l’énergie… euh, c’est quoi déjà ? »

Et en quoi était-ce différent de la loi de la conservation de la masse ?

« Je ne suis pas assez bien informée pour bien l’expliquer aux non-initiés, mais ça veut dire en gros que le mana est responsable de la plupart des choses bizarres qui se produisent dans ce monde. Ce sort que tu utilises tout le temps — Canon de pierre, c’est ça ? Il donne l’impression que tu as soudainement fait apparaître un rocher dans les airs, mais en fait tu as juste transformé ton mana en rocher. »

La loi de la conservation de l’énergie, hein ? C’était donc ça. C’était pourquoi plus on déversait de mana dans le sort, plus la flamme était chaude en magie de feu, et plus la masse résultante était grande en magie de terre.

« Aussi… »

Nanahoshi avait continué à m’expliquer le principe derrière son cercle après ça, mais plus elle parlait, plus cela m’était incompréhensible. Quelque chose à propos de l’application de la loi de telle et telle chose, la taille et l’effet du cercle seraient ceci et cela, puis si vous appliquez cette autre loi de je-ne-sais-quoi, alors bla-bla-bla.

Honnêtement, s’il y avait une faille dans sa théorie, je n’allais pas la trouver. La seule chose que je savais, c’était qu’elle semblait confiante, ce qui signifiait qu’il y avait de grandes chances de succès. Même si le pire se produisait et que j’étais téléporté quelque part, j’étais sûr que je trouverais le chemin du retour d’une manière ou d’une autre.

« Si ça échoue et que je suis téléporté, veuille contacter ma famille. »

« Je te le dis, il n’y a aucune chance que cela arrive. »

Je m’étais avancé devant le cercle.

« Bien, alors, commençons. »

« Je t’en prie. »

Je ne savais pas si ce mot m’était adressé ou non. Peut-être était-ce plutôt une supplique à Dieu.

J’avais commencé à verser mon mana dans le cercle, en plaçant mes mains sur le bord du papier. Un courant traversa le cercle et il commença à émettre une lueur. Je pouvais sentir mon mana être aspiré à travers mes bras.

Mais c’était étrange. Quelque chose n’allait pas. Il semblait que le chemin sur lequel la lumière voyageait était obstrué. Comme si une partie ne s’allumait pas.

Pssht !

Il y eut un léger bruit et le mana cessa soudainement de couler. La lumière émise par le cercle s’était évanouie.

C’était terminé. Il n’y avait pas eu d’autre réaction du cercle. Je l’avais regardé de près et j’avais trouvé une déchirure sur une partie du papier. Peut-être qu’il y avait eu un court-circuit et que la sécurité s’était déclenchée ? Quoi qu’il en soit, c’était un échec.

« Alors ? »

« Ça a échoué », dit Nanahoshi tranquillement.

Elle était retombée sur sa chaise avec un bruit sourd, posa un coude sur son bureau et poussa un gros soupir.

« Haah. »

Elle avait regardé fixement le papier qui reposait encore sur le sol. La peinture avait disparu, ne laissant que l’esquisse sous-jacente du cercle, et la déchirure causée par l’expérience. Nanahoshi avait continué à le regarder distraitement, sans bouger un muscle. Puis, au bout d’un moment, elle dit, sans me regarder : « Merci pour ton aide. Tu peux rentrer chez toi aujourd’hui. »

Le résultat de presque deux ans d’efforts n’avait rien donné en quelques secondes.

« Eh bien, tu sais, ce sont des choses qui arrivent. », avais-je dit.

Nanahoshi n’avait pas répondu.

Était-ce ma faute ? Non, je n’avais fait que fournir le mana. Je n’avais rien touché d’autre. N’importe qui aurait pu faire ce que j’avais fait tant qu’il avait le mana pour le faire. Donc même si l’expérience avait échoué à cause de moi, ce serait la faute de Nanahoshi qui ne m’aurait pas assez briefé.

Mais Nanahoshi n’avait rien dit.

De toute façon, on en avait probablement terminé pour la journée.

« Eh bien, dans ce cas, si cela ne te dérange pas. »

Je m’étais levé pour partir. Mais avant de quitter la salle d’expérience, je m’étais retourné pour regarder. Elle était toujours dans la même position qu’avant, immobile.

J’avais traversé la salle de recherche en désordre, qui ressemblait plus à un entrepôt désorganisé à ce stade, et j’étais sorti dans le hall. Je n’avais fait que quelques pas avant de m’arrêter. Nanahoshi avait été incroyablement tendue ces derniers mois. Peut-être qu’elle ne pensait pas du tout à sa prochaine expérience ou à son échec, mais qu’elle abandonnait complètement ?

Nah. Malgré ce que son apparence pourrait vous faire croire, Nanahoshi était forte. Elle avait sûrement la capacité de prendre un échec pour ce qu’il était et de ne pas s’y attarder.

Et juste au moment où je pensais à cela…

« AAAAAAAAH ! »

Des cris éclatèrent dans la salle de recherche. Puis le bruit de quelque chose qui se brisait. J’avais rapidement fait demi-tour et étais rentré dans la pièce.

« Aaaah ! »

Nanahoshi se tapait la tête de haut en bas avec frénésie. Elle arrachait les pages d’un livre dans lequel elle avait écrit et les éparpillait sur le sol. Elle renversa des étagères et renversa le contenu d’un bocal. Elle arracha son masque et le fit claquer contre le sol. Puis elle commença à se déchirer le visage et trébucha, se cognant contre un mur. Elle le frappa, puis trébucha à nouveau sur le contenu du bocal et s’effondra finalement sur le sol, où elle attrapa des poignées de sable qui s’étaient échappées du bocal et les lança sur le sol. Puis elle se leva et commença à s’arracher les cheveux.

Paniqué, je m’étais précipité vers elle et lui avait coincé les bras derrière le dos.

« Tiens bon, calme-toi ! »

« Je ne peux pas rentrer à la maison, je ne peux pas rentrer à la maison, je ne peux pas rentrer à la maison. »

Les yeux de Nanahoshi étaient vides alors qu’elle marmonnait ces mots. Tous les muscles de son corps s’étaient tendus, comme si elle se préparait à devenir folle furieuse à nouveau.

« Je ne peux pas rentrer à la maison, je ne peux pas rentrer à la maison, je ne peux pas-aaaaaaah ! »

Elle s’était mise à se tortiller frénétiquement, luttant aussi fort qu’elle le pouvait pour se défaire de mon emprise. Mais sa force n’était que celle d’une lycéenne, et d’une grabataire en plus. Elle était extrêmement faible. Elle n’avait aucun moyen de s’arracher à moi. Très vite, son corps était devenu faible. Quand je l’avais relâchée, elle s’était effondrée sur le sol.

« Hey, vas-tu bien ? »

J’avais eu la nette impression qu’elle n’allait pas bien du tout. Elle était blanche comme un linge, avec des yeux vides et des cernes. Ses lèvres avaient perdu toute couleur et étaient sèches et craquelées. C’était le visage de quelqu’un qui était dans un très mauvais état mentalement. Elle pourrait bien se blesser.

Je ne pouvais pas la laisser seule comme ça. Que devrais-je faire ? La personne qui pouvait le plus m’aider dans une telle situation était… Sylphie ! C’était ça, Sylphie. Elle pourrait être en mesure de faire quelque chose. Et heureusement, elle n’était pas de garde aujourd’hui. Ok. Je vais ramener Nanahoshi chez nous pour ce soir.

Attendez… avant ça, je devrais probablement trouver un endroit pour qu’elle se calme.

« Vas-tu bien ? », avais-je demandé.

« … »

« Tu en as un peu trop fait. Reposons-nous aujourd’hui, d’accord ? »

Nanahoshi n’avait pas répondu.

J’avais mis mon bras autour de son épaule et l’avais pratiquement traînée à ses pieds. Puis je l’avais traînée hors de la salle de recherche.

Peut-être que nous devrions la ligoter. J’avais fait une pause pour y réfléchir. Nan, on s’occupera de ça plus tard. Ça devrait aller pour le moment. Probablement.

Nous nous étions dirigés vers les classes de cinquième année où Sylphie devait se trouver. Devrais-je demander à quelqu’un d’aller la chercher pour moi ? Ou devrais-je entrer dans la classe et aller la chercher moi-même ? Les gens nous regardaient, Nanahoshi s’appuyant sur moi. C’était ennuyeux. Nous attirions tellement l’attention en ce moment, et Nanahoshi ne portait pas son masque. Il serait préférable de rester discret. Mais comment ?

« Maître ! »

Quelqu’un m’avait appelé. Je m’étais retourné pour trouver Zanoba derrière moi.

« Maître, que s’est-il passé ? »

« Zanoba, Nanahoshi a des problèmes. Aide-moi. »

« Est-elle malade ?! »

« Quelque chose comme ça », avais-je dit.

« Dans ce cas, nous devrions aller au bureau médical en premier. »

Oh. Ok, oui. Allons donc dans le bureau médical.

« Je vais la porter », proposa Zanoba.

« Sois doux. »

« Bien sûr. Venez donc, Maître Silent. »

Il l’avait soulevée comme une princesse. C’était une façon solide et stable de porter une personne. Nanahoshi n’avait montré aucun signe de résistance. Elle avait un air las sur le visage, comme une enveloppe vidée de toute énergie.

« Faites place ! », cria Zanoba tout en plongeant dans la foule des gens. Ils s’étaient séparés comme un océan devant lui. Je l’avais suivi.

***

Partie 2

A l’infirmerie, nous avions laissé Nanahoshi se reposer sur un des lits. Son visage était vide. Quelle terrible expression ! On aurait presque dit que l’ombre de la mort était sur elle. Nous avions informé le guérisseur résident que ce n’était rien de grave. Après tout, les problèmes psychologiques ne pouvaient pas être résolus par la magie de guérison.

Au moment où mon regard commençait à dériver vers mes pieds, Julie avait saisi l’ourlet de ma chemise.

« Grand Maître, votre visage… est affreux. »

J’avais instinctivement touché mon visage. Quelle expression ai-je en ce moment ?

Oh non. Il semblerait que j’étais moi-même assez secoué. J’avais besoin de me calmer un peu.

« C’est juste parce que je ne suis pas une beauté. »

Je lui avais donné une tape sur la tête. Je n’arrivais pas à croire qu’une si jeune fille se soit inquiétée pour moi.

« Tiens, Maître. »

Une tasse m’avait soudainement été présentée par le côté. C’était Zanoba qui la tenait.

« Merci. »

Je l’avais prise avec gratitude et j’avais vidé son contenu. Il avait apparemment puisé l’eau dans l’une des cruches du cabinet médical. Ma langue était sèche comme du papier. Apparemment, ma bouche avait été vraiment desséchée à un moment donné.

« Ouf. »

Je m’étais assis et j’avais poussé un soupir.

Zanoba s’était mis à côté de moi et m’avait demandé tranquillement : « Maître, que s’est-il passé ? Je ne t’ai jamais vu aussi agité. »

« Eh bien… »

J’avais expliqué ce qui s’était passé dans la salle d’expériences. L’expérience avait échoué et Nanahoshi était devenue folle furieuse. Elle avait l’air de vouloir se tuer si je la laissais seule, alors je l’avais aidée.

Après avoir entendu tout cela, Zanoba baissa les yeux vers Nanahoshi avec une expression compliquée.

« En gros, elle ne mène pas ces recherches parce qu’elle le veut. »

« Non. »

Ce n’était pas comme si elle le faisait à contrecœur, mais elle n’était pas franchement passionnée par ça. C’était juste quelque chose qu’elle devait faire pour pouvoir rentrer chez elle. Six ans s’étaient écoulés depuis l’incident de déplacement, et ce qu’elle avait cru être un important pas en avant avait échoué. Elle avait regardé en arrière et réalisé que six ans s’étaient déjà écoulés et qu’elle n’avait pas du tout progressé.

J’avais soupiré et je m’étais affalé sur ma chaise. Zanoba n’avait plus rien dit après cela. Nous étions restés tous les deux avec Nanahoshi, qui regardait distraitement le plafond.

◇ ◇ ◇

Après un moment, Nanahoshi ferma les yeux et s’endormit. Sylphie était arrivée à peu près au même moment. Ariel n’était pas avec elle.

« Les gens disaient que Zanoba et toi aviez transporté une étudiante au bureau médical », avait-elle dit.

Quel genre de rumeurs étaient-elles en train de répandre ? Toute l’école pensait-elle que j’avais assommé une étudiante et que je l’avais emmenée au cabinet médical, où j’allais probablement lui faire quelque chose d’horrible ?

Bon sang, c’est flippant, avais-je pensé. Pourquoi personne ne me fait-il confiance ? Parce que je suis « le patron » ? Eh bien, ce n’était pas comme si j’avais fait beaucoup pour gagner leur confiance en premier lieu. Bon, peu importe.

J’avais dit à Sylphie ce qui s’était passé.

« Je ne peux pas croire que quelque chose comme ça soit arrivé. »

Sylphie avait une expression solennelle en regardant Nanahoshi.

« Ça pourrait être dangereux de la laisser seule, alors je pensais la laisser se reposer chez nous aujourd’hui. »

« Mais ne serait-il pas mieux de la laisser se reposer ici, au cabinet médical ? »

« Je pense que ce serait mieux pour elle d’être avec quelqu’un qu’elle connaît au moment où elle se réveillera. »

De toute façon, je ne pouvais pas la laisser seule. Nanahoshi était jeune et cela l’avait clairement secouée au plus profond d’elle-même. Quand les gens étaient poussés à leurs limites, ils pouvaient faire des choses extrêmes. Elle pourrait par exemple se mutiler elle-même.

« Je n’ai aucune idée du temps qu’il faudra pour qu’elle se calme. J’aimerais qu’elle reste avec nous pour que je puisse la surveiller pour le moment. », avais-je dit.

« Hm, est-ce bon si je te confie cette affaire ? »

« Si c’est juste prendre soin de ses repas, je peux le faire. »

Nous l’avions isolée jusqu’à ce qu’elle se calme. Ce serait bien de la laisser s’échapper un peu de la réalité. Une retraite tactique en quelque sorte.

« Ce n’est pas comme si je voulais te tromper, ok. »

« Je sais. Ou alors il y a quelque chose qui te fait te sentir coupable ? »

« Non. »

Je n’avais aucune raison de me sentir coupable. Pourtant, j’amenais une femme différente dans ma maison. Une femme en position de faiblesse et sans défense, en plus. Malgré cela, Sylphie ne semblait pas se méfier. Voilà donc en quoi ressemblait la confiance, hein ?

« Je m’en remets à toi, Rudy. Vas-tu rentrer directement à la maison aujourd’hui ? »

« Oui. Je ne pourrai pas t’accompagner, pourras-tu faire les courses toute seule ? »

« Laisse-moi faire. »

J’avais hoché la tête suite à la réponse rassurante de Sylphie. Je n’en attendais pas moins d’elle.

Nous avions quitté l’école et nous nous étions dépêchés de rentrer chez nous. Zanoba s’était porté volontaire pour transporter Nanahoshi. Cette fois, il l’avait portée à califourchon, ce qui semblait mieux lui convenir, même s’il était un prince.

« Désolé pour le dérangement, Zanoba. »

« Non, c’est la seule chose que je puisse faire pour aider. »

Il avait facilement transporté une Nanahoshi apathique sur son dos. Julie trottinait derrière nous. Il suffisait de donner à Zanoba une perceuse et un scaphandre pour qu’on l’appelle Mister Bubbles.

Pour le tester, j’avais essayé de soulever Julie.

« Eek ! Grand Maître, que faites-vous ? »

« Rien de particulier. »

Zanoba avait juste jeté un coup d’œil. Je gardais Julie dans mes bras pendant que je marchais. Son corps était étonnamment dodu. Il y avait un an à peine, elle n’avait que la peau sur les os, mais il semblerait qu’elle ait mangé correctement. Ses muscles manquaient un peu, mais elle n’avait pas vraiment besoin d’être une bête de somme à l’âge de sept ans.

« Est-ce que Zanoba te traite bien, Julie ? », avais-je demandé.

« Oui, mon maître donner à moi beaucoup de nourriture. »

« C’est bon à entendre. La façon correcte de le dire est “Oui, mon maître me donne beaucoup de nourriture”. »

« Oui, mon maître me donne beaucoup de nourriture. »

« Oui, c’est ça. »

Maintenant que j’y pense, je me demandais si Nanahoshi avait mangé correctement. Je l’avais trouvé assez légère quand je l’avais portée. La nourriture pouvait vous remonter le moral dans les moments difficiles. Même les petites choses comme manger vos plats préférés ou partager un repas avec quelqu’un pouvaient vous apporter de la joie. Il semblerait que Nanahoshi n’avait pas pu partager ça très souvent.

« Ouf », avais-je soupiré.

Quel genre de vie Nanahoshi menait-elle ? Enfermée toute seule, mangeant à peine, parlant à peine à quelqu’un. Simplement en train de dessiner continuellement ces cercles magiques.

« Ce n’est pas ta faute, Maître. Essaie de ne pas laisser cela t’affecter si profondément. »

« Oui, je sais. »

Apparemment, Zanoba avait compris que mon soupir avait une autre signification. Il avait une expression sérieuse sur le visage au moment où il me regardait. On aurait dit qu’il était plus inquiet pour moi que pour Nanahoshi. Eh bien, il ne lui avait presque jamais parlé, je ne pouvais donc pas le blâmer pour cela.

Nous étions restés silencieux pendant un moment après ça. Dans le silence, je pouvais entendre les battements de cœur de Julie. En tant qu’enfant, sa température corporelle était plus élevée que la mienne. Elle était chaude, et entendre son cœur battre était étrangement apaisant. Je devrais lui acheter quelque chose la prochaine fois que je sortirai.

Lorsque nous étions arrivés à la maison, j’avais demandé à Zanoba de déposer Nanahoshi dans l’une des deux chambres que j’avais aménagées pour mes petites sœurs. Elle s’était affalée mollement sur le lit. Ses yeux étaient ouverts, elle avait dû se réveiller à un moment donné. Mais ils étaient complètement vides. Comme si elle fixait quelque chose que je ne pouvais pas voir. Elle ressemblait vraiment à un cadavre.

Est-ce qu’elle reviendra de tout ça ? D’après mes propres observations, elle était dans un état précaire, mais pas irrécupérable. J’avais déjà eu des périodes de dépression similaires, mais elles avaient fini par passer.

Pour l’instant, je l’avais fouillée et lui avais retiré tout ce qui pouvait servir d’arme dangereuse. Elle avait un petit couteau suisse sur elle. Je ne pensais pas qu’elle pourrait se tuer avec un tel objet, mais je l’avais quand même pris, juste pour m’en assurer.

Il n’y avait rien de dangereux dans sa chambre, à part la fenêtre, puisque nous étions au deuxième étage. Peut-être que je devrais utiliser la magie pour la sécuriser. Ça ne servirait à rien si elle cassait le verre, mais je voulais croire qu’elle n’avait pas la volonté d’aller aussi loin.

Comme elle ne bougeait pas, j’étais redescendu au premier étage.

« Est-ce qu’elle va s’en sortir ? », demanda Zanoba avec inquiétude. Il n’avait pas l’air d’être le genre de personne à avoir une expérience de la dépression. Il avait ses moments de faiblesse, certes, mais il était généralement optimiste.

« Qui peut le dire ? En tout cas, tu m’as beaucoup aidé, Zanoba. »

« Non. Et d’abord c’est toi qui t’occupes toujours de moi. C’était le moins que je pouvais faire. »

C’était bien Zanoba. Je pouvais toujours compter sur lui.

« Et toi, Maître ? Vas-tu t’en sortir ? »

« Moi ? Pourquoi ? »

« On dirait que la dépression de Maître Silent a eu un impact sévère sur toi. »

Un impact sévère ? Vraiment ?

En fait, il avait probablement raison. Nanahoshi avait perdu la tête, était devenue folle furieuse, et s’était transformée en une coquille sans vie une fois que je l’avais arrêtée. Voir ça du début à la fin m’avait rappelé mon passé. Bien que cela se soit manifesté un peu différemment pour elle, nous avions toutes deux traversé des agonies mentales similaires. Je ressentais sa douleur comme si c’était la mienne. Si les circonstances avaient été un peu différentes, c’était peut-être moi qui serais resté étendu sur le sol à sa place.

« Juste un peu. Ça me rappelle des douleurs du passé. »

« Cela te dérangerait-il d’en dire plus ? » avait-il demandé.

« Quand j’étais petit, j’ai aussi vécu une expérience similaire. Je suis devenu apathique et je me suis renfermé sur moi-même. »

« Je ne peux pas comprendre ce sentiment. »

Bien que la façon dont il avait dit cela m’ait semblé distante, je ne voulais pas non plus qu’il prétende avec désinvolture qu’il comprenait.

« Je suis sûr que tu ne le peux pas. »

« Quoi qu’il en soit, s’il y a autre chose pour laquelle ma force serait utile, fais-le-moi savoir. La force est la seule chose que j’ai en abondance. »

« Oui, je le ferai. »

J’avais apprécié la proposition de Zanoba. C’était un bon gars, tant que les poupées n’étaient pas impliquées.

Zanoba était rentré chez lui peu de temps après. N’ayant rien d’autre à faire, j’avais passé mon temps à lire dans la chambre de Nanahoshi pendant qu’elle dormait. J’aurais voulu être laissé seul si j’étais à sa place. Mais elle avait déjà été seule jusqu’à ce point. Toujours seule.

J’étais resté avec elle jusqu’à ce que Sylphie rentre à la maison.

***

Chapitre 10 : Trois têtes valent mieux qu’une

Partie 1

Une semaine s’était passée depuis que nous avions pris Nanahoshi sous notre protection, et le pire semblait être passé. Elle mangeait, bien que très peu. Si on lui demandait, elle prenait un bain et en sortait sans se noyer.

L’ambition que j’avais précédemment sentie en elle avait disparu. C’était comme si les cordes qui la soutenaient avaient été coupées. Elle se sentait soudainement aussi fragile que de la porcelaine et dépourvue d’autonomie, comme ces femmes qui, dans les vidéos pour adultes, étaient trompées par les yakuzas et amenées à vendre leur corps.

Je ne pouvais pas la laisser seule. Je devais aussi faire attention à ce qu’elle ne rencontre personne comme Luke. La seule chose que je ressentais chez elle en ce moment était un sentiment de résignation. L’échec de cette expérience l’avait vraiment touchée.

Je n’avais jamais connu un échec de cette ampleur auparavant. Mon plus grand échec était le suivant : j’avais passé plusieurs années en tant que no-life dans un jeu en ligne uniquement pour voir que mes données avaient été effacées. Dès que je vis que ma connexion n’était pas valide et que j’avais reçu le courriel m’informant que mon compte était banni, mon cœur commença à battre violemment. J’avais passé la journée entière à ne rien faire. J’avais porté mes objections à la direction et j’avais protesté avec véhémence, mais au final, je m’étais endormi en pleurant. Pendant le mois suivant, je n’avais ressenti aucune motivation pour faire quoi que ce soit. J’avais alors juré de ne plus jamais m’investir dans un autre jeu en ligne.

L’expérience de Nanahoshi n’était pas la même que celle d’un jeu en ligne. Son objectif était de retourner dans son monde. Si elle abandonnait, j’avais peur qu’elle ne soit plus capable de vivre. J’avais fait de mon mieux pour l’encourager, mais elle était dans un état second tout le temps. Je ne savais même pas si elle écoutait ce que je disais.

Mais juste au moment où je commençais à douter qu’elle le ferait…

« Je pensais avoir tout couvert », avait-elle soudainement lâché un jour.

Au lieu de répondre, j’avais juste écouté.

« Un cercle magique est fondamentalement comme ce que nous appelons un circuit imprimé dans notre monde. Vous créez une fonction unique en combinant plusieurs modèles de circuits. Cependant, une partie ne se connectait pas, peu importe ce que je faisais. Peu importe comment je modifiais le câblage, une partie ne se connectait pas au reste. J’ai essayé de la forcer, mais un défaut apparaissait alors ailleurs. »

Afin de connecter ce circuit impossible à raccorder, elle avait dû presque doubler sa taille. Puis, pour compenser la distorsion résultante, elle avait rajouté un autre circuit. Mais il restait encore un défaut dans son cercle magique. Elle avait beau essayer, elle n’arrivait pas à trouver ce qui n’allait pas. Pourquoi cette section ne voulait-elle pas se connecter.

« C’est physiquement impossible. Cela signifie qu’il n’y a aucun moyen pour moi de rentrer chez moi. »

Même s’il semblait sans défaut, le cercle magique était quelque chose qu’elle avait assemblé après des années de travail minutieux. À première vue, cela semblait être un problème qui pouvait être résolu, même s’il était extrêmement compliqué. Mais le mystérieux défaut suggérait autre chose.

« C’est sans espoir », dit Nanahoshi en s’affalant sur le lit.

Je m’étais rendu dans sa salle de recherche pour récupérer le diagramme de son cercle. Son baratin avait réveillé quelque chose dans ma mémoire, mais je ne voulais pas l’exciter prématurément. Je devais d’abord confirmer si quelque chose pouvait être fait ou non.

Le lendemain, j’avais appelé Cliff et Zanoba dans la salle de recherche. On dit que trois têtes valent mieux qu’une, j’allais donc utiliser le pouvoir des cerveaux de trois génies. Et comme j’avais convoqué Cliff, Elinalise m’avait naturellement suivi. Elle semblait fréquenter sa salle de recherche, mais qu’en était-il de ses cours ? À ce rythme, elle aurait de la chance si elle n’était pas renvoyée.

« J’ai du mal à croire que quelqu’un comme Silent soit dans un tel état. Elle avait l’air d’être faite d’une matière plus dure », pensa Elinalise.

« Les gens vraiment forts ne se ferment pas au monde et ne portent pas tous leurs fardeaux seuls. »

« Eh bien, je suppose que c’est vrai. »

Elinalise avait haussé les épaules. Malgré sa vie sociale prolifique, elle n’avait pas eu beaucoup d’interactions avec Nanahoshi. Et, bien qu’elle n’en ait pas l’air, elle était habile à manipuler les jeunes femmes. Ce pourrait être une bonne idée de lui demander de l’aide afin que Nanahoshi prenne un peu de repos.

« Maintenant, vous deux. D’abord, jetez un coup d’œil à ça. »

Quand je leur avais montré le diagramme, Cliff fronça immédiatement les sourcils.

« C’est un cercle désordonné. »

Désordonné ? C’était une façon intéressante de le dire.

« Il y a des cercles désordonnés et des cercles nets ? », avais-je demandé.

« Bien sûr qu’il y en a. Tu dois garder vos cercles nets et petits lorsque tu créais des outils magiques. J’aurais dessiné ceci beaucoup plus proprement. Par exemple, si tu connectais cette partie ici à cette partie-là, ça aurait été beaucoup plus propre. »

« Mm-hmm », avais-je dit.

Critiquer le travail de quelqu’un d’autre était facile. Si nous faisions ce qu’il proposait, cela ne ferait probablement que créer d’autres défauts dans le cercle.

« Ah, mais l’idée est géniale. Je n’aurais jamais pensé à boucler cette partie juste ici. Oh, je vois. La raison pour laquelle cette partie est si complexe, c’est à cause de cette partie… »

Cliff regarda le cercle et commença à marmonner pour lui-même.

« Ceci ici, cela là… Peut-être que je pourrais donner plus de sens à tout ça si j’avais fait plus attention à ma théorie… »

« Au fait, Maître, quel genre de cercle magique est-ce ? », demanda Zanoba.

« C’est ce que Silent étudiait — les cercles d’invocation. Mais elle est un peu coincée, alors je voulais avoir votre avis pour l’aider. »

Zanoba inclina la tête.

« Mais la magie d’invocation est en dehors de notre domaine d’expertise, hein ? »

« Eh bien, si nous ne pouvons pas résoudre le problème, qu’il en soit ainsi. »

J’avais juste pensé que nous pourrions être capables de trouver quelque chose en tant que groupe que Nanahoshi n’avait pas été capable de faire seule. En fait, c’était précisément parce que nous étions tous des experts dans des domaines si différents que nous pourrions être en mesure de proposer une approche alternative.

« Quoi qu’il en soit, regardez cette section. C’est apparemment là que le cercle s’est déconnecté. Vous voyez ? »

J’avais montré la déchirure dans le papier qui était apparue pendant l’expérience.

« Hein ? Oh. Est-ce ici qu’il s’est déconnecté ? Je n’avais même pas remarqué. Ce cercle est incomplet alors, hein ? Umm, donc la partie qui devrait s’y connecter est… ici ? »

Cliff était surpris. Bien qu’il soit un génie autoproclamé, il ne l’avait apparemment pas remarqué tout de suite. Eh bien, c’est comme ça que ça se passe, avais-je pensé.

« As-tu des idées sur la façon de connecter ce circuit ? »

Cliff croisa les bras et se mit à réfléchir. Il commença à marmonner des « ici » et « là » pour lui-même. Il sortit un bloc-notes de sa poche de poitrine et commença à griffonner diverses choses.

« C’est un problème difficile. Peut-être que si vous redessinez tout le, non, mais alors… C’est impossible. »

« Ça ne marcherait-il pas si on utilisait une structure à plusieurs niveaux ? », intervint Zanoba.

Cliff avait l’air dubitatif.

« Une structure à plusieurs niveaux ? De quoi parles-tu ? »

« Avec la poupée sur laquelle je fais des recherches, il y a plusieurs couches de cercles magiques combinées ensemble pour produire un seul effet. Cela dit, je viens tout juste de commencer mes recherches, je n’ai donc jamais dessiné moi-même un cercle correct, mais… »

« Attends, poupée ? Tu veux dire celle de la dernière fois ? Laisse-moi voir. »

« Maître, cela te convient-il ? », demanda Zanoba.

« Oui, bien sûr. »

Zanoba était allé chercher un morceau du bras de la poupée. Cliff l’avait étudié avec grand intérêt avant de déclarer : « La personne qui a créé ça est un génie ! »

Il fallait être remarquable pour que quelqu’un d’aussi imbu de sa personne que Cliff dise ça.

« Je n’ai jamais vu un cercle magique comme celui-ci. Grr, je n’ai aucune idée de la mécanique qui se cache derrière tout ça. Est-ce que ce sont deux cercles magiques, l’un sur l’autre ? Non, ce n’est pas ça, il y a plus que ça. Il ne pouvait pas bouger correctement sans tous ces cercles. Mais il était toujours capable de bouger même s’il était cassé. Pourquoi ? Bon sang, qu’est-ce qui se passe avec ce cercle ?! », avait-il dit en poursuivant.

Cliff grinça des dents de frustration. C’est comme si Vegeta avait été témoin du niveau de puissance de Goku — il était supérieur à 9000 !

« Je ne connais pas moi-même encore tous les détails, mais, selon le livre, ce cercle contrôle apparemment le mouvement du coude. »

Zanoba répondit à la question de Cliff avec une telle désinvolture que ce dernier eut l’air de vouloir fondre en larmes.

Elinalise se précipita aussitôt sur lui et attira sa tête dans ses seins, en lui caressant les cheveux.

« Là, là, tu es toi-même un génie, Cliff. Tu serais tout aussi bien informé si tu avais fait toi-même les recherches sur le sujet. »

« Je… je sais ça ! »

Son visage était devenu rouge alors qu’il reprenait son sang-froid.

Parfait, Elinalise. Je savais que je pouvais compter sur toi. Mais tu peux garder les choses de la chambre pour plus tard ? Nous sommes un peu occupés en ce moment.

« Maître Cliff. Si nous utilisions la même technique que celle utilisée pour la poupée, penses-tu que cela résoudrait le problème de Silent avec son cercle ? »

« Aucune idée. Mais ça vaut le coup d’essayer. »

C’était au moins une piste. Nanahoshi n’avait jamais dessiné ses cercles que sur une seule surface plane. Peut-être n’avait-elle jamais pensé à les superposer ou à les plier. Mais il y avait peut-être une raison pour laquelle elle n’avait pas encore essayé. J’avais prié pour que ce soit la première raison et que ce soit suffisant pour la motiver une fois de plus.

***

Partie 2

Le lendemain, j’avais emmené Nanahoshi dans sa salle de recherche. J’avais passé la journée précédente à mettre de l’ordre dans cette pièce en désordre, et c’était dans ces locaux, propres et pourtant encore désorganisés d’une certaine manière, que Zanoba et Cliff nous attendaient. Tous deux étaient en train d’examiner les données de recherche que Nanahoshi avait recueillies au fil des ans.

En les voyant, Nanahoshi avait poussé un petit rire de dérision.

« Qu’est-ce que c’est ? M’avez-vous amené ici pour que vous puissiez tous me ravir ? »

Vraiment ? Jusqu’où était-elle allée sur le chemin de l’auto-destruction ? Tout ça parce qu’elle avait échoué une fois ? Eh bien, je suppose qu’il suffisait d’un seul gros échec pour perturber la vie entière d’une personne.

« Comment osez-vous ? ! Je suis un fervent partisan de Millis ! »

Cliff était indigné. Les principes de la foi de Millis concernant la chasteté étaient similaires à ceux du christianisme. Monogamie, pas d’adultère, etc. etc. C’était très austère.

« Si vous le dites. »

Nanahoshi avait dérivé de façon instable et prit un siège. Puis elle s’était affaissée sur sa chaise.

« Maître Cliff, Zanoba, parlons de ce que nous avons trouvé hier. »

Nanahoshi avait écouté avec désintérêt tandis que je lui montrais une version de son cercle que Cliff avait corrigée au stylo rouge. Puis la proposition de Zanoba quant aux structures à plusieurs niveaux basées sur ses recherches. Et enfin, l’idée que j’avais trouvée : des cercles tridimensionnels. Elle avait écouté tout cela sans la moindre émotion sur son visage, restant parfaitement immobile comme si elle était figée.

Puis nos regards s’étaient croisés. Ce n’était pas qu’elle était désintéressée. Elle était juste sans expression, concentrée.

« Ah. »

Nanahoshi avait soudainement parlé.

« Ça pourrait marcher », avait-elle marmonné.

Puis elle avait bondi de son siège.

« Alors c’est ça, c’était donc ça le problème. Il n’y avait aucune raison pour que je m’attache à dessiner sur une surface plane. C’est logique, bien sûr. Le fait de le mettre sur papier va donner de la profondeur. Si je superpose ces papiers, je peux faire un cercle magique aussi grand que je veux. Pourquoi n’ai-je pas pu penser à une chose aussi simple plus tôt ?! »

Nanahoshi fit anxieusement les cent pas dans la pièce trois ou quatre fois. Elle prit un stylo et du papier sur son bureau et commença à dessiner. Elle écrivait quelque chose qui ressemblait à une formule, l’effaçait rapidement, puis recommençait.

« Urgh, non ! Ce n’est pas ça ! »

« Hé, ce n’est pas ce que vous voulez dire. »

Et voilà Cliff, béatement inconscient, qui insère sa tête dans la cage de l’ours qu’était Nanahoshi. Il avait sorti un stylo rouge de nulle part et annota son mémo. C’est bien Cliff, avais-je pensé sarcastiquement. L’air de la pièce a changé pour le mieux et lui, bien sûr, ne peut toujours pas le comprendre.

« Oh, c’est donc ça. Vous êtes plutôt intelligent », avait-elle félicité.

« Bien sûr que je le suis. Je suis un génie. »

« Alors que pensez-vous de ça ? Qu’est-ce que je dois faire ici ? J’ai été incertaine de cette partie pendant un certain temps. »

« Euh, attendez une seconde. »

Cliff et Nanahoshi… travaillaient bien ensemble. Ils se tenaient épaule contre épaule, notant des choses sur une feuille de papier. J’avais jeté un coup d’œil à leur travail, mais ça ressemblait juste à des gribouillages d’enfant pour moi.

« Zanoba, tu comprends ce qu’ils font ? »

« Cela va bien au-delà de ma compréhension. »

Nous étions tous les deux laissés pour compte. Pourtant, Cliff était vraiment étonnant. Il n’y avait pas si longtemps qu’il avait lui-même commencé à faire des recherches sur les cercles magiques. Eh bien, peu importe. Nanahoshi semblait être de bonne humeur. Même si elle ne réussissait pas cette fois, elle avait au moins un point d’appui et une raison d’espérer.

« Désolé, Zanoba, mais je vais devoir te demander de rester pour surveiller ces deux-là. »

« Où vas-tu, Maître ? »

« Je vais chercher Elinalise. Elle n’aimerait pas que son homme soit si intime avec une autre femme quand elle n’est pas là. »

Je pouvais entendre l’excitation dans la voix de Nanahoshi au moment où j’avais quitté la salle de recherche. C’était la première fois que j’entendais une telle émotion de sa part.

◇ ◇ ◇

Une semaine plus tard, Nanahoshi avait terminé son cercle magique. Elle consulta Zanoba et Cliff pour résoudre les problèmes de la version précédente, et avec leur contribution, recréa le mécanisme sous-jacent. Dans une magnifique démonstration d’intense concentration, elle termina le cercle en quelques jours. Elle colla ensemble cinq couches de papier, créant un cercle magique qui semblait être fait de carton.

« Maintenant, commençons. »

Sous le regard de Cliff et Zanoba, j’avais commencé à verser mon mana dans le cercle.

Le cercle avait commencé à émettre une lumière vibrante qui illumina la pièce comme s’il était midi. Alors que le mana s’écoulait de moi, quelque chose avait progressivement commencé à prendre forme en son centre. Une fois la lumière dissipée, nous avions pu voir l’objet d’un autre monde que nous avions invoqué avec succès.

C’était une bouteille en plastique. Sans étiquette ni bouchon. Une simple bouteille en plastique.

« Ooh, très impressionnant. »

« Mais qu’est-ce que c’est que ça ? Du verre ? Non, c’est plus mou que du verre. »

Zanoba et Cliff n’avaient pas pu cacher leur excitation de voir pour la première fois une bouteille en plastique de 500 ml. Elinalise et Julie l’avaient également regardée avec un intérêt intense. Nanahoshi regarda ce qu’elle avait invoqué, serra le poing et lâcha un « Oui, j’ai réussi » à peine audible.

Une bouteille en plastique. C’était à la fois insignifiant et significatif en même temps. À cet instant-là, notre monde précédent était devenu indéniablement connecté à celui-ci. Nous avions apporté un objet inanimé, et incomplet de surcroît, mais quand même… nous avions apporté quelque chose à ce monde qui n’existait pas auparavant.

« Tu as réussi », avais-je dit à Nanahoshi.

Elle hocha la tête fermement, semblant vraiment satisfaite d’elle-même.

« Oui, j’ai réussi. Maintenant, je peux enfin passer à l’étape suivante ! En m’enfonçant plus profondément dans les cercles magiques superposés, je devrais être capable d’invoquer à peu près n’importe quoi. Si je peux mieux organiser le cercle, alors en changeant juste deux ou trois des couches, je peux très probablement… »

Nanahoshi était soudainement revenue à la réalité. Elle détourna les yeux, l’air un peu mal à l’aise.

« Je suis désolée. Je vous ai causé beaucoup de problèmes. »

« C’est donnant-donnant, d’accord ? La prochaine fois que je suis dans le pétrin, donne-moi un coup de main, ok ? »

« Je l’avais déjà prévu. »

J’avais soudainement remarqué qu’Elinalise me regardait fixement.

« Vous êtes vraiment proches, hein ? »

« Tu es toujours prompte à supposer des histoires d’amour, Mlle Elinalise », avais-je répondu.

« Eh bien, vous êtes un homme et une femme. Mais ce n’est pas très approprié. »

Ses yeux ressemblaient à ceux d’une belle-mère réprobatrice.

Je n’avais pas l’intention de la tromper. De plus, Sylphie savait ce que nous préparions.

Nanahoshi avait volontairement mis de la distance entre nous.

« C’est vrai, tu es nouvellement mariée. Ce ne serait pas bien si ta femme l’interprétait mal. »

Elinalise rit joyeusement, en enroulant ses bras autour des épaules de Nanahoshi.

« Heh heh, tu n’as pas besoin de t’inquiéter pour ça. Ah, je sais ! Allons au pub aujourd’hui ! Ce sera sur ton compte, bien sûr ! »

Nanahoshi sourit ironiquement à la proposition d’Elinalise.

« Je suppose que je n’ai pas le choix. Mais je suis donc à égalité avec vous tous, alors. »

« C’est merveilleux, n’est-ce pas, Cliff ? »

Cliff, qui avait froissé la bouteille en plastique dans ses mains, s’était retourné vers nous.

« Hein ? Oui, bien sûr ! Nous sommes donc à égalité. Mais vous êtes vous-même assez exceptionnel, alors je ne serais pas contre le fait que vous m’aidiez à faire mes propres recherches la prochaine fois ! »

Elinalise gloussa.

◇ ◇ ◇

C’était une fête agréable. Quand de bonnes choses arrivaient, les gens se réjouissaient et buvaient. Je n’avais jamais participé à un tel rassemblement dans ma vie antérieure, pas même une fois. Même dans ce monde, je ne l’avais fait qu’une ou deux fois. Lorsque j’étais aventurier, il m’arrivait de boire aux côtés de ceux avec qui je travaillais, mais j’avais toujours un sentiment de cynisme à ce sujet. Je pensais que seuls les idiots s’enivraient, étaient bruyants et sauvages. Je me plaignais intérieurement de leur manque de considération pour ceux qui les entouraient. Mais maintenant que j’étais moi-même dans la mêlée, je comprenais enfin ce que ressentaient ces gens. Parfois, il fallait juste se laisser aller et s’amuser, me disais-je.

Cette conviction m’avait semblé particulièrement justifiée lorsque j’avais regardé Nanahoshi, qui caressait les oreilles de Linia en chantant des thèmes d’anime en japonais. Si on ne se détendait pas de temps en temps et qu’on n’oubliait pas ses problèmes, on ne pouvait pas continuer. La vie était après tout pleine de douleur. Si vous n’essayez pas de trouver le bon côté des choses, vous vous effondreriez. Elinalise et Badigadi le savaient probablement mieux que nous tous, vu le temps qu’ils avaient vécu.

Sylphie et moi allions boire jusqu’à plus soif aujourd’hui. Nous ne buvions jamais à la maison, ce n’était pas quelque chose que nous avions l’habitude. Et, bien que cela n’avait rien à voir avec la raison pour laquelle nous ne buvions pas à la maison, j’avais finalement compris à quel point Sylphie était une mauvaise buveuse.

Non, ce n’était pas qu’elle était mauvaise. Elle n’était pas mauvaise du tout. Elle était juste le genre d’alcoolique collante.

« Hey, Rudy, tapote ma tête. »

« Ok, ok. Gentille fille. »

« Tu peux aussi manger mes oreilles, non ? »

« Ça ne me dérange pas si je le fais. »

« Ha ha, ça chatouille. »

Quand elle était saoule, elle se transformait en une créature incroyablement adorable. C’était phénoménal. J’allais devoir l’approcher pour qu’elle boive plus souvent. Ah, mais son comportement me faisait craindre qu’elle boive toute seule. Peut-être que je devrais lui dire de ne pas boire en dehors de la maison, mais je m’étais demandé si cela ne serait pas trop contrôlant de ma part.

Non, ça n’a pas d’importance, avais-je décidé. Elle était à moi. Quel mal y avait-il à faire ce que je voulais de quelque chose qui m’appartenait ?

« Rudy, me fais-tu un câlin ? »

« Oui, oui, je vais serrer tes hanches très fort. »

« Hee hee. Je suis si heureuse. »

La façon dont elle riait semblait d’une certaine façon si vilaine. Ahh, rien que de penser à rentrer à la maison avec elle et lui faire l’amour, j’avais l’impression de comprendre pourquoi le monde était si plein de chansons d’amour.

« Rudy, tu sais quoi, dernièrement, je me suis senti jalouse. »

« Quoi, sérieusement ? De qui ? Je ne les approcherai plus. Je vais complètement couper les ponts. »

« En fait, c’est Monsieur Ruijerd. Tu m’as parlé de lui récemment, tu te souviens ? Quand tu parles de lui, tu as l’air tellement… tu sais ? »

« Oui, mais je l’admire vraiment. S’il te plaît, essaie de ne pas te laisser abattre. »

« Je n’aime pas ça. Je veux que tu ne fasses attention qu’à moi ! »

***

Partie 3

Ce n’était pas ce qu’elle avait dit quand je lui avais parlé de Ruijerd. Ça devait être ce qu’elle ressentait vraiment. J’avais toujours trouvé effrayant le fait qu’elle semblait tout accepter avec une telle sérénité, mais peut-être que c’était le cas parce qu’elle travaillait dur pour que ce soit le cas.

Au moment où j’avais attiré Sylphie sur mes genoux et que nous avions commencé à nous amuser, Nanahoshi était arrivée. Elle était ivre et essayait de provoquer une dispute.

« C’est si sucré que je pourrais en vomir. Arrêtez ça. Savez-vous au moins combien d’années j’ai passées sans petit ami ? »

Elle avait déjà fini de chanter ? Je serais heureux de chanter un duo avec elle. Tant qu’elle choisit une chanson assez populaire, je la connaîtrais probablement. Mais encore une fois, ça pourrait être ce fossé générationnel qui recommence.

« Va au moins quelque part où les gens n’auront pas à te regarder si tu veux l’embrasser. »

« Allez, ne sois pas comme ça. Ils ont de l’alcool ici. On va s’amuser ensemble. »

« En plus, ça fait un moment que j’ai envie de te dire ça. Même de l’intérieur de ma chambre — mooch smooch, creak creak. C’est quoi le mariage de toute façon ? Hein ? Qu’est-ce que c’est ? Je veux dire, c’est bien, peu importe. Mais c’est quoi ce bordel ? J’étais là, complètement déprimée, et vous étiez en train de faire l’amour. Je pouvais même entendre l’écho de vos voix la nuit, mon Dieu ! »

Badigadi avait soudainement soulevé Nanahoshi dans ses bras.

« Bwahaha ! Viens avec moi ! Aujourd’hui, tu vas me chanter tes chansons bizarres ! »

« Elles ne sont pas “bizarres”. Elles sont populaires dans mon monde ! »

« Comme c’est très intéressant ! Je ne sais pas de quel monde tu viens, mais chante-les pour moi ! Allez-y, chante autant que tu le peux ! »

« Attends, j’ai d’abord quelque chose à dire à Rudeus ! »

« Bwahaha ! Tu ferais mieux de chanter si tu n’as rien de gentil à dire à l’homme qui t’a aidée ! Maintenant, chante ! »

« Je ne faisais qu’introduire ce que je voulais vraiment dire ! »

Nanahoshi aboya en signe de protestation.

Elle voulait probablement exprimer sa gratitude. Pourtant, j’avais seulement fait ce que n’importe qui aurait fait pour un ami en difficulté. Elle n’avait pas besoin de me remercier. De plus, elle devait avoir un statut social assez élevé pour mériter d’être kidnappé par un Roi-Démon. C’était presque comme si elle était la princesse d’un royaume. Enfin, si cette princesse avait été emmenée dans un pub au lieu d’une cellule. Et il y avait toujours une scène dans un pub.

Après un moment, Nanahoshi avait commencé à chanter. Un accompagnement l’avait rejoint tardivement. Au début, j’avais pensé que peut-être un troubadour était là, mais il s’était avéré que c’était Badigadi qui tenait l’instrument. Je ne savais pas qu’il savait jouer. De plus, il lui avait demandé de chanter pour lui et pourtant il se produisait à ses côtés ? Je ne l’avais vraiment pas compris.

Tout cela mis à part, c’était une chanson familière. Je n’arrivais pas à savoir d’où elle venait… Ah, voilà ce que c’était. « Gandhara », le thème final de la série télévisée Monkey. Je ne m’attendais pas à ce que sa génération la connaisse. Mais bon, c’était quand même assez connu.

Cela dit, elle était nulle. Méchamment. Horriblement. Peut-être que c’était parce qu’elle ne se synchronisait pas avec l’accompagnement. Nan, ils étaient tous les deux nuls et c’était pour ça qu’ils n’arrivaient pas à se synchroniser entre eux.

Pourtant, elles semblaient s’amuser. De plus, Nanahoshi était la star de notre groupe aujourd’hui. Cela ne me dérangeait pas si c’était horrible. Même si sa chanson était affreuse, elle transmettait quand même ses sentiments.

Voulait-elle vraiment rentrer chez elle à ce point ? C’était quelque chose que je ne pouvais pas comprendre. Mon pays bien aimé était juste ici.

Malgré tout, c’était une fête agréable. On devrait en refaire un jour.

◇ ◇ ◇

La fête s’était terminée lorsque la star, Nanahoshi, s’était retrouvée complètement bourrée. Linia et Pursena l’avaient emmenée dans leur chambre, où elles allaient apparemment faire une soirée pyjama. Les autres s’étaient répartis en plusieurs groupes. Les gros buveurs avaient décidé de se rendre dans un autre pub pour une autre tournée.

Sylphie et moi avions décidé de rentrer chez nous. Dans son état d’ébriété, elle gloussait et s’accrochait à mon bras. Ses jambes étaient un peu instables. J’avais donc gardé un bras autour de sa taille pour la soutenir. J’avais soudainement compris ce que ressentaient les play-boys quand ils allaient à des rendez-vous collectifs et savaient qu’ils allaient conclure.

Bien sûr, je n’avais pas de pensées aussi impures, mais cela allait changer une fois que nous serions à la maison.

« Rudy, n’est-ce pas un peu bruyant ? », dit soudainement Sylphie.

« Hm ? »

Maintenant qu’elle en parlait…

J’avais tendu l’oreille. Je pouvais entendre le bruit de quelqu’un qui frappait sur quelque chose, et des voix qui se disputaient. C’était presque comme quand les chats se battaient. En approchant de notre maison, nous avions vu un groupe debout devant la porte, tapant bruyamment dessus. De loin, tout ce que je pouvais voir, c’était leurs silhouettes. Des gamines du quartier, peut-être, ou des voleurs en quelque sorte.

Mon esprit était encore embrumé par l’alcool, mais j’avais activé mon œil de Démon pour être sûr. Sylphie s’était tapé les joues et, bien qu’encore instable, s’était mise sur ses deux pieds.

« Rudy, je vais nous désintoxiquer. »

« Je m’en occupe. »

Sylphie avait lancé la désintoxication sur moi, et je pouvais sentir l’alcool en moi s’évaporer. Ça ne m’avait pas complètement dégrisé, mais j’avais l’esprit plus clair. En prenant soin de m’assurer que nos voleurs potentiels ne nous avaient pas repérés, j’avais rampé discrètement vers eux. Ce fut alors que j’avais entendu leurs voix.

« La raison pour laquelle il est si tard, c’est parce que tu nous as perdus, Norn ! »

« C’est pareil pour toi, Aisha. C’est toi qui as dit que c’était à tous les coups par là. »

« En plus, on ne sait même pas si c’est vraiment l’endroit ou pas ! Que vas-tu faire maintenant ? Toutes les auberges sont déjà fermées ! Nous allons devoir maintenant camper dehors dans le froid ! »

« Je n’aime pas ça non plus, mais c’est toi qui as dit que nous allions rester chez lui, et que nous n’avions pas besoin de chambre aujourd’hui. Je ne voulais pas rester chez lui, mais tu m’as forcé à venir… »

« C’est parce qu’on a dit à Ginger qu’on s’en sortirait ! Prendre une chambre après ça serait stupide ! »

« Tu es toujours comme ça, toujours à faire comme si tu étais meilleure. »

Des voix stridentes. Des voix d’enfants, qui me semblaient un peu familières. Et au milieu de leur échange, j’avais entendu des noms que je connaissais. Et puis finalement…

« Toutes les deux, calmez-vous. C’est le bon endroit. Il y a une présence familière ici. »

C’était la voix d’un homme posé. Dès que je l’avais entendue, un tourbillon d’émotions indescriptibles s’était levé en moi.

J’avais laissé échapper un soupir de soulagement et j’avais fait un pas devant eux.

« Ah ! »

« Grand frère ! »

Mes deux petites sœurs, Norn Greyrat et Aisha Greyrat, qui avaient considérablement grandi, se tenaient dans des tenues arctiques assorties de couleurs différentes, comme les personnages de Ice Climber. Celle qui avait une expression complexe sur le visage était probablement Norn et celle qui avait un regard de détermination féroce était probablement Aisha.

« Grand frère, tu m’as manquée ! »

Aisha vola vers moi, enroulant ses bras et ses jambes autour de mon torse comme un petit singe. Elle frotta sa joue contre la mienne. Sa peau était froide, même si je devais avoir la chaleur de l’alcool.

« Ooh, tu es si chaud ! Et tu pues l’alcool ! »

« Et tu me donnes froid. S’il te plaît, lâche-moi. »

En enlevant Aisha de moi, j’avais regardé Norn, qui avait ses lèvres fermement pincées. Elle avait incliné son menton en guise de salutation.

« Tu bois de l’alcool ? », avait-elle demandé.

« Oui, nous avons un peu fêté ça. »

Elle semblait perturbée, et je ne pensais pas que c’était juste parce qu’elle était timide. Paul avait mentionné qu’elle n’était pas ma plus grande fan…

Puis, derrière Norn, il y avait…

« Ca fait un bail, Rudeus », dit l’homme chauve avec une cicatrice sur le visage.

C’était un fier guerrier brandissant une lance. Il ne semblait pas différent de la dernière fois que je l’avais vu, il y a trois ans.

« Ça fait un bail, monsieur Ruijerd. »

J’avais été frappé par une vague de nostalgie, me rappelant les jours où nous avons voyagé ensemble, juste tous les trois. Comment on s’était rencontrés, comment on s’était séparés. Que devrais-je dire ? Alors que je cherchais mes mots, Ruijerd avait soudainement regardé derrière moi.

« J’ai entendu dire à la Guilde des Aventuriers que tu t’étais marié, mais… je vois que ce n’est pas avec Éris. »

La personne qu’il regardait était Sylphie. Son expression se transforma en surprise, mais elle s’inclina rapidement.

« Hum, Rudy, pour le moment, pourquoi ne pas les inviter à l’intérieur ? »

« Oh, oui, c’est vrai. Entrez. »

Je déverrouillai la porte et leur fis signe d’entrer.

Cela faisait à peine un mois que la lettre était arrivée. Ils étaient là beaucoup, beaucoup plus tôt que je ne l’avais prévu.

***

Chapitre 11 : Nostalgie et frustration

Partie 1

J’étais actuellement assis sur l’un des canapés du salon. Ruijerd était assis en face de moi. Sylphie avait guidé Aisha et Norn vers la salle de bain.

Sylphie et moi avions tous les deux dessoûlé. L’odeur de l’alcool devait encore persister dans notre haleine, mais la magie de désintoxication avait au moins permis d’éliminer l’ivresse.

En regardant le visage de Ruijerd, éclairé par le feu crépitant, je m’étais souvenu de notre première rencontre. D’autres souvenirs avaient afflué : la fois où nous avions voyagé avec Éris, juste tous les trois, et d’autres choses.

« Ça fait vraiment longtemps », avais-je dit.

« Oui. »

Ruijerd avait également rétréci ses yeux et relevé les bords de sa bouche. Exactement comme dans mes souvenirs.

« Tout d’abord, je suppose que je dois te remercier d’avoir escorté mes petites sœurs jusqu’ici. »

« Pas besoin de me remercier. Protéger les enfants est tout à fait naturel. »

C’est vrai, cela lui ressemblait bien. Je me souvenais l’avoir traité de lolicon en plaisantant lorsque nous voyagions ensemble. Pourtant, j’avais pourtant été surpris de voir que la personne mentionnée par Paul dans sa lettre était Ruijerd. J’avais envisagé la possibilité que ce soit Ghislaine, mais étant donné que la tâche consistait à escorter des enfants, Ruijerd était le meilleur homme pour ce travail. Tellement, en fait, que je l’aurais engagé pour être les gardes du corps d’Aisha et de Norn à vie, si cela avait été possible.

En tout cas, cela faisait longtemps que nous n’avions pas parlé tous les deux. De quoi avions-nous même parlé, à l’époque ? Ruijerd était calme, pas du genre à faire la conversation.

« Au fait, qu’est-il arrivé à Éris ? » demanda Ruijerd, sans détour.

C’était une question à laquelle je n’avais pas vraiment envie de répondre, mais il méritait de savoir.

« Beaucoup de choses. Laisse-moi commencer par le début. »

Je lui avais raconté ce qui s’était passé après notre séparation devant le camp de réfugiés. Comment Éris et moi avions couché ensemble. Comment, immédiatement après, elle avait disparu et comment j’étais tombé dans les profondeurs du désespoir. Comment je n’avais pas pu m’en remettre. Comment j’avais passé les deux années qui avaient suivi à chercher ma mère. Comment j’avais rencontré Elinalise et entendu parler de ce qui se passait. Comment j’avais suivi la recommandation de l’Homme-Dieu et m’étais inscrit dans cette école. Comment cela m’avait aussi conduit à retrouver Sylphie et comment elle m’avait aidé à me rétablir. Et puis notre mariage.

« Je vois. »

Ruijerd écouta en silence pendant tout ce temps sans dire un mot. Finalement, il ajouta ceci : « Ça arrive souvent. »

« Ça arrive souvent ? », avais-je répété.

Il avait simplement hoché la tête.

« C’est un point de vue dans lequel les guerriers s’enlisent souvent. Je suis sûr qu’Éris ne te déteste pas. »

« Mais elle a dit que nous deux n’étions pas “équilibrés”. »

« Je ne sais pas si elle disait cela de manière littérale, ou si tu as juste mal compris son sens. »

« Mal compris ? »

« Oui. Éris n’a jamais été très douée avec les mots. »

Ruijerd devait le savoir, il ne l’était pas non plus.

« En tout cas, elle t’aimait bien quand on voyageait ensemble. Si tu as l’occasion de la revoir, garde la tête froide et parles-en avec elle. »

Est-ce que j’avais tout faux ? Quand elle disait que nous n’étions pas équilibrés, voulait-elle simplement dire qu’elle n’était pas à mon niveau ? Elle était partie pour devenir plus forte, pour atteindre cet équilibre et revenir ? Dans ce cas, peut-être qu’elle voulait dire « attends-moi ».

Même dans ce cas, il était trop tard pour le savoir maintenant. Peu importe ce qu’elle voulait dire, j’avais quand même passé trois ans à souffrir. Trois ans pendant lesquels je n’avais pas entendu un mot de sa part. La personne qui m’avait finalement sauvé était Sylphie, pas Éris. Qu’est-ce que j’étais censé faire maintenant, mettre Sylphie de côté et me réconcilier avec Éris ? C’était impossible.

Et puis, honnêtement, j’étais encore un peu terrifié à l’idée de rencontrer Éris à nouveau. Ce n’est pas que je n’avais pas confiance en ce que disait Ruijerd, mais il était possible qu’elle en ait vraiment marre de moi. Ce serait un véritable coup dur pour moi si je l’approchais avec l’intention de me réconcilier et qu’elle me frappe et refuse de me regarder dans les yeux.

Arrêtons d’y penser, me suis-je dit. Quelle que soit la vérité, je ne pouvais pas changer le passé. Ressasser le passé ne m’aiderait pas.

J’avais donc changé de sujet.

« Qu’as-tu fait pendant tout ce temps, Monsieur Ruijerd ? »

« Ah, oui. »

Il avait l’air d’avoir encore quelque chose à dire, mais il avait quand même hoché la tête.

« Après m’être séparé de vous deux, je me suis dirigé vers la zone forestière de la région sud. »

Apparemment, Ruijerd avait deviné que la Tribu des Superds qui se cachait dans le Continent Central se trouvait dans une forêt. Il s’était rendu dans la forêt dense au sud des montagnes du Roi Dragon, où il avait mené une recherche exhaustive pendant deux ans. Il n’avait finalement trouvé aucune trace des Superds, mais il avait trouvé plusieurs objets appartenant à des personnes supposées être mortes pendant l’incident de téléportation. Il les avait livrés à la ville la plus proche.

Ses recherches dans la forêt n’ayant rien donné, Ruijerd se dirigea vers le sud le long de la côte et arriva à Port Est. Il avait prévu d’y prendre les informations en provenance de Millis, puis de se diriger vers le nord pour fouiller la zone de conflit. Mais, par chance, il était tombé sur Paul. Après cela, tout s’était passé exactement comme Paul l’avait écrit dans sa lettre. Lorsque Paul hésita à renvoyer ses deux filles, Ruijerd se porta volontaire pour l’escorter.

« Oh, j’ai aussi rencontré ton maître. »

« Maître Roxy ? »

Ruijerd avait un sourire crispé : « Oui. Elle était un peu différente de ta description. »

« Vraiment ? Dans quel sens ? »

« À la seconde où j’ai dit mon nom et qu’elle a vu la gemme sur mon front, elle devint complètement terrifiée. »

En y réfléchissant, c’était Roxy qui m’avait dit que la tribu des Superds était des tueurs terrifiants. En tant que membre des Migurd, qui vivaient dans la crainte des Superds, sa réaction était probablement inévitable. Mais j’aurais aimé le voir : Roxy tremblant de terreur à la vue de Ruijerd.

« Au fait, j’ai entendu dire que tu as voyagé aux côtés de Mlle Ginger jusqu’ici ? »

« Oui. On est arrivé dans la soirée et on est allé à l’université, mais on ne t’a pas trouvé. »

Ils pensaient que je vivais dans les dortoirs. Bien sûr, j’étais déjà parti au pub à ce moment-là, et je suppose que toutes les personnes à qui ils avaient demandé ne savaient où j’étais allé. Ils avaient donc demandé mon adresse à la place. Pour être sûrs de ne pas me manquer, ils étaient partis tous les trois à la recherche de ma maison, tandis que Ginger s’était séparé pour couvrir plus de terrain. Cependant, ils s’étaient perdus en chemin, soit parce qu’Aisha ou Norn s’étaient trompées de rue, soit parce que la personne qui leur avait expliqué l’emplacement de la maison s’était trompée. Alors qu’ils erraient dans la ville, Ruijerd avait relevé mes empreintes de pas et les avait suivies jusqu’à notre maison.

« Voilà ce qui s’est passé. Je dois te transmettre ma gratitude. Merci. », avais-je dit

« Tu n’as pas besoin de me remercier. »

Je n’avais pas pu m’empêcher de sourire à ses mots. Une de mes plus grandes fiertés était d’être reconnu comme un ami par cet homme.

« En tout cas, tu as fait vite. », avais-je dit.

La lettre n’était arrivée que le mois dernier. J’avais pensé qu’il leur faudrait deux ou trois mois pour arriver ici, au plus tôt. 

« Ta petite sœur était impatiente. »

« Laquelle ? »

« Aisha. C’est grâce à elle que nous avons pu voyager si vite. »

D’après Ruijerd, Aisha avait proposé qu’ils accompagnent une caravane de marchands pour pouvoir aussi voyager de nuit. De telles caravanes n’acceptaient généralement pas d’étrangers, alors Aisha leur avait offert les services de Ruijerd et de Ginger comme gardes en échange de les laisser partir avec Norn. C’était un bon accord, bien que les négociations n’aient pas été faciles.

Chaque fois que leur caravane actuelle atteignait sa destination, ils se rendaient dans la ville la plus proche pour en chercher une autre. C’était grâce à ce changement rapide de caravanes qu’ils purent voyager si efficacement. Ils recueillaient des informations sur les horaires et les emplacements des caravanes, parfois même en revenant sur leurs pas jusqu’à une ville précédente pour monter dans une caravane qui leur convenait mieux. Lorsque le trio avait demandé à Aisha pourquoi ils devaient faire demi-tour, elle répondit : « Parce que ce chemin est plus rapide. » Incroyable.

« Ça a sûrement dû être dur pour toi ? Si tu te déplaçais le jour et que tu faisais office de garde du corps la nuit, ça veut dire que tu devais rester éveillée tout le temps. »

« Ce n’était pas le cas. Je suis habitué à voyager continuellement sans repos, et ce depuis un certain temps maintenant. Mais… »

« Mais ? »

« C’était la première fois depuis longtemps que j’avais l’impression qu’on me donnait des ordres. »

Il fit un mince sourire en disant cela. Peut-être se souvenait-il de l’époque de la guerre de Laplace.

Aisha, cette petite peste.

« Eh bien, je ne sais pas vraiment quoi dire, mais il semble que ma petite sœur t’aies causé beaucoup de… »

« C’est juste une histoire drôle. »

Comme d’habitude, Ruijerd était doux quand il s’agissait d’enfants. Mais même si cela ne le dérangeait pas, nous ne pouvions pas élever Aisha pour qu’elle soit le genre d’individu qui donne des ordres aux gens. Je devrais lui dire ce que je pense plus tard.

« Mais elle dormait comme un loir pendant que tu travaillais sans arrêt, n’est-ce pas ? », avais-je argumenté.

« Elle ne dormait pas. Elle calculait constamment notre itinéraire, planifiant notre voyage de la manière la plus efficace possible. »

Hm, d’accord. Donc elle n’avait pas fait faire tout le travail à Ruijerd. Si c’était le cas, alors je ne pouvais pas la blâmer.

« Et pourtant c’est encore une enfant », ajouta-t-il.

Le plan sans pause d’Aisha n’avait apparemment pas tenu compte de leur endurance. Au milieu du voyage, elle et Norn s’étaient effondrées d’épuisement. Selon le programme interne d’Aisha, elle avait prévu d’arriver ici avant l’hiver, lorsque le temps rendrait le voyage difficile. Ce fut la raison pour laquelle elles étaient arrivées plus vite que la lettre ne le suggérait.

« Mlle Ginger a dû passer un mauvais moment elle aussi. Comment était-elle ? »

« Elle était en fait assez contente de notre rythme. Elle a dit qu’elle ne voulait rien de plus que de voir Sa Majesté aussi vite que possible. »

On dirait qu’il y avait beaucoup de gens dans ce monde qui avaient des muscles à la place du cerveau. Ginger était certainement une personne loyale. Elle avait probablement déjà retrouvé Zanoba. Comment allait-elle réagir en voyant Julie ? J’aurais aimé être là pour le voir.

« Elle a apparemment l’intention de retourner au service du prince », confirma Ruijerd.

« Je vois. Au fait, combien de temps comptes-tu rester ici ? », avais-je demandé nonchalamment.

Je supposais que la réponse serait environ une semaine. Je n’aurais pas besoin de beaucoup de temps pour le présenter à tous mes amis. J’étais sûr que Zanoba serait ravi. Linia et Pursena auraient probablement aussi leur mot à dire. Et qui sait ce que Cliff en penserait ? Ruijerd et Badigadi se connaissaient peut-être déjà, en fait.

Ces pensées s’étaient arrêtées net lorsque j’avais entendu la réponse de Ruijerd : « Je pars demain. »

« C’est plutôt… rapide. »

« J’ai entendu dire que quelqu’un avait vu un diable au fond des bois à l’est. J’ai l’intention de vérifier. »

Ruijerd avait déjà flairé son prochain arrêt. Je pensais qu’il pouvait se permettre de rester un peu plus longtemps, mais ce serait insensible de ma part de le garder.

« En plus. Je n’ai pas l’intention de te gêner. », avait-il dit

« Bien sûr que non. Tu ne te mettras jamais en travers de mon chemin. »

Je ne le traiterais jamais comme une nuisance.

« C’est aussi un peu… difficile d’être ici. »

Il y avait de la solitude dans sa voix. Le fait qu’Éris et moi ne soyons pas ensemble était peut-être choquant pour lui. Je ne savais pas exactement comment Ruijerd se sentait, mais si j’étais à sa place, je pourrais aussi trouver un peu difficile de me voir me blottir si amoureusement contre Sylphie.

« Je suppose que je ne peux pas t’en vouloir pour ça. »

J’avais l’impression qu’une faille s’était formée dans notre amitié. Peut-être qu’Éris était la fondation qui nous maintenait ensemble.

« Rudeus. »

J’avais levé la tête quand il a prononcé mon nom. Apparemment, j’avais détourné les yeux à un moment donné. Ruijerd m’avait adressé un mince sourire.

« Ne fais pas cette tête. Je reviendrai. »

C’était tout ce que je pouvais faire pour forcer un sourire en retour. Je ne regrettais pas le fait d’avoir épousé Sylphie. Cependant, j’avais l’impression d’avoir fait une erreur.

« Si je rencontre Éris, je verrai ce qu’elle a à dire. »

« Je t’en prie », avais-je répondu, en le regardant droit dans les yeux. J’avais trouvé une douce lumière qui brûlait en eux.

Peu après, Sylphie était sortie du bain. Norn s’était apparemment endormie au milieu du bain, tandis qu’Aisha avait été assez turbulente dans l’eau, mais s’était effondrée dans le sommeil dès qu’elle en fut sortie. Tel était l’effet relaxant d’un bain. L’eau chaude faisait des merveilles pour un corps épuisé.

« Merci d’avoir fait tout ça. »

« Aisha semblait se souvenir de moi. Elle a tout de suite deviné qui j’étais. C’était tout à fait différent de quelqu’un d’autre que nous connaissons tous les deux. »

« Tes cheveux sont plus longs, tu ne portes pas de lunettes de soleil, et tu n’es pas habillé en garçon, donc ça ne compte pas. »

« Mais Norn ne semblait pas se souvenir de moi. »

« C’est rare qu’un enfant de trois ou quatre ans se souvienne des autres enfants du quartier. »

« Je suppose que oui. »

Sylphie avait mis les filles en pyjama et les avait installées dans le même lit. Parler avec elles devra attendre jusqu’à demain.

« Um, c’est un plaisir de vous rencontrer. Je suis Sylphiette Greyrat. »

« Oui. Je m’appelle Ruijerd Superdia. »

***

Partie 2

Sylphie et Ruijerd s’étaient maladroitement serré la main. Ils avaient tous les deux souffert de leurs cheveux verts dans le passé, bien qu’aucun d’entre eux ne porte plus cette couleur. Ruijerd les avait tous rasés, tandis que ceux de Sylphie étaient devenus blancs lors de l’incident de téléportation.

« Umm, Monsieur Ruijerd, que préférez-vous en termes de chambre ? »

« Tout me convient. »

« Rudy, on lui fait utiliser la grande chambre ? C’est un invité important, non ? »

Je ne pensais pas que Ruijerd serait particulièrement préoccupé par la taille de la chambre. D’ailleurs, il n’utiliserait pas le lit, de toute façon.

« Dors où tu veux. Considère notre maison comme la tienne. »

« Oui, je vais faire ça. Bon, je vais dormir. »

Ruijerd finit de parler, puis se leva.

« Très bien, bonne nuit. »

Sylphie et moi étions restés là, raides, à écouter ses déplacements dans la maison. Apparemment, il était entré dans la chambre où dormaient les enfants. Cet enfoiré de lolicon ! Non, je plaisantais. Quand on voyageait ensemble, il ne nous quittait jamais des yeux, même quand on dormait. C’était de cette manière qu’il se comportait. De plus, il nous laissait entendre ses pas exprès. S’il préparait quelque chose de louche, il les aurait fait taire et se serait déplacé furtivement.

« Est-ce que j’ai fait quelque chose qui l’a offensé ? », demanda Sylphie avec anxiété.

Ruijerd avait été un peu brusque. Il semblait avoir des sentiments contradictoires à propos de mon mariage avec Sylphie.

« Non, tu n’as rien fait de mal. Il met un peu de temps à s’habituer aux gens qu’il vient de rencontrer, c’est tout. »

« Si tu es sûr que ce n’est que ça. »

Sylphie avait un air légèrement blessé.

« On va se coucher, d’accord ? »

« OK. »

J’avais sauté le dîner ce soir-là, mais je n’avais même pas faim. Oh, j’aurais au moins dû donner à Ruijerd quelque chose à grignoter, avais-je pensé en éteignant la cheminée et en vérifiant la serrure de la porte d’entrée. Nous avions déjà le système de sécurité le plus utile de la maison, mais je voulais quand même être en sécurité.

Après avoir éteint les lumières, Sylphie et moi étions montés ensemble au deuxième étage. Puis nous nous étions glissés dans le lit.

Là, Sylphie a dit : « On va, hum, sauter la journée, ok ? »

« Huh ? Oh, oui, bien sûr. »

On n’avait pas fait l’amour cette nuit-là. C’était la première fois qu’on n’avait rien fait pour une raison autre que ses règles.

◇ ◇ ◇

Le lendemain matin, je m’étais réveillé comme à l’accoutumée. Sylphie était toujours endormie. D’habitude, elle était roulée en boule, utilisant mon bras comme oreiller, mais aujourd’hui, elle utilisait son propre oreiller et avait un air tendu. D’habitude, l’affection que je lui portais venait spontanément, accompagnée d’une pointe de désir sexuel, et je tendais la main pour toucher sa poitrine. Puis, alors que je tenais cette source de perfection dans le creux de ma main, une vague de bonheur m’envahissait.

Mais je n’avais pas ressenti cette sensation aujourd’hui. Au lieu de cela, je m’étais senti mal dans ma peau. Ce n’était pas un bon jour pour mon dragon naissant. J’aurais dû me réjouir de la présence de Ruijerd, mais j’avais l’impression qu’Éris me pesait vraiment. Je me sentais sombre et agité.

Même si je ne me sentais pas très motivé, j’avais décidé de commencer mon entraînement quotidien. J’étais sûr que cinq minutes — non, dix minutes — d’exercice me remettraient d’aplomb. Avec cette pensée en tête, j’étais sorti.

Une scène effrayante m’attendait.

Quelqu’un d’autre se tenait déjà devant notre entrée. Deux figures imposantes, en fait : un guerrier chauve, un homme qui avait rasé ses cheveux afin de cacher leur teinte verte. Il ne portait aucun des vêtements arctiques courants dans la région, mais était habillé en civil et portait une lance. C’était Ruijerd.

Puis il y avait l’autre homme. Il avait un corps large et musclé, une peau aussi noire que la poix, et des cheveux violets. Badigadi avait ses six bras croisés sur sa poitrine, dégageant une aura immensément imposante alors qu’il se tenait devant Ruijerd.

Le froid dans l’air était intense. Volatile. Si quelqu’un allumait une allumette, elle pourrait exploser.

Badigadi ne souriait pas, ce qui était rare. En fait, il ne montrait aucune expression. Ruijerd me tournait le dos, je ne pouvais donc pas voir son visage.

Cela signifiait-il donc qu’ils se connaissaient ? Ils étaient tous deux en vie depuis la guerre de Laplace : l’un était capitaine de la garde impériale de Laplace, l’autre faisait partie de la faction modérée du camp opposé. Ruijerd méprisait actuellement Laplace de tout son cœur, mais à l’époque, leurs circonstances avaient probablement été bien différentes.

« Hm. »

Badigadi m’avait jeté un regard. Puis il regarda Ruijerd une fois de plus.

« C’est donc ça. »

Il hocha la tête, ayant apparemment satisfait sa curiosité. Puis, sans rien dire de plus, il tourna les talons. La neige crissait sous ses pieds alors qu’il disparaissait au loin.

Ruijerd m’avait regardé en silence par-dessus son épaule. Il avait l’air un peu inquiet. Il était rare de le voir en proie à des sueurs froides.

« S’est-il passé quelque chose entre toi et le roi Badi ? »

« Il y a longtemps. »

Je pouvais déduire le reste de sa courte réponse. J’avais entendu dire que la folie de la tribu des Superds les avait conduits à attaquer tous ceux qui croisaient leur chemin, qu’ils soient amis ou ennemis, et cela devait inclure certains des gens de Badigadi. Et même s’il ne s’était pas engagé à régner, il restait un roi.

Je m’étais demandé comment était leur relation après la guerre ? Je ne pouvais pas imaginer quelqu’un d’aussi optimiste que Badigadi cherchant à se venger des Superds. Au contraire, il avait probablement défendu les citoyens impuissants que les Superds avaient blessés. Même si Laplace était à l’origine des tendances destructrices des Superds, Ruijerd avait quand même tué des gens, et Badigadi s’était vengé. J’étais sûr que c’était ça.

Non, attendez. Il était possible que Badigadi ne sache pas comment ou pourquoi ce qui s’était passé avec la tribu des Superds était la faute de Laplace. Je devrais lui en parler à notre prochaine rencontre.

En y réfléchissant, comment réagirait-il si je lui disais que je prévoyais de produire et de vendre en masse des figurines Ruijerd dans le futur ?

« Monsieur Ruijerd, pour être clair, cet homme a été bon pour moi depuis qu’il est arrivé dans cette ville. Je ne peux qu’imaginer ce qui a dû se passer dans le passé, mais… »

« Ne t’inquiète pas. Je n’ai pas l’intention de me battre contre lui. »

Ruijerd avait souri de manière rigide en disant cela. Pourtant, il avait clairement manifesté son intention de tuer il y a quelques instants. Si je n’étais pas sorti à ce moment-là…

« Quand même, je n’aurais jamais pensé le voir ici. »

« Apparemment, il est venu ici pour me voir », avais-je dit.

« Ahh, eh bien, ça correspond à son caractère. »

Ruijerd avait forcé un autre sourire avant de retourner dans la maison.

Cette rencontre m’avait décontenancé. J’aurais pensé que Badigadi, joyeux et facile à vivre, pouvait s’entendre avec n’importe qui.

Au moment où j’étais retourné à la maison, Sylphie était réveillée et préparait le petit-déjeuner. Aisha, qui avait enfilé une tenue de femme de chambre pour une raison inconnue, aidait également. Norn semblait encore endormie. Dans l’intention de la réveiller, j’étais monté à l’étage. J’avais frappé à la porte et j’avais immédiatement tendu la main vers la poignée, mais un sentiment de pressentiment m’avait empêché d’ouvrir la porte. Au lieu de cela, je l’avais appelée.

« C’est l’heure du petit-déjeuner, alors descends, s’il te plaît. »

Il n’y avait pas eu de réponse, mais en tendant l’oreille, j’avais entendu le bruissement des vêtements. Apparemment, elle était en train de se changer. J’avais évité de déclencher une scène de nudité surprise ! Après tout, je n’étais plus un protagoniste à l’esprit étourdi.

« … OK. »

Une fois que j’avais entendu sa voix derrière la porte, je m’étais senti soulagé et j’étais retourné au premier étage.

Nous avions pris le petit-déjeuner tous les cinq. Aisha semblait avoir de bonnes manières à table pour son âge et mangeait magnifiquement bien. Comme d’habitude, Ruijerd n’avait utilisé qu’une fourchette. Norn, qui semblait encore à moitié endormie, n’avait pas mangé très gracieusement. Au moins, je pouvais dire qu’elle utilisait une fourchette. C’était un cran au-dessus d’Éris qui se contentait de poignarder sa viande avec un couteau et de la mettre dans sa bouche.

« Eh bien, il est temps pour moi de partir. »

Dès que le repas fut terminé, Ruijerd s’était préparé à partir. Il avait très peu de bagages, il ne portait donc pas grand-chose. Nous nous étions dirigés tous les cinq vers la sortie de la ville pour l’accompagner. Ruijerd prétendait que ce n’était pas nécessaire, mais ce n’était pas un problème de nécessité. C’était naturel de dire au revoir à un ami.

On n’avait pas eu beaucoup de conversation pendant que nous marchions. Finalement, Norn s’était accrochée à l’ourlet de la chemise de Ruijerd, assez silencieusement pour passer inaperçue. Ruijerd, cependant, l’avait remarqué et avait ralenti un peu son rythme. J’avais ralenti pour les suivre.

Norn ne semblait pas vouloir se séparer de Ruijerd, et je comprenais ce sentiment. Peut-être que je devrais vraiment le supplier de rester ? Une nuit n’était pas suffisante pour rattraper le temps perdu, et il y avait des gens que je voulais lui présenter, et une montagne de choses que je voulais qu’il voie.

Mais comme prévu la pensée d’Éris me retenait. Je ne voulais pas mettre Ruijerd mal à l’aise. Ce n’était pas la faute de Sylphie, c’était juste que j’avais l’impression que je ne pouvais pas vraiment parler à Ruijerd avant d’avoir mis les choses au clair avec Éris. Or, pour l’instant, je ne savais même pas où elle se trouvait.

Alors que je débattais de ces choses, nous étions arrivés à l’entrée de la ville.

« Eh bien, reste en sécurité », m’avait dit Ruijerd.

« Toi aussi », avais-je répondu.

Nos adieux furent brefs. Il y avait tellement de choses que je voulais dire. Je n’arrivais pas à trouver les mots sur le moment. Ce n’était pas comme si c’était un au revoir pour toujours. Je devais juste lui reparler une fois que les choses seraient plus calmes. Quant à Ginger, elle lui avait apparemment déjà fait ses adieux hier.

« Merci d’avoir pris soin de nous ! »

Aisha s’inclina joyeusement. Elle avait bien compris que son système de voyage rapide n’aurait jamais fonctionné sans Ruijerd. J’étais sûr que Ruijerd les avait aussi protégées de dangers qu’elles ne connaissaient pas.

« Aisha, n’en demande pas trop à Rudeus. »

« Oui, je sais ! »

Ruijerd avait souri avec raideur et lui avait tapé sur la tête.

« U-um, uh, Maître Ruijerd… »

Norn n’avait toujours pas lâché la chemise de Ruijerd. Elle avait un regard anxieux qui disait clairement qu’elle ne voulait pas qu’il parte.

« Ne t’inquiète pas, nous nous reverrons. »

Ruijerd lui offrit un petit sourire en posant sa main sur sa tête. Les voir tous les deux réveilla de vieux souvenirs. Quand j’avais la même expression anxieuse, Ruijerd me caressait aussi la tête.

Norn baissa les yeux, puis releva le visage. Elle avait essayé de dire quelque chose, puis avait pincé les lèvres. Son visage s’était déformé en plusieurs expressions différentes jusqu’à ce qu’elle se décide enfin.

« Je veux aller avec toi ! », déclara-t-elle.

Ruijerd avait l’air troublé et caressa sa tête, sans rien dire. Cependant, au fil des secondes, les yeux de Norn se remplirent rapidement de larmes.

« Compte sur Rudeus à partir de maintenant, pas sur moi », avait-il dit.

« Mais je ne peux pas ! Lui et Père… »

« C’est du passé. Il a déjà réfléchi à ses actions. Ton père l’a aussi fait. Je t’ai parlé des difficultés qu’il a traversées pendant notre voyage. Même toi, tu l’as accepté. »

« Mais hier, il était ivre ! Et il est avec une autre fille cette fois-ci que la dernière fois ! Je ne peux pas lui faire confiance ! »

L’air autour de nous semblait se refroidir lorsqu’elle avait dit cela, bien que ce ne soit peut-être que mon imagination. Après tout, j’avais déjà parlé d’Éris à Sylphie. Ce n’était pas de la triche, et ce n’était pas comme si j’essayais d’être un play-boy — bien que ce n’était probablement pas ce dont Norn avait l’air.

Ruijerd me regarda puis regarda Sylphie avant de forcer un sourire.

« C’est juste la façon dont les choses se passent entre hommes et femmes. Cela arrive. Cela ne veut absolument pas dire que ton frère est déloyal. »

Il retira sa main de sa tête.

« Vous là-bas. Voulez-vous me dire votre nom encore une fois ? »

« Oh, oui. Je m’appelle Sylphiette. »

« Sylphiette. Je laisse ces deux-là et Rudeus à vos soins. »

« O… bien sûr ! »

Ruijerd avait finalement échangé quelques mots avec Sylphie. Ses sentiments envers elle étaient sûrement compliqués, mais je priais pour qu’il ne lui en veuille pas.

« Eh bien, rencontrons-nous à nouveau. »

Je l’avais regardé partir jusqu’à ce que je ne puisse plus le voir. Il fut un temps où j’avais regardé sa silhouette s’éloigner, rempli de gratitude envers lui. J’étais sûr qu’en ce moment, Aisha et Norn ressentaient la même chose.

***

Chapitre bonus 2 : L’affûtage des crocs

Partie 1

Sur un cap sans nom, à une heure de marche au nord du Sanctuaire de l’Épée, une jeune fille solitaire maniait son épée. C’était un simple mouvement sans technique appartenant entre autres au Style du Dieu de l’Épée. Le nom de la fille était Éris Greyrat.

Éris Greyrat balançait son épée sans réfléchir. Là, dans cet espace, toute seule, sans aucune autre âme autour. Elle la balançait sans réfléchir. Un mouvement alourdi par des pensées vaines n’avait aucun sens. Un coup qui imitait simplement les mouvements des autres n’avait pas non plus de sens. Mais si ton épée était pure, vide de pensées, alors chaque coup aiguiserait tes compétences.

Elle continuait à affiner ses capacités, coupant tranche par tranche jusqu’à ce que la voie devant elle soit suffisamment claire pour qu’elle puisse voir de l’autre côté. Chaque coup la rendait encore plus forte. Combien de répétitions supplémentaires étaient-elles nécessaires ? Combien de temps devrait-elle continuer avant d’atteindre le niveau d’Orsted ?

Éris ne le savait pas. Personne ne le savait. Peut-être ne serait-elle jamais capable d’atteindre ce niveau, même si elle travaillait dur.

De telles pensées étaient exactement celles qu’elle était censée éviter.

« Tsk. »

Éris fit claquer sa langue. Elle secoua la tête avant de s’asseoir pour réfléchir.

C’était ennuyeux. Elle voulait vaincre Orsted, mais plus elle y pensait, plus il semblait s’éloigner d’elle.

À un moment donné, son maître Ghislaine lui avait dit : « Réfléchis ».

Éris, cependant, n’était pas douée pour réfléchir. Elle avait beau se creuser la tête, elle ne parvenait pas à trouver une réponse qui la satisfasse.

En comparaison, son deuxième professeur, Ruijerd, était bien meilleur.

« Tu as compris ? », demandait-il.

Il la faisait tomber, puis lui demandait simplement si elle avait compris ou non. Encore et encore, il continuait jusqu’à ce qu’elle comprenne enfin. Sans qu’elle ait à se servir de sa tête, comme s’ils étaient égaux.

Éris respectait Ghislaine. Elle respectait aussi Ruijerd.

C’était frustrant, les enseignements du Dieu de l’Épée combinaient les bons côtés des deux personnes qu’elle respectait. Il lui avait ordonné ainsi : « Balance ton épée sans réfléchir. Ne pense pas, frappe, et quand tu es fatiguée, réfléchis. Quand tu es fatigué de réfléchir, relève-toi et frappe à nouveau. »

C’était ce qu’elle avait fait. Elle balançait son épée, s’asseyait, balançait, s’asseyait. Quand elle avait faim, elle mangeait. Puis elle répétait le processus du balancement de sa lame et de s’asseoir à nouveau.

Au début, elle avait fait ça à la salle d’entraînement. Mais quand elle faisait ça, quelqu’un se mettait inévitablement en travers de son chemin. Les coupables habituels étaient les autres filles de la salle d’entraînement. Elles disaient : « Hé, on s’entraîne au combat ce matin, rejoins-nous », ou « Hé, la nourriture est prête, viens manger », ou « Hé, peux-tu t’entraîner un peu avec moi ? », ou « Hé, tu pues, vas prendre un bain »… Des choses de ce genre.

C’était devenu si ennuyeux qu’Éris avait simplement quitté la salle d’entraînement. Elle était partie et avait continué à marcher jusqu’à ce qu’elle trouve un bout de terrain inoccupé et avait commencé à s’y entraîner. Elle mangeait ce qu’elle avait apporté avec elle de la cuisine de la salle d’entraînement, ou n’importe quel monstre qui essayait occasionnellement de l’attaquer. Quand il faisait froid dehors, elle allait chercher des bûches dans la salle d’entraînement et utilisait la magie pour les allumer afin de se réchauffer. Quand elle était fatiguée, elle retournait à la salle d’entraînement et dormait autant qu’elle le voulait.

C’était son quotidien depuis six mois.

Il y avait une chose qu’Éris avait comprise. Maîtriser l’épée était difficile. Quand elle était plus jeune, elle avait pensé que le maniement de l’épée était plus simple et lui convenait mieux que les études. Eh bien, cette partie était toujours vraie : le maniement de l’épée lui convenait bien mieux que l’apprentissage des livres. Mais ce n’était certainement pas du tout simple. En fait, on pourrait même dire que l’apprentissage des livres était plus simple, tant que quelqu’un d’autre vous enseignait.

Tout ce qu’elle faisait était de lever son épée et de la ramener vers le bas. Pourtant, pour une raison quelconque, elle n’y parvenait pas. Elle devrait être capable de la lever plus rapidement. Elle devrait être capable de frapper plus vite. Mais elle n’avait pas réussi à atteindre la vitesse désirée. Elle devait être plus rapide maintenant qu’il y a six mois, mais Ghislaine était toujours plus rapide. Ruijerd était plus rapide. Le Dieu de l’Épée était plus rapide. Et Orsted, bien sûr, était plus rapide.

Elle avait essayé de se souvenir de la façon dont ils se battaient, le Dieu de l’Épée, Ruijerd et Orsted. Comment avaient-ils bougé ? Elle avait essayé d’imiter leurs mouvements, du bout des doigts aux épaules, toutes les cellules de leur corps. Puis elle avait essayé d’aller au-delà, de les transcender.

Sauf qu’elle ne savait pas comment. Elle n’avait aucun moyen de le faire.

Éris n’était pas douée pour réfléchir.

Une fois qu’elle fut épuisée par le cycle sans fin de pensées qui tournaient dans sa tête, elle se redressa et recommença à pratiquer ses balancements. Elle l’avait balancée sans penser à rien. En haut, en bas. Plus vite. En haut, en bas. Plus vite. Elle fit ainsi dix répétitions, cent, puis mille. Quand elle le fit, des pensées oiseuses avaient commencé à filtrer à nouveau. Ça arrivait quand elle était fatiguée.

« Tch. »

Elle fit claquer sa langue une fois, puis s’était assise. Ses mains lui faisaient mal. Des ampoules s’étaient ouvertes sur elles. Elle sortit un tissu de sa poche et l’enroula de façon désintéressée autour de ses mains.

Cela faisait mal, mais ce n’était pas si douloureux. Elle se souvenait toujours de ce qui s’était passé il y a trois ans à la mâchoire inférieure du Wyrm rouge. Comparée à ça, elle avait l’impression de pouvoir résister à tout. La douleur ne signifiait rien pour elle, ni la douleur dans sa main, ni sa frustration. Ni même le fait qu’elle était seule en ce moment, sans lui à ses côtés.

« Rudeus. »

Elle avait soufflé son nom.

Éris n’avait pas réfléchi davantage. Elle n’était pas douée pour réfléchir. Elle n’était pas non plus très douée pour rester positive. Plus elle réfléchissait, plus elle réalisait qu’elle pouvait craquer.

« Ouf. »

Trois ans. Elle pensait être devenue plus forte, mais ce n’était toujours pas suffisant.

Éris s’était levée et avait recommencé à manier son épée.

Refoulant sa somnolence, Éris se dirigea vers la salle d’entraînement. À l’entrée se tenait un homme qu’elle ne reconnaissait pas — un homme frappant, en fait. Sa robe était teinte dans les couleurs de l’arc-en-ciel, et en dessous, il ne portait que des bottes jusqu’aux genoux, avec quatre épées à sa taille. Sur sa joue se trouvait un tatouage de paon, et ses cheveux étaient rassemblés dans un style qui s’ouvrait en éventail au sommet, comme une parabole. Lorsqu’il repéra Éris, il inclina légèrement la tête et tenta de la saluer.

« Je suis le… »

« Dégagez. »

Éris adressa un seul mot à l’homme qui se tenait entre elle et la salle d’entraînement. Elle n’avait pas envie d’en dire plus. Elle s’était aiguisée jusqu’à ses limites avec tous les balancements de son arme qu’elle avait faites. La lueur dans ses yeux au moment où elle regardait fixement était comparable à ceux d’une bête agressive. Une intention meurtrière émanait d’elle comme une flamme dévorante. C’était une sorte d’animal sauvage qui ne laissait personne s’approcher.

« Quoi… ?! »

L’homme avait immédiatement dégainé son épée.

« Vous êtes sur mon chemin. »

Éris avait fait un pas en avant en parlant. Pour elle, l’homme devant elle n’était rien d’autre qu’un obstacle. Un obstacle entre elle et son nid.

« Qu’est-ce que c’est que cette créature… ? »

Au début, l’homme n’avait même pas compris que des mots étaient sortis de sa bouche. Pendant un moment, tout ce qu’il voyait était une bête affamée à la recherche d’un repas. Puis Éris avait dégainé sa propre lame. Il avait finalement réalisé qu’elle était humaine, et une combattante à l’épée en plus.

« Vous pouvez m’appeler Auber, la lame paon. Je vois que vous êtes une étudiante du style du Dieu de l’épée. Puis-je vous demander de me guider pour rencontrer le Dieu de l’épée… », dit-il.

« Je vous ai dit de bouger. »

Irritée, Éris fit un autre pas en avant.

Elle lui disait de s’écarter de son chemin. Cependant, ces mots n’avaient pas été enregistrés par l’homme appelé Auber. La seule chose qui l’avait fait, c’était l’intention meurtrière d’Éris. Ça et le fait de réaliser qu’il était inutile de parler. Avec cela, Auber, avec une épée dans sa main droite, attrapa l’épée plus courte à sa taille avec sa main gauche. Cependant, il maniait son arme à l’envers, brandissant le côté plat de la lame vers elle.

À distance de frappe, Éris décida de supprimer l’obstacle sur son chemin par la force. Shkt ! Sa lame fendit l’air. Elle utilisait l’épée de lumière, une capacité aiguisée par toute sa pratique. Un adversaire normal n’avait aucun espoir de contrer la technique la plus mortelle du Style du Dieu de l’Épée.

« Hmph ! »

Mais cela ne valait que s’il s’agissait d’un adversaire normal. Auber avait saisi ses deux épées dans ses mains et les utilisait pour balayer l’attaque. Éris avait perceptiblement anticipé sa réaction et balançait maintenant sa lame dans la direction opposée.

« Ah… ! »

L’épée d’Éris avait été arrêtée par celle de la main gauche d’Auber. Elle utilisait deux mains pour manier la sienne, alors qu’il n’en utilisait qu’une, mais il avait facilement dévié son attaque. Sa lame glissa sur le côté, coupant simplement le bord de ses cheveux. Le corps d’Éris avait suivi l’élan de sa lame, la faisant trébucher sur son pied pivotant. À cette seconde précise, la main droite d’Auber vola vers son cou exposé.

« Tch ! »

Éris se débarrassa de son épée et se laissa tomber au sol en s’accroupissant. L’arme d’Auber traversa alors l’espace vide où elle se trouvait. Éris se déplaça comme un chat, se retournant sur elle-même. Elle essayait de récupérer son épée.

Auber repoussa son arme d’un coup de pied et celle-ci disparus dans la neige. Normalement, le match aurait dû s’arrêter là. Mais Éris ne s’était pas arrêtée. Dès qu’elle avait réalisé que son épée était perdue, elle se jeta sur Auber avec ses poings. Auber frappa sa joue contre le centre de sa lame avec assez de force pour briser sa pommette. Il avait laissé une simple coupure sur son visage.

Cependant, même après ça, Éris ne s’était pas arrêtée.

***

Partie 2

« Graaah ! »

Elle avait frappé sa mâchoire.

Auber avait essayé de l’arrêter en utilisant l’arme dans sa main gauche.

« Mrgh ! »

Sa main s’était emmêlée avec la sienne. Ses doigts s’étaient accrochés autour de la poignée. Auber sentit un frisson lui parcourir l’échine quand il réalisa qu’elle essayait de lui voler son épée. Cette bête ne s’arrêtera pas tant qu’il ne l’aura pas tuée.

Il donna alors un grand coup de pied à la femme enroulée autour de lui, l’envoyant dans les airs. Puis il réajusta sa prise sur son arme, de sorte que la lame soit maintenant face à elle.

Heureusement pour Éris, lorsqu’il l’avait lancée dans les airs, elle était tombée à l’endroit même où son épée avait atterri plus tôt. Sa respiration était irrégulière alors qu’elle prenait l’arme. Elle devait le tuer.

Ce fut au moment où Auber brandissait sa lame et commença à émettre une intention meurtrière qu’une voix se fit entendre.

« C’est assez. »

La soif de sang avait pris fin. Éris était déjà figée sur place, ayant perçu le changement de comportement de son adversaire. Le Dieu de l’épée était apparu sans qu’ils s’en rendent compte et se tenait maintenant à l’entrée de la salle d’entraînement. Auber rangea son épée et Éris se coucha sur le dos. Elle fixa le ciel, respirant toujours aussi fortement. Son visage était tordu de frustration.

Auber porta sa main droite à sa poitrine et inclina la tête.

« Cela fait trop longtemps, Maître Dieu de l’Épée. »

« Vous êtes donc venu, Empereur du Nord. »

« J’ai lu votre lettre. Et puis cette fille a attaqué. »

« Ahh, incroyable, n’est-ce pas ? »

« C’est la première fois que je vois un combattant à l’épée aussi acharné. Elle ressemblait presque à une bête. Ahh, c’est donc l’enfant qu’on appelle le Chien Fou. »

Éris écouta leur conversation en se levant. La façon dont elle avait dérivé de façon instable vers l’avant lui avait donné un air surnaturel. En la voyant, Auber avait préparé son épée à nouveau. Mais Éris se contenta de lui lancer un regard noir et entra dans la salle d’entraînement, disparaissant dans le bâtiment sans un regard pour l’homme qui resta abasourdi dans son sillage.

Elle essuya la blessure sur sa joue en se dirigeant vers sa chambre, sans prendre la peine d’enlever la neige qui lui collait au corps. Puis, une fois arrivée à destination, elle jeta son épée à la base de son oreiller et s’affaissa sur le lit dur. Ce fut ainsi qu’elle s’était endormie rapidement. Elle était frustrée d’avoir perdue, mais pour l’instant, c’était une question insignifiante.

◇ ◇ ◇

Ce soir-là, Ghislaine avait visité la salle éphémère. Le dieu de l’épée Gall Farion et son invité, l’empereur du Nord Auber, y étaient assis. Les sourcils de Ghislaine étaient légèrement froncés, mais elle n’avait montré aucun signe extérieur d’attention envers Auber. Elle s’était approchée du Dieu de l’Épée et lui avait demandé sans détour : « Maître, pourquoi n’apprenez-vous rien à Éris ? »

Le Dieu de l’épée écouta et gloussa : « Je l’ai déjà fait, non ? »

« Vous voulez dire, comment manier son épée ? »

« Non. Comment se tempérer », répondit-il comme si c’était évident.

La rudesse normale de sa voix était absente. C’était une réponse calme.

Ghislaine ne se souciait pas beaucoup de ce côté de sa personne. Ce fut pourquoi elle avait rassemblé ce qu’elle avait d’intelligent et choisi ses mots avec soin.

« Vous l’avez toujours dit vous-même : “Faites tout logiquement”. »

« Je l’ai dit. »

« Alors qu’est-ce que vous faites avec Éris ? Elle est là à brandir son épée tous les jours comme une idiote qui ne connaît rien d’autre. En quoi est-ce logique ? »

Il avait l’air ennuyé : « Hm ? Depuis quand es-tu devenu un tel casse-pieds ? »

« Depuis avant que je revienne ici ! »

« Alors tu ne vas plus écouter ce que ton maître te dit ? »

« Mais-ugh ! »

Ghislaine avait soudainement reçu un coup d’épée. Pour une personne ordinaire, il aurait semblé que l’arme soit apparue comme par magie dans la main du Dieu de l’Épée. Ghislaine, cependant, pouvait le voir la dégainer. Elle n’avait juste pas pu réagir à temps. Face à l’homme le plus rapide du monde, personne ne pouvait, pas même un Roi de l’Épée.

« Ghislaine. Je regrette un peu la façon dont je t’ai enseigné. »

« … »

« Tu étais comme un tigre affamé, mais maintenant tu es comme un chaton qui a perdu ses crocs. Si tu étais resté comme ça, tu serais déjà un Empereur de l’Épée. »

Ghislaine avait dégluti en entendant ses mots. Elle avait l’impression de s’être affaiblie récemment, mais elle ne pensait pas que c’était entièrement mauvais. Il était vrai que sa progression à l’épée avait stagné. Mais elle avait gagné des choses importantes en échange : l’intelligence et la sagesse. Des choses qu’elle n’aurait pas pu obtenir en maîtrisant l’épée.

« Je ne vais pas aussi laisser Éris perdre ses crocs. »

Gall rangea son épée comme pour dire : maintenant tu comprends, n’est-ce pas ?

Ghislaine bouda en répondant : « Je ne comprends pas. Pourquoi ne veux-tu pas qu’elle s’entraîne ? »

Le Dieu de l’épée poussa un soupir, se rappelant que Ghislaine était le genre d’enfant qui avait besoin d’explications approfondies pour comprendre.

« Écoute. Si quelqu’un veut devenir meilleur que moi, il doit être capable de comprendre les choses par lui-même. C’est après tout comme ça que je suis arrivé là où je suis. Bien sûr, il faudra qu’il ait le talent et fasse les efforts nécessaires pour mériter le titre de “Dieu de l’épée”, mais laissons cela de côté. L’objectif d’Éris est le Dieu Dragon Orsted. Son existence défie toute logique. C’est un monstre qui dépasse l’imagination. Elle ne peut pas le battre avec mes seuls enseignements. »

L’homme avait un regard nostalgique sur son visage alors qu’il finissait de parler. Il avait en fait combattu le Dieu Dragon lui-même, avant qu’il ne soit appelé le Dieu de l’Épée, lorsqu’il n’était qu’un Saint de l’Épée, fort, mais arrogant. Il avait perdu lamentablement, au point qu’il ne savait toujours pas pourquoi sa vie avait été épargnée, ou plus important encore, pourquoi tous ses membres étaient encore intacts.

Après avoir perdu son ego, il s’était fixé comme objectif de surpasser Orsted et s’était entraîné dans ce but depuis lors. Ce fut ainsi qu’il était devenu le Dieu de l’épée. C’était aussi exactement pourquoi il ne voulait pas que quelqu’un d’autre se mêle de cette affaire.

« Hé, Ghislaine, faire des exercices n’est pas la même chose que s’entraîner. Surtout si tu as un objectif à atteindre. Ça ne sert à rien d’agir comme un chien obéissant et de faire ce que quelqu’un d’autre te dit. Tu comprends ? »

« Maître, tu dis toujours des choses si compliquées. Je ne comprends pas. »

« Hah. »

Il ricana suite à sa réponse. C’est ça, cette idiote ne comprendra pas si je ne lui explique pas tout clairement.

« En d’autres termes, cela signifie que le fait d’apprendre de moi ne lui apportera rien de bon. C’est pourquoi j’ai préparé un tas de choses pour elle, en commençant par lui. »

Le Dieu de l’épée fit un geste en direction d’Auber, qui à son tour inclina le menton en guise de salutation.

« Je suis l’Empereur du Nord Auber Corbett. Dans les rues, on m’appelle la Lame Paon. »

Ghislaine fronça les sourcils. Il y avait une odeur indescriptible émanant de l’homme. Ce n’était pas une odeur corporelle, mais quelque chose de puissamment citronné. Très probablement de l’eau de Cologne. Une odeur désagréable pour un homme-bête comme Ghislaine.

« Et qu’est-ce qu’un membre du Style du Dieu du Nord fait ici ? »

« Je réponds à la demande du Dieu de l’Épée d’instruire un de ses élèves. »

Son expression était devenue plus suspicieuse alors qu’elle interrogeait le Dieu de l’Épée.

« Pourquoi quelqu’un du Style Dieu du Nord ? Je ne vois pas comment leurs trucs sournois pourraient convenir à Éris. »

« Parce que le Dieu Dragon les utilisera contre elle. »

Le doute sur le visage de Ghislaine ne faisait que s’accentuer. Elle n’avait jamais entendu dire que le Dieu Dragon était un épéiste du style Dieu du Nord.

« Qui est ce Dieu Dragon ? », demanda-t-elle.

« L’enfer si je le sais. Ce que je sais, c’est qu’il a tous les mouvements du Style du Dieu de l’Épée, du Style du Dieu du Nord — toutes ces écoles de combat à l’épée — dans son arsenal. Naturellement, cela signifie qu’il peut les utiliser, et qu’il sera capable de contrer tous les mouvements utilisés contre lui. Tu dois les apprendre aussi, parce que si tu ne le fais pas, tu ne te battras pas à armes égales. »

L’expression de Ghislaine avait perdu son tranchant. Apprendre les techniques que votre adversaire utiliserait contre vous, c’était logique.

« Je vois. Alors tu vas finir par convoquer quelqu’un du Style du Dieu de l’Eau aussi ? »

« Oui, j’ai déjà envoyé une lettre. »

« Vraiment ? »

Sa queue avait remué joyeusement.

Le Dieu de l’Épée avait souri ironiquement à cela. Ghislaine serait satisfaite tant que la réponse était quelque chose qu’elle pouvait facilement comprendre. Cette partie d’elle n’avait jamais changé.

« Bien, Maître Empereur du Nord, j’espère que vous passerez un séjour relaxant ici. »

Maintenant que les doutes de Ghislaine avaient été dissipés, elle se leva et présenta ses respects à l’Empereur du Nord. Elle s’était mise à genoux, comme le veut l’étiquette unique du style du dieu de l’épée.

« En effet, Maître Roi de l’Épée. J’espère que nous pourrons avoir une relation amicale durant mon séjour ici. »

Auber avait également mis une main sur sa poitrine et avait retourné le geste.

Avec cela, l’entraînement d’Éris passa à l’étape suivante. Un an plus tard, elle sera reconnue comme une Sainte du Dieu du Nord.

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Chapitre 14 : Illustrations

Fin du tome.

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