Chapitre 7 : Direction le Continent Central
Table des matières
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Chapitre 7 : Direction le Continent Central
Partie 1
Après deux mois de route, notre groupe avait finalement atteint la ville de Port Ouest. Ses rues ressemblaient beaucoup à celles de Port Zant, la ville côtière du nord. Elle était cependant beaucoup plus grande.
La route entre les capitales du pays Saint de Millis et du royaume d’Asura était une artère commerciale cruciale. De nombreuses villes étapes servaient de base d’opérations pour les marchands et les commerçants, Port Ouest était l’une des plus importantes.
Bien qu’il ne puisse pas être comparé au district commercial de Millishion, un certain nombre d’entreprises y avaient leur siège et les rues de la ville étaient remplies de leurs magasins et entreprises annexes.
Maintenant que nous étions arrivés jusqu’ici, il était temps de dire au revoir à notre cheval et à notre voiture.
Dans ce monde, il n’y avait pas de ferry pour transporter les véhicules terrestres sur l’eau. Tout comme lorsque nous avions quitté le Continent Démon, nous avions dû vendre nos moyens de transport ici et en acheter un nouveau de l’autre côté.
Contrairement à ce charmant lézard, je ne m’étais pas trop attaché à notre cheval, alors j’avais décidé de lui donner un nom à la toute fin. Adieu, fidèle Landbiscuit.
Une fois notre ami vendu, nous étions allés directement au poste de contrôle. Celui-ci s’était avéré être un très grand bâtiment, contrairement à celui de Port Venteux. Il y avait même des soldats casqués et en armure devant l’entrée.
Des chevaliers entièrement en armure étaient également très courants dans les rues de Millishion. Au premier coup d’œil, leur équipement semblait très robuste, mais quand j’avais pensé à ce que pouvaient faire Éris ou Ruijerd, je m’étais demandé si cela servirait à quelque chose. Les gens et les monstres de ce monde avaient tendance à disposer d’une puissance de feu importante. Un seul tir pouvait suffire à vous faire tomber votre luxueuse armure et vous laisser tout nu. Le choc pourrait même vous faire tomber dans une fosse instantanément…
D’accord, désolé. Je vais arrêter maintenant.
En entrant dans le bâtiment des douanes, nous l’avions trouvé plein de gens. Beaucoup d’entre eux semblaient être des aventuriers, et beaucoup d’autres étaient habillés comme des marchands. Un certain nombre de commis à l’allure alerte traitaient leurs demandes avec empressement. C’était un monde différent de Port Venteux, où les bureaux étaient pour la plupart vides et le personnel au mieux apathique.
Je m’étais rendu au comptoir ouvert le plus proche.
« Bonjour. »
« Bonjour. Que puis-je faire pour vous aujourd’hui ? »
Une fois de plus, je m’étais retrouvé face à une réceptionniste aux seins impressionnants. Dans ce monde, il semblait y avoir une sorte de règle non écrite selon laquelle les commis devaient avoir ce qu’il faut. Je n’avais bien entendu aucun commentaire à faire sur ce sujet.
« Uhm, je cherche à sécuriser le passage de mon groupe à travers la mer. »
« Très bien. Prenez ceci, s’il vous plaît. »
La femme m’avait remis une petite plaque en bois sur laquelle était gravé le numéro 34. C’était manifestement une opération bureaucratique qu’ils appliquaient ici.
J’étais retourné dans la salle d’attente et j’avais pris un siège. Éris s’était assise sur la chaise à côté de moi, mais Ruijerd était resté debout. Quand j’avais jeté un coup d’œil autour de moi, il semblait y avoir beaucoup d’autres personnes qui attendaient également que leur numéro soit appelé.
« Hmm. On dirait que ça va prendre un moment. »
« Ne vas-tu pas leur donner la lettre ? », demanda Ruijerd.
J’avais secoué la tête.
« Pas avant qu’ils n’appellent notre numéro. »
« Si tu le dis. »
Éris était déjà un peu agitée. C’était compréhensible, car attendre patiemment n’était pas vraiment sa spécialité. Cependant, au bout d’un moment, celle-ci murmura :
« Rudeus, je crois que quelqu’un me regarde… »
Cette fois, j’avais regardé plus attentivement autour de la pièce, en essayant de repérer la personne dont elle parlait. Il s’était avéré que c’était les gardes. Beaucoup d’entre eux jetaient de brefs regards dans la direction d’Éris, celle-ci détournait évidemment le regard.
« S’il te plaît, ne commence pas à te battre avec eux, Éris. »
« Je n’en avais pas l’intention. »
C’était un peu difficile à croire. En tout cas, il fallait se demander pourquoi ils regardaient dans sa direction. Aucune explication plausible ne me venait à l’esprit. Étaient-ils simplement captivés par sa beauté ? Non. Éris était de plus en plus jolie, mais c’était encore une enfant. À moins que tous les chevaliers qui travaillaient ici ne soient des pédophiles, ça ne pouvait pas être ça.
« Numéro trente-quatre, veuillez vous avancer. »
De toute façon, ils avaient finalement appelé notre numéro. Je m’étais donc levé et je m’étais dirigé vers le comptoir.
J’avais expliqué à la réceptionniste que nous voulions réserver un passage vers le continent central, puis j’avais remis la lettre de Ruijerd. Elle me l’avait prise avec un sourire poli, mais lorsqu’elle regarda le nom écrit sur l’enveloppe, son expression devint quelque peu perplexe.
« Attendez une minute, s’il vous plaît. »
Sur ce, elle s’était levée et était partie à l’arrière du bâtiment.
Au bout d’un moment, j’avais entendu un grand coup, et le bruit de quelqu’un qui criait. Un soldat en armure s’était dépêché de sortir par l’arrière, s’était approché d’un autre garde et lui murmura quelque chose à l’oreille. Ce garde s’était mis à courir hors du bureau avec une expression très grave sur le visage.
Tout cela m’avait semblé quelque peu inquiétant. J’avais remis cette lettre parce que je faisais confiance à Ruijerd, mais il aurait peut-être été plus intelligent de creuser un peu plus sur ce personnage de Gash Broche.
« Désolé de vous avoir fait attendre ! »
La réceptionniste d’avant était revenue. Son sourire professionnel ne pouvait pas cacher la tension sur son visage.
« Le Duc Bakshiel dit qu’il va vous recevoir maintenant. »
J’avais eu un très mauvais pressentiment à ce sujet.
« Je suis le duc Bakshiel von Wieser, directeur du bureau de douane de Millis Continental. »
Ce cochon était en tout point semblable à un porc.
Oups, je me suis trompé. Cet homme était en tout point semblable à un porc.
Son cou était si énormément gros que son menton avait complètement disparu. Ses cheveux blonds clairs étaient collés sur son front, et il y avait d’énormes poches sous ses yeux. Il avait le visage d’un vieil homme rusé et méchant.
Il nous regardait aussi de haut avec une hostilité ouverte.
J’avais déjà vu un type comme ça à l’époque… chaque fois que je me regardais dans le miroir.
« Hmph. Penser qu’un sale démon serait assez effronté pour m’apporter une lettre comme celle-ci… »
Le duc Bakshiel était assis dans un luxueux fauteuil en cuir, qu’il ne semblait pas enclin à quitter. Celui-ci grinçait sous lui lorsqu’il tapait avec un stylo sur le morceau de papier qu’il tenait à la main. Il y avait d’innombrables morceaux de papier sur son bureau à l’allure onéreuse. Parmi eux, j’avais repéré une enveloppe familière, maintenant déchirée. Il en tenait probablement le contenu.
« Vous avez certainement choisi un nom impressionnant, je vous l’accorde. Et ce sceau avait l’air très réel lui aussi. Mais je ne suis pas né de la dernière pluie, mes amis ! C’est manifestement un faux ! »
Bakshiel nous jeta la lettre avec insouciance. Je l’avais attrapé par réflexe.
Cet homme est un Superd. Néanmoins, j’ai une grande dette envers lui.
C’est un homme peu loquace, mais de caractère noble.
Renoncez à tous les frais habituels et accompagnez-le en toute sécurité sur le continent central.
Galgard Nash Vennik,
Commandant des Chevaliers missionnaires
Un regard sur le nom en bas me fit tourner la tête. Qu’était-il arrivé à Gash Broche ? Qui était ce Galgard Nash Vennik ?
Il m’avait fallu quelques secondes pour réaliser qu’on pouvait raccourcir « Galgard Nash » en « Gash ». Peut-être était-il le genre de gars qui se présentait en utilisant un surnom ? Ruijerd avait peut-être eu l’impression qu’il ne s’appelait en réalité que Gash. Bien que cela n’expliquait évidemment pas la partie « Broche ».
Cependant, le plus important était sûrement… « Commandant des Chevaliers missionnaires » ! Était-il sérieusement le chef d’un des trois ordres militaires sacrés ? ! Cela me donnait un sérieux mal de tête. Pourquoi la vieille connaissance de Ruijerd serait-elle un personnage aussi important ?
Mais d’une certaine manière, cela avait du sens. Le commandant des Chevaliers missionnaires devait être assez haut placé dans la hiérarchie de Millis, non ? Savoir qu’un type comme lui était ami avec un Superd pourrait paraître incroyable. C’était peut-être pour ça qu’il avait utilisé un faux nom.
Bien sûr, il y avait aussi des explications plus simples à cela. Cela faisait quarante ans que Ruijerd avait rencontré cet homme pour la première fois. Peut-être qu’il s’était tout simplement marié dans une famille puissante et qu’il avait changé de nom.
« En premier lieu, il n’y a aucune chance que cet homme ne parlant peu écrive une lettre comme celle-ci. Je le connais bien, et je sais qu’il déteste mettre des mots sur un papier, même si c’est simplement nécessaire. Pensez-vous vraiment que je vais croire qu’il a écrit cela au nom d’un humble démon ? Quelle farce ! »
Ruijerd écoutait tout cela en silence avec une expression contradictoire sur son visage. Cet homme affirmait sans ambages que sa lettre était fausse simplement parce qu’il était un Superd, ou du moins c’était ce qu’il lui semblait. Et honnêtement, il n’avait peut-être pas tout à fait tort. Paul m’avait prévenu que ce Duc Bakshiel était célèbre pour sa haine de toutes les races démoniaque.
Ce Gash, ou Galgard, le savait sûrement aussi, n’est-ce pas ? S’il savait comment était Bakshiel, il aurait vraiment dû écrire une explication un peu plus complète.
L’homme n’était-il pas vraiment celui qu’il prétendait être ?
Non, non. Souviens-toi de ce que Ruijerd t’a dit.
Il avait rencontré Gash dans un bâtiment assez grand pour qu’il le compare au château de Kishirisu. Ce serait trop grand pour être une maison ou un manoir, mais que se passerait-il si c’était le quartier général des Chevaliers missionnaires? Ce serait probablement un grand bâtiment, avec de nombreux chevaliers à l’intérieur en permanence… et si Gash était le commandant, tous ces chevaliers seraient ses subordonnés. Cela expliquerait pourquoi Ruijerd avait dit qu’il avait « beaucoup d’hommes. »
Bien sûr, le fait de comprendre tout cela n’avait pas été particulièrement utile pour le moment. Le duc Bakshiel avait déjà décidé que cette lettre était un faux. Puisque les choses en étaient arrivées là, lui dire que : « Oui, c’est une fausse ! Désolé pour ça ! » n’allait nous attirer que des ennuis.
J’avais fait un pas en avant.
« En d’autres termes, vous croyez que cette lettre est un faux, monsieur ? »
« Qui es-tu censé être ? Je n’ai pas le temps de bavarder avec les enfants. », dit Bakshiel en me regardant d’un air suspect.
Wôw. C’était certainement une sorte de nouvelle sensation. Il y avait longtemps que personne n’avait été aussi condescendant avec moi. Quand je voulais être traité comme un enfant, les gens me traitaient comme un adulte. Mais quand je voulais être traité comme un adulte, les gens me traitaient comme un enfant. Quelle nuisance !
En gardant ces pensées pour moi, j’avais mis ma main droite sur ma poitrine et je m’étais incliné dans le style de la noblesse Asurienne.
« Mes excuses, monsieur. Permettez-moi de me présenter. Je m’appelle Rudeus Greyrat. »
Le sourcil de Bakshiel s’était légèrement tordu.
« Rudeus… Greyrat, dis-tu ? »
« C’est exact. Bien que je rougisse de l’admettre, je suis membre d’une petite faction indigne du fameux clan Greyrat qui compte parmi la haute noblesse d’Asura. »
« Hrm. Mais les familles Greyrat utilisent les noms des anciens dieux du vent pour se distinguer, pas vrai ? »
« Effectivement, monsieur. J’appartiens à une branche familiale, je n’ai donc pas le droit d’en utiliser une. »
***
Partie 2
Dès l’instant où les mots « branche familiale » avaient quitté ma bouche, j’avais pu voir la prudence dans les yeux de Bakshiel céder la place au dédain. Mais avant qu’il ne puisse dire quoi que ce soit, j’avais indiqué Éris avec la paume de ma main.
« Cependant, Lady Éris ici présente est une membre de la famille Boreas Greyrat. »
Au moment où je lui avais donné une légère tape dans le dos, Éris fit un pas en avant elle aussi. Elle me regarda avec surprise pendant un moment, mais n’avait pas paniqué.
Au début, elle plia les bras à hauteur d’épaule et écarta les pieds, mais elle avait vite compris que ce n’était pas bien. Sa deuxième impulsion avait été d’atteindre les bords de sa jupe pour pouvoir faire une révérence, malheureusement, elle ne portait pas de jupe. Elle décida finalement de mettre sa main sur sa poitrine et de s’incliner comme je l’avais fait.
« Je suis Éris Boreas Greyrat, fille de Philip Boreas Greyrat. C’est un plaisir de vous connaître, monsieur. »
Sa salutation était un peu laborieuse. J’avais aussi l’impression qu’elle avait tout gâché.
J’avais jeté un coup d’œil au visage de Bakshiel. C’était difficile de dire comment il prenait ça, mais… peu importe. Il fallait juste s’appuyer sur l’influence de la famille d’Éris ici.
« Hmph. Et que fait la fille d’un noble d’Asuran ici, je t’en prie ? »
C’était certainement la question évidente à ce stade. Heureusement, nous n’avions pas eu besoin d’y répondre autrement qu’avec la vérité.
« Monsieur, connaissez-vous la calamité qui s’est abattue sur la région de Fittoa il y a deux ans ? »
« Bien sûr. De nombreux Asuriens ont été téléportés dans le monde entier, si j’ai bien compris. »
« C’est exact. La jeune femme et moi-même étions deux des personnes concernées. »
Comme je l’avais expliqué à Bakshiel, j’avais escorté Éris tout le long du continent des démons avec Ruijerd comme garde du corps engagé. Lors de la traversée vers le continent de Millis, nous avions à peine réussi à payer le voyage en vendant tous nos biens, mais nous n’avions pas assez de fonds pour payer le voyage de Millis au continent central. En particulier, le coût du passage de Ruijerd était tout simplement trop élevé.
En conséquence, nous nous étions tournés vers le Seigneur Galgard pour obtenir de l’aide, car il était à la fois une vieille connaissance de la famille Greyrat et un ami personnel de Ruijerd. Il avait eu la gentillesse de nous écrire une lettre.
Cette histoire n’était bien sûr pas tout à fait vraie. Mais elle était assez proche de la réalité.
« La jeune femme est peut-être habillée comme une aventurière en ce moment, mais c’est uniquement parce que nous ne voulions pas que des voyous se rendent compte qu’elle est de naissance noble. Je suis sûr que vous pouvez comprendre les dangers potentiels, Duc Bakshiel. »
« Je vois. Alors c’est comme ça. Vous êtes de mèche avec cette “équipe de recherche et de sauvetage de Fittoa” qui a causé des problèmes à Millishion récemment ? », dit Bakshiel, avec une expression aigre sur son visage.
« Euh… quoi ? Non, non. De quoi parlez-vous, monsieur ? »
« Je n’ai jamais entendu le nom d’Éris Boreas Greyrat avant. Cependant, je connais un certain Paul Greyrat, un petit voyou qui est censé voler des esclaves par la force. » déclara Bakshiel avec un grognement distinctement porcin
Oh, charmant. Papa a vraiment une sale réputation.
« Laissez-moi m’assurer que je vous comprends, Duc Bakshiel. Vous pensez que la lettre du Seigneur Galgard est une fausse et que Lady Éris n’est pas vraiment un membre de la noblesse asurienne, exact ? Et vous nous prenez pour de simples laquais de ce bon à rien lubrique de Paul Greyrat, qui boit toute la journée, qui s’en prend à son propre fils, qui a les pieds qui puent, et qui cause à sa pauvre fille des soucis sans fin ? »
« En effet. »
Honnêtement, quelle chose terrible à dire ! Paul faisait de son mieux. Certes, il avait ses défauts, et certaines de ses méthodes étaient peut-être loin d’être parfaites. Mais le rejeter comme étant « sans valeur » ? C’était tout simplement insultant !
« Puis-je vous demander pourquoi vous avez conclu que le sceau sur notre lettre était non authentique ? » avais-je dit, en montrant l’enveloppe sur le bureau de Bakshiel.
L’homme fronça légèrement les sourcils et hocha la tête.
« Il n’est pas rare que des contrefaçons du sceau du Chevalier missionnaire circulent au marché noir. »
Vraiment ? C’était la première fois que j’en entendais parler.
« Et pourquoi pensez-vous que mon employeur, Lady Éris, n’est pas celle qu’elle prétend être ? »
« Pah. Pensiez-vous vraiment que je croirais que cette épéiste rustre était la fille d’un noble asurien ? »
J’avais jeté un coup d’œil à Éris, qui avait pris sa pose habituelle de bras croisés. Ses bras n’étaient pas marqués par des cicatrices, mais ils étaient bronzés et plus musclés que ceux d’un jeune aventurier moyen. Ce n’était pas exactement ce que l’on pourrait s’attendre d’une petite princesse protégée.
« Ah. Il semblerait que vous ne connaissiez pas le Seigneur Sauros. », dis-je avec un petit rire.
« Sauros ? Voulez-vous parler du seigneur de la région de Fittoa ? »
Apparemment, il avait au moins reconnu ce nom. Bien.
« Effectivement. C’est aussi le grand-père d’Éris, et l’homme qui a choisi de cultiver ses talents à l’épée dès son plus jeune âge. »
« Quoi ? Pourquoi aurait-il fait une telle chose ? »
« C’est un peu un secret de famille, mais… il a été décidé il y a quelque temps que Lady Éris se marie dans la famille Notos. Et le Seigneur Sauros déteste le chef actuel de cette maison. »
« Je vois. »
Pour être parfaitement clair, j’insinuais qu’Éris avait été entraînée à devenir une petite guerrière sauvage afin qu’elle puisse un jour assassiner le chef de la famille Notos dans sa chambre. Heureusement, Éris avait semblé perplexe devant mes propos. Si elle avait compris ce que je disais, j’aurais probablement perdu quelques dents à ce moment-là.
« Pour cette raison, entre autres, la jeune femme doit retourner à Asura. Si vous insistez sur le fait qu’elle est une impostrice, nous devrons simplement retourner à Millishion et déposer un appel auprès des autorités compétentes. »
Je n’avais bien sûr aucune idée de qui serait ces autorités compétentes. Ce n’était pas quelque chose que j’avais pris la peine d’examiner.
« Hmph. Si vous voulez que je croie tout ça, alors montrez-moi une sorte de preuve. »
« La lettre du Seigneur Galgard est sûrement une preuve suffisante. »
« C’est absurde. Vous ne faites que tourner en rond. »
« Que vous importe si c’est le cas ? Écoutez, Duc Bakshiel, voulez-vous vraiment devenir un ennemi de la famille Asuran Greyrat ? »
Merde. Je ne savais même plus ce que je disais.
Heureusement, la menace que j’avais lancée semblait avoir un certain effet, à en juger par l’intensité du regard de Duke Bakshiel.
« Très bien. Je vais vous permettre, à vous et à la jeune femme, de réserver un passage. »
« Mais notre garde… »
« Par mon autorité de duc, j’assignerai quelques chevaliers pour vous escorter. Ce serait sûrement préférable à la protection de ce… démon. »
Plutôt que d’octroyer un passage pour les démons, Bakshiel préférait nous prêter deux de ses propres hommes. Il semblait obstinément déterminé à ne pas laisser passer Ruijerd, quoi qu’il arrive. Je n’avais jamais vu ce genre de chose de mes propres yeux auparavant, mais la discrimination contre les démons sur ce continent était manifestement pire que ce que j’avais imaginé.
Quelles étaient les options qui s’offraient à nous à ce stade ? Devrions-nous simplement essayer d’organiser le passage de Ruijerd séparément ? Je pouvais facilement voir que cela se traduirait par une autre bataille sanglante contre un groupe de contrebandiers. Cela ne m’avait pas semblé très attrayant…
Mais juste au moment où j’envisageais ma réponse, on frappa à la porte.
« Qu’est-ce que c’est ? Je suis en plein milieu d’une réunion », déclara Bakshiel, l’air un peu méfiant.
La personne à l’extérieur n’avait pas attendu la permission d’entrer. La porte s’était ouverte, et une femme blonde en armure bleue était entrée dans la pièce.
« Pardonnez-moi. On m’a dit qu’un certain “Ruijerd de Dead End” était ici. »
« … Mère ? »
C’était Zenith.
« Hein !? »
Toutes les autres personnes présentes dans la pièce s’étaient tournées à l’unisson pour la regarder.
La femme m’avait regardé fixement, l’air un peu fâché.
« Je suis une femme célibataire. Je n’ai pas d’enfants, encore moins un aussi vieux que vous. »
Comment ? Allons, maman. As-tu perdu la mémoire depuis la dernière fois que je t’ai vue ? Oh, peut-être qu’elle en a juste eu marre des bêtises de Paul…
Mais en regardant de plus près cette femme, j’avais commencé à remarquer quelques détails qui la distinguaient de ma mère. Après des années de séparation, je ne me souvenais pas parfaitement de Zenith… mais la forme du visage de cette femme et la couleur de ses cheveux étaient très subtilement différentes. Ce n’était donc pas elle.
« Je suis désolé. Ma mère a disparu, et vous lui ressemblez beaucoup. »
« … Je vois. »
Super. Maintenant, elle me regardait avec pitié dans les yeux. Peut-être m’avait-elle catalogué comme un enfant solitaire et perdu ou quelque chose comme ça. Les gens ne me traitaient pas trop souvent comme un enfant ces jours-ci, mais j’en avais au moins toujours l’air.
Avec un grognement, le Doc Bakshiel jeta un regard furieux sur la femme en armure.
« Eh bien, si ce n’est pas notre Chevalier du Temple fraîchement émérite. Avez-vous besoin de quelque chose de ma part ? »
« Un Superd est apparu sur le territoire de Millis. Tout membre diligent de mon ordre viendrait en courant à cette nouvelle. »
« Vous ne prendrez votre poste ici que dans dix jours. Ne fourrez pas votre nez là où il ne faut pas. »
« Là où il ne le faut pas ? Quelle chose étrange à dire, Duc Bakshiel ! Certes, je n’ai pas encore officiellement pris mes fonctions ici, mais mon prédécesseur est déjà parti pour Millishion. Lorsque des problèmes surviennent à un point de contrôle, il est de la responsabilité des Chevaliers du Temple de les régler. Et pourtant, il semble que je sois le seul chevalier du temple dans cette salle. Pourriez-vous m’expliquer cela ? »
Cette diatribe avait laissé l’homme sans voix. Il bégayait légèrement, son visage était un peu pâle.
« Une équipe de deux chefs devrait superviser la défense de chaque poste de douane. C’est une règle de fer établie par l’église de Millis, Duc Bakshiel. Vous n’avez sûrement pas l’intention de la défier ? »
« Bien sûr que non. Je pensais seulement… Eh bien, vous venez juste d’arriver ici. Pourquoi ne pas prendre quelques jours pour vous détendre et vous habituer à la ville ? »
« Ce ne sera pas nécessaire. »
À voir la tête du Duc Cochon, on aurait pu croire qu’il était sur le point d’être abattu. J’allais vraiment apprécier la prochaine fois que j’irai manger du porc.
« Maintenant, pouvez-vous nous expliquer de quoi il est question ici ? »
Dans l’ensemble, il semblerait que cette dame chevalier était sur un pied d’égalité avec Bakshiel ici. Normalement, un duc se trouve au sommet de l’ordre aristocratique, mais dans le pays Saint de Millis, l’Église était extrêmement puissante. Ce système avait probablement un rapport avec cela.
« Eh bien, il se trouve que… »
Le Duc Bakshiel avait ensuite résumé la situation. Parfois, il fit des remarques basées uniquement sur ses propres hypothèses, j’avais donc dû apporter quelques corrections.
Le chevalier écouta toute l’histoire en silence, puis il jeta un coup d’œil sur notre groupe.
« Hm. Cet homme est certainement un démon, hein… ? »
Elle plissa ses yeux pendant qu’elle étudiait Ruijerd, mais en se tournant vers Éris, son expression s’était instantanément adoucie.
Finalement, elle rencontra mon regard… et posa une main sur son menton avec délicatesse.
« Jeune homme, vous pensiez que j’étais votre mère, oui ? Puis-je vous demander son nom ? »
« C’est Zenith. Zenith Greyrat. »
« Et celui de votre père ? »
J’avais jeté un coup d’œil sur Bakshiel. Bordel, ça allait être gênant…
« Paul Greyrat. »
On pouvait comprendre que le duc ait eu les yeux grands ouverts. Il suffisait d’insister sur le fait que mon père était une personne totalement différente, et non cette ordure de Millishion. Mon père était fondamentalement un saint. Il vous donnait même de l’argent si vous le frappiez plusieurs fois.
« Je vois », murmura le chevalier.
Et puis, pour une raison inconnue, elle s’était accroupie et enroula ses bras autour de moi.
« Hein !? »
Cela avait été pour le moins une surprise.
« Je ne peux pas imaginer ce que tu as vécu… »
Non seulement elle m’avait pris dans ses bras, mais maintenant elle me caressait aussi la tête.
À cause de l’épaisse armure qu’elle portait, ce n’était pas la plus douce des étreintes, mais je sentais au moins une bonne odeur de parfum féminin. Naturellement, mon petit copain d’en bas… n’avait même pas bougé. Huh.
***
Partie 3
Qu’est-ce qu’il y a, mon garçon ? Je croyais que tu aimais l’odeur d’une femme légèrement en sueur. L’autre jour, il suffisait d’une bouffée d’Éris pour que tu sois réveillé…
En regardant la jeune femme en question, je l’avais trouvée en train de nous fixer avec ses yeux grands ouverts et ses mains serrées dans les poings. C’était terrifiant.
« Hum… mademoiselle ? »
Après m’avoir tapoté plusieurs fois sur la tête, le chevalier s’était levé une fois de plus. Et au lieu de regarder dans ma direction, elle s’était retournée pour faire face au duc Bakshiel.
« Je vais prendre ces trois-là sous ma protection personnelle. »
« Quoi !? L’un d’eux est un démon, femme ! » cracha Bakshiel.
Le chevalier, le gardant dans le coin de l’œil, m’avait arraché des mains la lettre de Ruijerd et l’avait rapidement regardée.
« Soit dit en passant, cette lettre est authentique. Je reconnais l’écriture du Seigneur Galgard quand je la vois. »
« Ignoreriez-vous complètement les enseignements de l’église de Millis ? Quel genre de Chevalier du Temple êtes-vous ? »
À ce stade, Éris avait laissé échapper un petit « Oh ! » La dame chevalier se tourna un instant vers elle et lui fit un clin d’œil.
… je commençais à me sentir complètement perdu.
« Je suis la capitaine de la Compagnie du Bouclier. Et je suis très sérieuse sur ce sujet. »
« Pah ! Un capitaine rétrogradé pour avoir perdu toute son unité ! »
« Hmph. Votre propre situation n’est-elle pas un peu similaire ? Non, je me trompe. J’ai au moins accompli ma mission, alors que vous avez simplement abandonné votre devoir. »
Le Duc Bakshiel serra les dents et grogna. D’après ce que l’on savait, il avait été envoyé ici aussi comme une sorte de punition. Une fois que l’on connaissait ce petit détail, son grand titre semblait en fait plus pathétique qu’intimidant. Il y avait quelque chose comme une véritable haine dans ses yeux maintenant.
« Regarde, femme. Je me fiche de la puissance de ta famille. Ce genre d’insolence ne va pas… »
Bakshiel n’avait pas pu finir sa phrase. À mi-chemin, le chevalier avait incliné sa tête vers lui.
« Je m’excuse. Mes paroles étaient déplacées. Vu que j’ai été affecté ici, je n’ai aucune envie de me mettre en conflit avec vous. Cependant, cette affaire particulière a une signification personnelle pour moi. J’espère que vous me pardonnerez mon impolitesse. »
Le timing était vraiment impressionnant. Elle avait dit tout ce qu’elle voulait dire, mais elle s’était excusée immédiatement. On pouvait voir la colère sur le visage de Bakshiel s’estomper. Il faudrait que j’essaie de l’imiter la prochaine fois que j’énerverai quelqu’un.
« Signification personnelle ? »
« Oui », dit le chevalier, en faisant un petit clin d’œil à son collègue qui doutait. Elle avait alors laissé tomber une main sur mon épaule.
« Voyez-vous, ce garçon est mon neveu. »
Pardon !?
♥♥♥ ♥♥♥ ♥♥♥
Thérèse Latria était la quatrième fille de la famille Latria, une des pierres angulaires de la noblesse de Millis. Elle était également un chevalier très prometteur qui avait obtenu le grade de capitaine des Chevaliers du Temple à un âge remarquablement jeune.
Le comte Latria était son père. Et Zenith Greyrat était sa sœur.
Lorsqu’il apprit que j’étais un parent de sang de Thérèse, le visage du duc Bakshiel prit une expression résignée. Avec un soupir réticent, il accepta de renoncer au prix du billet pour le passage de mon groupe sur le continent central.
En ce moment, je me trouvais dans une auberge du Port Ouest, enveloppé dans les bras de Thérèse.
Seules Éris, Thérèse et moi-même étions dans la chambre à ce moment-là. Sentant peut-être que cela pourrait rendre les choses gênantes s’il restait, Ruijerd s’était éclipsé pour le moment.
« Tu sais, Rudeus, ma sœur m’a beaucoup parlé de toi dans ses lettres. »
« L’a-t-elle vraiment fait ? Qu’a-t-elle dit sur moi ? »
« Principalement, que tu étais adorable. Je ne peux pas dire que c’est le premier mot qui m’est venu à l’esprit quand je t’ai vu dans ce bureau, mais maintenant je comprends. Tu es mignon comme tout ! »
Au moment même où elle parlait, Thérèse me touchait affectueusement la nuque avec son visage.
C’était une expérience un peu inhabituelle pour moi. Au cours des treize dernières années, plusieurs personnes m’avaient décrit comme « effrayant », « impudent » ou « suspect », mais Zenith devait être la seule à m’avoir traité de mignon.
Quoi qu’il en soit… bien que j’aie été enlacé par une belle femme aux gros seins, pour une raison étrange, le canon entre mes jambes n’était pas prêt à se mettre au garde à vous.
Était-ce parce qu’elle était ma parente ?
« Thérèse, peux-tu maintenant lâcher Rudeus ? »
Éris nous regardait, le menton appuyé sur une main, en tapant avec irritation des doigts contre la table. Était-ce de la jalousie ? Ce n’était pas facile d’être un tel play-boy…
« Je peux comprendre ce que vous ressentez, Mlle Éris, mais on ne sait pas quand je reverrai Rudeus. Et d’ici à ce que nous soyons réunis, il aura très probablement perdu tout vestige de la mignonnerie qu’il possède maintenant. Mes plus sincères excuses, mais j’aimerais lui faire partager quelques souvenirs tant que je le peux. »
Thérèse commença à me museler encore plus vigoureusement qu’auparavant, ne montrant aucun signe de contrition.
« Puis-je demander pourquoi tu parles si poliment à Éris ? »
« Parce que je lui dois la vie. »
Voilà qui éveilla mon intérêt.
Le jour où Éris était partie chasser les gobelins près de Millishion, elle avait apparemment sauvé Thérèse d’un groupe d’assassins qui l’avaient encerclée. Thérèse était en service pour défendre un certain « personnage important » à l’époque. Si Éris ne s’était pas montrée à ce moment-là, Thérèse et son protégé auraient tous deux perdu la vie.
Tout cela était nouveau pour moi. Lorsque j’avais regardé Éris, elle me montra une expression de gène.
« Désolée. J’ai oublié de te parler de tout ça… »
D’après ce que m’avait dit Éris, une fois rentrée à l’auberge et ayant vu à quel point j’étais déprimé, elle avait oublié tout le reste de ce qui s’était passé ce jour-là. C’était essentiellement de ma faute, hein ? Dans ce cas, je ne pouvais pas vraiment me plaindre.
D’ailleurs, Thérèse me caressait toujours comme une folle. Comme elle était assise derrière moi, il était difficile d’en être sûr, mais je parierais que cette femme avait une expression plutôt béate sur le visage. C’était vraiment un peu gênant. Je veux dire, une femme pressait ses seins contre moi et je n’étais pas du tout excité. C’était un sentiment très… inhabituel.
« Sérieusement. Tu es trop mignon, Rudeus. Je pourrais te dévorer ! »
« Euh, ça veut dire que tu veux coucher avec moi ? »
En réponse à ma misérable petite blague, Thérèse avait couvert ma bouche avec sa main.
« Tu es vraiment plus mignon quand tu te tais. T’entendre parler me fait penser à Paul Greyrat. »
Il semblerait que ma tante n’était pas une grande fan de mon père. Me caressant comme un chiot, elle était allée de l’avant et changea de sujet.
« Franchement… le commandant Gash ne changera jamais, hein ? Il aurait dû savoir comment le Duc Bakshiel réagirait à une telle lettre, mais il l’a quand même écrite. »
Le Galgard Nash Vennik était, en fait, l’homme qui commandait les Chevaliers missionnaires de Millis. Cet ordre agissait essentiellement comme une force mercenaire qui envoyait de jeunes chevaliers dans les régions turbulentes du monde, où ils pouvaient acquérir une réelle expérience du combat tout en diffusant les enseignements de l’église de Millis. Actuellement, ils se trouvaient entre deux campagnes et étaient retournés à Millis pour renforcer leurs rangs avec de nouvelles recrues.
Le copain de Ruijerd, Gash, alias Galgard, était leur chef depuis quelque temps déjà. Il avait survécu à une expédition désastreuse sur le Continent Démon en tant que jeune chevalier, et au cours des décennies suivantes, il avait transformé son ordre en la force la plus puissante qu’il ait jamais été. C’était un homme brusque et tranquille qui souriait rarement, mais il était également connu pour son équité et son impartialité envers les pires des méchants.
À Millis, personne n’était considéré comme un chevalier à part entière tant qu’il n’avait pas vécu au moins une expédition avec les Chevaliers missionnaires. Ces campagnes étaient souvent très dangereuses. Mais avec Gash aux commandes, plus de quatre-vingt-dix pour cent des jeunes chevaliers envoyés revenaient maintenant vivants. C’était la raison pour laquelle beaucoup l’avaient salué comme le plus grand commandant que l’ordre ait jamais connu. Chaque chevalier des trois ordres militaires sacrés respectait profondément Gash. Beaucoup lui devaient même la vie.
« Bien sûr, il est aussi célèbre pour écrire peu et parler encore moins. »
Sur le champ de bataille, il donnait des ordres rapidement et avec précision, mais la plupart du temps, il était trop apathique pour retourner les salutations d’un officier. Il n’écrivait presque jamais de lettres d’aucune sorte, et se contentait d’approuver les rapports rédigés par d’autres. Peu de gens avaient vu son écriture, au point que de faux documents circulaient régulièrement en son nom.
Ruijerd l’avait décrit comme un homme bavard et passionné. Mais bien sûr, Ruijerd était lui-même assez discret. Peut-être que ses normes en matière de « bavardage » étaient différentes des nôtres… ou peut-être que Gash agissait-il simplement différemment en étant proche de lui.
« Très bien, mais vas-tu enfin le lâcher ? », interrompit Éris.
Je pouvais voir à ce moment-là qu’elle était à cinq secondes de craquer. J’avais finalement échappé à Thérèse.
« Aww… mon gentil et chaleureux Rudeus… »
Ma tante avait l’air d’avoir le cœur légèrement brisé, mais je n’étais pas son oreiller corporel. Et ce n’était pas comme si j’avais vraiment apprécié l’expérience.
« Viens ici, Rudeus ! »
Comme on me l’avait ordonné, je m’étais assis à côté d’Éris. Elle avait rapidement saisi ma main.
« Euh… »
En quelques secondes, la jeune fille rougissait jusqu’au bout des oreilles. En la regardant fixement de côté, je n’avais pu m’empêcher de sourire.
Thérèse, par contre, était occupée à frapper un oreiller sur le lit. C’est compréhensible, mais pourquoi ne pas frapper le mur à la place ? D’après mon expérience, c’était beaucoup plus satisfaisant.
« Hah… profitez de votre jeunesse tant que vous l’avez, les enfants. »
Thérèse secoua la tête en soupirant, puis elle nous regarda avec une expression plus sérieuse.
« Bien. Il y a une chose dont je voulais te mettre en garde, Rudeus. Ce n’est peut-être pas très important, puisque tu es sur le point de quitter Millis, mais je pense que tu dois en être conscient. »
Elle s’était arrêtée un instant après cette longue introduction, puis poursuivie fermement : « Il serait plus prudent de ne pas mentionner le mot superd à l’intérieur des frontières de ce pays. »
« Pourquoi ça ? »
« L’un des plus anciens enseignements de l’Église Millis soutient que l’humanité démoniaque doit être totalement expulsée. »
Concrètement, cela signifiait que tous les démons devaient être chassés du Continent Millis. C’était une doctrine archaïque que peu de gens prenaient au sérieux, mais les Chevaliers du Temple s’efforçaient toujours de la mettre en pratique. Et bien sûr, les Superds étaient tristement célèbres, même parmi les races démoniaques. Si l’on apprenait qu’un d’entre eux voyageait dans Millis, les Chevaliers le poursuivaient avec tout ce qu’ils avaient, même s’il n’était pas vraiment ce qu’il prétendait être.
« Étant donné tout ce qu’il a fait pour toi et Éris, je dois faire une exception dans son cas. Mais d’ordinaire, je n’aurais pas négligé ce point. »
« Ne sois pas ridicule. Même dans un million d’années tu ne battras jamais Ruijerd, peu importe le nombre de personnes que tu lui auras jetées dessus, » déclara froidement Éris.
« Je suppose que vous avez sans doute raison, Mlle Éris. Mais les Chevaliers du Temple sont une bande de fanatiques, j’en ai peur. Moi y compris. Nous livrerions cette bataille, même si nous savons que nous n’avons aucune chance. » dit Thérèse en souriant.
Il y avait apparemment pas mal de gens comme ça parmi les Saints Chevaliers de Millis. Elle avait donc de ce fait souligné que nous devrions être très prudents si jamais nous revenions sur ce continent.
Tout cet incident avait montré à quel point les préjugés de l’humanité à l’égard des démons étaient profondément ancrés. J’avais eu l’impression qu’il pourrait être difficile de travailler sur la réputation du Superd à partir de maintenant.
De plus, si quelqu’un apprenait que je vénérais Roxy comme un dieu, je pourrais finir par être torturé par un inquisiteur. Il était probablement préférable de garder ma religion personnelle pour moi.
♥♥♥
Cette fois-ci, notre voyage en mer s’était déroulé sans encombre.
Ma tante s’était assurée que nous étions bien préparés pour le voyage. Non seulement elle nous avait fourni toutes les provisions dont nous aurions besoin, mais elle nous avait même procuré une sorte de médicament contre le mal de mer. J’avais l’impression que la médecine était un domaine un peu négligé dans ce monde, mais de toute évidence, ils ne comptaient pas sur la magie de guérison pour tout. Il y avait au moins des remèdes pour ce genre de maladie.
Cela dit, ces médicaments n’étaient pas bon marché. Heureusement que j’avais des parents haut placés.
Thérèse avait pris un soin particulier à répondre à tous les besoins d’Éris. Il y avait toujours une certaine hostilité dans ses yeux quand elle regardait Ruijerd, mais que pouviez-vous faire ? Les gens ne changeaient pas leur vision du monde du jour au lendemain.
Grâce aux médicaments que Thérèse s’était procurés, Éris avait passé la plus grande partie de notre voyage dans une situation légèrement inconfortable plutôt que complètement misérable. Elle ne m’avait donc pas supplié de la soigner tout le temps.
Pour être tout à fait honnête, c’était un peu décevant. J’avais espéré la voir à nouveau toute douce. Mais le bon côté, c’était que mon super compteur ne s’était pas rechargé, que je n’avais jamais lâché mon Buster Wolf et qu’Éris n’avait pas eu besoin de me frapper avec un Sunny Punch. Tout s’était passé comme d’habitude.
Mais Éris semblait un peu anxieuse depuis la dernière fois. Elle m’avait collé comme de la glu une fois sur le bateau. Elle n’était pas du tout « douce », mais au moins, je l’avais vue sautiller de joie en regardant la mer. C’était suffisant pour moi.
Un des marins en avait cependant profité pour nous taquiner.
« Salut, les tourtereaux ! Vous vous êtes mariés dans le royaume du dragon roi ou quoi ? »
« Tu parles. Ça va être un mariage de folie, » dis-je, en mettant un bras autour des épaules d’Éris avec un sourire.
À ce moment-là, Éris m’avait frappé au visage.
« Il est bien trop tôt pour nous marier, idiot ! »
Malgré la violence, elle ne semblait pas trop mécontente de l’idée elle-même, à en juger par la façon dont elle avait ensuite trafiqué les choses. La partie « taquineries publiques » était probablement le principal problème.
Si je voulais aborder ce sujet, ce devrait être dans un endroit agréable et calme, avec seulement nous deux, et seulement une fois qu’une bonne ambiance avait été établie. Éris était une épéiste à l’heure actuelle, mais c’était encore une jeune fille innocente quand il s’agissait de romance.
Toutefois… le mariage, hein ?
Philip et les autres avaient certainement essayé de nous pousser à nous mettre ensemble. Mais maintenant, personne ne savait plus où ils en étaient. Paul avait dit de ne pas être trop optimiste…
Bien sûr, il n’y avait pas que Philip, Sauros et compagnie. Zenith, Lilia et la petite Aisha manquaient aussi à l’appel. Il n’y avait pas non plus de nouvelles de Sylphie. On ne savait même pas si Ghislaine était encore en vie. Il y avait tant de raisons d’être inquiets.
Mais je ne pouvais pas me laisser aller au pessimisme. Quand nous serons rentrés à Fittoa, peut-être que tout le monde nous attendrait là-bas, sain et sauf.
Je savais que l’idée était absurde. Je savais que ce n’était pas du tout probable. Mais en même temps, m’arracher les cheveux d’inquiétude ne servirait à rien pour le moment. C’était du moins ce que je m’étais dit.
Pour le meilleur ou pour le pire, nous avions mis le Continent Millis derrière nous.
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