Mushoku Tensei (LN) – Tome 7 – Chapitre 6 – Partie 6

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Chapitre 6 : Le magicien impotent

Partie 6

Si elle avait eu l’intelligence d’observer de plus près la réaction de Rudeus, elle aurait réalisé qu’il était lui aussi en état de choc — il n’avait pas prévu que cela se produise, et il était tout aussi anxieux qu’elle. Malheureusement, c’était la première fois que Sarah se rendait compte qu’elle n’avait pas assez de sang-froid pour cela. Elle ne pouvait que lui cracher quelques mots pour sauver sa fierté et sortir de là. Elle avait pleuré en rentrant à l’auberge et continuait à pleurer en expliquant la situation à Suzanne. Elle passa toute la nuit en larmes, mais elle décida de faire bonne figure le lendemain.

Mais Rudeus n’était pas sur leur lieu de rendez-vous le lendemain. À son auberge, le propriétaire leur avait dit qu’il était parti la nuit précédente et qu’il n’était pas revenu. En se renseignant, ils avaient appris que Soldat l’avait traîné quelque part.

Rudeus — et toute l’équipe des Counter Arrows, en fait — ne s’entendait pas avec Soldat. Peut-être que lui et Soldat s’étaient disputés, et que Soldat l’avait traîné pour le pendre ? Alors que Sarah s’interrogeait sur les possibilités, Suzanne et elle avaient suivi les traces de Rudeus. C’était alors qu’elles l’avaient repéré — à l’entrée du quartier chaud, embrassant une escorte aux cheveux roux.

Incroyable. Comme Sarah n’avait pas réussi à le satisfaire, il était allé coucher avec une prostituée à la place. Soldat se tenait tout près, et les deux étaient très clairement ivre.

Puis elle avait entendu ce qu’il avait dit.

En se basant sur tout ce qu’elle avait vu et entendu, Sarah était arrivée à cette conclusion : Rudeus avait passé la nuit avec Soldat, couchant avec des femmes et buvant le même alcool qu’il refusait de boire avec elle et les autres membres de Counter Arrows. Il riait en racontant à quel point son corps était indésirable et peu attrayant. Son choc et sa dévastation avaient pris le dessus, l’empêchant de rassembler les indices qui suggéraient le contraire. Son affection pour lui s’était instantanément transformée en dégoût.

Si Sarah avait été un peu plus âgée, elle aurait peut-être pu y réfléchir calmement. Malheureusement, ce n’était qu’une jeune fille de seize ans. Les adolescentes de son âge étaient certaines que tout ce qu’elles voyaient et ressentaient était un fait. De plus, elle avait vécu toute sa vie comme une aventurière et ne savait pas comment contenir la vague d’émotion qui en résultait. Elle n’avait certainement pas réalisé qu’elle avait la mauvaise habitude de se mentir à elle-même et d’ignorer la vérité.

« Salut, Sarah. »

Suzanne était un peu plus mature à cet égard. Elle avait aussi vu Rudeus et Soldat, mais son impression de la rencontre était légèrement différente. Maintenant que ses émotions s’étaient calmées, elle avait réalisé que les propos de Rudeus avaient quelque chose de faux. Le garçon qu’elle avait vu ce soir-là n’était pas le Rudeus qu’elle connaissait. Il s’était passé quelque chose. Suzanne avait déjà été dans ce genre de situation auparavant, et elle savait qu’il était dangereux de prendre ce que vous aviez vu pour argent comptant.

D’un autre côté, il était possible que Rudeus ait vraiment été malhonnête avec eux. C’était pourquoi elle avait d’abord choisi de réconforter Sarah, plutôt que de jouer le rôle de médiatrice.

« Penses-tu que nous avons peut-être mal compris la situation ? », demanda Suzanne.

Sarah lui avait aboyé dessus : « Quelle partie avons-nous mal comprise ?! Après moi, après nous… Et puis il a eu l’audace de se pointer avec une prostituée et de commencer à me rabaisser… »

« Penses-y. Rudeus pourrait-il vraiment être un type aussi méprisable ? », lui conseilla Suzanne.

« Oui, il nous l’a juste caché pendant tout ce temps ! J’ai été dupée — nous l’avons tous été ! Qui sait, peut-être même qu’il était de mèche avec Stepped Leader aux ruines de Galgau ! »

« Oh mon dieu… »

Suzanne haussa les épaules, impuissante. Elle n’était pas très au fait des questions d’amour, et n’avait donc pas de bons conseils à donner. Pendant qu’elle cherchait ses mots, Sarah continuait à être remplie d’un ressentiment non filtré.

Timothy prit alors la parole : « Qu’est-ce qui ne va pas ? Ne serait-il pas temps que vous me disiez aussi ce qui s’est passé ? »

« Sarah, puis-je lui donner les détails ? »

Sarah se moquait que Timothy soit le chef du groupe, elle n’avait aucun intérêt à partager les détails de sa situation. Mais sachant que cela pourrait avoir un impact sur l’humeur du groupe, elle fit un signe de tête à Suzanne.

« D’accord, ce qui s’est passé, c’est que… »

Suzanne s’exprima à voix basse, relayant les événements à Timothy. Elle s’efforça de rester vague et de rester aussi objective que possible.

Après quelques instants, Timothy leva soudainement les yeux.

« Soldat, hein ? Peut-être devriez-vous demander à cette escorte les détails exacts de ce qui s’est passé. »

« Mais Soldat nous déteste », protesta Suzanne.

« Le seul qu’il déteste, c’est moi. Et Rudeus, mais tu les as vus ensemble. Peut-être qu’il essayait d’aider ? L’homme a une mauvaise attitude et dit des bêtises, mais j’ai entendu des rumeurs selon lesquelles il est bon pour s’occuper des gens. S’il était vraiment pourri jusqu’à la moelle, il ne serait pas le chef d’un groupe de vétérans de rang S comme Stepped Leader. De plus, si Soldat voulait vraiment s’en prendre à Sarah, il ne s’y prendrait pas de façon aussi détournée. Il aurait fait attendre un homme dans sa chambre pour elle, ou… »

« Timothy, on a compris », coupa Suzanne.

« Assez. »

Sarah leva la tête. Elle avait dû admettre que Timothy avait raison. Elle s’était trop apitoyée sur elle-même pour vraiment observer son environnement ce soir-là, mais il lui avait semblé que Rudeus était lui aussi déprimé. Peut-être que la façon dont les choses s’étaient déroulées dépassait même son contrôle.

« Laisse-moi lui poser des questions à ce sujet quand nous rentrerons à la maison », proposa Suzanne.

« Non, je lui demanderai moi-même », conclut Sarah. Et s’il s’avère que j’ai juste sauté aux conclusions, alors je m’excuserai.

Cependant, lorsque Sarah revint dans la ville, Rudeus était introuvable. Il n’était ni à la guilde des aventuriers ni à l’auberge.

« Quagmire ? Je ne sais pas, je ne l’ai pas vu aujourd’hui. »

« Hmm. »

Incapable de le trouver ailleurs, Sarah s’était aventurée dans le quartier des plaisirs. Les commerces commençaient déjà à ouvrir à l’approche de la nuit, mais les clients n’avaient pas encore commencé à arriver, de sorte que les rues étaient encore peu fréquentées. Sarah commença à demander où se trouvait Rudeus. Peut-être se doutait-elle, au fond d’elle-même, qu’il pourrait revenir ici ce soir.

Elle passa par plusieurs bordels, qui se préparaient encore à ouvrir, avant de repérer une certaine femme.

« C’est toi… », dit Sarah en haletant.

« Hm ? Ohh. »

C’était Élise. Sarah ne connaissait pas le nom de la femme, juste qu’elle était une prostituée et qu’elle l’avait vue embrasser Rudeus sur la joue ce matin-là.

« Hé, tu sais où est Rudeus ? »

« Non, j’ai bien peur que non. Peut-être à la guilde des aventuriers ? »

Élise fronça les sourcils devant cette soudaine visiteuse, ne la reconnaissant pas.

« Il n’était pas là. Il est venu te voir hier soir, n’est-ce pas ? Tu sais quelque chose ? »

« Ah, vous devez être Sarah. »

Cela avait suffi à Élise pour deviner l’identité de la fille qui se tenait devant elle. Elle jeta un regard impitoyable sur Sarah, se rappelant pourquoi Rudeus — qui avait aidé une fille qu’elle considérait comme une jeune sœur — était venu la voir hier. Et l’expression de son visage, et les émotions qu’il avait éprouvées en rentrant chez lui.

« Que comptez-vous faire quand vous le retrouverez ? Le remettre dans un coin ? »

Sarah avait répondu en écho, surprise : « Le remettre dans un coin ? Je voulais juste lui demander pour hier. »

« Très bien. Alors je vais répondre pour vous. »

Élise commença à raconter l’histoire de Rudeus, avec l’intention de faire porter le chapeau à Sarah. Les escortes n’avaient généralement pas le droit de divulguer des détails sur leurs clients, mais elle avait senti qu’elle devait le faire.

« L’impuissance ? »

Après avoir écouté toute l’histoire, Sarah pencha la tête. Elle n’avait jamais entendu parler de ce concept auparavant.

« C’est une maladie qui fait que les hommes ne peuvent plus le lever. Il est déjà très attristé et bouleversé par la situation. Que comptez-vous lui dire de plus ? »

« Non, je… »

Élise l’ignora et poursuivit : « Si vous n’avez pas réalisé à quel point il était blessé, alors vous n’êtes pas prêt à être sa partenaire. Ne pensez-vous pas que vous devriez lui laisser un peu d’espace ? »

« Oui… je pense que oui. »

Sarah n’avait rien à dire pour sa défense, alors elle prit congé. Une fois sortie du quartier des plaisirs, elle tituba sur la route du retour vers son auberge, où Suzanne l’attendait.

« Oh, bon retour, Sarah. Je viens d’apprendre que Rudeus a apparemment quitté la ville ce matin. Qu’est-ce que tu veux faire ? On devrait le poursuivre ? »

« … Non. »

Sarah alla dans sa chambre avec un regard sombre. Elle s’était effondrée sur son lit et avait réfléchi à ce qui s’était passé. Elle n’était pas seulement accablée par sa propre douleur, mais aussi par le fait de savoir que Rudeus avait été blessé. Elle continua à digérer ce fait jusque tard dans la nuit, marmonnant finalement : « J’aurais au moins voulu m’excuser. »

Mais elle était trop effrayée pour le poursuivre. Elle craignait qu’il ne l’écoute pas, qu’il la repousse. En outre, elle avait réalisé que le fait qu’il ait quitté la ville sans rien leur dire était également un signe de rejet.

Un sanglot lui échappa de la gorge. Au final, Sarah s’était recroquevillée dans son lit comme une tortue et n’avait plus du tout bougé. Quand l’aube s’était levée et qu’elle s’était finalement levée du lit, elle était parfaitement consciente de deux choses : qu’elle avait des cernes sous les yeux et que Rudeus l’avait rejetée. Elle savait que son amour était terminé, et en regardant le soleil se lever, elle se disait : mais s’il arrive que nous nous revoyions, je voudrais m’excuser. Et être sincère à ce sujet.

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Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

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