Mushoku Tensei (LN) – Tome 7 – Chapitre 2 – Partie 3

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Chapitre 2 : Les grizzlis brillants

Partie 3

Le grizzli brillant était un monstre de classe B, l’une des espèces les plus courantes dans la région nord du continent central. En apparence, c’était essentiellement un grand ours avec un pelage blanc et une seule bande noire qui descendait verticalement en son milieu. Mais il différait de la plupart des ours sur quelques points importants : il se déplaçait en grands groupes et, à l’approche de l’hiver, ils travaillaient ensemble pour constituer d’énormes réserves collectives de nourriture. À cette époque de l’année, leurs attaques contre les humains devenaient beaucoup plus fréquentes.

Cela dit, ils étaient relativement calmes pendant les mois d’été, lorsqu’ils avaient tendance à traîner autour des sources d’eau pour s’accoupler. Les aventuriers profitaient souvent de cette occasion pour les exterminer. La méthode standard pour gérer une grande meute était de les trouver pendant la saison des amours et de lancer une attaque-surprise la nuit.

« Très bien… »

Après avoir grimpé au sommet d’une légère colline près du lac de Cucuru, nous avions aperçu les grizzlis brillants au loin. Nous étions sous leur vent et bien cachés par les broussailles. Il n’y avait pas beaucoup de risque qu’ils remarquent notre présence… d’autant plus qu’ils dormaient profondément après avoir copulé tout l’après-midi et toute la soirée. Les grizzlis brillants n’avaient pas pris la peine de creuser des trous pour dormir. Quand ils étaient fatigués, ils s’effondraient sur le sol comme des otaries.

Nous allions leur tirer dessus à distance avec de la magie, en espérant en tuer beaucoup et faire paniquer les autres. Une fois qu’ils se seraient mis à courir dans notre direction, il n’y en aurait plus assez pour donner du fil à retordre à nos guerriers à l’avant-garde.

En supposant que tout se passe comme prévu, bien sûr.

« Combien y en a-t-il, Sarah ? »

« On dirait qu’ils sont une vingtaine… »

Alors que nous étions allongés sur le sommet de la colline, Sarah jeta un coup d’œil sur le groupe de monstres qui se trouvait au loin. Sans surprise, elle avait les meilleurs yeux du groupe. Si elle pensait qu’ils étaient vingt, je devais la croire sur parole. Dans l’obscurité, je ne pouvais distinguer que quelques petits points blancs éparpillés à environ trois cents mètres de distance.

De cette distance, Ruijerd aurait pu nous donner un rapport précis sur leur nombre en un instant… mais il n’était pas là, cela ne valait donc pas trop la peine d’y penser.

« Tu penses qu’on peut les attaquer ? », murmura Suzanne.

« On va s’en sortir ! N’est-ce pas, les gars ? » dit Sarah, se retournant vers nous avec un visage plein de confiance.

Je ne savais pas à quelle vitesse les grizzlis brillants pouvaient courir, mais nous avions un avantage positionnel. Je pouvais ralentir leur charge avec un enlisement bien placé, et comme nous avions tous pris un peu de repos avant, Timothy, Patrice et Mimir avaient beaucoup de mana en réserve pour cette tâche.

« Très bien alors. Commençons. », dit Timothy.

Soudainement, tout le monde était concentré sur la tâche à accomplir. Vingt grizzlis semblaient être un nombre gérable, mais ce n’était pas une raison pour être trop confiant. Je serrais mon bâton dans mes mains et regardais attentivement dans l’obscurité, comme les autres.

« Que la vaste et bénie flamme converge à ton commandement ! Ô, feu furieux, offre-nous un grand et flamboyant cadeau ! Grande boule de feu ! »

« Enlisement ! »

Au moment où Timothée terminait l’incantation de son sort de feu intermédiaire, j’avais transformé une grande parcelle de terrain en une tourbière épaisse et boueuse. J’avais essayé de le placer juste à l’intérieur de la zone de feu de Sarah. Si les grizzlis brillants étaient arrêtés dans leur course ici, elle pourrait facilement les terrasser.

« Que la vaste et bénie flamme converge à ton commandement ! Ô, feu furieux, offre-nous un grand et flamboyant cadeau ! Grande boule de feu ! »

Timothy avait déjà rapidement lancé une deuxième grande boule de feu. La chose devait avoir deux mètres de diamètre, mais elle fut lancée dans les airs avec une vitesse impressionnante. J’avais regardé la boule de feu frapper un des grizzlis brillants. Même à cette distance, je pouvais dire que le monstre était mort instantanément. J’avais vu Timothy faire cela plusieurs fois en venant ici, mais sa Grande Boule de Feu était vraiment très puissante, rapide et précise. On pouvait dire qu’il avait une grande expérience du lancer.

« Ils nous ont repérés ! »

Un par un, les grizzlis brillants rugissants et furieux commencèrent à courir dans notre direction.

Certaines des boules de feu de Timothy manquèrent leur cible maintenant que les monstres étaient en mouvement, mais il avait quand même réussi à en frapper un certain nombre alors qu’ils se rapprochaient. Jusqu’à présent, tout se passait bien. Lorsqu’ils atteignirent l’endroit où j’avais placé mon enlisement, la moitié des grizzlis brillants étaient mort. Comme Sarah allait en abattre d’autres à partir de ce moment, il semblait possible que nous éliminions les créatures avant même qu’elles ne s’approchent.

Plutôt facile pour un travail de Rang A, vraiment…

… Ou du moins, c’était ce que j’avais pensé pendant une fraction de seconde.

« Hein ?! »

Juste avant que la meute de grizzlis brillants ne touche mon enlisement, une des boules de feu de Timothy avait brièvement illuminé la zone tout autour d’eux. Il y avait d’autres formes qui se déplaçaient dans l’obscurité. Beaucoup d’autres formes se déplaçaient sur le côté de la tourbière que j’avais créée.

Quoiqu’elles soient, elles étaient noires comme du jais… et de la même taille que les grizzlis brillants.

« Quoi ? ! Serait-ce des grizzlis noirs ? ! » s’écria Sarah.

Quand j’entendis ces mots, quelque chose cliqua dans mon esprit.

Ces formes étaient bien des grizzlis brillants, mais ils étaient juste couverts de boue. À toutes fins utiles, ils portaient un camouflage.

Bien sûr, ce n’était pas la boue de mon enlisement. Il devait y avoir une autre meute au lac, dormant dans une zone marécageuse non loin du groupe que nous avions repéré. Quand la meute à côté d’eux avait été attaquée, ils s’étaient réveillés et nous avaient repérés.

« Ils sont beaucoup trop nombreux ! »

« Retraite ! Retraite ! »

Surpris, Timothy cria l’ordre de se replier.

C’était une réaction compréhensible. Ce deuxième groupe était énorme, il devait y en avoir plus de soixante. Et ils se précipitaient droit sur nous, à peine visibles grâce aux petits feux laissés par la magie de Timothy.

J’imagine qu’ils avaient rapidement jugé que nous ne pouvions pas espérer gagner ce combat… mais pour être honnête, il était maintenant un peu tard pour battre en retraite. Idéalement, nous aurions dû remarquer cette meute avant d’attaquer l’autre, mais nous avions décidé de ne pas prendre ce risque. Ne pas avoir fait de repérage dans la zone pendant la journée était une grave erreur.

« On ne peut pas les combattre ici ! Repliez-vous à l’endroit que nous avons trouvé en chemin ! », cria Suzanne de quelque part dans l’obscurité.

Plus tôt, nous avions trouvé un point d’étranglement naturel où nous pourrions mener les grizzlis brillants au cas où leur nombre serait trop élevé. Si nous y arrivions et que nous nous regroupions… Mais là encore, il était trop tard pour ça. Pour atteindre ce point d’étranglement, il nous faudrait une distance bien plus grande entre nous et les monstres, et un énorme bourbier sur leur chemin pour les ralentir. Nous ne pouvions pas espérer échapper à une meute de grizzlis brillants qui courait à toute allure sans aucun obstacle sur leur chemin.

Il n’y avait tout simplement plus aucune option.

« Ce n’est pas bon ! Ils vont nous rattraper ! »

« Tch ! Je vais les occuper ! Vous autres, courez ! »

« Suzanne ! »

Suzanne s’était arrêtée net. Sarah lui tournait autour, le visage pâle et effrayant.

« Non ! Je reste derrière ! C’est de ma faute ! C’est moi qui ne les ai pas remarqués ! »

« Tu ne pourras même pas les ralentir, petite ! »

« Ne sois pas idiote, Suzanne ! Ils sont trop nombreux pour que tu puisses les retenir tout seul ! Si tu ne fuis pas, personne ne fuit ! », dit Patrice.

« D’accord ! Montrons-leur de quoi nous sommes faits ! », annonça Mimir.

Abandonnant la tentative de retraite, chacun leva ses armes et se prépara à se battre. La meute de grizzlis brillants s’était abattue sur nous avec une vitesse féroce, forte et violente comme un tremblement de terre. Même dans l’obscurité, c’était un spectacle terrifiant.

Les jambes de Sarah tremblaient. Elle n’était pas non plus la seule. Suzanne, Mimir, Patrice et Timothy semblaient tous regarder la mort droit dans les yeux.

Mais pas un seul d’entre eux n’avait essayé de fuir.

En les regardant tous les cinq, j’avais senti mon cœur battre avec force dans ma poitrine. Était-ce parce que les grizzlis se rapprochaient de nous ? Non, certainement pas. Cela n’avait même pas l’air important.

C’était Suzanne. Et Sarah. Et Timothy, Mimir, et Patrice.

Pour une raison inconnue, les regarder réveilla quelque chose en moi. Mon souffle devenait rude. Je ne savais pas exactement quelle était cette émotion, mais elle était intense. Quelque chose dans la façon dont ils faisaient face à cette horde de monstres… m’avait vraiment touché.

« Ah… »

À un moment donné, j’avais mis la main dans ma poche pour y mettre ce que j’avais dedans.

« Qu’est-ce que tu fais, Rudeus ? ! » cria Patrice.

Les autres avaient tous jeté un coup d’œil dans ma direction. Pendant un instant, j’avais vu leurs visages. Il n’y avait de désespoir sur aucun d’entre eux. Pas même sur celui de Sarah. Ils étaient tous déterminés à trouver un moyen de survivre. Même maintenant, aucun d’entre eux n’avait abandonné. Aucun d’entre eux n’avait accepté sa propre mort.

J’avais su, à cet instant, pourquoi ils avaient choisi de tenir bon et de se battre. J’avais lu la réponse sur leurs visages. Je l’avais sentie dans ma poche. Et je l’avais vu dans un souvenir qui m’avait brièvement traversé l’esprit.

Je connaissais la réponse depuis longtemps maintenant.

Et maintenant que je m’en souvenais…

« Tout va bien. Je m’en occupe. »

Je leur avais parlé si calmement que je m’étais moi-même surpris.

Gardant mes émotions cachées du mieux que je pouvais, j’avais dirigé mon bâton directement vers le groupe de grizzlis lustrés couverts de boue qui s’approchait.

« Exodus Flame. »

Une énorme vague de feu magique traversa le groupe comme un couteau chaud à travers du beurre.

◇ ◇ ◇

Une heure passa. La zone autour du lac avait été réduite à une friche calcinée. Les cadavres des grizzlis brillants étaient partout. La plupart avaient été brûlés, mais quelques-uns avaient encore leur peau raisonnablement intacte. En ce moment, nous en dépouillions autant que possible.

Ma magie du feu avait anéanti la majorité des grizzlis brillants. Après cela, ils s’étaient séparés et avaient commencé à courir dans toutes les directions. Une poignée continua à nous charger, mais Suzanne et les autres s’étaient occupés de ceux-là, et j’avais éliminé ceux qui avaient essayé de s’enfuir avec le canon de pierre.

Une fois le dernier monstre abattu, tout le monde resta silencieux pendant un long moment, jusqu’à ce que je propose finalement de s’occuper des corps. Nous y travaillions depuis un moment déjà.

Nous devions rapporter les queues des grizzlis brillants pour prouver que nous avions fait notre travail, et leurs peaux que nous vendrions pour de l’argent. Naturellement, leur fourrure se vendait à un prix assez raisonnable. Les aventuriers avaient l’habitude d’en rapporter autant qu’ils pouvaient en porter. Nous nous séparions en équipes de deux pour la partie la plus compliquée. J’avais été jumelé avec Timothy, mon collègue magicien. Il était silencieux depuis un certain temps. J’avais eu le sentiment qu’il ne savait pas exactement quoi me dire.

Mais il n’y avait pas que Timothy. Tous les autres étaient aussi silencieux. Mais ce n’était pas la pire sorte de silence au monde. Je n’avais pas ressenti le besoin de le rompre.

Le temps que nous dépouillions les grizzlis brillants, que nous ramassions leurs queues et leurs peaux et que nous commencions à brûler leurs corps en une pile, le ciel commençait à s’éclaircir. L’air se remplissait de l’odeur de la viande grésillante. C’était une odeur que j’en étais venu à associer à la fin d’un travail d’abattage de monstres réussi.

Alors que je regardais le feu, Suzanne était venue se mettre à mes côtés : « Je suppose qu’on t’en doit une, hein ? Si tu n’avais pas été là, nous serions tous morts. J’avais l’impression que tu étais plus fort que tu en avais l’air, mais je ne m’attendais pas à une telle performance. », dit-elle en haussant les épaules.

« Je ne sais pas. Sans moi, vous n’auriez jamais accepté ce travail, n’est-ce pas ? Vous auriez probablement commencé avec une quête de rang B ou même C pour vous faire une idée du secteur. »

« Eh bien, c’est assez vrai… »

Suzanne se gratta la joue avec un regard gêné, mais je pensais sincèrement chaque mot. J’étais même reconnaissant à son groupe. Ils m’avaient aidé à réaliser quelque chose au milieu de cette bataille, et je m’étais senti un peu mieux grâce à cela.

« Cependant, je suis heureux que vous m’ayez amené ici. Merci encore. »

« … Quand tu veux, gamin. Es-tu prêt à rentrer ? »

« Bien sûr. »

Suzanne m’avait regardé en face et m’avait souri, puis s’était retournée pour aller vers notre tas de peaux. L’étape suivante consistait à faire notre retour triomphal à Rosenburg, en trimballant autant de ces choses que possible. Les monstres avaient été tués, mais cela ne signifiait pas que notre travail était terminé. Ce n’était pas fini tant que vous n’aviez pas rapporté les preuves et vendu votre butin.

Quelques instants plus tard, alors que je portais un paquet de peaux par-dessus mon épaule, j’avais remarqué que quelqu’un était venu se mettre devant moi. Ce n’était pas Suzanne cette fois-ci, c’était une fille de ma taille.

« … Merci pour le sauvetage. »

Après ces quelques mots, Sarah s’était vite retournée et avait couru vers Suzanne.

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2 commentaires :

  1. merci pour le chapitre

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