Mushoku Tensei (LN) – Tome 6 – Chapitre 12 – Partie 1

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Chapitre 12 : La vérité au sujet de la Calamité

Partie 1

Le camp de réfugiés était calme, et il était de la taille d’un village. Si on était sur le Continent Démon, il serait juste assez grand pour être considéré comme une ville, mais il n’y avait pas de vie. Le silence imprégnait l’air, et les occupants du camp étaient peu nombreux par rapport à sa taille. Je pouvais sentir les gens dans les maisons en rondins construites à la hâte, l’endroit était donc à tous les coups habité, mais il n’y avait plus rien qui animait ces habitants.

Je m’étais rendu au milieu du camp de réfugiés, où se trouvait un bâtiment qui ressemblait à une guilde d’aventuriers. C’était le siège du camp de réfugiés, selon la note qui était écrite à l’entrée. Quand j’étais entré, je trouvais que c’était tout aussi mélancolique.

J’avais un mauvais pressentiment.

« Rudeus, c’est… »

Éris pointa une feuille de papier. Tout en haut de la page se trouvait le nom « Seigneur féodal de Fittoa James Boreas Greyrat », et à côté, « Recherche d’informations sur le statut, décédé ou disparu ». Au-dessous se trouvaient les noms de ceux qui avaient disparu après l’incident, classés par ordre alphabétique de village et de ville.

« Voyons cela plus tard », avais-je dit.

« Oui. »

La liste des défunts était incroyablement longue. De plus, le Seigneur féodal nommé en tête du document n’était pas Sauros. Ces deux choses m’avaient rendu anxieux alors que nous nous enfoncions dans le bâtiment.

Lorsque nous avions donné le nom d’Éris au comptoir, la femme d’âge moyen qui s’y trouvait s’était rapidement rendue à l’arrière. Puis elle était revenue, heureuse, avec un homme et une femme à ses côtés. Leurs visages étaient familiers. L’un d’entre eux était barbu et avait les cheveux blancs, portant une tenue qui semblait légèrement plus fine que celle d’un citadin ordinaire. C’était Alphonse, le majordome de la maison. L’autre avait la peau couleur chocolat et portait une tenue d’épéiste.

« Ghislaine ! »

Éris avait un regard de joie pure sur son visage lorsqu’elle se précipita vers la femme. Si elle avait une queue, elle remuerait.

J’étais aussi heureux. Je n’avais pas eu de nouvelles de Ghislaine pendant tout ce temps, mais elle avait l’air bien. Si Paul n’avait pas entendu parler d’elle, c’était peut-être à cause d’une lacune dans le flux d’informations.

Ghislaine regarda le visage d’Éris et fit un grand sourire.

« Éris, non, Dame Éris, je suis contente de voir que tu as réussi… »

« … C’est bon, tu peux m’appeler Éris. »

Ghislaine avait l’air heureuse pendant un moment, mais très vite, son expression s’était assombrie. Même Alphonse la regardait avec sympathie. Ce n’est pas possible… Un sentiment de mal être s’était installé en moi.

« Éris… discutons un peu ailleurs. »

La voix de Ghislaine était dure. Sa queue se tenait droite. Son expression n’était pas celle de quelqu’un qui était simplement heureuse du retour d’Éris. Elle était nerveuse.

« Oui, d’accord. »

Éris vit le regard de Ghislaine et semblait comprendre. Elle suivit Ghislaine plus profondément dans le bâtiment.

Quand j’avais essayé de les suivre, Alphonse m’arrêta et m’avait dit : « Maître Rudeus, attendez dehors, s’il vous plaît. »

« Hein ? Oh, d’accord. »

Je m’étais dit que c’était logique. Honnêtement, je n’étais qu’un employé, alors je n’avais peut-être pas le droit d’écouter les conversations importantes.

« Non, Rudeus va venir aussi », dit Éris sur un ton strident, qui ne laissait place à aucune dissidence.

« Si c’est ce que vous souhaitez, Dame Éris. »

Les lèvres d’Éris étaient encore plus serrées que d’habitude, ses mains se recroquevillaient si fort sur les côtés qu’elles devenaient blanches.

Nous avions traversé en silence un court couloir et étions entrés dans ce qui ressemblait à une salle de travail. Il y avait un canapé au milieu, et un vase au bord de la pièce qui contenait une fleur de Vatirus. L’extrémité de la pièce était meublée sobrement et ne contenait qu’un bureau de travail d’apparence bon marché.

Éris n’avait pas attendu d’être invitée pour prendre place sur le canapé. Elle avait saisi ma main et m’avait traîné afin que je m’assoie à côté d’elle. Ghislaine, comme d’habitude, avait pris place au bord de la pièce. Alphonse se tenait devant Éris et s’inclina devant elle à la manière traditionnelle d’un majordome.

« Bon retour à la maison, Dame Éris. On m’a dit tout à l’heure que vous alliez venir ici et j’ai attendu patiemment votre… »

« Coupez les courtoisies et dis-le simplement. Qui est mort ? », intervint Éris.

Elle posa la question sans détour, sans aucun rembourrage pour amortir la dureté des mots. Elle s’était assise bien droite, le regard plein de force, mais je savais qu’il y avait de l’anxiété dans son cœur. Surtout parce qu’elle serrait ma main très fort.

« À propos de ça… »

La réponse d’Alphonse était évasive.

À en juger par ses manières, Sauros était probablement mort. Éris était la fille chérie du grand-père. Elle imitait chacune de ses manières. S’il était mort, cela lui aurait fait très mal.

Alphonse fit sortir ses mots avec beaucoup d’efforts.

« Le Seigneur Sauros, le Seigneur Philip et Dame Hilda… Tous les trois sont décédés. »

À la seconde où nous avions entendu ces mots, ses doigts avaient écrasé ma main. La douleur m’avait atteint le bras, mais ce furent les mots d’Alphonse, plutôt que la douleur, qui me laissèrent hébété. C’était forcément une erreur, non ? Ça n’avait pas duré si longtemps. Ça ne faisait même pas encore trois ans. Ou peut-être serait-il plus correct de dire que cela fera bientôt trois ans.

« N’y a-t-il pas d’erreur ? »

Il y eut un tremblement dans la voix d’Éris quand elle posa la question.

Alphonse fit un signe de tête.

« Le Seigneur Philip et Dame Hilda ont été téléportés ensemble et sont décédés dans la zone de conflit. Ghislaine l’a confirmé. »

Ghislaine secoua la tête.

« C’est exact… Où Ghislaine a-t-elle été téléportée ? »

« Au même endroit que le Seigneur Philip. Dans la zone de conflit, » dit succinctement Ghislaine.

Alors qu’elle traversait à pied la zone de conflit, elle était tombée sur les corps de Philip et Hilda. C’était tout ce qu’elle avait dit. Elle n’avait pas expliqué dans quel état étaient leurs restes ni comment elle les avait trouvés, mais à en juger par son regard, ce n’était pas beau à voir. Était-ce l’état des corps ou la façon dont ils étaient morts ? Ou bien avait-elle vu quelque chose qui lui donnait envie de se détourner ? Avait-elle entendu quelque chose qui lui donnait envie de se couvrir les oreilles ?

Éris n’avait émis qu’un faible bourdonnement, mais sa main tremblait alors qu’elle serrait la mienne.

« Et mon grand-père ? »

« … Il a été forcé de prendre la responsabilité de l’incident de téléportation de Fittoa, et a été exécuté. »

« C’est absurde. Quel sens y aurait-il à exécuter le Seigneur Sauros ? », avais-je dit sans réfléchir.

Il avait été forcé d’assumer la responsabilité d’une catastrophe naturelle et avait été exécuté ? C’était ridicule. Il n’aurait rien pu y faire. Ou s’attendaient-ils à ce qu’il l’arrête avant que cela n’arrive ? C’était arrivé soudainement et sans prévenir. Quelle était la responsabilité à assumer ?

« Rudeus, assieds-toi. »

« … »

Éris me tira la main et me força à retourner sur mon siège. Apparemment, à un moment donné, je m’étais levé. Il y avait dans ma tête des sentiments que je ne pouvais pas exprimer avec des mots. C’était peut-être la douleur extrême qui les rendait incohérents. J’avais mal à la main.

Non. En vérité, je comprenais. Même s’il n’y avait pas eu d’avertissement, même s’il n’aurait pas pu être évité, des gens étaient morts. Les champs et les récoltes avaient disparu. Les pertes étaient incommensurables. Les gens étaient plongés dans le mécontentement et ils avaient besoin d’un bouc émissaire. Même dans ma vie précédente au Japon, le Premier ministre prenait ses responsabilités en démissionnant immédiatement si quelque chose de honteux arrivait.

En mourant, Sauros avait emporté avec lui le mécontentement du peuple. Quelqu’un de capable pouvait prendre sa place. Au moins, les gens pourraient alors trouver un certain soulagement.

Mais il n’y avait pas que ça. J’étais sûr qu’il y avait une lutte de pouvoir entre les nobles. Je n’avais aucune idée de l’autorité que possédait le vieux Sauros, mais cela devait être suffisant pour que cette catastrophe justifiât sa mort.

Je pouvais tout rationaliser. Je le pouvais. Et ensuite ? Cela nous avait juste conduits à notre situation actuelle. Dans un camp de réfugiés couvert de silence. Dans un quartier général pratiquement déserté. Il n’y avait aucun signe que le pays allait sérieusement rétablir la région de Fittoa. Si Sauros était encore en vie, il aurait peut-être pris des mesures plus actives. Ce vieil homme était précisément utile dans ce genre de situation.

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Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

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