Mushoku Tensei (LN) – Tome 8 – Chapitre 5 – Partie 4

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Chapitre 5 : Une puissance insaisissable

Partie 4

Le marchand se présenta, en tendant la main en direction de Zanoba.

« Salutations, je suis le directeur de la succursale du magasin Domani, une filiale du groupe Rium. Je m’appelle Febrito. »

Zanoba s’approcha du visage de l’homme. J’avais alors pris sa main avec force dans la mienne et je l’avais secouée.

« C’est un plaisir, je m’appelle Rudeus Quagmire. »

Lorsque j’avais donné mon nom, l’homme avait eu l’air empli de doutes pendant un moment, mais son expression s’était rapidement transformée en un large sourire.

« Oh, alors vous êtes Quagmire ! J’ai entendu parler de vous. On dit que vous avez tué un traînard l’année dernière. »

« J’ai juste eu de la chance. Mon adversaire était aussi affaibli. »

Febrito jeta un bref coup d’œil à Zanoba et à Maître Fitz.

« J’ai entendu dire que vous cherchiez un nain aujourd’hui ? »

« Oui, cet homme là-bas va financer l’ouverture d’une nouvelle entreprise. Nous cherchons un enfant qui pourra travailler avec les compétences nécessaires dès son plus jeune âge. »

C’était une explication hasardeuse, mais ce n’était pas un mensonge.

« Je vois, je vois. Je ne peux pas vraiment vous recommander cette personne en particulier, mais… pourquoi ne pas d’abord jeter un coup d’œil ? Par ici, s’il vous plaît. »

On suivit Febrito jusqu’à l’entrepôt d’esclaves. Je l’avais appelé « entrepôt », mais c’était juste des lignes de cages en acier reliées à des poulies. Chaque cage avait à peu près la largeur d’un seul tatami, avec une ou deux personnes entassées à l’intérieur. Les marchands les lavaient et les polissaient probablement avant de les exposer, mais ils étaient sales en ce moment, et une bouffée d’air suffisait à me faire plisser le nez. En y regardant de plus près, j’avais vu des enfants en pleurs et d’autres aux regards perçants et pleins d’intentions meurtrières se diriger vers nous. Il y avait quelques autres personnes comme nous, qui discutaient avec d’autres marchands dans l’entrepôt.

Febrito marchait rapidement dans les espaces entre les cages en acier, appelant quelqu’un qui se tenait au bord du chemin.

« Hé, est-ce que cette gamine naine est encore en vie ? »

« Oui, elle s’accroche. »

« Où ça ? »

« Par ici. »

On avait été plus profondément dans l’entrepôt. Les chauffages ne semblaient pas fonctionner jusqu’ici, alors il faisait un peu froid. Le subordonné de Febrito s’était arrêté devant une cage qui contenait une fille au regard vide, assise les genoux serrés contre la poitrine.

« Eh bien, faites-la sortir. »

« Bien reçu. »

Le subordonné de Febrito hocha la tête et ouvrit la cage d’acier, traînant la fille dehors.

L’enfant avait un collier autour du cou et des menottes aux pieds. Son corps squelettique était couvert de haillons pathétiques. Ses cheveux étaient peut-être orange autrefois, mais ils étaient maintenant ébouriffés et sales, avec des mèches grises partout. Son visage était pâle et ses yeux étaient creux lorsqu’elle s’enveloppait de ses bras en tremblant. Je m’étais rendu compte qu’il faisait froid, mais cela ne semblait pas être la seule raison de son tremblement. C’était un spectacle douloureux à voir.

« Déshabillez-la. »

Ses frissons ne semblaient pas déranger le subordonné de Febrito, qui lui avait rapidement arraché les chiffons. Son corps mortellement mince et sous-alimenté avait été laissé complètement exposé.

Le visage de Maître Fitz s’était déformé pendant qu’il regardait.

« Rudeus… »

Même moi, je n’avais trouvé cela que détestable. Je voulais juste me dépêcher de l’acheter pour qu’on puisse lui offrir un repas et un bain chaud. Cependant, les yeux de la fille me préoccupaient. Ces yeux vides. Je les avais déjà vus quelque part.

« Comme vous pouvez le voir, c’est une naine. Elle a six ans, elle n’a donc pas vraiment de compétences. Ses deux parents étaient des nains. Son père était forgeron, et sa mère fabriquait des bijoux. Elle devrait avoir les mains habiles que vous désirez, en supposant qu’elle ait hérité de leur talent, mais la seule langue qu’elle connaît est celle du Dieu Bête. Nous ne pensions pas vraiment pouvoir la vendre, donc sa santé n’est pas non plus au mieux. Nous vous ferons une remise pour ces raisons. »

Maître Fitz avait l’air troublé en s’approchant de la jeune fille, en lui mettant la main sur la joue. Après quelques secondes, son teint s’était un peu amélioré. Il lui avait probablement jeté quelque chose.

« Et elle est vierge, bien sûr. Nous allons la désintoxiquer au cas où, si vous décidez de l’acheter. Bien que je ne puisse pas vraiment vous le recommander. »

Maître Fitz me regardait comme un enfant qui aurait trouvé un chiot abandonné et l’aurait ramené à la maison. La fille répondait à nos critères… mais ces yeux me dérangeaient vraiment.

« Bonjour, mademoiselle. »

Je m’étais agenouillé et je l’avais appelée dans la langue du Dieu Bête.

« Je m’appelle Rudeus. Quel est votre nom ? »

« … »

« Vous voyez, il y a quelque chose que j’aimerais que vous fassiez. »

« … »

« Hum… »

Elle m’avait juste regardé avec ces yeux vides, sans offrir un seul mot en réponse. Le subordonné de Febrito prit le fouet qui reposait à ses côtés, mais je l’avais arrêté avec ma main.

« Maître, qu’est-ce qui se passe ? », demanda Zanoba.

« Elle a perdu tout espoir. Elle a le regard de quelqu’un qui ne veut plus vivre. »

« Avez-vous déjà vu quelqu’un comme ça ? »

« Assez souvent. Il y a longtemps. »

Zanoba et Maître Fitz semblaient tous deux inquiets, mais je n’avais pas l’intention de donner plus d’informations sur ma vie passée si je pouvais me le permettre. Rien de bon ne pouvait en résulter.

Le vide dans le regard de la jeune fille rappelait des souvenirs. J’avais eu le même regard que le sien quand j’avais environ vingt ans. Je n’avais pas fait d’études, n’avait aucun espoir pour l’avenir et aucune perspective d’emploi. Tout ce que je pouvais faire, c’était manger, chier et survivre.

Rétrospectivement, il n’était pas trop tard afin que je puisse changer les choses. Mais au lieu de cela, j’avais sombré encore plus dans le désespoir, je m’étais retrouvé complètement enfermé, j’avais perdu encore plus d’espoir. J’avais voulu mourir.

« Vous ne voulez plus vivre ? », avais-je demandé dans la langue du Dieu Bête.

« … »

« On a l’impression que tout est sans espoir. Je comprends ce que vous ressentez. »

« … »

Son regard s’était lentement posé sur moi.

« Si c’est si grave, dois-je y mettre fin pour vous ? »

Je pouvais faire de mon mieux pour sauver cette fille. Je pouvais lui acheter des vêtements, la nourrir, lui offrir des mots gentils. Mais j’avais besoin de savoir si elle voulait que je le fasse.

« … »

« Dites quelque chose », avais-je dit dans la langue du Dieu Bête.

La fille n’avait même pas bronché. Elle avait juste ouvert très lentement ses lèvres fendues.

« Je ne veux pas mourir », murmura-t-elle d’une petite voix.

C’était une réponse timide, mais ça suffisait. Ce n’était pas grave si elle ne « voulait pas vivre ». Au moins, elle ne voulait pas mourir, et ça suffisait pour l’instant.

« On va l’acheter. »

Je l’avais enveloppé dans la robe que je portais sur ses épaules. Puis j’avais utilisé la magie pour la réchauffer et j’avais lancé un sort de désintoxication. La magie de guérison n’aurait rien fait pour son endurance, alors il suffisait de lui donner un peu de nourriture.

« Monsieur Febrito, combien ? »

Elle valait l’équivalent de dix grosses pièces de cuivre d’Asura. C’était son prix.

◇ ◇ ◇

Nous avions emmené l’enfant dans un lavoir au bord du marché aux esclaves pour la baigner, puis nous nous étions rendus au quartier du commerce pour acheter des vêtements et d’autres produits de première nécessité. Nous nous étions finalement retrouvés dans un café chic, pas un endroit où je serais allé tout seul, mais c’était Maître Fitz qui l’avait choisi. Il s’était parfaitement intégré, tandis que Zanoba n’avait pas bronché, comme il sied à la royauté. La fille que nous venions d’acheter était entièrement concentrée sur l’absorption de nourriture, ce qui fit de moi le seul à me sentir mal à l’aise dans un environnement aussi chic.

Maître Fitz semblait être de bonne humeur.

« Content que ça te plaise », dit-il en caressant la tête de la fille.

« Au fait, Rudeus, quel est son nom ? »

« Comment tu t’appelles ? » lui demandai-je dans la langue du Dieu Bête.

La fille m’avait regardé, perplexe.

« Mon nom ? »

Hein ? N’avais-je pas communiqué les mots assez clairement ? Je n’avais pas utilisé la langue depuis environ trois ans, mais je m’étais bien débrouillé dans la Grande Forêt. Peut-être que les habitants du village de Doldia m’avaient fait la même chose qu’un japonais avec un américain qui se présenterait à Tokyo et prétendrait parler couramment le japonais ?

« Hum, comment t’appelles-tu ? »

« L’enfant de Bazar du Saint-Acier et de Lilitella de la belle crête de neige. »

Je n’avais aucune idée de ce qui se passait, alors j’avais juste traduit ses mots mot pour mot. Quand je l’avais fait, Maître Fitz avait simplement répondu : « Oh, d’accord » tout en hochant la tête d’un air entendu.

« Les nains n’ont pas de nom officiel avant l’âge de sept ans », avait-il expliqué.

Un « nom officiel » ?

« Quand ils ont sept ans, ils reçoivent un nom qui est façonné d’après quelque chose dans lequel ils sont bons, quelque chose qui les attire, ou quelque chose qu’ils aiment. »

C’était donc ça. Maître Fitz était bien informé, comme toujours.

« Il faut quand même qu’on lui donne un nom », lui avais-je dit.

« Ses parents sont partis. Nous devrons lui en donner un nous-mêmes. »

« Nous allons décider de ton nom, maintenant. As-tu des préférences ? »

J’avais moi-même demandé à la fille, mais elle avait simplement penché la tête.

« C’est une petite fille. Donnons-lui un joli nom. »

Le raisonnement de Maître Fitz ressemblait à ce que dirait une fille. Cela m’avait donné envie de faire le contraire et de lui donner un nom qui sonne dur… mais non, je ne pouvais pas faire ça. Nous devions faire ça bien.

« Zanoba, donne-nous ton avis ! »

Zanoba m’avait jeté un regard : « Hm ? Vous êtes sûr que je peux le choisir ? »

« Après tout, c’est toi qui as financé cette entreprise. »

« Alors ce sera Julias », dit-il, sans aucun signe de considération.

« N’est-ce pas un nom de garçon ? »

« Oui, c’était autrefois le nom de mon pauvre petit frère. Celui que j’ai tué quand j’ai mal jugé ma propre force. »

Je n’arrivais pas à contrôler mon visage quand il avait dit ça. Je savais que Zanoba avait tué son petit frère, mais je ne savais pas comment réagir face à l’indifférence avec laquelle il parlait. Maître Fitz avait l’air confus.

« Elle va rester dans ma chambre, n’est-ce pas ? Elle devrait porter un nom avec lequel je ressens un lien. »

« Fais au moins que ce soit Juliette. C’est quand même une fille. »

« Ça me va. Ce sera donc Juliette. »

« Juli… ette, hehe, c’est un bon nom. »

Maître Fitz rit joyeusement, comme s’il trouvait le nom amusant.

« À partir d’aujourd’hui, tu t’appelleras Juliette », avais-je dit à la fille dans la langue du Dieu Bête.

« Julie… ? »

« Juliette. »

« Julie », dit-elle avec un sourire maladroit. C’était assez proche.

Et c’était ainsi que Juliette (surnommée Julie) avait été remise aux soins de Zanoba. Le soir, je lui avais enseigné la magie silencieuse et la langue humaine, tandis que Zanoba lui donnait des conférences sur les propriétés des poupées et des figurines. Il lui faisait aussi faire des exercices pour développer sa dextérité, probablement parce qu’il voulait encore pouvoir faire des figurines tout seul un jour.

En attendant, rien ne laissait présager que j’atteindrais bientôt mon véritable objectif.

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Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

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