Mushoku Tensei (LN) – Tome 6 – Chapitre 11 – Partie 2

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Chapitre 11 : La fin du voyage

Partie 2

Soudainement, je m’étais souvenu que, dans mon dernier rêve, l’Homme-Dieu et moi avions parlé un peu de la malédiction de Ruijerd.

« Au fait, Ruijerd. À propos de la mauvaise réputation de la tribu des Superds… apparemment, c’est dû à une malédiction. »

« … Quoi ? »

« Pour être précis, c’est une malédiction placée sur Laplace, qu’il a transférée sur vos lances, qui ont ensuite déteint sur toute la tribu superd. C’est ce que le Dieu-Homme a dit. »

« Je vois… donc c’est une malédiction… »

J’avais partagé cette information avec lui en pensant que ce serait une bonne nouvelle, mais Ruijerd s’était renfrogné et il s’était mis à réfléchir longuement.

« Je n’ai jamais entendu parler de transfert d’une malédiction avant, mais si c’est de Laplace dont on parle, c’est possible. Il était capable de faire n’importe quoi. »

Je n’en savais pas beaucoup sur les malédictions, donc Ruijerd en savait probablement plus que moi. Il semblait y réfléchir un peu plus fortement, mais au final, il s’était contenté d’un faible rire.

« Si c’est une malédiction, alors il n’y a aucun moyen d’y remédier. »

« Il n’y en a pas ? » avais-je demandé.

« Non. On les appelle des malédictions parce qu’il n’y a aucun moyen de les lever. Je n’ai jamais entendu parler d’une malédiction qui affecte une tribu entière avant, mais… si c’est ce qu’un dieu a dit, alors c’est probablement vrai. »

Il s’était mis à rire d’autodérision, comme s’il disait que tout ce qu’il avait fait jusqu’à présent n’avait servi à rien. C’était peut-être juste la lumière, mais il semblait y avoir des larmes au bord de ses yeux.

« Mais… » avais-je commencé.

« Quoi donc ? »

« L’Homme-Dieu a dit que contrairement aux malédictions ordinaires, celle-ci s’estompe avec le temps. »

« Quoi ? »

« Il a aussi dit qu’elle est toujours en toi, Ruijerd, mais que tu l’avais fortement réduite en te coupant les cheveux. »

« Tu es sérieux !? »

Il l’avait crié si soudainement qu’Éris s’était retournée dans son sommeil, en marmonnant « Hm… » C’était probablement une conversation que j’aurais dû avoir avec elle aussi, mais… oh et bien, je pourrais le refaire quand elle se réveillerait.

« Oui. Il a dit que pour l’instant, il ne reste que des traces de la malédiction et des préjugés initiaux qu’elle a créés. La réputation de la tribu superd peut se rétablir lentement mais sûrement, selon le travail que tu feras à partir de maintenant. »

« Je vois… c’est logique… »

« Mais c’est exactement ce que le Dieu-Homme a dit. Même si tu fais confiance à ce qu’il dit, il vaut peut-être mieux ne pas le prendre pour argent comptant. Nous devrions continuer à être aussi prudents que nous l’avons été jusqu’à présent. », avais-je ajouté.

« Je sais. Mais entendre cela me suffit. »

Ruijerd se tut à nouveau. Ce n’était plus seulement l’éclairage qui le faisait apparaître comme ça. Il avait des larmes qui coulaient sur son visage.

« Alors, il est temps que j’aille me coucher. »

« Oui. »

J’avais fait semblant de ne pas voir ses larmes. Notre Ruijerd était un guerrier fiable et un homme fort qui ne pleurait jamais.

♥♥♥

Un mois s’était écoulé après cela. Nous n’avions pas visité la capitale, mais avions simplement suivi une route étroite menant de plus en plus au nord. Nous avions traversé de nombreux petits villages agricoles, nous avions vu des champs de blé s’étendre devant nous et des moulins à eau sur le côté pendant que nous poursuivions notre route.

Nous n’avions pas recueilli d’informations. Nous nous étions simplement dirigés vers le nord le plus rapidement possible. Nous nous étions dit que nous allions tout rattraper une fois arrivés au camp de réfugiés, mais surtout, nous y étions déjà presque. Nous voulions juste atteindre notre destination le plus rapidement possible.

Finalement, nous étions arrivés dans la région de Fittoa, qui était maintenant vide. Même dans les endroits où il y avait autrefois des traces de civilisation, il n’y restait plus rien. Il n’y avait pas de champs de blé, pas de champs de fleurs de Vatirus, pas de moulins à eau, pas de fermes. L’herbe était tout ce qui s’étendait devant nous, un champ immense s’étendant jusqu’à l’horizon. Cette scène créa un sentiment de vide, un sentiment que nous avions bercé au plus profond de nous en arrivant dans la ville actuelle (et unique) de la région de Fittoa : le camp de réfugiés. Notre destination.

C’était juste avant que nous arrivions à l’entrée que Ruijerd arrêta le chariot.

« Hm ? Qu’est-ce qui ne va pas ? »

Ruijerd était descendu du siège du conducteur. J’avais regardé autour de moi, pensant qu’un monstre était peut-être apparu, mais je ne vis aucun ennemi. Ruijerd était venu à l’arrière du chariot et dit : « C’est ici que je prends congé. »

« Quoi ? »

J’avais levé la voix, choqué par sa soudaine déclaration.

Les yeux d’Éris s’écarquillèrent également.

« A-Attends un peu ! »

Nous avions failli tomber de la voiture alors que nous nous tenions face à Ruijerd. C’était trop précipité. Nous venions d’arriver au camp de réfugiés. Non, nous étions justes à un pas.

« Tu ne peux pas t’y reposer un jour, non, ou au moins juste marcher un peu en ville avec nous ? »

« Oui, je veux dire… » commença Éris.

« Inutile. »

Ruijerd nous regarda alors, ces mots étaient brusques.

« Vous êtes tous les deux maintenant des guerriers. Vous n’avez plus besoin de ma protection. »

Éris s’était tue au moment où il avait dit ça. Pour être honnête, j’avais en fait oublié que la seule raison pour laquelle Ruijerd était resté avec nous aussi longtemps était de nous voir rentrer chez nous, et qu’une fois arrivés là-bas, nous nous dirions au revoir. Je pensais que nous serions toujours ensemble.

« Ruijerd… »

J’avais commencé, puis j’avais hésité. Si j’essayais de l’arrêter, resterait-il avec nous ? Rétrospectivement, je lui avais causé d’énormes problèmes. Il était vrai qu’il avait apporté son lot de problèmes, mais je lui avais montré bien plus de mes pathétiques faiblesses. Malgré cela, il me reconnaissait ici comme un guerrier. Je ne pouvais pas lui en demander plus.

« Si tu n’avais pas été avec nous, » lui dis-je, « je suis sûr que nous n’en serions pas là au bout de trois ans. »

« Non, je suis sûr que tu aurais pu le faire. »

« Ce n’est pas vrai. Je suis trop négligent pour certaines choses, je pense que nous aurions rencontré des problèmes en cours de route. »

« Tant que tu es capable de reconnaître ça, c’est très bien. »

Il y avait eu de nombreuses occasions où je m’étais retrouvé au bout du rouleau, comme lorsque j’avais été fait prisonnier à Shirone. Si Ruijerd n’avait pas été avec nous, j’aurais probablement paniqué encore plus.

« … Rudeus, je te l’ai déjà dit. En tant que magicien, tu as déjà atteint une sorte de perfection. Malgré tout le talent que tu possèdes, tu ne le laisses pas te monter à la tête. Tu dois être conscient de ce que cela signifie de pouvoir le faire à ton âge. »

Le visage de Ruijerd était encore plus calme que d’habitude.

Je m’étais senti en conflit en essayant de comprendre ces mots. Même s’il me disait jeune, mon âge réel était de plus de quarante ans. Si je n’avais pas laissé les choses me monter à la tête, c’était parce que je gardais encore ces souvenirs. Même si pour Ruijerd on était encore un gamin à quarante ans.

« Je… »

J’avais fait une pause au moment où j’avais commencé à parler. J’aurais pu faire une liste de mes faiblesses, mais cela me semblait bien trop pathétique. Je voulais me tenir devant cet homme la tête haute.

« Non, je comprends. Ruijerd, je te remercie pour tout ce que tu as fait pour nous jusqu’à présent », avais-je dit.

J’avais commencé à m’incliner, seulement pour qu’il m’attrape et m’arrête.

« Rudeus, ne t’incline pas devant moi. »

« Pourquoi pas… ? » lui avais-je demandé.

« Tu penses peut-être que j’ai fait beaucoup pour toi, mais je pense que tu as fait beaucoup plus pour moi. Grâce à toi, j’ai l’espoir que ma tribu puisse retrouver son honneur. »

« Je n’ai rien fait. Je n’ai pratiquement rien pu faire. »

J’avais essayé de transformer le nom de « Dead End » en quelque chose de positif sur le Continent Démon, mais nous n’avions jamais été rien de plus qu’un groupe d’aventuriers pendant que nous étions là-bas. Sur le Continent Millis, ce nom n’avait tout simplement pas le même poids. J’avais l’intention de proposer une nouvelle stratégie, mais elle était sans cesse repoussée, et puis nous étions arrivés sur le Continent Central et je n’avais pas pu faire autre chose pour l’aider. J’aurais voulu penser que tout ce que nous avions fait avait un certain impact, mais je ne pouvais pas effacer l’importante histoire de l’oppression dans le monde, et je ne pouvais rien faire contre les préjugés que les gens avaient envers la tribu des Superds.

« Non, tu as fait beaucoup. Tu m’as appris que ma simple méthode consistant à sauver les enfants n’était pas la seule. »

« Mais aucune de mes méthodes n’était très efficace », avais-je rétorqué.

« Pourtant, j’ai changé. Je me souviens de tout cela. Les mots de cette vieille femme à Rikarisu qui, grâce à tes manigances, a dit qu’elle ne trouvait pas la tribu des Superds effrayante. Le regard de ces aventuriers lorsqu’ils ont entendu le nom “Dead End”. Ils n’étaient pas effrayés, mais riaient plutôt joyeusement. La proximité que j’ai ressentie avec les guerriers de la tribu Doldia et comment ils m’ont acceptée même après que je leur ai dit que j’étais un Superd. Et les soldats de Shirone, la manière dont ils pleurèrent en me remerciant quand ils ont retrouvé leur famille. »

Si nous mettions de côté les deux derniers, le reste était arrivé grâce aux efforts de Ruijerd. Je n’avais rien fait.

« C’était des choses que tu as faites par toi-même », lui avais-je dit.

« Non. Je ne pouvais rien faire tout seul. Pendant les quatre cents ans qui ont suivi la guerre, j’ai travaillé seul, incapable de faire un seul pas en avant. Celui qui m’a montré ce pas, c’était toi, Rudeus. »

« Mais c’est grâce aux conseils de l’Homme-Dieu que tout est vraiment arrivé. »

« Je me fiche d’un dieu que je n’ai jamais vu. La personne qui m’a vraiment aidé, c’est toi. Peu importe ce que tu penses, je ressens une dette de gratitude envers toi. C’est pourquoi je ne veux pas que tu baisses la tête devant moi. Nous sommes tous les deux égaux. Si tu veux me remercier, regarde-moi dans les yeux », dit Ruijerd en tendant le bras vers moi.

Je l’avais regardé dans les yeux en tendant le bras et j’avais pris sa main dans la mienne.

« Je vais le redire. Merci, Rudeus, pour tout ce que tu as fait pour moi. »

« Et de même pour toi. Merci pour tout ce que tu as fait pour nous. »

Quand j’avais serré sa main, j’avais senti la force venir de lui. Les coins de mes yeux avaient commencé à me piquer. Ruijerd avait accepté quelqu’un comme moi, quelqu’un de pathétique, qui avait échoué tout du long.

Au bout de quelques instants, il avait retiré sa main et la posa sur la tête d’Éris.

« Éris », avait-il dit.

« … Quoi ? »

« Puis-je te traiter comme un enfant cette dernière fois ? »

« Bien, peu importe », répondit-elle sèchement.

Un léger sourire se dessina sur le visage de Ruijerd alors qu’il lui caressait la tête.

« Éris, tu as du talent. Assez pour devenir forte, bien plus forte que moi. »

« Menteur. Après tout, j’ai toujours perdu… »

Sa bouche s’était tournée vers le bas en une moue.

Ruijerd ricana et dit les mêmes mots qu’il avait toujours utilisés à l’entraînement.

« Tu as survécu à une attaque au combat d’un homme qui porte le nom de Dieu. Tu… tu comprends ce que cela signifie, n’est-ce pas ? »

Elle le regarda fixement. Puis, enfin, ses yeux s’élargirent en réalisant cela.

« … je comprends. »

« Gentille fille. »

Ruijerd lui donna une tape sur la tête avant de lui lâcher la main.

Éris garda son froncement de sourcil serré et serra fermement ses poings. On aurait dit qu’elle faisait de son mieux pour retenir ses larmes. J’avais détourné mon regard d’elle et j’avais demandé à Ruijerd : « Que vas-tu faire après cela ? »

« Je ne sais pas. Pour l’instant, j’ai l’intention de chercher les survivants de la tribu des Superds sur le Continent Central. Rendre l’honneur à ma tribu est juste utopique si je suis tout seul. »

« Très bien alors. Bonne chance. Si j’ai du temps libre, je vais voir si je peux faire quelque chose pour t’aider également. »

« … Heh. Et si j’ai du temps libre, je verrai si je peux chercher ta mère », dit Ruijerd en se retournant.

Il n’avait pas besoin de préparer son voyage. Il pouvait faire son chemin même s’il partait avec seulement les vêtements qu’il avait sur le dos.

Mais il s’était soudainement arrêté et fit demi-tour.

« Cela me rappelle que je dois rendre ceci. »

Ruijerd avait enlevé le pendentif qui était suspendu à son cou. C’était le pendentif de la tribu Migurd que j’avais reçue de Roxy. C’était le seul objet qui nous reliait Roxy et moi… du moins, ça l’était.

« S’il te plaît, garde ça avec toi », lui avais-je dit.

« Tu es sûr ? N’est-ce pas important pour toi ? »

« C’est exactement pour ça que je veux que tu le gardes. »

Après avoir dit ça, il fit un signe de tête. Il semblait prêt à le prendre.

« Très bien alors, Rudeus, Éris… rencontrons-nous à nouveau », dit Ruijerd en nous quittant.

Nous avions passé tellement de temps à parler ensemble depuis qu’il avait dit pour la première fois qu’il viendrait avec nous, et pourtant maintenant, alors qu’il partait, tout semblait se passer en un instant. Il y avait tant de choses que je voulais lui dire. Tant de choses s’étaient passées, depuis notre rencontre sur le Continent Démon jusqu’à notre arrivée au Royaume d’Asura. Tant de sentiments que les mots ne pouvaient même pas décrire. Comme de ne pas vouloir dire au revoir à notre compagnon.

« Rencontrons-nous à nouveau. »

Alors que sa silhouette s’éloignait, tous ces sentiments étaient enveloppés dans ces quelques mots. C’est vrai, il faut qu’on se retrouve, m’étais-je dit. Nous nous retrouverons sûrement. Tant que nous étions encore en vie, nous nous retrouverions certainement.

Éris et moi avions regardé silencieusement Ruijerd partir. Nous le regardions avec gratitude pour tout ce qu’il avait fait pour nous jusqu’à présent, jusqu’à ce qu’il disparaisse complètement.

C’était ainsi que notre voyage s’était achevé.

 

 

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Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

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