Mushoku Tensei (LN) – Tome 6 – Chapitre 9 – Partie 1

***

Chapitre 9 : Le deuxième tournant

Partie 1

La Mâchoire inférieure de la Wyverne Rouge était un ravin possédant un chemin qui traversait directement les montagnes. La route n’était pas aussi droite que la route de la Sainte Épée, mais elle ne se séparait pas et ne bifurquait pas non plus. C’était un territoire situé entre deux pays qui n’était revendiqué par personne. Une fois que nous l’avions traversée, nous étions dans le royaume d’Asura.

Nous étions de bonne humeur, sentant la fin de notre long voyage. Nous étions un peu inquiets parce que nous ne savions pas à quel point notre maison avait changé, mais nous commencions aussi à ressentir un sentiment d’accomplissement. On pouvait dire que nous avions baissé la garde.

C’était par ce chemin qu’ils étaient arrivés, en marchant sans cesse dans la direction opposée. Ils n’étaient pas à cheval, ils n’étaient pas assis dans une voiture, ils marchaient simplement. Il y avait un homme aux cheveux argentés et aux yeux dorés qui ne portait pas de véritable armure, mais seulement un modeste manteau blanc fait d’une sorte de cuir. J’avais simplement eu l’impression qu’il avait un regard dangereux, et c’était à peu près tout. Ses iris étaient suffisamment petits pour qu’on puisse voir les blancs tout autour d’eux.

Mes yeux étaient plus attirés par l’autre personne, une jeune fille aux cheveux noirs qui suivait derrière lui. En y regardant de plus près, ses cheveux étaient plutôt d’une teinte brun foncé, une couleur légèrement cendrée. Je n’avais pas l’habitude de me souvenir des gens par leur couleur de cheveux, mais il n’aurait pas dû être difficile de se souvenir de quelqu’un avec des cheveux noirs purs. Sauf que je ne pouvais pas me souvenir de quelqu’un comme ça.

Il y avait une autre raison pour laquelle cette fille avait attiré mon attention. Elle avait un masque sur le visage. Il était d’un blanc pur, sans aucun dessin, un masque sans aucune décoration. Il n’avait rien de particulièrement mémorable, et pourtant si vous le voyiez une fois, vous ne l’oublieriez jamais. Si je devais le comparer à quelque chose, ce serait l’un des masques cachant le visage de mon monde antérieur. Comme il se détachait très difficilement, je doutais qu’il s’agisse d’un effet de mode.

 

 

Comme j’étais autant captivé par l’apparence de cette fille — enfin, pas si captivé que ça — je n’avais pas remarqué Ruijerd assis sur le siège du conducteur, le visage blanc comme un linge. Éris avait une apparence similaire. À chaque pas que l’homme faisait en se rapprochant, son visage se durcissait et sa prise sur la poignée de son épée devenait si serrée que ses mains devenaient blanches.

Quand l’homme nous avait remarqués, il fit une curieuse inclinaison de la tête.

« Hm… ? Vous… pourriez-vous être un Superd ? »

Le doute s’était installé quand j’avais vu ses yeux, avec leurs petits iris, étroits. Ruijerd avait rasé tous ses cheveux et le joyau de son front était caché. Comment l’homme le savait-il ? Ruijerd dégageait-il une sorte d’odeur qui le trahissait ? Alors que j’envisageais cette possibilité, je m’étais tourné vers Ruijerd.

« Est-il une de tes connai… ssance… ? »

Ma question avait été écourtée par le regard de Ruijerd. Sa peau blanche était encore plus pâle que d’habitude, perlée de sueur froide. Sa main tremblait lorsqu’il avait saisi sa lance. Cette expression… Je savais ce que c’était.

La peur.

« Rudeus, quoi que tu fasses, ne bouge pas. Éris, toi non plus. »

Il y avait un tremblement dans la voix de Ruijerd.

Je n’avais toujours aucune idée de ce qui se passait, mais j’avais hoché la tête sans rien dire. Le visage d’Éris était devenu rouge vif, elle semblait pouvoir bondir d’un moment à l’autre. Ses bras et ses jambes tremblaient. Avaient-elles rencontré cet homme à un moment donné, alors que je n’en étais pas conscient ?

« Hm ? Cette voix… Vous devez être Ruijerd Superdia ? Je ne vous ai pas reconnue au début, sans vos cheveux. Qu’est-ce que vous faites ici ? »

L’homme s’était approché de nous avec désinvolture. Ruijerd prépara la lance dans sa main. Sur un coup de tête, j’avais décidé d’utiliser mon œil démoniaque.

« Le corps de l’homme se découpe en plusieurs images. »

Il y en avait tellement que je ne pouvais pas voir le contour exact de son corps. Que diable se passait-il ?

« Hm ? Celle avec les cheveux roux… Éris Boreas Greyrat, hein ? Et vous… qui êtes-vous ? Ce n’est pas un visage que je connais… Oh, bien. Je vois ce qui se passe, Ruijerd Superdia. Vous aimez les enfants, donc ces deux-là doivent être ceux qui ont été téléportés sur le Continent Démon pendant l’incident. Vous les avez amenés jusqu’ici. »

Il fit un regard complice tout en hochant la tête.

Éris avait été choquée et cria : « Comment connaissez-vous mon nom !? »

Je m’étais senti encore plus confus par ses paroles. C’était donc la première fois qu’ils se rencontraient ? Je veux dire, c’était d’Éris que nous parlions, donc il n’aurait pas été surprenant qu’elle ait simplement oublié. Mais cet homme n’était pas vraiment oubliable, avec ses cheveux argentés et la façon dont le blanc de ses yeux se reflétait autour de son iris. Et puis il y avait aussi le problème de la réaction anormale qu’il avait provoqué chez Éris et Ruijerd. Si elle l’avait rencontré avant, elle n’aurait jamais pu l’oublier.

« Mais qui êtes-vous ? Et pourquoi connaissez-vous mon nom !? »

Ruijerd déplaça sa lance vers l’homme. Apparemment, il ne connaissait pas ce type non plus. Que diable se passait-il… ?

Ruijerd était célèbre. Il n’était pas connu sur le Continent Central, mais si vous étiez allé sur le Continent Démon, il y en avait beaucoup qui connaissaient son nom et son visage. Je n’étais pas si sûr pour Éris, mais si vous l’aviez entendue décrite comme une jeune épéiste aux cheveux roux, alors vous pouviez deviner qui elle était.

Il y avait plus que cette étrangeté. Il y avait l’attitude de l’homme… ou plutôt, la différence entre son attitude et leurs réactions. Il avait l’air amical. Sa voix était plate, mais — et je ne savais pas d’où cela venait — elle avait une qualité qui lui donnait l’air heureux, comme s’il avait retrouvé de vieux amis.

Le comportement de Ruijerd était tout le contraire, il agissait comme s’il pouvait attaquer à tout moment. Sauf qu’il ne l’avait pas encore fait. Il traitait cet homme comme un ennemi, mais il n’avait pas encore lancé d’attaque. Même Éris, qui était toujours la première à attaquer, n’avait pas bougé. Et ce n’était pas seulement parce que Ruijerd lui avait dit de ne pas le faire.

« C’est un endroit curieux pour vous rencontrer… mais vous semblez aller bien. C’est bien. »

L’homme fixa Ruijerd, qui avait toujours sa lance pointée sur lui. Puis il avait ri de façon autodérisoire et fit un pas en arrière.

En voyant cela, la fille avec le masque marmonna : « Tu es sûr ? »

« C’est inévitable à ce stade. »

C’était une conversation que je ne pouvais pas comprendre, puisque je ne connaissais pas le contexte de leur conversation. Et une fois qu’elle fut finie…

« Je resterai hors de votre chemin. »

L’homme s’était avancé lentement sur le côté. La femme aux cheveux noirs l’avait suivi.

Ruijerd avait gardé les yeux rivés sur l’homme. Et bien sûr, Éris aussi.

« Vous finirez par savoir qui je suis… », dit l’homme, ses paroles étant mesurées et significatives.

Intuitivement, j’avais senti que cet homme savait quelque chose. J’avais senti une vibration émaner de cet homme qui était la même que celle de l’Homme-Dieu. Il fallait qu’il me dise ce que c’était.

« S’il vous plaît, attendez ! »

Avant de m’en rendre compte, j’avais demandé à l’homme de s’arrêter.

Il s’était retourné, le visage marqué par la surprise. Ruijerd et Éris m’avaient également regardé avec un choc sur le visage.

« Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce que vous voulez ? »

« Eh bien, vous saluer. Je m’appelle Rudeus Greyrat. »

« Jamais entendu parler de vous. »

Après tout, c’était notre première rencontre.

« Attendez, Greyrat, c’est ça ? Quels sont les noms de vos parents ? »

« Avant d’en arriver là, euh, quel est votre nom ? » avais-je demandé.

« Hm… Très bien, je vais vous le dire. Je m’appelle Orsted. »

Orsted ? Ce n’était pas un nom que je connaissais. Le seul personnage avec un nom similaire que je connaissais était celui qui était mort et qui ne cessait de s’excuser de l’autre côté. J’avais regardé Ruijerd et je m’étais rendu compte qu’il ne semblait pas non plus connaître le nom.

« Vous vous connaissez tous les deux ? »

« Non. Pas encore. », répondit Orsted.

« Pas encore ? Qu’est-ce que ça veut dire ? »

« Vous n’avez pas besoin de savoir. Maintenant, qui sont vos parents ? »

Il m’avait froidement repoussé.

Il ne voulait même pas répondre à mes questions, et pourtant il s’attendait à ce que je réponde aux siennes ? Eh bien, peu importe. Je n’allais pas m’énerver pour quelque chose d’aussi mineur.

« Paul Greyrat », avais-je finalement dit.

« … Hm ? Paul ne devrait pas avoir de fils. Il devrait avoir deux filles. »

C’était grossier. J’étais juste là, et je ressemblais à mon père. Le fils idiot qui était allé jusqu’au Continent Démon pour gagner de l’argent.

« … Hm. »

Comme s’il avait réalisé quelque chose, Orsted avait incliné la tête. Lentement, il s’était approché de moi.

« N’approchez pas ! » menaça Ruijerd.

« Oui, je sais. »

Il s’était arrêté, gardant ses distances, mais fixa mon visage. Je tenais ferme devant son regard.

« Vous ne détournez pas votre regard, hein ? »

« J’aimerais me détourner le plus vite possible, car votre regard est si terrifiant », lui dis-je.

« Hm, donc ça veut dire que vous n’avez pas peur ? »

Ses sourcils s’étaient plissés.

« Hmm. C’est étrange. Je n’ai aucun souvenir de vous avoir rencontré. »

Moi non plus. C’était notre première rencontre. Je ne connaissais pas le nom d’Orsted, et je n’avais pas reconnu son visage.

« Alors, que voulez-vous ? », demanda-t-il.

« Hum, et bien, j’ai juste pensé que peut-être vous saviez quelque chose sur l’incident de téléportation. »

« Non. »

Il n’avait pas secoué la tête, mais avait simplement rejeté cette possibilité.

Huh. Quelque chose à propos de son attitude envers moi était un peu bizarre. C’était comme s’il était prudent avec moi. Comme s’il était plus distant avec moi qu’il ne l’avait été avec Ruijerd ou Éris. Eh bien, tout le monde n’aimerait pas que quelqu’un l’arrête brutalement pour lui poser des questions sur ceci ou cela. Même s’il savait quelque chose, je n’allais probablement pas l’obliger à m’en parler.

« Très bien alors, je suis désolé de vous avoir arrêté… »

C’était exactement à ce moment-là, alors que je m’excusais en baissant la tête, qu’il m’avait dite.

« Vous. Avez-vous entendu parler de “l’Homme-Dieu” ? »

Finalement, il avait dit un mot que je pouvais comprendre.

Une partie du problème était que j’avais baissé ma garde, pensant que notre conversation était déjà terminée. D’autre part, j’avais volontairement évité de dire quoi que ce soit sur l’Homme-Dieu à qui que ce soit, et soudainement quelqu’un avait prononcé le nom du Dieu, en particulier une personne qui m’avait tellement troublé. Alors, naturellement, pensant qu’on allait poursuivre tous les deux la conversation sur une connaissance que nous partageons, j’avais réagi sans réfléchir.

J’avais répondu avec une certaine désinvolture : « Effectivement. Il est apparu dans mon rêve… »

Soudain, ma vision changea.

« La main d’Orsted va me transpercer la poitrine. »

C’était si rapide, comme s’il se téléportait. Je ne pouvais pas l’éviter. Une seconde, c’était beaucoup trop court.

« Rudeus ! »

La vision avait soudain disparu et Ruijerd s’était interposé devant moi. Il bloqua l’attaque d’Orsted, j’avais été renvoyé en arrière. Orsted regarda par-dessus l’épaule de Ruijerd, en me fixant du regard. Ses yeux étaient froids.

« Alors, c’est ça. Vous êtes l’un des apôtres de l’Homme-Dieu. »

Au moment même où je m’étais rendu compte qu’Orsted me lançait une fausse accusation, Ruijerd criait

« Rudeus ! Cours ! »

« Tu es sur mon chemin, Ruijerd Superdia ! »

Ruijerd balança sa lance.

Je ne pouvais pas bouger. Ce n’était pas comme si je n’avais pas essayé de courir, c’était juste que je n’avais même pas eu la chance d’essayer. Ruijerd avait été éliminé en quelques secondes. Tout ce que j’avais pu faire, c’était regarder Orsted le repousser facilement, un peu comme un humain qui écrase une mouche.

Ruijerd était fort. Du moins, c’était ce qu’il était censé être. Même Éris n’avait pas réussi à le vaincre une seule fois pendant tout notre voyage. Il avait cinq cents ans d’expérience du combat, ce qui aurait dû le rendre pratiquement invincible. Il aurait dû être plus fort qu’un épéiste de rang Roi. Et pourtant, je pouvais dire avec mon œil démoniaque qu’il avait perdu. À travers l’œil, j’avais tout regardé du début à la fin. Au niveau du temps, ça n’avait probablement duré que dix secondes.

Il était impossible qu’Orsted ait été plus rapide que Ruijerd. C’était juste qu’à chaque mouvement de Ruijerd, il était légèrement désavantagé. En l’espace d’une seconde, cela avait été répété trois ou quatre fois. Chaque fois qu’il bougeait, il creusait sa tombe plus profondément. Peu à peu, il avait été poussé dans un coin. Chaque fois qu’il essayait d’attaquer, son équilibre en souffrait légèrement, et chaque attaque qu’il tentait de lancer était bloquée.

Une différence de capacité, c’était la seule façon dont je pouvais la décrire. Les compétences d’Orsted avaient tout simplement dépassé celles de Ruijerd. Suffisamment pour que je puisse le voir clairement avec mon œil.

***

Si vous avez trouvé une faute d’orthographe, informez-nous en sélectionnant le texte en question et en appuyant sur Ctrl + Entrée s’il vous plaît. Il est conseillé de se connecter sur un compte avant de le faire.

Laisser un commentaire