Mushoku Tensei (LN) – Tome 6 – Chapitre 9

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Chapitre 9 : Le deuxième tournant

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Chapitre 9 : Le deuxième tournant

Partie 1

La Mâchoire inférieure de la Wyverne Rouge était un ravin possédant un chemin qui traversait directement les montagnes. La route n’était pas aussi droite que la route de la Sainte Épée, mais elle ne se séparait pas et ne bifurquait pas non plus. C’était un territoire situé entre deux pays qui n’était revendiqué par personne. Une fois que nous l’avions traversée, nous étions dans le royaume d’Asura.

Nous étions de bonne humeur, sentant la fin de notre long voyage. Nous étions un peu inquiets parce que nous ne savions pas à quel point notre maison avait changé, mais nous commencions aussi à ressentir un sentiment d’accomplissement. On pouvait dire que nous avions baissé la garde.

C’était par ce chemin qu’ils étaient arrivés, en marchant sans cesse dans la direction opposée. Ils n’étaient pas à cheval, ils n’étaient pas assis dans une voiture, ils marchaient simplement. Il y avait un homme aux cheveux argentés et aux yeux dorés qui ne portait pas de véritable armure, mais seulement un modeste manteau blanc fait d’une sorte de cuir. J’avais simplement eu l’impression qu’il avait un regard dangereux, et c’était à peu près tout. Ses iris étaient suffisamment petits pour qu’on puisse voir les blancs tout autour d’eux.

Mes yeux étaient plus attirés par l’autre personne, une jeune fille aux cheveux noirs qui suivait derrière lui. En y regardant de plus près, ses cheveux étaient plutôt d’une teinte brun foncé, une couleur légèrement cendrée. Je n’avais pas l’habitude de me souvenir des gens par leur couleur de cheveux, mais il n’aurait pas dû être difficile de se souvenir de quelqu’un avec des cheveux noirs purs. Sauf que je ne pouvais pas me souvenir de quelqu’un comme ça.

Il y avait une autre raison pour laquelle cette fille avait attiré mon attention. Elle avait un masque sur le visage. Il était d’un blanc pur, sans aucun dessin, un masque sans aucune décoration. Il n’avait rien de particulièrement mémorable, et pourtant si vous le voyiez une fois, vous ne l’oublieriez jamais. Si je devais le comparer à quelque chose, ce serait l’un des masques cachant le visage de mon monde antérieur. Comme il se détachait très difficilement, je doutais qu’il s’agisse d’un effet de mode.

 

 

Comme j’étais autant captivé par l’apparence de cette fille — enfin, pas si captivé que ça — je n’avais pas remarqué Ruijerd assis sur le siège du conducteur, le visage blanc comme un linge. Éris avait une apparence similaire. À chaque pas que l’homme faisait en se rapprochant, son visage se durcissait et sa prise sur la poignée de son épée devenait si serrée que ses mains devenaient blanches.

Quand l’homme nous avait remarqués, il fit une curieuse inclinaison de la tête.

« Hm… ? Vous… pourriez-vous être un Superd ? »

Le doute s’était installé quand j’avais vu ses yeux, avec leurs petits iris, étroits. Ruijerd avait rasé tous ses cheveux et le joyau de son front était caché. Comment l’homme le savait-il ? Ruijerd dégageait-il une sorte d’odeur qui le trahissait ? Alors que j’envisageais cette possibilité, je m’étais tourné vers Ruijerd.

« Est-il une de tes connai… ssance… ? »

Ma question avait été écourtée par le regard de Ruijerd. Sa peau blanche était encore plus pâle que d’habitude, perlée de sueur froide. Sa main tremblait lorsqu’il avait saisi sa lance. Cette expression… Je savais ce que c’était.

La peur.

« Rudeus, quoi que tu fasses, ne bouge pas. Éris, toi non plus. »

Il y avait un tremblement dans la voix de Ruijerd.

Je n’avais toujours aucune idée de ce qui se passait, mais j’avais hoché la tête sans rien dire. Le visage d’Éris était devenu rouge vif, elle semblait pouvoir bondir d’un moment à l’autre. Ses bras et ses jambes tremblaient. Avaient-elles rencontré cet homme à un moment donné, alors que je n’en étais pas conscient ?

« Hm ? Cette voix… Vous devez être Ruijerd Superdia ? Je ne vous ai pas reconnue au début, sans vos cheveux. Qu’est-ce que vous faites ici ? »

L’homme s’était approché de nous avec désinvolture. Ruijerd prépara la lance dans sa main. Sur un coup de tête, j’avais décidé d’utiliser mon œil démoniaque.

« Le corps de l’homme se découpe en plusieurs images. »

Il y en avait tellement que je ne pouvais pas voir le contour exact de son corps. Que diable se passait-il ?

« Hm ? Celle avec les cheveux roux… Éris Boreas Greyrat, hein ? Et vous… qui êtes-vous ? Ce n’est pas un visage que je connais… Oh, bien. Je vois ce qui se passe, Ruijerd Superdia. Vous aimez les enfants, donc ces deux-là doivent être ceux qui ont été téléportés sur le Continent Démon pendant l’incident. Vous les avez amenés jusqu’ici. »

Il fit un regard complice tout en hochant la tête.

Éris avait été choquée et cria : « Comment connaissez-vous mon nom !? »

Je m’étais senti encore plus confus par ses paroles. C’était donc la première fois qu’ils se rencontraient ? Je veux dire, c’était d’Éris que nous parlions, donc il n’aurait pas été surprenant qu’elle ait simplement oublié. Mais cet homme n’était pas vraiment oubliable, avec ses cheveux argentés et la façon dont le blanc de ses yeux se reflétait autour de son iris. Et puis il y avait aussi le problème de la réaction anormale qu’il avait provoqué chez Éris et Ruijerd. Si elle l’avait rencontré avant, elle n’aurait jamais pu l’oublier.

« Mais qui êtes-vous ? Et pourquoi connaissez-vous mon nom !? »

Ruijerd déplaça sa lance vers l’homme. Apparemment, il ne connaissait pas ce type non plus. Que diable se passait-il… ?

Ruijerd était célèbre. Il n’était pas connu sur le Continent Central, mais si vous étiez allé sur le Continent Démon, il y en avait beaucoup qui connaissaient son nom et son visage. Je n’étais pas si sûr pour Éris, mais si vous l’aviez entendue décrite comme une jeune épéiste aux cheveux roux, alors vous pouviez deviner qui elle était.

Il y avait plus que cette étrangeté. Il y avait l’attitude de l’homme… ou plutôt, la différence entre son attitude et leurs réactions. Il avait l’air amical. Sa voix était plate, mais — et je ne savais pas d’où cela venait — elle avait une qualité qui lui donnait l’air heureux, comme s’il avait retrouvé de vieux amis.

Le comportement de Ruijerd était tout le contraire, il agissait comme s’il pouvait attaquer à tout moment. Sauf qu’il ne l’avait pas encore fait. Il traitait cet homme comme un ennemi, mais il n’avait pas encore lancé d’attaque. Même Éris, qui était toujours la première à attaquer, n’avait pas bougé. Et ce n’était pas seulement parce que Ruijerd lui avait dit de ne pas le faire.

« C’est un endroit curieux pour vous rencontrer… mais vous semblez aller bien. C’est bien. »

L’homme fixa Ruijerd, qui avait toujours sa lance pointée sur lui. Puis il avait ri de façon autodérisoire et fit un pas en arrière.

En voyant cela, la fille avec le masque marmonna : « Tu es sûr ? »

« C’est inévitable à ce stade. »

C’était une conversation que je ne pouvais pas comprendre, puisque je ne connaissais pas le contexte de leur conversation. Et une fois qu’elle fut finie…

« Je resterai hors de votre chemin. »

L’homme s’était avancé lentement sur le côté. La femme aux cheveux noirs l’avait suivi.

Ruijerd avait gardé les yeux rivés sur l’homme. Et bien sûr, Éris aussi.

« Vous finirez par savoir qui je suis… », dit l’homme, ses paroles étant mesurées et significatives.

Intuitivement, j’avais senti que cet homme savait quelque chose. J’avais senti une vibration émaner de cet homme qui était la même que celle de l’Homme-Dieu. Il fallait qu’il me dise ce que c’était.

« S’il vous plaît, attendez ! »

Avant de m’en rendre compte, j’avais demandé à l’homme de s’arrêter.

Il s’était retourné, le visage marqué par la surprise. Ruijerd et Éris m’avaient également regardé avec un choc sur le visage.

« Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce que vous voulez ? »

« Eh bien, vous saluer. Je m’appelle Rudeus Greyrat. »

« Jamais entendu parler de vous. »

Après tout, c’était notre première rencontre.

« Attendez, Greyrat, c’est ça ? Quels sont les noms de vos parents ? »

« Avant d’en arriver là, euh, quel est votre nom ? » avais-je demandé.

« Hm… Très bien, je vais vous le dire. Je m’appelle Orsted. »

Orsted ? Ce n’était pas un nom que je connaissais. Le seul personnage avec un nom similaire que je connaissais était celui qui était mort et qui ne cessait de s’excuser de l’autre côté. J’avais regardé Ruijerd et je m’étais rendu compte qu’il ne semblait pas non plus connaître le nom.

« Vous vous connaissez tous les deux ? »

« Non. Pas encore. », répondit Orsted.

« Pas encore ? Qu’est-ce que ça veut dire ? »

« Vous n’avez pas besoin de savoir. Maintenant, qui sont vos parents ? »

Il m’avait froidement repoussé.

Il ne voulait même pas répondre à mes questions, et pourtant il s’attendait à ce que je réponde aux siennes ? Eh bien, peu importe. Je n’allais pas m’énerver pour quelque chose d’aussi mineur.

« Paul Greyrat », avais-je finalement dit.

« … Hm ? Paul ne devrait pas avoir de fils. Il devrait avoir deux filles. »

C’était grossier. J’étais juste là, et je ressemblais à mon père. Le fils idiot qui était allé jusqu’au Continent Démon pour gagner de l’argent.

« … Hm. »

Comme s’il avait réalisé quelque chose, Orsted avait incliné la tête. Lentement, il s’était approché de moi.

« N’approchez pas ! » menaça Ruijerd.

« Oui, je sais. »

Il s’était arrêté, gardant ses distances, mais fixa mon visage. Je tenais ferme devant son regard.

« Vous ne détournez pas votre regard, hein ? »

« J’aimerais me détourner le plus vite possible, car votre regard est si terrifiant », lui dis-je.

« Hm, donc ça veut dire que vous n’avez pas peur ? »

Ses sourcils s’étaient plissés.

« Hmm. C’est étrange. Je n’ai aucun souvenir de vous avoir rencontré. »

Moi non plus. C’était notre première rencontre. Je ne connaissais pas le nom d’Orsted, et je n’avais pas reconnu son visage.

« Alors, que voulez-vous ? », demanda-t-il.

« Hum, et bien, j’ai juste pensé que peut-être vous saviez quelque chose sur l’incident de téléportation. »

« Non. »

Il n’avait pas secoué la tête, mais avait simplement rejeté cette possibilité.

Huh. Quelque chose à propos de son attitude envers moi était un peu bizarre. C’était comme s’il était prudent avec moi. Comme s’il était plus distant avec moi qu’il ne l’avait été avec Ruijerd ou Éris. Eh bien, tout le monde n’aimerait pas que quelqu’un l’arrête brutalement pour lui poser des questions sur ceci ou cela. Même s’il savait quelque chose, je n’allais probablement pas l’obliger à m’en parler.

« Très bien alors, je suis désolé de vous avoir arrêté… »

C’était exactement à ce moment-là, alors que je m’excusais en baissant la tête, qu’il m’avait dite.

« Vous. Avez-vous entendu parler de “l’Homme-Dieu” ? »

Finalement, il avait dit un mot que je pouvais comprendre.

Une partie du problème était que j’avais baissé ma garde, pensant que notre conversation était déjà terminée. D’autre part, j’avais volontairement évité de dire quoi que ce soit sur l’Homme-Dieu à qui que ce soit, et soudainement quelqu’un avait prononcé le nom du Dieu, en particulier une personne qui m’avait tellement troublé. Alors, naturellement, pensant qu’on allait poursuivre tous les deux la conversation sur une connaissance que nous partageons, j’avais réagi sans réfléchir.

J’avais répondu avec une certaine désinvolture : « Effectivement. Il est apparu dans mon rêve… »

Soudain, ma vision changea.

« La main d’Orsted va me transpercer la poitrine. »

C’était si rapide, comme s’il se téléportait. Je ne pouvais pas l’éviter. Une seconde, c’était beaucoup trop court.

« Rudeus ! »

La vision avait soudain disparu et Ruijerd s’était interposé devant moi. Il bloqua l’attaque d’Orsted, j’avais été renvoyé en arrière. Orsted regarda par-dessus l’épaule de Ruijerd, en me fixant du regard. Ses yeux étaient froids.

« Alors, c’est ça. Vous êtes l’un des apôtres de l’Homme-Dieu. »

Au moment même où je m’étais rendu compte qu’Orsted me lançait une fausse accusation, Ruijerd criait

« Rudeus ! Cours ! »

« Tu es sur mon chemin, Ruijerd Superdia ! »

Ruijerd balança sa lance.

Je ne pouvais pas bouger. Ce n’était pas comme si je n’avais pas essayé de courir, c’était juste que je n’avais même pas eu la chance d’essayer. Ruijerd avait été éliminé en quelques secondes. Tout ce que j’avais pu faire, c’était regarder Orsted le repousser facilement, un peu comme un humain qui écrase une mouche.

Ruijerd était fort. Du moins, c’était ce qu’il était censé être. Même Éris n’avait pas réussi à le vaincre une seule fois pendant tout notre voyage. Il avait cinq cents ans d’expérience du combat, ce qui aurait dû le rendre pratiquement invincible. Il aurait dû être plus fort qu’un épéiste de rang Roi. Et pourtant, je pouvais dire avec mon œil démoniaque qu’il avait perdu. À travers l’œil, j’avais tout regardé du début à la fin. Au niveau du temps, ça n’avait probablement duré que dix secondes.

Il était impossible qu’Orsted ait été plus rapide que Ruijerd. C’était juste qu’à chaque mouvement de Ruijerd, il était légèrement désavantagé. En l’espace d’une seconde, cela avait été répété trois ou quatre fois. Chaque fois qu’il bougeait, il creusait sa tombe plus profondément. Peu à peu, il avait été poussé dans un coin. Chaque fois qu’il essayait d’attaquer, son équilibre en souffrait légèrement, et chaque attaque qu’il tentait de lancer était bloquée.

Une différence de capacité, c’était la seule façon dont je pouvais la décrire. Les compétences d’Orsted avaient tout simplement dépassé celles de Ruijerd. Suffisamment pour que je puisse le voir clairement avec mon œil.

***

Partie 2

Orsted attirait clairement Ruijerd dans un piège. Il se déplaçait le moins possible et pourtant il le faisait le plus rapidement possible, ce qui rendait Ruijerd impuissant. Si une stratégie de combat parfaite était mise en place, c’était probablement à cela qu’elle ressemblerait. Orsted choisissait les intervalles parfaits pour se déplacer, se plaçant à la bonne distance pour que la lance de Ruijerd l’atteigne efficacement. C’était comme si Orsted se moquait de Ruijerd, se mettant délibérément en position d’inviter de puissantes attaques consécutives, pour ensuite le déstabiliser, le faire chanceler, créant des ouvertures dans sa défense, et forçant Ruijerd à se protéger contre de lourdes contre-attaques.

Ruijerd ne pouvait rien faire. Il n’y avait plus de méthodes à sa disposition. Il prit un poing sur son plexus solaire, puis un second qui lui frôla le bout du menton. Le troisième, qui le priva de sa conscience, était un poing qui s’était abattu sur sa tempe. Ruijerd roula deux fois sur le sol avant de s’arrêter complètement. Orsted aurait probablement pu tuer Ruijerd au troisième coup de poing s’il l’avait voulu, mais il ne l’avait pas fait. Même avec un adversaire aussi remarquable que Ruijerd, Orsted avait réussi à se retenir.

« Maintenant. »

« Hyaaaah ! »

Ce n’était pas moi qui avais crié. C’était Éris. Elle sauta devant moi et fouetta sa lame vers Orsted, rapide comme un arc de lumière.

« Technique secrète : “Flux”. »

Orsted n’avait pas perdu de temps contre Éris. Il s’était contenté d’arrêter doucement son épée avec la paume de sa main. Du moins, c’est ce qu’il me semblait. Et pourtant, c’était suffisant pour la faire valser dans les airs. Elle volait comme si elle avait été frappée par la technique ultime d’un saint.

Éris était hors de son champ de vision. À l’instant où Ruijerd fut vaincu, elle lança son attaque depuis son angle mort. C’était une offensive incroyablement habile, pour autant que je puisse dire — elle n’avait pas perdu de temps à penser à la défense, mais passa à l’attaque avec tout ce qu’elle avait. En retour, Orsted n’avait utilisé qu’une seule technique pour la neutraliser.

Attendez. J’avais déjà vu quelque chose de similaire. Paul m’avait montré quelque chose comme ça. C’était une technique du style « Dieu de l’eau », bien que l’exécution d’Orsted avait été encore plus soignée que celle de Paul.

« Aaah... ! »

Éris s’était écrasée contre la paroi d’une falaise. Les rochers s’étaient effondrés sous l’impact, et elle atterrit avec un bruit sourd. Elle était incroyablement résistante, donc je ne pensais pas qu’elle était morte, mais elle s’était peut-être cassé un os.

« Éris Boreas Greyrat, vous avez bien affiné vos compétences. Je crois que tu as du potentiel, mais… vous n’êtes pas encore au point. »

« Ugh... uurgh... »

Éris poussa un gémissement et essaya de se relever.

Normalement, je devrais la guérir immédiatement à ce stade. Cependant, je n’avais pas eu l’occasion d’essayer. Après tout, mes yeux posés sur Orsted me posaient problème.

Mes compagnons avaient tous deux été vaincus en quelques instants. Pendant tout ce temps, j’avais gardé mon œil démoniaque activé, mais tout ce que je voyais, une seconde après, c’était le désespoir. J’avais vu que quoi que je fasse, je me ferais percer. J’avais vu mon futur moi, une seconde plus tard, voir ses points vitaux détruits. Ma tête, ma gorge, mon cœur, mes poumons… J’avais vu chacun d’entre eux se faire écraser, et en même temps, j’avais eu une vision de lui, se tenant juste là, immobile. Je n’avais pas compris ce qui se passait. Si cette vision était vraie, alors dans une seconde, il serait cinq.

Je ne pouvais pas bouger. Je savais que quoi que je fasse, c’était inutile. Toute cette seconde était passée sans que je puisse faire quoi que ce soit. Il glissa vers l’avant, comme s’il défiait les lois de la physique, et en un instant il était juste devant moi. C’était si soudain, comme une animation sans assez d’images.

Dans l’instant qui avait suivi son apparition devant moi, son attaque était déjà terminée. J’avais déjà vu des mouvements de ce genre dans un jeu vidéo il y a longtemps. C’était un jeu post-apocalyptique où chaque personnage avait un combo sans fin ou un KO fatal.

Six de mes côtes furent fracturées simultanément. Il y eut un impact, mais il était différent de celui qui vous faisait voler. Au même moment, j’avais senti la pression d’une autre attaque me frapper par-derrière. Les dégâts s’étaient accumulés à l’intérieur de mon corps. Mes poumons étaient écrasés.

« Uughhh ! »

En une fraction de seconde, le sang avait jailli dans ma gorge et j’avais vomi rouge.

« Il vaut mieux que les poumons d’un magicien soient détruits », dit-il nonchalamment alors que je tombais à genoux.

J’avais vécu un moment d’acceptation aha ! À un moment où je regardais toute ma vie se dérouler devant moi. Écraser les poumons d’un magicien était la meilleure solution, car il ne pouvait alors pas lancer de sort. Cela signifiait que j’avais perdu ma capacité à utiliser la magie de guérison. Et bien sûr, avec mes poumons détruits, je ne pouvais pas rester en vie.

« Quand vous mourrez, assurez-vous de délivrer un message à l’Homme-Dieu pour moi. Dites-lui que le Dieu Dragon Orsted sera celui qui le tuera. »

Le Dieu Dragon. Le numéro deux sur la liste des sept grandes puissances.

Orsted me jeta un regard alors que je me recroquevillais sur le sol, les mains sur la poitrine, et que je le voyais tourner les talons pour partir. J’avais réalisé qu’il avait baissé sa garde. Comme j’avais déjà reçu une blessure mortelle, je n’avais pas seulement été vaincu, j’étais aux portes de la mort. Je ne savais pas pourquoi, même dans cet état, je pensais encore à essayer de me défendre. C’était peut-être parce que, au bord de ma vision, je voyais Éris qui essayait de se lever. Plus probablement, c’était parce que je pensais que maintenant que cet homme était sûr que j’allais mourir, il allait achever les deux autres aussi.

Quoi qu’il en soit, j’avais lancé un canon à pierre sur lui. Pourquoi n’avais-je pas utilisé une magie plus puissante ? Après tout, j’avais de la magie de niveau avancé à ma disposition si je voulais l’utiliser. Même plus tard, je n’avais jamais trouvé la réponse. À ce moment-là, je n’utilisais probablement que la magie que je connaissais le mieux.

J’avais lancé la pierre la plus dure que je pouvais, à la vitesse la plus rapide avec le plus de rotation possible. Ce canon à pierre était si puissant que même moi, j’avais été surpris. Le rocher brûlait à blanc en s’envolant sur la courte distance qui me séparait de lui.

« Orsted va regarder en arrière et briser mon canon à pierre avec son poing. »

Et c’est ce qu’il fit. Au son du cliquetis du métal, elle s’était effondrée et tomba au sol en morceaux.

Orsted regarda son poing.

« C’était un canon de pierre à l’instant, n’est-ce pas ? Il avait un pouvoir incroyable. C’est impressionnant que vous puissiez me blesser avec une telle magie. »

La peau de son poing avait été légèrement pelée. Je l’avais à peine effleuré.

Ce n’était pas bon. Je ne pouvais pas le blesser avec mon canon de pierre.

« J’étais sûr d’avoir écrasé vos poumons, vous devez donc utiliser de la magie silencieuse ? C’est un pouvoir que vous avez obtenu de l’Homme-Dieu ? Qu’est-ce qu’il vous a donné d’autre ? »

Orsted me fixa. Il aurait pu m’achever, mais au lieu de cela, il me regardait comme si j’étais une sauterelle dont les jambes avaient été arrachées.

« Ugh... ! » J’ai invoqué la magie du vent pour faire entrer de l’air dans mes poumons. Je m’étais violemment étouffé. Je savais que ça ne servait à rien, mais j’avais quand même forcé l’air, remplissant mes poumons, avant d’arrêter de respirer.

« Une utilisation amusante de la magie. Quel en est le but maintenant ? Pourquoi ne pas utiliser la magie silencieuse pour guérir vos poumons ? »

Orsted avait mis sa main au menton, me regardant comme s’il aimait me voir souffrir.

Alors même que ma conscience s’affaiblissait, j’avais formé une boule de feu dans ma main droite. Avec la magie du feu, plus vous versez de mana, plus la chaleur était forte et plus elle augmentait. Si la vitesse et la dureté de mon canon de pierre ne fonctionnaient pas, alors j’essayais la chaleur et la puissance explosive.

« Ça suffit. Magie Perturbatrice ! »

Mes faibles pensées de résistance avaient été facilement balayées. Au moment où Orsted pointa sa main droite vers moi, le mana qui commençait à prendre forme à la pointe de la mienne avait été balayé. Peu importe combien de fois j’avais essayé de canaliser le mana dans ma main, il n’avait pas pris forme et s’était dissipé. Même si j’étais à moitié conscient, je comprenais. Il y avait une interférence avec le mana dans ma main qui le perturbait et rendait ma magie inefficace.

Il avait scellé ma main droite, mais j’avais toujours ma gauche. Alors je l’avais levée et j’avais fait apparaître la magie entre Orsted et moi, déclenchant une onde de choc. Un boum explosif avait retenti alors qu’Orsted volait à reculons. J’avais également été projeté loin de l’explosion.

« Hmph… vous avez annulé ma magie de perturbation ? Non, ce n’est pas ça… Vous utilisez plusieurs types de magie simultanément. Assez habile pour pouvoir faire ça silencieusement. C’est bien ça, non ? »

L’homme claqua les doigts de sa main gauche. Quand il le fit, une petite fenêtre carrée de cinquante centimètres s’était formée dans l’air. C’était une belle fenêtre, ornée de magnifiques ornements en forme de dragon.

« Hm. C’est plus difficile que je ne le pensais. »

J’avais ignoré la fenêtre et je m’étais concentré dans le lancement de l’attaque la plus féroce que je pouvais gérer. Ce que j’imaginais dans mon esprit était une énorme flamme. Un champignon atomique. Une explosion nucléaire. J’avais canalisé ma magie aussi simplement et directement que possible, comme si je m’énervais pour donner un coup de poing. Je n’avais même pas pensé au fait qu’Éris et Ruijerd pourraient être pris dans l’engrenage. J’avais déjà perdu la capacité de penser.

« Ouvre-toi, Portail des wyvernes ! »

Alors qu’Orsted crachait les mots, la fenêtre s’était ouverte.

Au même instant, le mana qui se trouvait dans ma main gauche avait été avalé. Le cadre de la fenêtre s’était fissuré et s’était brisé en éclats. Une explosion avait été simultanément déclenchée près d’Orsted. Elle était bien moins puissante que je ne l’avais prévu, et il l’avait facilement évitée.

« Quelle incroyable capacité de mana ! Un Portail des wyvernes de cette taille ne pouvait pas le contenir. C’est presque comme si vous étiez au même niveau que Laplace… Eh bien, vous êtes après tout l’apôtre de l’Homme-Dieu. Pourquoi n’avez-vous toujours pas guéri vos poumons ? Essayez-vous de me faire baisser ma garde ? »

C’était juste avant que ma conscience ne s’éteigne complètement. Je n’avais plus la capacité de discerner ce qui se passait.

L’homme m’observait encore. Nos yeux s’étaient rencontrés.

« Est-ce que c’est ça ? »

En une fraction de seconde, il s’était rapproché de moi. Je ne pouvais plus rien faire.

« Vous ne pouvez rien faire d’autre que de la magie ? »

Ma magie était scellée, et mes jambes étaient gelées, donc je ne pouvais pas bouger. J’étais impuissant face à son intention meurtrière écrasante. Au bord de ma vision, je pouvais voir la vitre se dissiper, mais je ne pouvais rien faire.

« Guhugh ! »

J’avais essayé d’utiliser le rugissement que j’avais appris dans le village de Doldia, celui qui ne ressemblait en rien au leur. Orsted s’était préparé, mais bien sûr, tout ce que j’avais pu faire, c’était cracher du sang sans résultat.

« … Juste du mana ? Qu’est-ce que vous essayez de faire ? »

Il n’y avait déjà rien que je puisse faire. Ma magie était scellée, et rien n’indiquait que je pouvais le battre avec des attaques physiques. La seule chose que je pouvais faire maintenant était de me prosterner. Mais Orsted ne m’avait même pas permis de le faire.

« Peu importe. Mourez. »

« Aagh... ! »

Sa main m’avait transpercé le corps à grande vitesse. En plein dans mon cœur. Une blessure absolument mortelle. Une sur laquelle ma magie de guérison ne serait jamais efficace.

« Comme c’est décevant, Homme-Dieu. Maintenant, vous utilisez des pions qui ne peuvent même pas se revêtir de l’aura de bataille ? Qu’est-ce que tu prépares au juste ? »

Sa main était recouverte d’une épaisse couche de mon sang quand il l’avait extraite. J’avais essayé de me lever, mais mon corps ne voulait pas écouter. Il m’avait trahi en s’effondrant sur le sol. Au bord de ma vision, je pouvais voir Éris lever la tête, je pouvais voir l’air étonné sur son visage alors qu’elle me regardait. Nos yeux s’étaient rencontrés.

« A-aah… R-Rudeu… Rudeus… ! »

Ah, ça craint. Je ne veux pas mourir. Je n’avais toujours pas rempli ma promesse à Éris. Je voulais juste tenir deux ans de plus. Si je pouvais faire ça, alors je pourrais mourir sans réserve.

Laissez-moi juste rassembler mon mana. Ce n’est qu’une blessure. Je vais la guérir, m’étais-je dit. Je ne pouvais pas lancer les mots parce qu’il y avait un trou dans mes poumons. Mais je pouvais le faire. J’avais juste besoin de concentrer lentement le mana. Ça guérirait. Ça guérirait. Je ne pouvais pas encore mourir.

« Waaaaaaaaaaaaaah ! »

Éris laissa échapper un gémissement.

« Était-il important pour vous ? Je suis désolé, Éris Boreas Greyrat. Mais un jour, vous comprendrez. Allons-y, Nanahoshi. »

« O-oui… »

Orsted s’éloigna lentement, la fille le suivant derrière lui.

Éris ne pouvait pas se tenir debout, mais ce n’était ni à cause des dégâts qu’elle avait subis ni à cause de la peur. Peut-être le choc. Tout ce qu’elle pouvait faire, c’était crier. Elle n’avait pas d’épée, alors elle avait utilisé sa voix.

« Ruijerd ! Ghislaine ! Grand-père ! Père ! Mère ! Thérèse ! Paul ! Je me fiche de qui, mais que quelqu’un le sauve ! Rudeus va mourir ! »

Merde, ma conscience s’affaiblissait de plus en plus. Sérieusement ? C’était vraiment la fin ?

Mais je ne voulais pas… mourir…

« Hé, Orsted, il y a juste une chose qui me dérange. Ce garçon… Ne serait-il pas préférable de le laisser vivre ? »

Juste avant que ma conscience ne soit complètement éteinte, j’avais eu l’impression d’entendre quelqu’un dire ces mots.

***

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Un commentaire :

  1. Le chapitre de fou furieux, Merci pour la traduction

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