Mushoku Tensei (LN) – Tome 9 – Histoire bonus 4

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Histoire bonus : Sylphiette (Partie 0)

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Histoire bonus : Sylphiette (Partie 0)

Partie 1

Cette nuit-là, j’avais rêvé du passé, de l’arrivée de Rudy à l’université.

C’était ma troisième année à l’université de magie de Ranoa. Linia et Pursena s’étaient assagies après leur défaite, et la princesse Ariel avait obtenu le poste de présidente du conseil des étudiants. Ces succès avaient attiré de nombreux nouveaux partisans dans notre camp, tout se passait relativement bien. À ce stade, nous avions recruté le plus grand nombre possible d’étudiants et de professeurs influents de l’école. Nous avions aussi décidé de commencer à attirer de puissants alliés potentiels à l’Université de la Magie, où nous pourrions ensuite tenter d’obtenir leur coopération. Et alors que nous travaillions sur ce projet, nous étions tombés sur quelque chose de totalement inattendu.

Plus précisément, nos recherches nous avaient menés à une personne connue sous le nom de « Quagmire Rudeus ». J’avais immédiatement su que ça devait être Rudy. Quagmire était décrit comme un jeune magicien qui avait rapidement gravi les échelons jusqu’au rang A de la Guilde des Aventuriers. Il n’était dans cette région que depuis quelques années, mais la nouvelle de ses exploits s’était déjà répandue dans toutes les nations magiques. Sa spécialité était la magie de terre. Il était difficile de juger de sa puissance réelle d’après les rumeurs, mais la plupart disaient qu’il pouvait invoquer un bourbier sans dire un mot.

L’incantation silencieuse était le détail qui m’avait convaincue que ça devait être lui. Et avec le recul, il avait aussi utilisé la magie de boue la toute première fois que nous nous sommes rencontrés. Rudy pouvait utiliser la magie de l’eau de niveau Saint, les gens avaient donc tendance à s’attendre à ce qu’il s’en serve. Mais il préférait utiliser des trucs astucieux comme se faire exploser avec des ondes de choc, ou invoquer des tourbières pour ralentir ses adversaires.

J’avais expliqué à la Princesse Ariel que Quagmire Rudeus était très certainement le garçon qui m’avait appris la magie, mon vieil ami qui avait disparu depuis de nombreuses années.

« Eh bien, si c’est le vrai, ce serait vraiment une bonne chose que de l’avoir de notre côté… »

À l’époque, la Princesse Ariel était manifestement sceptique à propos de Rudy. C’était compréhensible. Les rumeurs qui circulaient à son sujet semblaient vraiment louches. Et voici ce qu’elles disaient :

Rudeus Greyrat était né dans le village de Buena, situé dans la région de Fittoa du royaume d’Asura. Alors qu’il n’avait que trois ans, il avait commencé à étudier sous la tutelle de Roxy Migurdia, mage de l’eau de niveau Roi (bien qu’elle ne soit que de niveau Saint à l’époque). À l’âge de cinq ans, il était devenu un mage de l’eau de niveau Saint à part entière. À sept ans, il devenait le précepteur d’Éris Boreas Greyrat, la fille du Seigneur féodal de la Citadelle de Roa; au cours des années suivantes, il transforma cette enfant sauvage et incontrôlable en une jeune femme respectable. Après cela, il avait été porté disparu lors de l’incident de téléportation.

À l’époque, je n’aurais probablement pas haussé un sourcil devant tout cela. Mais maintenant, après avoir vécu au Palais d’Argent et étudié à l’Université de Magie, je devais admettre que cela me semblait bizarre. Même fictif.

Bien sûr, je savais que Rudy avait vraiment étudié avec Roxy, et qu’il la respectait profondément. Je n’avais jamais rencontré Roxy moi-même, mais je savais qu’elle avait passé du temps au Village Buena. En fait, la baguette que je portais était un objet qu’elle avait donné à Rudy. La partie concernant le fait qu’il soit devenu précepteur à l’âge de sept ans était également logique; cela devait être juste au moment où il avait été expédié hors du village par ses parents.

« Crois-moi, Princesse Ariel, ces informations sont exacte. C’est à tous les coups lui. »

« Peut-être bien. Mais je dois dire, en toute honnêteté, que ces rumeurs sont plutôt difficiles à croire. »

La Princesse Ariel et Luke n’avaient pas été convaincus par mes affirmations. Ils étaient convaincus que je ne leur mentais pas délibérément, mais ils ne croyaient pas non plus à cette histoire. Je ne pouvais pas leur en vouloir. Je connaissais Rudy personnellement, et cela semblait fou, même pour moi.

« En tout cas, un magicien aussi remarquable nous prêterait-il vraiment son aide ? Sans oublier que cette personne a des liens avec les Greyrats de Boreas ? »

Je n’étais pas encore très familière avec l’enchevêtrement d’alliances et de rivalités qui définissait les familles nobles d’Asura. Je n’avais passé qu’un an à la cour, et il y avait trop de choses à apprendre. Mais j’en savais beaucoup sur les différentes branches de Greyrat. La famille Boreas était loyale au premier prince. Ce qui en faisait nos ennemis. Et si Rudy travaillait pour eux, il y avait de fortes chances qu’il soit aussi notre ennemi.

Cela dit, il semblait évident qu’il avait coupé les ponts avec eux depuis un moment. Sinon, il ne serait pas très logique qu’il se promène dans les Territoires du Nord en tant qu’aventurier.

« Je suis sûr qu’il va nous aider si je le lui demande… »

Ma voix n’était pas particulièrement sereine. Je n’arrivais même pas à me convaincre que c’était vrai.

Luke ricana d’amusement : « Avec une poitrine aussi plate, tu ne vas pas convaincre un homme de chez les Notos. »

J’avais couvert ma poitrine avec mon bras et j’avais lancé un regard furieux à Luke. Il était toujours comme ça. Il ne manquait jamais une occasion de se moquer de la platitude de ma poitrine. Selon lui, les femmes qui n’ont pas de « vrais seins » ne sont même pas des femmes, ce qui signifiait que j’étais la définition même de l’inintérêt. Je n’étais pas sûre de ce qu’il voulait que je fasse à ce sujet. J’avais du sang d’elfe dans les veines, et les elfes n’étaient pas voluptueuses.

Pour être honnête, Luke adoucissait généralement le coup à la fin : « Je suppose néanmoins que c’est la raison pour laquelle nous sommes amis. »

C’était agréable de savoir qu’il me considérait comme une amie. Pourtant, les insultes constantes sur mon apparence ne faisaient pas vraiment de merveilles pour mon estime de soi. Je savais que mon apparence n’était pas remarquable comparée à celle de la Princesse Ariel, mais c’était une barre vraiment haute à franchir.

« Ce n’est même pas ce que je voulais dire, Luke ! »

« Eh bien, qu’est-ce que tu voulais dire, alors ? Tu n’as sûrement pas l’intention de lui révéler ta véritable identité. »

« Huh ? Oh… tu as raison. »

J’étais censée être Silent Fitz maintenant. Je ne pouvais pas faire sauter ma couverture… Et maintenant ?

« Je suis quand même très heureuse pour toi, Sylphie. Ça doit être merveilleux de trouver quelqu’un que tu as cherché pendant tout ce temps. », dit la Princesse Ariel avec un sourire.

Vraiment, la princesse était une personne gentille. Elle pouvait parfois être très sévère, et elle passait beaucoup de temps à préparer toutes sortes de complots sournois, mais au fond, elle avait bon cœur. Je le savais maintenant. Mais malgré tout, je ne m’attendais pas à ce qui allait suivre.

« Je vais faire une exception spéciale. Tu peux révéler ton identité à ce Rudeus. »

« Hein ? »

Quoi ? Elle était prête à démasquer Silent Fitz ?

« Mais Princesse Ariel, notre plan entier pourrait s’effondrer… »

J’étais consciente de l’importance du rôle que je jouais dans notre stratégie globale. Fitz était l’incarnation vivante du pouvoir de la Princesse Ariel. C’était un homme aux origines mystérieuses et aux compétences magiques remarquables qui restait silencieusement à ses côtés, obéissant à chacun de ses ordres. Cela ajoutait beaucoup à sa mystique, et la rendait beaucoup plus intimidante.

Au cours des dernières années, je m’étais rendu compte que j’étais assez puissante pour battre un magicien ou un épéiste moyen sans problème. Je supposais que Rudy m’avait bien formée. Je n’étais pas encore au niveau du Roi ou Empereur, et encore moins à celui des Sept Grandes Puissances, mais je pouvais probablement tenir tête à un Saint de l’Épée. Je n’étais pas de taille à affronter les guerriers de niveau Roi que certains des autres prétendants au trône pouvaient invoquer, mais pour l’instant, j’étais l’arme la plus puissante de l’arsenal de la faction de la princesse Ariel. Il y avait un bon nombre de personnes à l’Université qui avaient décidé de la soutenir parce qu’elle avait gagné la loyauté d’une personne aussi forte que « Fitz ». Si l’on apprenait que je n’étais en fait qu’une fille ordinaire d’un village perdu, ces gens pourraient très bien se séparer de notre camp.

De toute façon, mes capacités étaient évidemment toujours réelles… mais les gens ne pensaient pas toujours à ces choses de manière trop logique.

« Tu as déjà fait beaucoup pour moi, Sylphie. Je te dois au moins une réunion émotionnelle avec ton ami. »

« Mais… »

« Si d’une manière ou d’une autre, cela devait entraîner l’effondrement de tous nos plans, je suis prête à accepter ce résultat. Et dans tous les cas, si nous devons amadouer ce jeune homme pour qu’il vienne de notre côté, qui de mieux pour le recruter que son amie d’enfance ? », interrompit Ariel d’une voix ferme et décisive.

« … Merci, Princesse Ariel. »

J’avais hésité un instant, mais j’avais fini par exprimer simplement ma gratitude. La princesse était manifestement à la recherche d’un profit personnel, mais cela ne me dérangeait pas à ce stade.

Qu’est-ce que Rudy allait penser quand il me verrait maintenant une fois adulte ? J’étais déjà impatiente de le voir.

Notre plan pour attirer Rudy à l’université s’était bien déroulé. Nous avions transmis nos informations sur lui à l’administration, en laissant légèrement entendre que ce serait une bonne idée de le recruter. Le vice-principal Jenius s’était occupé du reste sans autre forme de procès.

Quelques mois plus tard, le jour que j’attendais était enfin arrivé. J’étais dans une classe de compétences pratiques dans la salle de formation lorsque le vice-principal entra avec quelqu’un juste derrière lui. Quand j’avais vu qui c’était, j’avais failli crier de joie.

C’est Rudy ! C’est vraiment Rudy !

Il n’y avait aucun doute là-dessus. Son visage était un peu plus sombre qu’avant, mais c’était bien Rudy. On ne pouvait pas le confondre.

Oh là là ! Il est si beau !

On pouvait encore voir des traces du garçon que j’avais connu au village, mais il avait beaucoup grandi. Ses mouvements étaient aussi doux et réguliers — il était évident qu’il s’était beaucoup entraîné. La robe qu’il portait était légèrement en lambeaux, mais cela ajoutait un soupçon de danger. On pouvait dire qu’il avait traversé de nombreuses batailles dans cette chose. Il portait son bâton avec une certaine aisance.

Alors qu’il entrait dans la salle d’entraînement, Rudy regardait tout autour de lui, étudiant soigneusement son environnement. C’était quelque chose qu’il faisait depuis qu’on était enfants. Je pensais que j’allais l’épouser à l’époque, mais peut-être qu’il n’était pas de taille pour moi… Plus je le regardais, plus mon corps devenait chaud.

Prise d’une impulsion soudaine, j’avais fait un pas en avant, prête à courir en criant son nom.

« Ru… »

Mais au moment où je commençais à parler, je m’étais figée sur place. Une très belle femme venait d’entrer dans le hall derrière Rudy.

Attendez… est-ce la femme de Rudy ?

À ce qu’il semblait, c’était une elfe. Quelque chose en elle me rappelait mon père. Son visage était élégant et digne, elle ressemblait un peu à une reine, ou peut-être à une riche noble. Et elle était accrochée à Rudy. Il semblait un peu exaspéré par son comportement, mais il ne s’était pas plaint et ne l’avait pas repoussée.

Huh ? Huh ?

Alors que je restais là à regarder, abasourdie et déconcertée, j’avais perdu l’occasion de courir le saluer.

Quelques minutes plus tard, on m’avait appelée pour faire passer à Rudy son « examen d’entrée ». Je supposais qu’ils voulaient vérifier s’il pouvait vraiment jeter des incantations silencieuses.

À ce moment-là, j’avais réussi à me calmer un peu. Ce n’était pas étrange que Rudy ait une belle femme dans sa vie, vue comme il était devenu beau. C’était ce que je me disais. Ça n’avait pas d’importance qu’il soit marié maintenant. Ça n’en avait vraiment pas. Après tout, nous n’étions tous les deux que des amis. Pourquoi cela poserait-il un problème ?

Je devais le féliciter. Eh bien, pas tout de suite, bien sûr. Nous pourrions d’abord prendre le temps de célébrer le fait que nous étions tous les deux en vie. En gardant ces pensées bien ancrées dans mon esprit, je me préparai à ma première conversation avec Rudy depuis de nombreuses années.

« C’est un plaisir de vous rencontrer. Je m’appelle Rudeus Greyrat. »

Je m’étais figée sur place.

Un plaisir… de me rencontrer ?

Hein ? Euh… quoi ? Pas possible. Attends un peu. Est-ce qu’il… m’a oubliée ?

« Si tout se passe bien, je serai en première année au prochain semestre. Si vous trouvez que je manque de quelque chose, j’espère que vous m’aiderez à me guider et à m’encourager. »

« Ah… hein ? »

Après quelques instants de total ahurissement, je m’étais finalement souvenue que je portais une grosse paire de lunettes de soleil, que j’avais maintenant des cheveux blancs et que j’étais habillée comme un garçon. En plus de tout cela, huit ans s’étaient écoulés depuis que nous nous étions séparés. J’avais grandi pendant ce temps. Il serait stupide de s’attendre à ce qu’il me reconnaisse immédiatement.

J’étais allée trop loin dans ma propre tête. Je l’avais reconnu, alors j’avais supposé qu’il me reconnaîtrait. Je n’avais purement et simplement pas les idées claires. Tout ce que j’avais à faire était d’enlever mes lunettes de soleil et de lui dire qui j’étais vraiment. La Princesse Ariel m’avait déjà donné la permission. Je ne pouvais pas le faire en public, mais je pouvais toujours l’appeler dans un endroit privé plus tard.

***

Partie 2

Mais alors même que je pensais à ça, une autre pensée m’avait traversé l’esprit. Une pensée très désagréable.

Rudy ne se souvient plus de moi, hein… ?

Une fois que je m’étais permis de penser ça, mon destin était scellé. Mes lunettes de soleil n’allaient nulle part. Et si je lui montrais mon visage, que je lui disais mon nom, me dirait-il encore : « Désolé, qui êtes-vous déjà ? »

Cette pensée était trop douloureuse à supporter.

« Oh, o-oui ! »

J’avais bégayé maladroitement. Toutes les choses que j’avais prévu de dire à Rudy étaient parties, éparpillées au vent. Je ne savais même plus ce que je devais lui dire. Et avant que j’aie eu le temps de rassembler mes idées, l’examen avait commencé.

J’avais perdu notre duel. Rudy m’avait complètement écrasée.

Il avait commencé par lier ma magie avec un sort que je n’avais jamais vu auparavant. Alors que je restais là sans défense, il avait lancé un sort Canon de Pierre incroyablement puissant qui effleura ma joue. Il aurait bien sûr pu me frapper s’il l’avait voulu. Il y était allé doucement avec moi.

Tous les progrès que j’avais faits en tant que magicienne me semblaient complètement hors de propos. Rudy avait pris beaucoup, beaucoup d’avance sur moi.

« Comment as-tu fait ça à l’instant ? »

C’était la seule chose que je pouvais réussir à lui demander.

« Ça s’appelle Magie de Disturbation. Vous ne connaissez pas ? »

Je n’en avais jamais entendu parler. C’était probablement un obscur sort secret transmis par les membres d’une tribu spécifique ou quelque chose comme ça. Je doutais que quiconque à l’université reconnaisse ce nom.

Rudy est incroyable…

Bien sûr, je le savais depuis le début. Mais il l’avait vraiment fait comprendre. Je ne pouvais pas m’empêcher de me sentir un peu impressionnée par lui. J’avais travaillé comme une folle pendant des années pour arriver là où j’étais, mais lui avait grandi bien plus que moi.

Alors que je fixais Rudy, ce dernier s’était lentement incliné vers moi.

« Merci, monsieur ! Pour avoir fait exprès de perdre afin que je puisse être beau devant tout le monde ! »

« Huh ? »

Maintenant, j’étais encore plus confuse qu’avant. Rudy n’était pas du tout cohérent. Je n’avais aucune chance contre lui, et il devait le savoir. De quoi parlait-il ? Totalement déconcertée, j’avais serré la main de Rudy quand il me l’avait tendue. Elle ne ressemblait pas à la main d’un magicien, mais plutôt à celle d’un épéiste. Il y avait des callosités là où les ampoules s’étaient formées et brisées. Rudy avait probablement même passé plus de temps avec une épée dans sa main que Luke. Et il n’était même pas épéiste.

Même dans mon état de confusion, je sentais mon cœur battre plus fort qu’avant. La chaleur de Rudy se répandait dans ma main, et cela me rendait irrationnellement heureuse.

Il continuait pourtant à dire des choses qui n’avaient aucun sens.

« Je m’assurerai de vous remercier correctement plus tard. »

De quoi parlait-il ? Je ne comprenais vraiment pas. Sentant que je commençais à rougir, j’avais juste hoché la tête.

Une fois qu’il fut parti, je m’étais souvenue qu’il ne m’avait pas du tout reconnue. J’avais dû prendre un temps pour pleurer.

Un mois plus tard, j’avais vu Rudy à la cérémonie d’entrée. Il avait l’air encore plus vif qu’avant, maintenant qu’il portait l’uniforme de l’école. Quand nos regards s’étaient croisés, mon cœur fit un bond.

Pourtant, il s’était inscrit ici en tant qu’étudiant spécial. Il n’avait probablement plus grand-chose à apprendre ici, je m’étais donc dit que nous ne nous rencontrerions pas très souvent. Après l’examen d’entrée, j’avais discuté de la question avec les autres, et nous avions décidé que je ne devais pas approcher Rudy trop agressivement s’il ne se souvenait pas de moi. La princesse Ariel et Luke avaient dit toutes sortes de choses pour justifier leur opinion à ce sujet, mais ils semblaient surtout contrariés que Rudy m’ait oubliée. Ça m’avait un peu encouragée. Je pouvais voir qu’ils se souciaient de moi en tant qu’amie.

Finalement, la princesse avait dit qu’elle me laisserait décider. Il semblerait que nous n’allions pas le recruter immédiatement pour notre cause, mais nous pourrions toujours mener une campagne plus lente pour le gagner, comme nous l’avions fait avec beaucoup d’autres. Elle ajouta que « Fitz », en tant que collègue lanceur d’incantations silencieuses, était le mieux placé pour le recruter. Avec le recul, je pense qu’elle était bien consciente que j’avais des sentiments pour Rudy.

Mais comment dois-je m’y prendre pour lui parler ?

Le lendemain de la cérémonie, j’avais passé le reste de la journée à y réfléchir tout en suivant les cours de la Princesse Ariel. La princesse devait être un exemple pour les autres élèves, elle devait donc avoir d’excellentes notes. Et c’était parfois difficile d’être au sommet.

Pour une raison quelconque, ils enseignaient la magie combinée d’une manière très différente ici. Rudy était censé l’avoir apprise de son maître Roxy, qui avait étudié dans cette école, donc je m’attendais à ce que les méthodes d’enseignement soient familières. J’avais eu l’impression qu’ils l’avaient rendu vraiment compliqué. Mais comme je pouvais compter sur les enseignements de Rudy, je finissais toujours par comprendre. La Princesse Ariel et Luke, par contre, avaient du mal. Je faisais de mon mieux pour les aider, mais lorsque j’essayais d’expliquer les choses comme Rudy l’avait fait, cela ne faisait que les troubler davantage.

« Fitz, tu peux m’apporter quelque chose qui pourrait m’aider pour le prochain cours ? »

Lorsque mes explications ne suffisaient pas, la Princesse Ariel me demandait souvent de passer à la bibliothèque pour chercher des ouvrages de référence utiles. La bibliothèque était un bâtiment à part entière, et il ne restait plus beaucoup de temps avant le prochain cours. Mais comme je la fréquentais depuis trois ans, j’avais une bonne idée de l’endroit où trouver des livres sur un sujet particulier. Il ne m’avait fallu qu’un instant pour imaginer où je trouverais le matériel dont elle avait besoin.

Une fois que j’y étais arrivée, je m’étais déplacée rapidement dans les allées, attrapant un livre après l’autre. À ce rythme, je serais de retour en un rien de temps.

Mais ce fut alors que je vis une certaine personne se tenir devant une étagère voisine. J’avais laissé échapper un petit cri de surprise.

« Oh ! »

Rudy était aussi dans la bibliothèque. J’avais pensé trouver une excuse pour aller le voir dans les prochains jours, mais là, je suis tombée sur lui par pure coïncidence. Qu-Qu’est-ce que je dois dire ? !

Et alors que je commençais à paniquer, Rudy jeta un coup d’œil et me remarqua. Et un instant plus tard, il inclina profondément la tête.

« Je m’excuse pour l’autre jour. Ce sont mes actions superficielles qui vous ont fait perdre la face. J’avais prévu de vous apporter une boîte de bonbons, mais malheureusement, en tant que nouvel étudiant, j’ai été occupé par tellement de choses… »

« Guh ?! N -non, c’est bon, s’il te plaît ne t’incline pas. »

Apparemment, Rudy avait l’impression que j’étais en colère contre lui. C’était une surprise… mais cela expliquait pourquoi il avait inventé ces bêtises après l’examen. En y repensant, il m’avait un peu embarrassée en public, n’est-ce pas ? Oui.

… Peut-être que ça avait aussi quelque chose à voir avec la raison pour laquelle la Princesse Ariel avait l’air si contrariée plus tôt. J’étais partie du principe que je n’avais aucune chance contre Rudy, même si je ne m’attendais pas à ce qu’il me batte aussi sèchement. Mais la Princesse Ariel et Luke étaient probablement un peu mécontents que j’aie perdu tout court.

Ce n’était cependant pas important pour le moment. Je devrais y réfléchir plus tard.

« Rudy-um, je veux dire, Rudeus, c’est ça ? Qu’est-ce que tu fais ici ? »

« Juste un peu de recherche. »

« Sur quoi ? »

« L’incident de téléportation. »

Ces mots me firent réfléchir pendant un moment. Y avait-il une chance qu’il ait eue les mêmes pensées que moi ?

« L’incident de déplacement ? Pourquoi ? »

« Je vivais dans la région de Fittoa du Royaume d’Asura, et j’ai été téléporté sur le Continent Démon après l’incident. »

« Le Continent Démon ?! »

Une fois de plus, je m’étais retrouvée trop surprise pour trouver des mots. J’avais bien sûr entendu parler du Continent Démon. C’était censé être un endroit terriblement dur où chaque monstre était de rang D ou plus. Certains épéistes dévoués s’y rendaient parfois pour s’entraîner, mais la plupart n’en revenaient jamais. On disait que les personnes qui y avaient atterri lors de l’incident de téléportation n’avaient aucune chance de survie. Mais Rudy était revenu en un seul morceau.

« Oui. Il m’a fallu trois ans pour rentrer chez moi. Toute ma famille a été retrouvée depuis, mais il y a encore une de mes connaissances qui a disparu. C’était une bonne occasion de faire quelques recherches. »

« C’est pour ça que tu es venu dans cette école ? »

« C’est exact. »

C’était incroyable. Honnêtement, incroyable.

« Je vois. Tu es vraiment incroyable. »

Il avait passé trois longues années à revenir du Continent Démon. Et ensuite, au lieu de pousser un grand soupir de soulagement, il était parti à la recherche d’autres personnes, ce qui était impressionnant en soi. Mais quand l’Université lui avait tendu la main, il avait sauté sur l’invitation comme une chance d’en apprendre plus sur l’Incident. Quelle détermination ! Si j’avais été à sa place, je me serais effondrée de fatigue dès que je serais rentrée chez moi et j’aurais passé les deux années suivantes à traîner dans un camp de réfugiés.

« Mais, si je puis me permettre, qu’est-ce que vous faites ici ? »

La question m’avait sortie de ma rêverie. J’avais oublié les livres de référence que j’étais censée rapporter à la Princesse Ariel. J’avais franchement envie de continuer à parler à Rudy, mais je ne pouvais pas la laisser en plan. Le cours allait bientôt commencer.

« Oh oui. J’ai des documents sur moi. Je dois y aller maintenant. À bientôt, Rudeus. »

« Oui, bien sûr, à plus tard. »

Alors que je me détournais pour vérifier les documents que j’avais rassemblés, quelque chose m’était soudainement apparu. Cette bibliothèque était vraiment grande et contenait des tonnes de livres, mais il y en avait relativement peu qui contenaient des informations relatives à l’incident de téléportation. Rudy était peut-être brillant, mais trouver ce qu’il cherchait lui prendrait probablement du temps.

« Oh, c’est vrai. Tu devrais lire un livre d’Animus sur la téléportation, intitulé Compte-rendu exploratoire du labyrinthe de la téléportation. C’est un livre de non-fiction, mais facile à lire. »

Pour commencer, je lui avais recommandé un livre qui m’avait aidée à comprendre la téléportation. Il était assez simple pour que même un enfant puisse en apprendre les bases. Et il mentionnait également certains détails spécifiques qui étaient souvent retirés des livres plus avancés sur le sujet.

Légèrement satisfaite de moi, j’avais quitté la bibliothèque.

Ce soir-là, je lavais une brassée de sous-vêtements. Et plus précisément les sous-vêtements de la Princesse Ariel.

Il y avait une raison pour laquelle ce travail m’avait été confié. Tout d’abord, les sous-vêtements de la Princesse étaient faits d’un tissu extrêmement coûteux. Et le fait qu’ils aient été portés par une Princesse d’Asura ajoutait considérablement à leur valeur. En d’autres termes, on pouvait les vendre pour pas mal d’argent au marché noir. Il y eut en fait un incident peu de temps après notre inscription ici. Certaines de ses culottes avaient été volées après que nous les ayons envoyées au lavage. Sur les cinq qui avaient été lavées, quatre avaient disparu. Trois d’entre elles avaient ensuite été vendues, et l’étudiant responsable en avait gardé une pour son usage personnel. Certaines des filles les plus innocentes de notre dortoir avaient poussé des cris de dégoût lorsque cet incident avait été révélé. Mais pour la Princesse Ariel, qui avait grandi à la cour royale d’Asura, et moi-même, qui avait été son assistante pendant un bref moment, ce n’était pas vraiment choquant. Il y avait beaucoup de gens dans cet endroit qui faisaient régulièrement des choses bien plus dépravées.

Cependant, cela ne signifiait pas que la situation n’était pas désagréable. Depuis lors, faire la lessive de la Princesse était devenu l’une de mes tâches officielles. Elle avait légèrement hésité à me confier cette tâche, mais je pouvais laver mes propres vêtements en même temps, ce qui n’était pas très gênant.

D’ailleurs, afin de dissimuler mon sexe, je portais maintenant exactement la même culotte que la princesse, mais d’une couleur différente.

J’avais terminé la lessive de la journée et je m’étais dirigée vers le balcon pour mettre les sous-vêtements à sécher. Le reste pouvait attendre, mais nous voulions que ceux-ci soient prêts pour demain. Mais juste au moment où je commençais à les accrocher sur la corde à linge…

« Hein ? »

J’avais jeté un coup d’œil à la route en contrebas, et j’avais vu quelque chose qui m’avait fait cligner des yeux de surprise. Il y avait un étudiant qui marchait le long du chemin, même si le soleil s’était couché.

Le règlement du dortoir était très strict à ce sujet : les hommes n’avaient pas le droit de se promener sur ce chemin après la tombée de la nuit. Personne ne voulait se faire voler sa culotte, et même si ce n’était pas encore la saison des amours, il fallait aussi tenir compte de ça. À quoi pensait ce garçon, en venant ici à cette heure ? Peut-être qu’il prenait juste un raccourci pour retourner à son propre dortoir. Mais même si c’était le cas, il serait probablement entouré par le « comité d’autodéfense » du premier étage bien assez tôt.

En fait, ne devrais-je pas le prévenir dès maintenant ? La première personne qui repérait un garçon à cette heure-ci était censée le faire savoir à tous les autres. Je n’étais pas censée parler à voix haute si je pouvais l’éviter, cependant…

Attendez une seconde, est-ce que ma vue me joue des tours ?

Alors que le garçon se rapprochait, j’avais réalisé que c’était Rudy. Qu’est-ce qu’il faisait ici ? !

Dans ma surprise, mes mains glissèrent. La culotte que je tenais s’était envolée dans les airs… en direction de Rudy. Et à l’instant où elle passait devant son visage, celui-ci l’attrapa d’un rapide claquement de main.

Il est si rapide… !

Il n’avait jamais baissé sa garde, hein ? La vitesse de cette réaction m’avait appris quelque chose sur ce qu’il fallait faire pour traverser le Continent Démon en vie.

***

Partie 3

Après quelques secondes, Rudy sembla réaliser que ce qu’il tenait était une paire de sous-vêtements. Il leva les yeux, me repéra, et souleva la culotte comme pour dire « tu as fait tomber ça ». C’était un geste lent, désinvolte, très différent de son mouvement réflexe de tout à l’heure.

Mais oui, bien sûr ! Il vient de s’inscrire aujourd’hui ! Il ne le sait pas !

Rudy était un étudiant spécial, et ils avaient tous une chambre pour eux. J’avais entendu dire qu’ils étaient également exemptés de toutes sortes de devoirs typiques des dortoirs… y compris la présence aux réunions où nous expliquions les règles locales.

Je devais le prévenir tout de suite. S’il se tenait à l’extérieur de notre dortoir avec une paire de culottes, quelqu’un allait certainement se faire une fausse idée.

« Gyaaaah ! Voleur de culottes ! »

Mes craintes étaient devenues réalité presque instantanément. Une fille cria d’en bas, le comité d’autodéfense qui vivait au premier étage sortit en courant, et Rudy avait été rapidement encerclé… Bon, on parlait quand même de Rudy. Il allait peut-être pouvoir s’en sortir.

Au lieu d’intervenir immédiatement, j’avais succombé à un certain optimisme.

J’étais un peu intéressée de voir comment Rudy allait gérer cette situation. Est-ce qu’il les mettrait tous à terre, comme il avait battu ces brutes au Village Buena ? Ou peut-être trouverait-il une excuse intelligente et s’en sortirait-il par la parole ? Il y avait aussi l’approche « les effrayer avec de la magie ». Et le classique « s’enfuir en courant ».

J’avais regardé et attendu avec impatience… mais Rudy n’avait pas fait grand-chose. Une fille nommée Goliade l’avait saisi par le bras, et il se contentait de la regarder d’un air malheureux. Le voir comme ça m’avait rappelé la façon dont j’avais été brutalisée au Village Buena. Tout à coup, j’avais eu une sensation de froid au creux de l’estomac.

Mais qu’est-ce que je fais ?

Me maudissant en silence, j’avais sauté du balcon, atterri sur le sol et couru vers le groupe.

« Oh, qu’est-ce que c’est ? Vous avez l’intention de résister ? Quel culot pour un voleur de culottes ! Vous pensez vraiment pouvoir combattre autant de personnes ? »

Il faisait nuit, donc les autres ne semblaient pas s’en rendre compte, mais Rudy avait fixé ses jambes au sol avec de la magie terrestre. Je n’avais cependant pas compris la raison. Peut-être qu’il n’y en avait pas ? Je veux dire, c’était Rudy. C’était difficile d’imaginer que ses jambes tremblaient ou quoi que ce soit…

Mais alors même que cette pensée me traversait l’esprit, je m’étais souvenue de quelque chose de mon enfance. Quand Rudy avait chassé Somal et les autres brutes, ses jambes avaient tremblé. Et puis, un peu plus tard… après qu’il avait découvert que j’étais une fille, et que les choses soient devenues un peu bizarres pendant un moment… il avait légèrement tremblé en disant :

« J’ai l’impression que tu ne m’aimes plus, Sylphie. »

Oui. Il avait peur parce qu’il pensait que je le détestais. Comme un garçon normal.

Oh…

J’avais réalisé quelque chose à ce moment-là. Quelque chose que j’aurais dû remarquer avant. J’avais agi comme si Rudy était spécial parce qu’il avait du talent. J’avais toujours eu l’impression qu’il avait des années et des années de plus que moi. Mais en fait, nous avions le même âge, non ? Je m’étais souvenue d’une question que mon père m’avait posée un jour, et de la promesse que j’avais faite en réponse.

« Sylphie, tu vas rester assise à le laisser te protéger pour toujours ? »

Non. J’allais aider Rudy. J’allais être assez forte pour rester à ses côtés. J’allais le soutenir, quoi qu’il arrive. Je me l’étais promis. C’était la raison pour laquelle j’avais travaillé si dur tout ce temps, non ? Mais il avait des problèmes en ce moment, et je n’avais rien fait. Pire, tout ce bordel était de ma faute !

« Attendez ! Ne lui faites rien ! »

Je m’étais frayé un chemin au milieu du groupe, et j’avais pris la défense de Rudy avec force. C’était peut-être la première vraie conversation que j’avais eue dans cette école, à l’exception de mes discussions avec Ariel et Luke. C’est dire à quel point j’étais fidèle dans mon rôle de Silent Fitz.

Cependant, la fille qui tenait le bras de Rudy, Goliade, s’était avérée être très têtue. Elle continua à insister sur le fait qu’il était un criminel, même s’il n’avait rien fait de mal

« Hm, c’est surprenant que tu ailles si loin pour défendre quelqu’un. Ce que tu dis doit être vrai. Il n’en reste pas moins que ce garçon a violé le règlement du dortoir. Nous allons en faire un exemple en le punissant… quoi ?! »

À l’instant où j’avais entendu le mot « punition », quelque chose s’était brisé en moi. Je n’allais pas les laisser faire de quelqu’un que j’aimais un exemple juste parce qu’il avait été malchanceux. J’avais sorti mon bâton, l’avais pointé vers Goliade, et y avais canalisé du mana.

« N’ai-je pas dit qu’il n’avait rien fait de mal ? Assez. Maintenant, lâche sa main. »

« F-Fitz… monsieur ? »

« Ou bien voulez-vous toutes être envoyées au bureau médical ? »

J’avais appris à faire des menaces comme ça avec Luke, au Royaume d’Asura. Il disait toujours que le bluff était une compétence importante, alors j’y avais travaillé dur. Pendant notre voyage d’Asura à Ranoa, j’avais essayé plusieurs fois lorsque nous avions rencontré des groupes de bandits. Luke me taquinait toujours en me disant que ma voix était trop enfantine pour qu’elle puisse accomplir quoi que ce soit.

Cette fois, cependant, cela semblait avoir l’effet escompté.

« Tch… bien, je comprends. »

Goliade avait finalement lâché le bras de Rudy et était parti en grognant bruyamment. Avec leur chef de groupe parti, les autres filles disparurent également.

« Ouf… cette fille. Si seulement elle écoutait. »

J’avais vu comment était Goliade à présent, et elle n’était pas une mauvaise personne. Mais les hommes bêtes comme elle avaient tendance à suivre les règles très sérieusement, et à les appliquer strictement. Ils n’étaient pas du tout flexibles sur ce genre de choses.

Mais ça n’avait pas d’importance pour l’instant. Je devais m’excuser auprès de Rudy. C’était après tout essentiellement de ma faute.

« Désolé. Si je n’avais pas fait tomber ce sous-vêtement, ça ne serait jamais arrivé. »

« Vous n’avez rien fait de mal. Vous m’avez aidé. »

La voix de Rudy était un peu bizarre. La raideur habituelle de sa voix avait disparu. J’avais regardé son visage et j’avais réalisé qu’il me regardait un peu différemment. Et puis toutes les pièces s’étaient assemblées.

… Rudy se méfiait de moi jusqu’à maintenant, hein ?

Maintenant que j’y pensais, son attitude m’avait semblé un peu étrange depuis le début. Pour commencer, il s’inclinait toujours devant moi. Mais maintenant, je comprenais pourquoi. Tout cela était bien sûr logique. J’étais Silent Fitz maintenant, pas sa vieille amie. Pourquoi ne se méfierait-il pas de moi ?

Il semblerait néanmoins que j’avais gagné maintenant un peu de confiance. Ça me rend plutôt heureuse.

Rien de tout cela ne serait arrivé si je n’avais pas merdé, mais j’avais l’impression que nous étions tous les deux un peu plus proches maintenant.

J’avais profité de l’occasion pour expliquer les règles du dortoir à Rudy, l’avertissant que cette route était interdite après le coucher du soleil. Comme je le soupçonnais, il semblerait que personne d’autre ne lui avait dit tout cela. Il hocha profondément la tête pendant que je parlais.

« Je suis vraiment reconnaissant envers vous, Maître Fitz. »

Et avec ces mots, il inclina sa tête à nouveau.

C’était un peu bizarre de le voir agir avec gratitude envers moi. À l’époque où j’étais malmenée, nos positions étaient totalement inversées. L’avais-je déjà remercié aussi poliment ? Quelque chose m’avait paru étrangement drôle.

« Ahaha, c’est un peu bizarre de vous entendre me remercier. »

« Oh ? Pourquoi ça ? »

J’avais failli dire Eh bien, parce que la première fois que nous nous sommes rencontrés… Mais au dernier moment, j’avais hésité. Voulais-je vraiment révéler mon identité ? L’anxiété gonfla en moi à cette idée. S’il me disait : « Désolé, je ne me souviens pas de toi » suite à cela, cela me ferait vraiment mal.

Je m’étais convaincue que cela n’avait de toute façon pas d’importance. Et s’il ne se souvenait pas de moi ? On pourrait repartir à zéro, avec une ardoise vierge. Je pouvais laisser le passé de côté et apprendre à connaître la personne qu’il était maintenant. Ça me paraissait suffisant.

Et donc, je ne lui répondis que par un « C’est un secret ».

Rudy cligna juste des yeux, confus.

J’étais retournée au dortoir après ça. Naturellement, j’avais demandé à Rudy de rendre la culotte en premier. Comme il l’avait attrapée en plein vol, elle n’était pas sale, mais Rudy était un homme. J’étais un peu mal à l’aise à l’idée de faire porter à la Princesse Ariel des sous-vêtements qu’il avait tenus dans ses mains.

« Je suppose que je devrais les laver à nouveau, hein… ? »

En montrant la culotte sous la lumière du couloir, je m’étais figée sur place. Ce n’était pas celle de la Princesse Ariel. C’était la mienne. Rudy les tenait depuis… un bon moment, non ?

Il me fallut un certain temps avant de réussir à arrêter de me tordre de honte.

Il avait fallu que j’attende encore un mois environ avant que nous ne commencions à faire des recherches sur l’incident de téléportation ensemble.

◇ ◇ ◇

Quand je m’étais réveillée de mon rêve, j’avais trouvé Rudy à mes côtés.

« Wargh… »

Je n’avais pas pu m’empêcher de pousser un petit glapissement. Heureusement, ça ne l’avait pas réveillé. Il dormait profondément avec une expression paisible sur le visage. Je l’avais déjà vu comme ça plusieurs fois au Village Buena… mais c’était la première fois que j’avais la chance de le voir dormir en tant qu’adulte.

… Un adulte, hein ?

Ce mot m’avait rappelé ce que nous avions fait la nuit dernière. En regardant sous la couverture, j’avais constaté que nous étions tous les deux complètement nus. L’agréable brouillard de la somnolence avait fait place à la gêne, et j’avais soudainement pris conscience d’une douleur persistante entre mes jambes.

On l’a vraiment fait…

C’était quelque chose dont j’avais rêvé pendant des années, même si ce n’était pas dans les moindres détails. Mais maintenant, c’était la réalité. Plus je me rappelais de la nuit dernière, plus j’avais envie de serrer un oreiller contre ma poitrine et de me rouler en donnant des coups de pied à mes jambes dans un mélange de gêne et d’extase.

Gah…

En couvrant mon visage avec mes deux mains, j’avais accidentellement cogné mon coude contre l’épaule de Rudy. Sans raison particulière, j’avais doucement pressé ma joue contre cette épaule. Rudy semblait mince de loin, mais il avait en fait un corps étonnamment musclé. Il était assez grand pour m’engloutir complètement dans ses bras.

Agh ! Arrête ça !

Il fallait vraiment que je contrôle ces pensées parasites. Mon visage allait mettre le feu à quelque chose.

Je m’étais éloignée de Rudy. Mais comme je bougeais, ce dernier fronça les sourcils.

« Mm… »

Il grimaçait dans son sommeil, comme s’il souffrait. Mais quand j’avais pris sa main dans la mienne, son expression s’était adoucie. À ce moment, il ouvrit finalement les yeux. Et après avoir fixé le plafond pendant quelques secondes, il s’était lentement tourné vers moi.

« Bonjour, Rudy. »

Lorsque je lui avais adressé la parole, une expression de soulagement s’était clairement répandue sur son visage. Environ deux secondes plus tard, il tendit la main vers moi et attrapa mes seins.

« Hyaah ! Quoi… Rudy ! »

Je ne l’avais bien sûr pas frappé. Tout simplement parce que j’aimais bien la sensation que ça procurait.

Après m’avoir tripotée pendant un petit moment, Rudy m’avait serrée fortement dans ses bras et avait murmuré « Je suis guérie » d’une voix pleine de sentiments. Je n’avais pas compris tout de suite ce qu’il voulait dire. Mais j’avais aussi quelque chose d’autre en tête.

« Euh, Rudy… ? Qu’est-ce que tu en penses ? Mon corps est… bien, non ? »

J’avais posé ma question timidement, mon cœur s’emballant d’anxiété. J’avais l’impression que tout allait probablement bien maintenant. Mais je voulais quand même entendre la réponse.

« Merci. »

C’était tout ce que Rudy avait dit.

Je ne comprenais pas pourquoi il m’avait remerciée dans la grotte, mais maintenant je le savais. Cette fois, j’avais été capable de l’aider. Je n’étais peut-être pas son égale sur certains aspects, mais j’avais quand même réussi à le soutenir.

Il n’y a pas de quoi.

Le rêve que j’avais poursuivi toutes ces années était enfin devenu réalité. À partir de maintenant, Rudy et moi formions un couple.

***

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Un commentaire :

  1. l’un des meilleurs chapitre et aucun commentaire??? UNE HONTE CA MONSIEUR!

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