Mushoku Tensei (LN) – Tome 6 – Chapitre 8 – Partie 2

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Chapitre 8 : Une adulte

Partie 2

Une autre journée tranquille était passée. Encore un peu et nous arrivions à la mâchoire inférieure de la Wyverne Rouge.

Pendant que je préparais un repas pour le groupe, je pensais à l’Homme-Dieu. Plus précisément, à ce qui s’était passé dans le Royaume de Shirone il y a quelques jours. Pour être tout à fait honnête, j’avais l’impression que les choses allaient un peu trop bien pour moi. Peut-être que l’Homme-Dieu, malgré sa prémonition, avait aussi le pouvoir de changer l’avenir.

Non. Même si je n’avais pas emporté cette figurine avec moi, j’avais le sentiment que Ginger aurait de toute façon forcé Zanoba à me rencontrer. Et il aurait quand même apporté sa figurine de Roxy, aurait tenu le même discours, et j’aurais quand même pointé du doigt le grain de beauté qu’il avait enlevé.

Et si j’avais vraiment utilisé mon vrai nom avec Aisha ? Seule dans une auberge avec son frère pervers… Si j’étais elle, j’aurais craint pour ma chasteté. Aisha était une fille intelligente. Elle essayait de faire envoyer une lettre, elle aurait donc pu voler mon argent et s’enfuir.

Je l’aurais certainement cherché si cela s’était produit. Dès que j’aurais su qu’elle avait disparu, j’aurais perdu tout mon calme et, sans penser aux conséquences, j’aurais fait voler ma magie dans l’air pour entrer en contact avec Ruijerd. Je lui dirais alors que j’avais trouvé ma sœur, mais qu’elle s’était enfuie, et il m’aiderait à la chercher. Il était gentil avec les enfants. J’étais sûr qu’elle lui ferait confiance.

Plus j’y réfléchissais, plus je commençais à penser que les conseils de l’Homme-Dieu étaient destinés à faire en sorte que les choses se passent plus ou moins de la même façon, quoi que je fasse. C’était probablement le cas en ce moment même. Même si nous n’avions pas décidé d’accepter l’aide de Ruijerd, il aurait de toute façon fini par voyager avec nous. Peu importe l’œil que j’avais choisi dans l’arsenal de Kishirika quand je l’avais rencontrée, j’aurais quand même été capturé par la tribu Doldia dans la Grande Forêt.

L’Homme-Dieu prenait beaucoup de choses en considération lorsqu’il me donnait des conseils. Je pouvais peut-être lui faire confiance. Cependant, tout comme avant, je ne pouvais pas comprendre ses motivations. Si je pouvais juste comprendre ce qu’il voulait, alors je pourrais être plus honnête avec lui.

Alors que je réfléchissais à mes conversations avec l’Homme-Dieu, Éris et Ruijerd s’affrontaient, comme d’habitude. Dernièrement, Éris était devenue si forte que cela me sautait aux yeux. Il y avait tout juste un an, j’aurais pu la battre facilement en utilisant mon œil démoniaque. Maintenant, c’était impossible. Je serais probablement encore au top si j’utilisais mon œil démoniaque et tout mon mana, mais même là, ce serait serré. Je gagnerais certainement si nous commencions la bataille avec une certaine distance entre nous, mais une bataille à longue distance me priverait de la possibilité d’un contact physique pendant le feu de l’action, donc on ne pouvait pas vraiment appeler ça une victoire.

Revenons à la conversation sur le talent. Je pensais que je travaillais assez dur, mais Éris s’était surpassée. La qualité et la quantité de son travail m’avaient fait honte. Mon corps n’arrivait pas à suivre. Mon endurance était assez moyenne selon les normes japonaises, mais selon les normes de ce monde, j’étais médiocre.

Comme j’étais préoccupé par ces pensées, la journée d’entraînement s’était terminée.

« Nous avons terminé. »

« Haa, haa... ouais... »

Dernièrement, Ruijerd avait cessé de demander à Éris si elle comprenait ou non leur formation. Il n’y avait plus besoin de le dire. Éris s’en imprégnait naturellement.

« Éris », déclara soudainement Ruijerd, alors qu’elle s’approchait de l’endroit où je me trouvais.

« Quoi ? »

Éris prit le chiffon humide que j’avais essoré et lui avais tendu. Elle l’avait glissé à l’intérieur de ses vêtements, essuyant la sueur. Elle avait l’habitude de ne mettre que son soutien-gorge et de l’essuyer, mais ça m’excitait trop, alors elle gardait ses vêtements, même si ça lui semblait probablement dégoûtant d’avoir toute cette sueur sur son corps. Désolé, m’étais-je excusé intérieurement.

« À partir de ce jour, tu peux t’appeler un guerrier », déclara Ruijerd en s’asseyant.

Un guerrier, hein ? Pas un combattant à l’épée, mais un guerrier ? Pourquoi était-il… ? Ah. J’avais finalement compris ce qu’il voulait dire.

Éris glissa sa main sous son aisselle pour essuyer la sueur, puis s’arrêta.

« Est-ce que ça veut dire… ? »

« Tu es une adulte maintenant », dit doucement Ruijerd.

Les mouvements d’Éris étaient saccadés lorsqu’elle me jeta le chiffon. J’avais utilisé la magie de l’eau pour le rincer, puis je l’avais tordu et je l’avais lancé en l’air pour l’essorer. Éris s’était assise à côté de moi. J’avais déjà vu cette expression sur son visage. C’était celle qu’elle faisait quand elle était si heureuse qu’un grand sourire menaçait de se répandre sur son visage, mais qu’elle essayait de le retenir, pensant qu’elle devait agir avec plus de réserve.

« Mais, Ruijerd, je ne t’ai toujours pas encore battu ! »

« Ce n’est pas un problème. Tu as déjà suffisamment de force en tant que guerrier. »

C’était peut-être sa façon de donner son approbation à Éris. Tout comme Ghislaine l’avait fait lorsqu’elle a permis à Éris d’utiliser le titre de sabreuse avancée, Ruijerd faisait maintenant la même chose en disant à Éris qu’elle pouvait se dire guerrière.

« Félicitations, Éris », lui dis-je.

Ses yeux s’étaient dirigés vers moi, surprise.

« R-Rudeus, ce n’est pas un rêve, n’est-ce pas ? Pourrais-tu me pincer ? »

« Tu ne me frapperas pas si je le fais ? »

« Je ne te frapperai pas. »

Comme j’avais sa parole, j’avais tendu la main et je lui avais pincé le téton entre mes doigts. Doucement, bien sûr. Ou peut-être que « sexuellement » était le mot plus pertinent ?

Le poing d’Éris, d’un autre côté, n’était pas doux.

« Où diable pinces-tu !? »

« Désolé… mais ce n’est pas un rêve. Si c’en était un, ça ne ferait pas si mal », avais-je dit, le visage devenant pâle alors que je serrais la mâchoire.

Par contraste, le visage d’Éris était rouge vif tandis qu’elle se couvrait la poitrine avec ses bras.

« C’est ça, une guerrière… »

Elle regarda la paume de sa main comme si elle pouvait enfin sentir le pouvoir qui s’y trouvait.

« Mais ne prends pas la grosse tête. Cela signifie que je ne te traiterai plus comme un enfant. Compris ? »

Ruijerd ressemblait plus à un parent qui avertit son enfant.

« Oui ! »

Éris avait l’air douce quand elle répondit, même si ses joues se contractaient, menaçant de lui arracher son sourire.

Notre repas d’aujourd’hui avait l’air encore plus délicieux que d’habitude.

Cette nuit-là, alors qu’Éris s’installait pour dormir, quelque chose me dérangeait. J’avais appelé Ruijerd, qui menait la garde en ayant les yeux fermés.

« Pourquoi as-tu dit ça à Éris ? »

Il ouvrit les yeux légèrement et me regarda.

« Parce que peu importe le temps qui passe, tu continues à la traiter comme si c’était une enfant. »

OK, réfléchissons à tout ça. Éris était-elle une enfant ou pas ? Elle avait vingt-deux ans de moins que moi quand j’étais mort dans ma vie précédente. J’étais aussi son tuteur incroyablement patient depuis qu’elle était petite, même si elle m’avait utilisé comme son punching-ball personnel. Quel mal y avait-il à ce que je la voie comme une enfant ?

Bien sûr, Éris était devenue de plus en plus mature ces derniers temps, et pas seulement en termes de développement de son corps. Lentement mais sûrement, elle avait commencé à apprendre le bien du mal. Elle ne se lançait que très rarement dans un carnage sans penser aux conséquences. Ses instincts sauvages n’avaient pas complètement disparu, mais la fréquence de ses crises avait diminué. On pourrait dire qu’elle était en train de passer d’enfant à adulte. C’est ce que j’aimerais penser, comme si j’étais meilleur qu’elle. Ce n’était pas comme si vous pouviez me traiter de brillant exemple d’adulte, même si vous vouliez me flatter.

« Hmm… »

Ruijerd ferma les yeux en silence.

« Et bien, ce n’est pas grave si tu ne comprends pas. »

Pour une raison quelconque, j’avais un mauvais pressentiment. Cela ressemblait beaucoup au genre de conversations finales que les personnages à la télé avaient avant de se faire tuer.

« Monsieur Ruijerd. »

« Quoi ? »

« Mets cette pièce d’or dans ta poche de poitrine », lui dis-je, en lui lançant une de mes pièces.

Il avait l’air déconcerté. Il n’avait après tout pas de poche dans son gilet. Pourtant, il avait réussi à la glisser dans une couture près de sa poitrine.

« Très bien, et à quoi ça sert ? »

« Un porte-bonheur. »

Satisfait, j’étais allé me coucher.

♥♥♥

Quelques jours plus tard, nous avions enfin atteint l’entrée du royaume d’Asura : la mâchoire inférieure de la Wyverne rouge. Quatre mois s’étaient écoulés depuis notre départ du Royaume de Shirone.

Quand les choses arrivent, elles se déroulent rapidement. Plus précisément, les mauvaises choses étaient arrivées au moment où on s’y attendait le moins. Dans mon ancienne vie, mes parents étaient morts soudainement. Mes frères et sœurs qui venaient vers moi avaient été soudains, eux aussi. Paul m’avait envoyé chez un tuteur sans prévenir. Le fait d’être transporté sur le Continent Démon avait aussi été brutal.

Il y avait autre chose que je n’avais pas encore réalisé, c’est à quel point le monde était vraiment dur. Les gens y mourraient vraiment facilement. Peu importe qui était la personne, la mort pouvait survenir en un instant. Il n’y avait pas d’exception à cela.

Cela me prendrait beaucoup de temps, mais je finirais par comprendre que la mort est un phénomène qui me privait brusquement de mes proches. Si j’avais su cela à l’époque, je n’aurais pas eu besoin de me lamenter aussi profondément maintenant. Si seulement j’avais été plus sérieux dans ma volonté de devenir plus fort, suffisamment fort pour ne pas être vaincu par qui que ce soit. Après ce qui s’était passé, je ne pouvais qu’être rongé par les regrets, souhaitant avoir emprunté un chemin légèrement différent.

Mais il y avait une chose que je pouvais dire.

Éris n’avait jamais cessé de m’impressionner.

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Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

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