Mushoku Tensei (LN) – Tome 7 – Chapitre 4 – Partie 3

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Chapitre 4 : Une forêt en pleine nuit

Partie 3

Là, en début d’après-midi à la guilde, j’avais repéré quelques visages que je connaissais : Suzanne, Timothy et Patrice, tous les membres de Counter Arrows. Enfin, pas tous. S’ils étaient là à cette heure-ci, cela signifiait qu’ils venaient de terminer une demande, donc j’avais probablement manqué les autres.

C’était généralement eux qui m’abordaient, mais j’avais décidé que je devais les saluer de temps en temps. Après tout, j’étais de très bonne humeur aujourd’hui.

« Bonjour. »

« Oh, c’est Rudeus. »

Hm ? Ils avaient l’air un peu lugubres. Et pas seulement Suzanne, mais également Timothy et Patrice.

« Est-ce que quelque chose s’est passé ? », avais-je demandé.

« Oui… c’est Mimir et Sarah. »

Je n’avais pas vu ces deux-là dans le coin, mais ce n’était pas parce qu’ils formaient un groupe qu’ils devaient passer tout leur temps ensemble. C’était en tout cas comme ça que j’avais rationalisé leur absence. S’était-il passé quelque chose ?

« Est-ce qu’ils se sont mariés tous les deux ou quelque chose comme ça ? »

Je m’étais moqué d’eux.

« Alors tu fais aussi ce genre de blagues, hein ? »

« Je suis désolé. »

Le sourire habituel de Timothy avait disparu. En fait, son expression était tout le contraire — tout était embrouillé. Il semblerait que mes mots l’avaient ennuyé.

Avais-je raison ? S’était-il vraiment passé quelque chose ?

« Euh, ça te dérange si je t’en demande plus à ce sujet ? »

Timothy s’était tu. Au lieu de cela, ce fut Suzanne qui leva les yeux et dit : « Ils sont morts. »

Ma rare humeur joyeuse s’était évanouie en une seconde.

« Oh. Je vois », avais-je dit.

Je n’arrivais pas à digérer l’idée qu’ils étaient morts. Et ce n’était pas comme si c’était la première fois que quelque chose comme ça m’arrivait. En tant qu’aventuriers, la mort était notre compagnon de route. J’avais entendu dire qu’un autre groupe dont j’étais proche avait été anéanti.

Malgré tout, c’était déprimant. Après tout, accepter leur mort n’était pas la même chose que de ne pas en être affecté. Je n’étais pas particulièrement proche de l’un ou l’autre, et nous ne nous connaissions pas très bien. Pourtant, nous avions partagé des repas ensemble, surmonté la mort ensemble. Je ne pouvais pas m’empêcher d’être triste en apprenant qu’ils avaient perdu la vie.

Mais il n’y avait rien à faire. Tôt ou tard, tous les aventuriers allaient mourir. La possibilité de mourrir les suivait tant qu’ils poursuivaient ce travail. C’était comme ça.

« Non. Mimir mise à part, Sarah n’est pas encore morte. », dit Timothy.

Même si j’avais déjà accepté ce fait, Timothy prétendait maintenant le contraire. Son visage se tordait de frustration alors qu’il s’en prenait à Suzanne et Patrice.

« Nous étions juste séparés d’elle pendant la bataille. Ce n’est pas comme si nous avions vu son cadavre. Alors peut-être que si nous avions cherché un peu plus, nous aurions pu… »

« Abandonne. On ne pouvait rien voir dans cette forêt, pas dans ce blizzard. Il vaut mieux la considérer comme morte. », insista Suzanne.

« Mais… »

« J’ai dit : abandonne ! Si nous étions restés là plus longtemps pour chercher, nous serions morts nous aussi ! Nous le savions, et c’est pourquoi nous avons obéi à tes ordres ! »

Suzanne cria sur Timothy quand ce dernier baissa la tête.

Il semblerait que Timothy avait donné l’ordre de battre en retraite. Maintenant, il regrettait sa décision.

Je pouvais comprendre pourquoi. Le regret était inévitable une fois que vous aviez vu où votre décision vous menait. Lorsque vous étiez contraint d’abandonner quelque chose d’important, vous ne pouviez pas vous empêcher de vous demander si vous auriez dû parier sur cette lueur d’espoir, même si elle entraînait un pire destin.

« Tu sais, Timothy, tu n’as pas à assumer toute la responsabilité. Nous aurions pu ignorer les ordres à ce moment, mais nous avons accepté de revenir ici. Nous sommes tout aussi responsables », déclara Patrice.

« C’est vrai. Nous sommes avec toi. Alors, ne t’en prends pas à toi. », avait convenu Suzanne

Ils essayaient tous les deux de réconforter Timothy, même s’ils avaient sûrement eux-mêmes le cœur brisé. Peut-être s’étaient-ils accrochés à une mince lueur d’espoir pour Sarah, mais ils l’avaient gardée pour eux en raison du danger que représenterait la recherche. Ils avaient dû réfléchir à l’avenir qu’ils avaient encore devant eux. S’ils repartaient sur un coup de tête et n’avaient pas de chance, ils risquaient de perdre une autre personne. Peut-être deux. Peut-être même toute l’équipe.

En réfléchissant à cela, je m’étais souvenu de ce qui s’était passé dans cette grotte que nous avions explorée il y a quelques mois, avant le début de l’hiver. Sarah avait été la première à me venir en aide. Rétrospectivement, c’était un geste très dangereux. Elle aurait pu entraîner l’anéantissement de tout le groupe, ou au moins la mort de quelqu’un.

« Alors, où avez-vous été séparés ? » avais-je demandé.

« À l’ouest, dans la forêt de Trèves. La visibilité était si mauvaise à cause du blizzard que nous avons en quelque sorte erré dans ses limites. Au moment où nous avons essayé de sortir, un troupeau de buffles des neiges nous a attaqués. »

« Alors voilà ce qui s’est passé. Ça a dû être dur. »

La forêt de Trèves. Si je me souvenais bien, elle était située à une demi-journée de route.

« Eh bien, je dois y aller », avais-je dit, en me retournant pour prendre congé.

Timothy et les autres n’avaient rien dit de plus, et ils n’avaient pas non plus essayé de m’arrêter.

J’avais immédiatement quitté la guilde et m’étais dirigé tout droit vers l’auberge. Une fois à l’intérieur, j’avais monté les escaliers et m’étais précipité dans ma chambre. J’avais gardé mes vêtements arctiques et j’avais simplement secoué les perles d’eau qui s’étaient accumulées dessus. J’avais pris mon grand sac à dos dans un coin de ma chambre, j’avais jeté mes réserves de nourriture restantes et j’avais passé les sangles par-dessus mes épaules. Puis j’étais parti, j’avais descendu les escaliers et j’étais sorti par la porte.

Pourquoi avais-je fait cela ? Je ne saurais le dire. Je savais, d’une certaine façon, que c’était une course folle. Quoi qu’il en soit, je voulais partir. Je voulais voir par moi-même si cette jeune fille — qui était toujours vulgaire dans ses paroles et ses actes, imitant toujours Suzanne — était vraiment morte ou non.

Je ne savais pas pourquoi.

Oui, sérieusement, je ne le savais pas. Malgré tout, je m’étais retrouvé au milieu de ce blizzard aveuglant.

« Cette tempête est une vraie horreur. »

J’avais louché vers le ciel. C’était une tache grise cachée derrière un manteau de neige qui tombait. J’avais dirigé mon bâton dans sa direction. Roxy m’avait dit qu’il valait mieux ne pas se mêler du temps, alors j’avais écouté ses paroles du mieux que je pouvais.

J’avais déplacé les nuages en créant une tornade pour les disperser.

« Et voilà. »

Le ciel bleu clair brillait au-dessus de moi alors que je me mettais en route, les bottes crissant à travers la neige.

◇ ◇ ◇

La nuit était tombée, il faisait nuit noire quand j’étais arrivé à la forêt de Trèves. Grâce à ma manipulation du temps, je n’avais pas eu besoin de patauger dans un blizzard pour arriver ici. À l’intérieur de la forêt, les arbres formaient un dôme qui couvrait le ciel. Ma torche fournissait à peine assez de lumière pour voir, et la neige était dense et haute sur le sol. En avançant, je m’étais retrouvé enterré jusqu’à la taille. Il était beaucoup plus difficile de marcher que d’habitude. J’avançais, pas à pas. De temps en temps, un amas de poudreuse gelée tombait en cascade des arbres voisins, comme si on essayait de m’enterrer.

Accroche-toi… Elle ne tombait pas toute seule. Quelque chose la déversait sur moi.

J’avais levé les yeux et j’avais découvert le monstre derrière tout ça : un arbre des neiges. En été, c’était des arbres ordinaires, mais quand l’hiver arrivait, la neige s’accumulait sur leurs branches. Comme leur nom l’indiquait, ils essayaient de gêner les aventuriers de passage en les enterrant. C’était un arbre de rang inférieur, unique dans cette région. La plupart du temps, ils se contentaient de déverser de la neige sur vous, mais il y avait parfois des individus qui pouvaient utiliser la magie de la glace, en lançant des blocs de glace assez grands pour aplatir un humain en un seul coup. Il s’agissait d’une espèce de plus haut rang appelée « arbre des glaces ». Je n’en avais pas encore rencontré.

Si possible, je préférerais que cela reste ainsi.

« Brûle sur place. »

J’avais utilisé la magie du feu pour faire fondre la neige qui tombait d’en haut.

« Canon de pierre. »

Puis j’utilisais ma magie de la terre pour détruire l’arbre. Il cessa de bouger après que mon attaque ait fait un trou dans son tronc, envoyant des éclats partout.

À ce moment, leurs attaques n’étaient qu’une gêne. En fait, la neige épaisse à mes pieds était un obstacle bien plus important. La marche était difficile, je trouvais parfois mes pieds complètement avalés par la neige. Quand cela se produisait, j’utilisais la magie du feu pour me frayer un chemin à travers.

Mais mon équipement arctique était fait de peaux de hérisson des neiges. Comme elle absorbait l’eau, elle devenait plus lourde, je devais donc utiliser la magie du vent pour la faire sécher. Tout cela ralentissait mon rythme.

Peut-être qu’à l’avenir je devrais m’entraîner à mieux avancer sur ce genre de terrain.

J’avais avancé en silence en envisageant cette option. Une partie de moi se demandait même ce que je faisais. Il n’y avait aucun moyen de retrouver Sarah. Les trois autres l’avaient cherchée immédiatement après sa disparition et ne l’avaient toujours pas retrouvée. Comment pouvais-je réussir là où ils avaient échoué ? Je n’avais même pas eu le bon sens de leur demander où ils se trouvaient exactement avant de partir.

Je pouvais l’appeler et lui faire savoir où j’étais, mais je ne le faisais pas. Je m’étais dit que les monstres seraient avertis de ma présence si je le faisais, mais cela m’avait fait penser à ce que Soldat avait dit. J’étais à moitié foutu. Sérieusement, qu’est-ce que je faisais ? Cette recherche n’avait fait qu’apaiser mon propre ego.

Si ce n’était pas suffisant, alors qu’est-ce qui me satisferait ?

Trouver Sarah, bien sûr. Si je parvenais à trouver Sarah en utilisant mes propres méthodes, cela me satisferait. Peu importe qu’elle soit morte ou vivante. La seule chose qui comptait, c’était que je prenne des mesures et que j’aie quelque chose à montrer.

C’est tout.

Des résultats.

Pour l’instant, je voulais juste des résultats. Rien d’autre n’avait d’importance. Ce n’était pas comme si je voulais désespérément sauver Sarah, ou que je voulais rendre aux membres de Counter Arrows la gentillesse dont ils m’avaient fait preuve. Je voulais juste accomplir quelque chose. Ou peut-être que je voulais faire le choix actif de ne pas abandonner quelqu’un d’autre.

Éris m’avait abandonné et cela m’avait laissé très déprimé. Je ne voulais pas faire la même chose à quelqu’un d’autre. Je ne voulais pas faire l’horrible chose qui m’avait été faite.

Peut-être que ce n’était que cela. Je ne savais pas — je ne pouvais pas savoir — pourquoi j’étais là, à endurer tout ça.

« Les voilà. »

Alors que j’étais perdu dans le labyrinthe de mes propres pensées, j’avais repéré un troupeau de monstres devant moi : un groupe de Buffles des Neiges. Ils se blottissaient les uns contre les autres dans la mer blanche. Leur pelage gris leur permettait de se camoufler dans le blizzard et de lancer des attaques-surprises contre des aventuriers sans méfiance, mais le ciel était alors dégagé. Et bien qu’ils soient encore difficiles à voir lorsqu’ils sont cachés dans l’ombre des arbres, leur présence est indéniable.

Les Buffles des Neiges se rassemblaient dans les zones boisées, formant un troupeau unique dans chaque forêt. Ils passaient généralement l’hiver dans une zone, mettant bas et élevant leurs petits dans la neige. Si quelqu’un était attaqué par un troupeau, c’était généralement parce que cette personne avait pénétré sur son territoire.

En d’autres termes, il y avait une forte probabilité que ce soit la zone dans laquelle Timothy et Sarah s’étaient séparés. Il était également probable que son cadavre se trouvait dans le ventre d’une de ces créatures. Les buffles de ma vie précédente étaient herbivores, mais ces bêtes étaient carnivores.

J’avais canalisé mon mana dans les deux mains. Il était peut-être impossible de les vaincre tous à la fois, mais une attaque préventive réduirait leur nombre.

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2 commentaires :

  1. merci pour le chapitre

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