Chapitre 12 : La vérité au sujet de la Calamité
Partie 3
Alphonse m’avait appelé alors que je m’apprêtais à partir. Il m’avait emmené dans une pièce située dans le quartier général du camp de réfugiés et s’était assis devant moi. À ma droite, Ghislaine était assise. La seule raison pour laquelle elle était assise avec nous était probablement due au fait qu’Éris n’était pas avec nous. Contrairement à moi, elle semblait comprendre la hiérarchie maître/serviteur.
« Maintenant, Maître Rudeus, veuillez faire un rapport concis. »
« Un rapport ? »
« Oui, sur ce que vous avez fait ces trois dernières années. »
« Oh, oui, très bien. »
Je lui avais raconté comment nous avions été transportés sur le Continent Démon et rencontrés Ruijerd. Comment nous nous étions enregistrés en tant qu’aventuriers et avions utilisé cela pour gagner un revenu quotidien en nous déplaçant d’un endroit à l’autre. Je lui avais parlé de l’incident dans la Grande Forêt. Puis je lui avais raconté comment nous avions rencontré Paul et son équipe de recherche et de sauvetage de Fittoa, et que c’était aussi la première fois que nous avions appris la situation chez nous. Je lui avais raconté comment nous nous étions dirigés vers le nord en cherchant des informations, et les événements qui s’étaient déroulés dans le Royaume de Shirone. J’avais essayé d’être aussi concis que possible, en gardant la conversation centrée sur Éris.
Alphonse écouta calmement, mais quand je lui avais raconté comment nous nous étions séparés de Ruijerd, il me dit.
« L’homme qui vous a escorté est rentré chez lui ? »
« Oui, il s’est vraiment occupé de nous. »
« Vraiment ? Une fois que les choses se seront calmées, j’aimerais proposer à Éris que nous le récompensions officiellement pour son aide. »
« Il n’est pas le genre de personne à accepter quelque chose comme ça. »
« Vraiment? »
Alphonse fit un signe de tête et me jeta un regard silencieux. Ses yeux étaient ceux d’un homme épuisé.
« Eh bien, Maître Rudeus… de ceux qui ont servi le Seigneur Sauros, il ne reste que nous trois. »
« Et les autres servantes ? » Lui avais-je demandé.
« À en juger par le fait qu’elles ne sont pas revenues, soit elles sont mortes, soit elles sont retournées dans leur pays. »
« Oh, d’accord. »
Donc même les filles aux oreilles de chat avaient été éliminées ? Ou peut-être que certaines d’entre elles étaient retournées chez elles dans la Grande Forêt.
« Et le seigneur prit si bien soin d’elles, aussi. C’est terrible. »
« Je suppose que ce n’était finalement rien d’autre qu’une relation financière avec elles. »
Au moment où j’avais dit ça, la face d’Alphonse avait légèrement craqué. Mes paroles étaient peut-être un peu dures, mais j’étais sûr qu’elles étaient vraies.
« En raison de votre jeunesse, j’ai hésité à vous inclure ou non dans cette conversation. Mais si vous pouvez répondre comme ça, je suis sûr que vous en êtes plus que capable. Vous avez protégé Dame Éris et l’avez amenée ici en toute sécurité. En guise de reconnaissance, nous vous accueillons comme vassal dans la famille Boreas Greyrat. »
Un vassal ? C’était donc le but de cette réunion ?
« Dorénavant, je conduirai cela comme une rencontre entre vassaux. Je suppose que vous n’y voyez pas d’inconvénient ? »
Une réunion ? J’étais sûr qu’ils avaient probablement organisé ces réunions avant même que je sois envoyé en tant que professeur chez Éris. J’étais également sûr que Ghislaine n’avait pas été incluse à l’époque. Nous n’étions plus que trois maintenant, mais de nombreux vassaux s’étaient sans doute déjà réunis pour de telles discussions dans le passé.
« Merci. Quel est le sujet à l’ordre du jour ? »
Je n’avais pas l’intention de me lancer dans des plaisanteries oiseuses, alors j’avais été direct. D’ailleurs, Philip et Sauros n’étant plus là. L’ordre du jour était évident.
« C’est à propos de Dame Éris. »
Vous voyez ? C’était comme je l’avais dit.
« Plus précisément, j’aimerais parler de son avenir. »
« Son avenir ? » avais-je répondu en écho.
Éris était retournée dans sa patrie, mais il n’y avait rien ici. Elle n’avait pas de famille et pas de foyer. Elle ne pouvait pas revenir à la vie qu’elle avait connue avant.
« S’il est vrai que le Seigneur Sauros et le Seigneur Philip sont décédés, la famille Boreas elle-même n’est quand même pas complètement détruite, hein ? Ils peuvent au moins lui préparer un endroit où vivre ? » avais-je demandé.
« Le Seigneur James serait préoccupé par les rumeurs. Je pense qu’il refuserait probablement de prendre Dame Éris dans sa maison. »
James… En d’autres termes, l’oncle d’Éris. L’actuel Seigneur Féodal. S’il se souciait tant que ça de ce que pensent les gens, alors il ne voudrait probablement pas de quelqu’un comme Éris dans sa famille. Ses manières étaient un peu douteuses, et elle ne correspondait pas exactement à l’image que l’on se faisait d’une dame noble. James était également censé héberger les frères d’Éris, et probablement aussi un certain nombre de cousins. Il n’était pas difficile d’imaginer qu’Éris causerait des conflits avec un ou plusieurs d’entre eux.
« Même s’il était prêt à l’accueillir, il est douteux que les autres nobles l’acceptent comme l’un d’entre eux. Je ne l’imagine pas non plus assumer les tâches d’une femme de ménage. Par conséquent, je vais rejeter entièrement l’idée. »
Je lui avais fait un signe de tête. Il avait raison. Même si Éris s’était un peu adoucie, son caractère sauvage était toujours le même.
« Ensuite, j’aimerais discuter de l’invitation de Pilemon Notos Greyrat. Il a dit que lorsqu’Éris rentrerait chez elle, si elle n’avait pas d’autre endroit où aller, il serait prêt à l’accueillir comme l’une de ses concubines. »
Pilemon, mon oncle et le frère cadet de Paul. Il était l’actuel chef de famille des Notos. J’avais eu l’impression que le vieux Sauros ne l’aimait pas du tout.
Quand j’avais regardé Ghislaine, j’avais vu qu’elle avait les sourcils froncés et les yeux fermés.
« Ce n’est pas une mauvaise option, mais il y a des rumeurs troublantes à son sujet. », m’avait dit Alphonse.
« Des rumeurs troublantes ? » lui avais-je demandé.
« Oui, on dit qu’il essaye de gagner la faveur du haut ministre Darius, qui a rapidement gagné en pouvoir politique ces derniers temps. »
En quoi cela était-il inquiétant ? N’était-il pas normal que les puissants cherchent à gagner la faveur de ceux qui ont plus d’influence qu’eux ?
« Le Seigneur Darius a gagné en puissance ces dernières décennies, et soutient l’ascension du Premier Prince sur le trône. Il est également le principal responsable de la chasse de la deuxième princesse hors du pays. »
Je n’ai aucune idée de ce dont vous parlez quand vous évoquez soudainement le Premier — ceci et le Second — cela, pensais-je.
« Lord Pilemon a fait partie d’un groupe de partisans de la deuxième princesse, mais… »
« Mais quand elle a été chassée du pays, son groupe a perdu tout son pouvoir ? » avais-je deviné.
« Précisément. »
En d’autres termes, comme le grand patron de son groupe a perdu, il complotait maintenant pour essayer de passer dans l’équipe gagnante.
« Je ne vois pas le problème », avais-je dit.
« Seigneur Rudeus, vous souvenez-vous de cet enlèvement d’il y a quelque temps ? »
« Un enlèvement ? »
« Celui où de vrais kidnappeurs se sont emparés de Dame Éris. »
Le plan de kidnapping que j’avais moi-même proposé.
« Celui qui était derrière ce crime était le Seigneur Darius », dit Alphonse.
« … Hm. »
« Seigneur Darius ne s’est rendu qu’une seule fois dans la région de Fittoa, et à cette époque, il n’a fallu qu’un seul regard pour qu’il s’intéresse à Dame Éris. »
« Vous voulez dire dans un sens sexuel ? » lui avais-je demandé.
« Bien sûr. »
Ainsi, la vérité avait été révélée après toutes ces années. Non, il avait probablement déjà été identifié comme le coupable à l’époque, mais ils ne pouvaient pas se permettre de faire des histoires à cause de sa puissance.
Je m’étais demandé pourquoi Sauros avait refusé de le laisser avoir Éris. Est-ce parce qu’il détestait Darius ? Le vieil homme était du genre à laisser ses sentiments lui dicter ses actions. Quel que soit le fondement de sa décision, cela n’avait plus beaucoup d’importance maintenant.
« Si le Seingeur Pilemon devait prendre Dame Éris comme concubine, il trouverait probablement une excuse pour l’offrir au Seigneur Darius. »
Hmm, donc le fameux noble pervers était le Seigneur Darius. Apparemment, il y en avait beaucoup dans le royaume d’Asura. Certes, il avait bon goût s’il aimait Éris, mais ce goût était la seule chose non terrible chez lui.
« Eh bien, allons-nous rejeter cette idée ? »
« Pas tout à fait. Bien que je ne puisse pas m’empêcher de faire la grimace rien qu’en pensant à l’homme lui-même, c’est le Seigneur Darius qui a le plus d’influence dans la capitale en ce moment. Dame Éris ne l’aimera pas, mais cela garantirait son statut et le confort de sa condition de vie. »
« Mais quand même… »
« Et si elle faisait une demande un peu égoïste, il l’écoutera sûrement. Par exemple, si elle demandait le développement d’un village dans la région de Fittoa pour ses habitants. »
J’avais compris maintenant. Si elle devenait elle-même une femme puissante, alors elle pourrait puiser dans son argent et son influence. Malgré tout, je n’aimais pas l’idée qu’Éris soit avec ce pervers.
« Quelles sont nos autres options ? »
« Quant aux autres nobles… Depuis la mort du Seigneur Sauros et du Seigneur Philip, Dame Éris n’a plus aucune valeur en tant que fille d’une famille noble. »
Valeur, hm ? Peut-être que c’était comme ça qu’ils l’avaient vu. À mes yeux, Éris avait déjà elle-même beaucoup de valeur.
« Seigneur Rudeus, quelle est la meilleure voie à suivre pour nous ? » demanda Alphonse.
« Avant de donner mon avis, puis-je demander ce que pense Ghislaine ? »
Je n’avais pas encore rassemblé mes pensées.
« Je pense que Lady Éris devrait rester avec Rudeus. »
« Avec moi ? »
« Tu es le fils de Paul. Zenith était aussi d’une famille noble et puissante de Millishion. Avec ta lignée et ton passé, tu devrais pouvoir te faire une place parmi la noblesse Asurienne. »
Je n’étais pas si sûr de cela. J’avais regardé Alphonse pour mesurer sa réaction.
« Ce n’est pas impossible. Le Seigneur Paul a beaucoup accompli au cours de cet incident. Si vous utilisez cela à votre avantage, vous devriez être en mesure de consolider un certain pouvoir et une certaine influence. Cependant, obtenir du Seigneur Féodal qu’il vous laisse superviser la région de Fittoa serait bien plus difficile. Je ne peux pas imaginer Pilemon permettre au fils du Seigneur Paul d’avoir un quelconque pouvoir. Je ne peux pas non plus imaginer que Seigneur James et Seigneur Darius considèrent avec bienveillance le mariage d’Éris dans la famille d’une autre personne influente. »
Non, je ne le pensais pas. Pourtant, j’avais plus ou moins compris où Alphonse voulait en venir. Il réfléchissait à la manière d’assurer, à terme, la renaissance de la région.
« Dans ce cas, Rudeus devrait simplement prendre Lady Éris et s’enfuir », déclara Ghislaine.
« Et ensuite, qu’arrivera-t-il à la région de Fittoa ? »
Alphonse craqua.
« Peu importe »
Ghislaine répliqua froidement. Peut-être qu’elle et Alphonse ne s’entendaient pas du tout.
« Ne serait-ce pas la réalisation de notre souhait le plus cher, que Dame Éris prenne le contrôle de la terre que le Seigneur Sauros aimait tant ? »
« C’est votre souhait le plus cher. Ne me mettez pas dans le même sac que vous. Je veux juste que Dame Éris soit heureuse. »
« Et vous pensez qu’elle sera heureuse si elle s’enfuit avec le Seigneur Rudeus ? »
« Plus heureuse que si elle est forcée d’épouser Pilemon », argumentait Ghislaine.
« Et les gens de la région ? »
« Je ne me soucie pas d’eux. Dès le début, Dame Éris n’était pas censée s’occuper de ces questions. »
Il semblerait que notre groupe de vassaux était divisé. Alphonse voulait qu’Éris suive les traces de Sauros et Phillip et prenne en charge la gestion des terres. Si elle devait pour cela vivre avec un pervers, elle n’avait qu’à le supporter. Ghislaine, quant à elle, voulait juste qu’Éris soit heureuse. D’après elle, Éris devrait abandonner son pouvoir politique et son nom de famille pour s’enfuir avec moi.
Personnellement, je penchais pour la façon de penser de Ghislaine. Ce n’était pas logique, c’était entièrement émotionnel. Mais je ne voulais pas qu’une fille qui m’était chère soit prise par un porc. Si c’était nos options, alors nous ferions mieux de nous enfuir. Je ne me souciais pas du pouvoir politique.
Je comprenais ce qu’Alphonse disait et pourquoi il pensait que c’était important. Mais je n’étais pas d’accord avec lui.
« On dirait que l’on ne pourra pas se mettre d’accord », avais-je marmonné. Après avoir dit cela, les deux qui s’étaient disputés auparavant regardèrent dans ma direction.
« Que voulez-vous dire ? », demanda Alphonse.
« Quoi qu’il en soit, c’est Éris qui décide. Ça ne sert à rien d’en discuter. Alors, essayons de trouver un sujet de conversation plus constructif. Y a-t-il autre chose ? »
Alphonse me regarda avec stupéfaction. Ghislaine s’était tue à nouveau.
« Si ce n’est pas le cas, je vais me reposer. »
C’était ainsi que la réunion du jour se termina.
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