Mushoku Tensei (LN) – Tome 9 – Histoire bonus 4 – Partie 1

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Histoire bonus : Sylphiette (Partie 0)

Partie 1

Cette nuit-là, j’avais rêvé du passé, de l’arrivée de Rudy à l’université.

C’était ma troisième année à l’université de magie de Ranoa. Linia et Pursena s’étaient assagies après leur défaite, et la princesse Ariel avait obtenu le poste de présidente du conseil des étudiants. Ces succès avaient attiré de nombreux nouveaux partisans dans notre camp, tout se passait relativement bien. À ce stade, nous avions recruté le plus grand nombre possible d’étudiants et de professeurs influents de l’école. Nous avions aussi décidé de commencer à attirer de puissants alliés potentiels à l’Université de la Magie, où nous pourrions ensuite tenter d’obtenir leur coopération. Et alors que nous travaillions sur ce projet, nous étions tombés sur quelque chose de totalement inattendu.

Plus précisément, nos recherches nous avaient menés à une personne connue sous le nom de « Quagmire Rudeus ». J’avais immédiatement su que ça devait être Rudy. Quagmire était décrit comme un jeune magicien qui avait rapidement gravi les échelons jusqu’au rang A de la Guilde des Aventuriers. Il n’était dans cette région que depuis quelques années, mais la nouvelle de ses exploits s’était déjà répandue dans toutes les nations magiques. Sa spécialité était la magie de terre. Il était difficile de juger de sa puissance réelle d’après les rumeurs, mais la plupart disaient qu’il pouvait invoquer un bourbier sans dire un mot.

L’incantation silencieuse était le détail qui m’avait convaincue que ça devait être lui. Et avec le recul, il avait aussi utilisé la magie de boue la toute première fois que nous nous sommes rencontrés. Rudy pouvait utiliser la magie de l’eau de niveau Saint, les gens avaient donc tendance à s’attendre à ce qu’il s’en serve. Mais il préférait utiliser des trucs astucieux comme se faire exploser avec des ondes de choc, ou invoquer des tourbières pour ralentir ses adversaires.

J’avais expliqué à la Princesse Ariel que Quagmire Rudeus était très certainement le garçon qui m’avait appris la magie, mon vieil ami qui avait disparu depuis de nombreuses années.

« Eh bien, si c’est le vrai, ce serait vraiment une bonne chose que de l’avoir de notre côté… »

À l’époque, la Princesse Ariel était manifestement sceptique à propos de Rudy. C’était compréhensible. Les rumeurs qui circulaient à son sujet semblaient vraiment louches. Et voici ce qu’elles disaient :

Rudeus Greyrat était né dans le village de Buena, situé dans la région de Fittoa du royaume d’Asura. Alors qu’il n’avait que trois ans, il avait commencé à étudier sous la tutelle de Roxy Migurdia, mage de l’eau de niveau Roi (bien qu’elle ne soit que de niveau Saint à l’époque). À l’âge de cinq ans, il était devenu un mage de l’eau de niveau Saint à part entière. À sept ans, il devenait le précepteur d’Éris Boreas Greyrat, la fille du Seigneur féodal de la Citadelle de Roa; au cours des années suivantes, il transforma cette enfant sauvage et incontrôlable en une jeune femme respectable. Après cela, il avait été porté disparu lors de l’incident de téléportation.

À l’époque, je n’aurais probablement pas haussé un sourcil devant tout cela. Mais maintenant, après avoir vécu au Palais d’Argent et étudié à l’Université de Magie, je devais admettre que cela me semblait bizarre. Même fictif.

Bien sûr, je savais que Rudy avait vraiment étudié avec Roxy, et qu’il la respectait profondément. Je n’avais jamais rencontré Roxy moi-même, mais je savais qu’elle avait passé du temps au Village Buena. En fait, la baguette que je portais était un objet qu’elle avait donné à Rudy. La partie concernant le fait qu’il soit devenu précepteur à l’âge de sept ans était également logique; cela devait être juste au moment où il avait été expédié hors du village par ses parents.

« Crois-moi, Princesse Ariel, ces informations sont exacte. C’est à tous les coups lui. »

« Peut-être bien. Mais je dois dire, en toute honnêteté, que ces rumeurs sont plutôt difficiles à croire. »

La Princesse Ariel et Luke n’avaient pas été convaincus par mes affirmations. Ils étaient convaincus que je ne leur mentais pas délibérément, mais ils ne croyaient pas non plus à cette histoire. Je ne pouvais pas leur en vouloir. Je connaissais Rudy personnellement, et cela semblait fou, même pour moi.

« En tout cas, un magicien aussi remarquable nous prêterait-il vraiment son aide ? Sans oublier que cette personne a des liens avec les Greyrats de Boreas ? »

Je n’étais pas encore très familière avec l’enchevêtrement d’alliances et de rivalités qui définissait les familles nobles d’Asura. Je n’avais passé qu’un an à la cour, et il y avait trop de choses à apprendre. Mais j’en savais beaucoup sur les différentes branches de Greyrat. La famille Boreas était loyale au premier prince. Ce qui en faisait nos ennemis. Et si Rudy travaillait pour eux, il y avait de fortes chances qu’il soit aussi notre ennemi.

Cela dit, il semblait évident qu’il avait coupé les ponts avec eux depuis un moment. Sinon, il ne serait pas très logique qu’il se promène dans les Territoires du Nord en tant qu’aventurier.

« Je suis sûr qu’il va nous aider si je le lui demande… »

Ma voix n’était pas particulièrement sereine. Je n’arrivais même pas à me convaincre que c’était vrai.

Luke ricana d’amusement : « Avec une poitrine aussi plate, tu ne vas pas convaincre un homme de chez les Notos. »

J’avais couvert ma poitrine avec mon bras et j’avais lancé un regard furieux à Luke. Il était toujours comme ça. Il ne manquait jamais une occasion de se moquer de la platitude de ma poitrine. Selon lui, les femmes qui n’ont pas de « vrais seins » ne sont même pas des femmes, ce qui signifiait que j’étais la définition même de l’inintérêt. Je n’étais pas sûre de ce qu’il voulait que je fasse à ce sujet. J’avais du sang d’elfe dans les veines, et les elfes n’étaient pas voluptueuses.

Pour être honnête, Luke adoucissait généralement le coup à la fin : « Je suppose néanmoins que c’est la raison pour laquelle nous sommes amis. »

C’était agréable de savoir qu’il me considérait comme une amie. Pourtant, les insultes constantes sur mon apparence ne faisaient pas vraiment de merveilles pour mon estime de soi. Je savais que mon apparence n’était pas remarquable comparée à celle de la Princesse Ariel, mais c’était une barre vraiment haute à franchir.

« Ce n’est même pas ce que je voulais dire, Luke ! »

« Eh bien, qu’est-ce que tu voulais dire, alors ? Tu n’as sûrement pas l’intention de lui révéler ta véritable identité. »

« Huh ? Oh… tu as raison. »

J’étais censée être Silent Fitz maintenant. Je ne pouvais pas faire sauter ma couverture… Et maintenant ?

« Je suis quand même très heureuse pour toi, Sylphie. Ça doit être merveilleux de trouver quelqu’un que tu as cherché pendant tout ce temps. », dit la Princesse Ariel avec un sourire.

Vraiment, la princesse était une personne gentille. Elle pouvait parfois être très sévère, et elle passait beaucoup de temps à préparer toutes sortes de complots sournois, mais au fond, elle avait bon cœur. Je le savais maintenant. Mais malgré tout, je ne m’attendais pas à ce qui allait suivre.

« Je vais faire une exception spéciale. Tu peux révéler ton identité à ce Rudeus. »

« Hein ? »

Quoi ? Elle était prête à démasquer Silent Fitz ?

« Mais Princesse Ariel, notre plan entier pourrait s’effondrer… »

J’étais consciente de l’importance du rôle que je jouais dans notre stratégie globale. Fitz était l’incarnation vivante du pouvoir de la Princesse Ariel. C’était un homme aux origines mystérieuses et aux compétences magiques remarquables qui restait silencieusement à ses côtés, obéissant à chacun de ses ordres. Cela ajoutait beaucoup à sa mystique, et la rendait beaucoup plus intimidante.

Au cours des dernières années, je m’étais rendu compte que j’étais assez puissante pour battre un magicien ou un épéiste moyen sans problème. Je supposais que Rudy m’avait bien formée. Je n’étais pas encore au niveau du Roi ou Empereur, et encore moins à celui des Sept Grandes Puissances, mais je pouvais probablement tenir tête à un Saint de l’Épée. Je n’étais pas de taille à affronter les guerriers de niveau Roi que certains des autres prétendants au trône pouvaient invoquer, mais pour l’instant, j’étais l’arme la plus puissante de l’arsenal de la faction de la princesse Ariel. Il y avait un bon nombre de personnes à l’Université qui avaient décidé de la soutenir parce qu’elle avait gagné la loyauté d’une personne aussi forte que « Fitz ». Si l’on apprenait que je n’étais en fait qu’une fille ordinaire d’un village perdu, ces gens pourraient très bien se séparer de notre camp.

De toute façon, mes capacités étaient évidemment toujours réelles… mais les gens ne pensaient pas toujours à ces choses de manière trop logique.

« Tu as déjà fait beaucoup pour moi, Sylphie. Je te dois au moins une réunion émotionnelle avec ton ami. »

« Mais… »

« Si d’une manière ou d’une autre, cela devait entraîner l’effondrement de tous nos plans, je suis prête à accepter ce résultat. Et dans tous les cas, si nous devons amadouer ce jeune homme pour qu’il vienne de notre côté, qui de mieux pour le recruter que son amie d’enfance ? », interrompit Ariel d’une voix ferme et décisive.

« … Merci, Princesse Ariel. »

J’avais hésité un instant, mais j’avais fini par exprimer simplement ma gratitude. La princesse était manifestement à la recherche d’un profit personnel, mais cela ne me dérangeait pas à ce stade.

Qu’est-ce que Rudy allait penser quand il me verrait maintenant une fois adulte ? J’étais déjà impatiente de le voir.

Notre plan pour attirer Rudy à l’université s’était bien déroulé. Nous avions transmis nos informations sur lui à l’administration, en laissant légèrement entendre que ce serait une bonne idée de le recruter. Le vice-principal Jenius s’était occupé du reste sans autre forme de procès.

Quelques mois plus tard, le jour que j’attendais était enfin arrivé. J’étais dans une classe de compétences pratiques dans la salle de formation lorsque le vice-principal entra avec quelqu’un juste derrière lui. Quand j’avais vu qui c’était, j’avais failli crier de joie.

C’est Rudy ! C’est vraiment Rudy !

Il n’y avait aucun doute là-dessus. Son visage était un peu plus sombre qu’avant, mais c’était bien Rudy. On ne pouvait pas le confondre.

Oh là là ! Il est si beau !

On pouvait encore voir des traces du garçon que j’avais connu au village, mais il avait beaucoup grandi. Ses mouvements étaient aussi doux et réguliers — il était évident qu’il s’était beaucoup entraîné. La robe qu’il portait était légèrement en lambeaux, mais cela ajoutait un soupçon de danger. On pouvait dire qu’il avait traversé de nombreuses batailles dans cette chose. Il portait son bâton avec une certaine aisance.

Alors qu’il entrait dans la salle d’entraînement, Rudy regardait tout autour de lui, étudiant soigneusement son environnement. C’était quelque chose qu’il faisait depuis qu’on était enfants. Je pensais que j’allais l’épouser à l’époque, mais peut-être qu’il n’était pas de taille pour moi… Plus je le regardais, plus mon corps devenait chaud.

Prise d’une impulsion soudaine, j’avais fait un pas en avant, prête à courir en criant son nom.

« Ru… »

Mais au moment où je commençais à parler, je m’étais figée sur place. Une très belle femme venait d’entrer dans le hall derrière Rudy.

Attendez… est-ce la femme de Rudy ?

À ce qu’il semblait, c’était une elfe. Quelque chose en elle me rappelait mon père. Son visage était élégant et digne, elle ressemblait un peu à une reine, ou peut-être à une riche noble. Et elle était accrochée à Rudy. Il semblait un peu exaspéré par son comportement, mais il ne s’était pas plaint et ne l’avait pas repoussée.

Huh ? Huh ?

Alors que je restais là à regarder, abasourdie et déconcertée, j’avais perdu l’occasion de courir le saluer.

Quelques minutes plus tard, on m’avait appelée pour faire passer à Rudy son « examen d’entrée ». Je supposais qu’ils voulaient vérifier s’il pouvait vraiment jeter des incantations silencieuses.

À ce moment-là, j’avais réussi à me calmer un peu. Ce n’était pas étrange que Rudy ait une belle femme dans sa vie, vue comme il était devenu beau. C’était ce que je me disais. Ça n’avait pas d’importance qu’il soit marié maintenant. Ça n’en avait vraiment pas. Après tout, nous n’étions tous les deux que des amis. Pourquoi cela poserait-il un problème ?

Je devais le féliciter. Eh bien, pas tout de suite, bien sûr. Nous pourrions d’abord prendre le temps de célébrer le fait que nous étions tous les deux en vie. En gardant ces pensées bien ancrées dans mon esprit, je me préparai à ma première conversation avec Rudy depuis de nombreuses années.

« C’est un plaisir de vous rencontrer. Je m’appelle Rudeus Greyrat. »

Je m’étais figée sur place.

Un plaisir… de me rencontrer ?

Hein ? Euh… quoi ? Pas possible. Attends un peu. Est-ce qu’il… m’a oubliée ?

« Si tout se passe bien, je serai en première année au prochain semestre. Si vous trouvez que je manque de quelque chose, j’espère que vous m’aiderez à me guider et à m’encourager. »

« Ah… hein ? »

Après quelques instants de total ahurissement, je m’étais finalement souvenue que je portais une grosse paire de lunettes de soleil, que j’avais maintenant des cheveux blancs et que j’étais habillée comme un garçon. En plus de tout cela, huit ans s’étaient écoulés depuis que nous nous étions séparés. J’avais grandi pendant ce temps. Il serait stupide de s’attendre à ce qu’il me reconnaisse immédiatement.

J’étais allée trop loin dans ma propre tête. Je l’avais reconnu, alors j’avais supposé qu’il me reconnaîtrait. Je n’avais purement et simplement pas les idées claires. Tout ce que j’avais à faire était d’enlever mes lunettes de soleil et de lui dire qui j’étais vraiment. La Princesse Ariel m’avait déjà donné la permission. Je ne pouvais pas le faire en public, mais je pouvais toujours l’appeler dans un endroit privé plus tard.

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Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

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