Mushoku Tensei (LN) – Tome 5 – Chapitre 6

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Chapitre 6 : Une semaine à Millishion

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Chapitre 6 : Une semaine à Millishion

Partie 1

Le lendemain matin, je m’étais rendu au quartier général de l’équipe de recherche et de sauvetage pour informer Paul de nos plans.

Le QG lui-même était un bâtiment de deux étages parfaitement ordinaire. Il ne m’avait pas fallu longtemps pour retrouver mon père. Il était au travail dans ce qui semblait être une salle de conférence, discutant de certains sujets avec une douzaine d’autres hommes. Je pouvais distinguer des bribes de conversation de l’extérieur, il semblerait qu’ils se préparaient à une sorte de vaste opération.

D’après l’apparence de Paul l’autre jour, je pensais qu’il passait chaque jour à Millishion à se saouler ou à soigner sa gueule de bois, mais peut-être que mon timing était mauvais. En ce moment, il était l’image même d’un leader concentré et compétent. J’étais impressionné malgré moi… du moins, jusqu’à ce que quelqu’un fasse allusion au fait qu’il avait sauté un mois de réunions alors qu’il était en pleine cuite. D’après ce que j’avais entendu, il s’était brusquement remis à être motivé que depuis hier.

C’était probablement parce que Paul voulait me montrer son meilleur profil. En d’autres termes, il s’était remis au travail grâce à moi.

Bonté divine. Les garçons adorent me montrer leur plus beau profil…

Avec un soupir théâtral, j’avais décidé d’attendre que Paul me trouve un peu de temps libre.

S’asseoir dans la pièce à l’extérieur pouvait devenir ennuyeux, alors j’avais décidé de me promener dans le bâtiment pendant un moment. Après quelques minutes d’exploration, j’étais tombé sur ma petite sœur Norn en train de jouer. Elle était dans une pièce qui semblait servir de nurserie, jouant aux blocs avec un groupe d’autres enfants de son âge.

« Salut », lui dis-je tout en levant la main pour la saluer alors que ses yeux rencontraient les miens.

Norn commença par être surprise, puis elle fronça les sourcils et me lança le bloc de bois dans sa main, que j’avais réussi à attraper.

« Va-t’en ! »

Cela ne m’avait pas semblé être la façon la plus amicale de dire bonjour. Hmm. Avais-je fait quelque chose pour la mettre en colère contre moi ? La seule chose qui m’était venue à l’esprit, c’était la fois où j’avais battu Paul devant ses yeux.

Oui, ça avait probablement un rapport avec ça.

« Hum… Père et moi, nous nous sommes réconciliés, Norn », avais-je protesté gentiment.

En réponse, elle cria « Menteur ! » et partit aussi vite que ses petites jambes la portaient.

Apparemment, ma petite sœur me détestait. C’était un peu déprimant.

Je ne voulais pas la bouleverser par ma présence, alors j’étais retourné dans la pièce la plus proche de l’immeuble, une salle d’attente. Alors que je m’asseyais dans le coin, plusieurs têtes se tournèrent vers moi. J’avais reconnu au moins deux des gars que j’avais repérés l’autre jour en train de « kidnapper » Somal.

Je commençais à avoir le sentiment que je n’étais peut-être pas très populaire dans cet endroit.

Mais avant que je n’aie vraiment le temps de me baigner dans la gêne, une femme familière était entrée dans la pièce, et tous les yeux s’étaient soudainement tournés vers elle. C’était la dame en bikini, qui avait repris sa vieille habitude de rester à moitié nue. Elle m’avait tout de suite repéré et s’était approchée de moi.

« Bonjour. », lui dis-je

« Bonjour. Avez-vous besoin de quelque chose de notre part aujourd’hui ? », me répondit-elle avec un sourire et une petite inclinaison de la tête.

« Oui. Je suis ici pour voir mon père, euh… »

Quel était le nom de cette dame déjà ? J’avais l’impression que Paul ne me l’avait pas dit.

« Ah, pardonnez-moi. Je ne me suis pas présentée, mademoiselle. Je m’appelle Rudeus Greyrat. »

Je m’étais levé, j’avais mis une main à ma poitrine et j’avais offert un salut aristocratique.

« Euh, oh… mon nom est Vierra », répondit la dame en bikini, ses mains battant anxieusement dans l’air.

« Je suis un membre de l’équipe du Capitaine Paul. »

Elle me salua en retour, m’offrant une vue vraiment irrésistible de son décolleté.

La fille était vraiment un plaisir pour les yeux. Je venais juste de prendre la résolution de réduire mon comportement pervers, je ne voulais donc pas la fixer. Mais je n’arrivais pas à détourner le regard. Toutes mes bonnes intentions étaient dénuées de sens face à l’attraction gravitationnelle de sa poitrine.

Cette tenue était tout simplement injuste.

« Je suis vraiment désolé d’avoir été si grossier l’autre jour. Mon père est un peu un coureur de jupons, alors j’ai peur de m’être fait des idées. »

« Non, non ! Ce n’est pas grave. Je peux comprendre que vous pensiez cela, vu comment j’étais habillée. »

Vierra souligna ses paroles en secouant vigoureusement la tête. Certaines autres parties de son corps avaient également bougé en conséquence. Cette armure bikini semblait bien fixée dans une certaine mesure, mais cela ne suffisait pas à l’empêcher de gigoter lorsqu’elle faisait des mouvements brusques. Après tout, ces choses étaient énormes.

Oups. Je le faisais encore.

Avec beaucoup d’efforts, j’avais réussi à détourner mes yeux.

« Si vous voulez mon avis, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée de traîner autour d’un groupe d’hommes dans cette armure, mademoiselle. J’imagine que certaines personnes pourraient trouver cela un peu distrayant. Au moins, pourriez-vous peut-être mettre une cape par-dessus ? »

Vierra sourit maladroitement.

« Je suis désolée, mais il y a une raison pour laquelle je porte ça. »

Peut-être que j’imaginais des choses, mais j’avais eu l’impression que beaucoup de gens me regardaient tout d’un coup. Avais-je dit quelque chose que je n’aurais pas dû ? Eh bien, peu importe. Il faudrait que je le demande à Paul plus tard.

« Savez-vous quand les réunions de Père seront terminées ? »

Vierra pencha la tête sur le côté alors qu’elle réfléchissait.

« Il a un mois entier de travail à rattraper en ce moment. Je pense qu’il pourrait être très occupé pendant un certain temps. »

« Très bien. Quand vous en aurez l’occasion, pourriez-vous lui faire savoir que je compte quitter Millishion dans sept jours ? »

« Vraiment ? Cela semble terriblement proche. »

« Eh bien, c’est ce à quoi nous sommes habitués à ce stade. »

« Je vois… Dans ce cas, laissez-moi aller chercher Shierra pour vous. Juste un moment, s’il vous plaît. »

Avec ça, Vierra se rendit quelque part. Quelques minutes plus tard, elle était revenue avec une magicienne familière.

Quand la fille vit que je la regardais, elle souffla un peu et s’était mise derrière Vierra avant de dire quoi que ce soit.

« L’emploi du temps du capitaine est chargé pour le moment, mais il a du temps libre dans la soirée dans quatre jours. Voulez-vous dîner avec lui à ce moment-là ? »

« Hum, s’il est trop occupé cela ne sera pas la peine. »

« Quand il vous parle, le capitaine est plein de vie et d’énergie. Il est très occupé, mais j’espère que vous viendrez quand même. »

La voix de Shierra semblait assez posée, vu qu’elle se cachait toujours derrière Vierra. Cette fille semblait vraiment me détester. Ou peut-être même me craignait-elle. C’était un peu regrettable, mais… et bien.

« Dans quatre jours, c’est ça ? Entendu. Dois-je le rencontrer à son auberge ? »

« Je ferai pour vous une réservation dans un restaurant que notre équipe visite fréquemment. Rendez-vous plutôt directement là-bas. »

Shierra procéda calmement pour me fournir une heure et un lieu exacts. Nous mangerions dans un endroit du quartier commercial appelé « L’indolent Millis. » Pour être sûr, je m’étais renseigné sur le code vestimentaire, mais apparemment il n’y en avait pas.

Cela m’avait semblé cependant un peu étrange. C’était comme si je planifiais une réunion d’affaires avec le PDG d’une grande entreprise. Paul avait-il une secrétaire qui planifiait ses journées maintenant ? Ce type avait certainement fait son apparition dans le monde.

« Allez-vous amener un invité ? »

Le visage d’Éris m’était venu à l’esprit, mais au même moment, je m’étais souvenu qu’elle avait crié « Je vais tuer ce crétin » alors qu’elle s’apprêtait à assassiner Paul.

« Non, je pense que je vais venir seul. »

Sur ce, nous avions réglé tous les détails. J’avais ensuite pris congé.

♥♥♥

En fait, nous n’avions qu’une semaine pour travailler, ce qui était peu. Il faudra donc utiliser notre temps de manière productive. C’était dans cet esprit que j’étais allé à la guilde des aventuriers de Millishion.

Le bâtiment était sur la grande avenue, comme on pouvait s’y attendre du siège de toute l’organisation. Il mesurait deux étages et occupait beaucoup plus d’espace que toutes les autres branches de la guilde que j’avais vues. Bien sûr, j’avais déjà vu quelques gratte-ciel à mon époque, alors la vue ne m’avait pas vraiment coupé le souffle.

Une fois à l’intérieur, je m’étais mis au travail pour recueillir des informations.

Au début, j’avais posé des questions sur la région de Fittoa, mais personne ne semblait savoir quoi que ce soit que Paul ne m’avait pas déjà dit. Dans cette ville, au moins, l’équipe de recherche et de sauvetage était probablement mieux informée sur Fittoa que n’importe qui d’autre.

Ensuite, j’avais cherché des informations sur les monstres vivant dans la région de Millishion.

D’après ce que j’avais entendu, au niveau de la menace ils n’étaient pas comparables aux créatures du Continent Démon. La plupart du temps, vous trouviez des monstres comme la sauterelle géante, qui n’était qu’une grosse sauterelle, le lapin coupeur de viande, qui n’était qu’un lapin carnivore, et le ver de terre, essentiellement un ver de terre envahissant la végétation. La majorité d’entre eux ne présentaient que très peu de danger.

Ils étaient également très petits, du moins en comparaison avec les bêtes du Continent Démon. Dans ce pays rude, les monstres plusieurs fois plus grands que les humains étaient monnaie courante. Même les coyotes pax, que nous avions pratiquement fait disparaître (légère exagération), mesuraient plus de deux mètres, et les loups acides plus de trois. Quant aux grandes tortues, un spécimen ordinaire pouvait mesurer huit mètres de long et les plus grandes pouvaient vivre plus de vingt ans. Les monstres qui émergeaient pendant la saison des pluies dans la Grande Forêt étaient également pour la plupart de la taille d’un homme adulte.

La taille ne correspondait pas toujours à la force, mais la masse était une arme à part entière. Dans l’ensemble, les monstres autour de Millishion étaient de petits êtres faibles.

Cela me convenait parfaitement. C’était une chose qui ne nous inquiétera pas.

Une fois que j’en avais entendu assez sur les monstres, j’avais pris le temps de réfléchir à la façon dont nous pourrions améliorer l’opinion des habitants sur les Superds.

Malheureusement, il semblerait que nous avions du pain sur la planche.

D’une part, il y avait une faction politique importante à Millishion qui préconisait « l’expulsion » des démons. Les dirigeants de ce groupe étaient associés aux Chevaliers du Temple, l’un des ordres militaires sacrés de l’église de Millishion. Ils déclarèrent haut et fort que tous les démons devaient être bannis entièrement du Continent Millis.

À l’heure actuelle, cette faction ne contrôlait pas Millis. Le pape actuel appartenait à une faction plus puissante qui appelait à la coexistence avec les démons. Par conséquent, les Chevaliers du Temple ne pouvaient pas prendre de mesures actives pour les expulser. Cependant, si un démon venait à causer des problèmes dans la ville, ils se précipiteraient pour harceler toutes les personnes impliquées. Malgré leur faiblesse politique, ils s’en sortaient souvent en prenant des mesures agressives au nom de la « justice » ou de « l’ordre public. »

***

Partie 2

Si Ruijerd annonçait publiquement qu’il était un Superd et qu’il commençait à faire des quêtes autour de Millishion, les Chevaliers du Temple rendraient nos vies misérables en un rien de temps. D’après les rumeurs, ils avaient des yeux et des oreilles partout dans la ville.

Dans ce cas, nous pourrions peut-être essayer de travailler en dehors de la ville.

En gardant cette idée à l’esprit, j’avais récupéré une quête classée B que la guilde venait à peine d’afficher au tableau. Apparemment, un monstre se déchaînant dans un village local devait être tué. L’endroit était suffisamment proche pour que nous puissions facilement terminer la tâche dans la journée.

Cette fois, notre cible était un Tigre des Herbes. C’était un monstre originaire des régions du sud de la Grande Forêt, mais pour une raison quelconque, celui-ci avait erré vers le sud pour s’installer dans cette région.

Les Tigres des Herbes avaient des pelages verts tachetés recouverts d’un motif marron. Cela leur permettait de se fondre parfaitement dans la forêt. Comme ils étaient difficiles à voir et qu’ils se déplaçaient souvent en petits groupes, ils étaient considérés comme des monstres de rang B. Cependant, celui que nous recherchions était seul, et son camouflage était inutile dans ces prairies dégagées. Il était probablement moins menaçant que le loup acide moyen. Je l’aurais placé au maximum au rang D. Lorsque nous étions sur le Continent Démon, j’aurais sauté de joie si j’avais trouvé un travail aussi facile sur le tableau.

Nous étions immédiatement partis tous les trois. Et juste au moment où nous arrivions, un gros chat vert sortait du village avec un poulet dans la bouche.

Il nous remarqua et laissa tomber sa proie pour grogner dans notre direction, mais Éris avait juste dit « Je vais m’occuper de son cas ». Celle-ci s’était précipitée vers lui et le trancha en deux.

Mission accomplie ! Huh, c’était rapide.

Les gens du village nous avaient remerciés du fond du cœur. Ce tigre avait tué beaucoup de bétail et avait récemment attaqué plusieurs fermiers de la région.

Normalement, un chevalier venant d’un des saints ordres militaires aurait été envoyé pour les protéger. Mais il y a quelques jours à peine, un grave incident avait eu lieu au cours duquel un enfant béni aurait été attaqué dans le voisinage. Son escorte, une unité des Chevaliers du Temple, avait été presque anéantie, seul leur capitaine avait survécu.

Heureusement, le capitaine des chevaliers avait de peu réussi à protéger la Sainte Enfant. Mais elle fut tout de même relevée de son poste en punition des graves pertes subies.

Les saints ordres militaires étaient déjà sur les nerfs après une récente série d’enlèvements d’esclaves, avant même cette catastrophe. La nouvelle de ces enlèvements avait provoqué un tollé dans l’église de Millis et chez ses chevaliers. En conséquence, ils n’avaient absolument rien fait contre certains monstres dangereux de rang B. Faute de meilleures options, les villageois s’étaient tournés vers la guilde des aventuriers.

C’était une histoire intéressante. Mais cela n’avait pas grand-chose à voir avec nous.

Maintenant que j’avais rassemblé toutes les informations possibles, je m’étais mis à faire une petite expérience.

Pour être précis, j’avais parlé aux villageois des Superds. J’avais expliqué que notre ami Ruijerd appartenait à cette tribu, et que son peuple voyageait dans le monde entier en faisant de bonnes actions pour tenter de gagner l’amitié des autres races.

« Au premier coup d’œil, le Superd peut sembler froid ou même hostile, mais il est assez facile de percer cet extérieur pierreux. Vous voyez cette petite statue juste là, les amis ? Il suffit d’en montrer une à un Superd et de mentionner le nom de Ruijerd. Ce redoutable air renfrogné se transformera en un sourire heureux, et vous serez les meilleurs amis pour la vie en quelques minutes ! »

Si vous voulez mon avis, c’était un argument de vente parfait. Pourtant, le chef du village n’avait pas l’air très enthousiaste. Ils étaient reconnaissants envers Ruijerd, mais cela ne suffisait pas pour changer leur point de vue sur l’humanité démoniaque dans son ensemble. Et en tant qu’adeptes de l’église de Millis, ils n’étaient pas intéressés par la possession d’une statue de démon. Ainsi, il avait repoussé la petite figure dans mes mains.

Il semblerait que cette expérience soit un échec. Ce n’était probablement pas un problème que l’on pouvait espérer résoudre immédiatement.

Peut-être qu’une figurine d’une fille sexy aurait été plus efficace. Ooh, et si j’avais fait une version de Ruijerd avec changement de sexe ?

Attendez, non. Cela irait à l’encontre du but.

« Je ne savais pas que tu avais fait une telle chose », dit Ruijerd, en étudiant la figurine avec admiration alors que nous nous dirigions vers Millishion.

« N’est-ce pas incroyable ? Rudeus est vraiment doué pour faire ces choses ! »

Pour une raison inconnue, Éris semblait très fière que j’aie gagné son approbation.

Bien que celle-ci ait été rejetée, mes statues avaient en fait atteint un bon prix sur le marché. Après tout, elles étaient de suffisamment bonne qualité pour mériter l’admiration d’un certain roi épéiste Homme-Bête et d’un prince dans un pays étranger.

Et oui. J’étais pratiquement un artisan royal à ce moment-là !

« Cependant, cette position n’est pas du tout bonne. »

« Oui, la position est toute fausse. Il faudrait s’accroupir beaucoup plus bas… »

Gros son triste

Ces deux-là savaient vraiment comment faire retomber un type sur terre.

♥♥♥

Trois jours plus tard, la veille de mon rendez-vous avec Paul, je m’étais rendu compte que je n’avais rien à me mettre pour aller au restaurant.

Il n’y avait pas de code vestimentaire, c’était juste une réunion de famille. Pourtant, les vêtements que j’avais achetés sur le Continent Démon avaient l’air un peu miteux dans les rues de Millishion. J’étais donc allé faire un peu de shopping avec Éris.

Cela pouvait probablement être qualifié de rendez-vous, même si ce n’était pas particulièrement excitant. Éris n’était jamais très motivée pour acheter des vêtements et avait tendance à penser que tout était « bien ». Je m’étais dit que je devrais en profiter pour lui offrir quelques nouvelles tenues. À partir de ce moment, nous voyagerons sur le territoire des Humains, et on dit que la première impression était liée à la façon dont on se présentait. Au minimum, je voulais que nous soyons suffisamment bien habillés pour que les gens ne nous traitent pas de manière grossière.

J’aurais aimé pouvoir demander conseil à une amie qui s’y connaissait en matière de mode. Mais les seules personnes que je pouvais même appeler « connaissances » dans cette ville étaient cet homme singe et Vierra. Je n’avais aucune idée de l’endroit où se trouvait Geese, et je n’étais pas assez proche de Vierra pour lui demander une faveur personnelle.

Finalement, j’avais décidé d’étudier les gens qui passaient par là jusqu’à avoir une idée de ce qui se passait. Éris et moi étions assis dans une rue et nous observions la foule au ralenti.

Au bout d’un moment, j’avais remarqué que les vêtements bleus semblaient assez populaires actuellement. De plus, certaines personnes portaient des manteaux ou des vestes, mais beaucoup d’autres ne s’en souciaient pas. Le climat ici était assez agréable pour que la plupart des vêtements d’extérieur soient plus légers.

« On dirait que le bleu est à la mode en ce moment. »

« Le bleu n’est pas une couleur qui me convient, Rudeus. »

Wôw, c’était brutal. Heureusement, je ne me souciais pas tant que ça des tendances actuelles.

« Alors, qu’est-ce qui marche pour moi ? »

« Tu as ce truc que Geese t’a donné, pas vrai ? Fais avec ça. »

Elle parlait de ce gilet en fourrure, non ? Ce truc était cependant un peu trop grand pour moi. Il était assez long pour ressembler à un manteau. Cela dit, ce n’était pas du tout inconfortable, alors je le portais parfois. Surtout les jours de grand froid.

« Celui-là n’est pas mal, mais j’ai l’impression qu’il est un peu trop long pour moi. »

« Effectivement. Dans ce cas, pourquoi ne pas simplement réduire sa taille ? »

« Ce serait du gâchis. Je suis encore un garçon en pleine croissance, tu t’en souviens ? »

En bavardant, nous avions choisi quelques articles. Cela n’avait pas pris beaucoup de temps, ce que j’avais attribué à notre manque d’intérêt mutuel. J’avais donc été surpris de voir qu’à la fin, Éris avait choisi une robe noire plutôt à la mode, brodée de petites roses blanches.

« Veux-tu vraiment celle-là, Éris ? »

« … Quoi ? Ça te pose un problème ? »

« Non, non. Je parie que ça t’ira très bien. »

« Hmph. Tu n’as pas besoin de me flatter. »

Après avoir réglé nos achats, nous étions retournés à l’auberge.

Enfin, le grand jour est arrivé.

Dans l’après-midi, j’avais fait savoir à Ruijerd et Éris que je dînerais avec mon père ce soir-là.

« Je suis content d’entendre ça », dit Ruijerd avec une expression légèrement soulagée sur son visage.

J’avais pu voir le bonheur dans ses yeux. D’après ce que j’avais vu, il voulait vraiment que je quitte cette ville en bons termes avec mon père. Il n’avait bien sûr pas de raison de s’inquiéter. J’allais profiter pleinement de cette occasion pour me rapprocher de ma famille.

« Je viens aussi ! », annonça Éris.

En me retournant, je la trouvai en train de me fixer dans sa pose habituelle.

« Uhhh… »

« Quoi ? Cela te dérange ? »

Si rien ne s’était passé l’autre jour, j’aurais cédé immédiatement, mais Éris ressentait clairement encore une certaine hostilité envers mon père. En fait, c’était probablement un euphémisme. On aurait dit qu’elle le détestait. Je pouvais comprendre ce qu’elle ressentait dans une certaine mesure, mais j’avais déjà décidé d’être gentil avec Paul.

Si c’était le seul problème, j’aurais pu l’amener avec moi et essayer de les mettre en meilleure entente. Mais sais-tu que ce dîner allait être notre premier repas en famille depuis de nombreuses années ? Et je n’avais pas encore arrangé les choses avec Norn. J’avais aussi dit que je viendrais seul au restaurant.

« Ne peux-tu donc pas rester ici à la place, Éris ? »

Tout bien considéré, je voulais qu’Éris fasse preuve d’un peu de retenue. Amener une bombe au milieu d’un feu de forêt en furie ne m’avait pas semblé être la meilleure des idées. Si je la présentais officiellement à ma famille, ceux-ci pourraient s’attendre à ce que nous devenions un peu plus intimes qu’à l’heure actuelle.

« Oui, ça me dérangerait ! Je viens aussi, compris !? »

Je suis bête. Le mot « retenue » ne faisait pas partie du vocabulaire d’Éris.

« Ruijerd, peux-tu dire quelque chose ? »

Lorsque je m’étais retourné vers Ruijerd pour chercher de l’aide, je l’avais trouvé en train de réfléchir. Il avait posé sa main sur son menton. Son regard intense était passé de mon visage à celui d’Éris, puis il revint vers le mien.

« Tu t’es réconciliée avec ton père, pas vrai ? Ça ne devrait donc pas être un problème. Laisse-la venir. »

Ouah ! Poignardé dans le dos ! Est-ce le même type qui avait frappé Éris pour l’empêcher d’intervenir la dernière fois ?

Oh, bien. Je suppose que je devrais laisser la majorité décider sur ce point.

« Eh bien, si tu le dis, Ruijerd… »

« Hmph ! À quoi t’attendais-tu ? »

« Juste une chose, Éris. Je veux rester en bons termes avec mon père, alors sois polie avec lui, d’accord ? »

« … Bien ! »

À en juger par le ton de sa voix, elle n’avait pas l’intention de tenir cette promesse. Ce n’était pas vraiment rassurant.

J’étais ensuite monté à l’étage pour enfiler mes vêtements neufs, puis j’étais allé au restaurant en tant que « moi » (alias Newdeus). Éris m’avait suivi dans sa robe noire que nous avions achetée l’autre jour.

***

Partie 3

J’avais fait de mon mieux pour éviter les rues secondaires plus étroites. Il y avait beaucoup de kidnappeurs qui se cachaient dans ces ruelles sombres, et ils pouvaient devenir un peu violents à certains endroits. Il n’y avait aucune raison de faire en sorte que nos nouveaux vêtements soient abîmés.

Bien sûr, les grandes avenues avaient aussi leurs dangers. Comme il était à peu près l’heure du dîner, pas mal de gens achetaient des plats comme des yakitoris sur les étals extérieurs. Si je tombais sur un de ces types, le résultat serait sans doute tragique. Et si l’un d’entre eux entrait dans Éris, son Boreas Punch nous laisserait probablement tous les deux maculés de sang.

Par mesure de précaution, j’avais gardé mon Œil de la Clairvoyance actif. En regardant constamment une seconde dans l’avenir, j’avais pu nous guider en toute sécurité à travers la foule. Utiliser une capacité aussi puissante pour quelque chose d’aussi banal me mettait mal à l’aise, mais nous avions au moins atteint notre destination sans incident.

Tout ce truc avec les « réservations » m’avait rendu un peu nerveux. Mais il s’était avéré que l’Indolent Millis était un endroit parfaitement ordinaire. C’était un bar et un restaurant indépendant, qui ne faisait pas partie d’une auberge. La plupart des clients semblaient être des locaux relativement respectables. Lorsque j’avais donné mon nom au serveur, il nous avait immédiatement amenés, Éris et moi, à notre table. Le fait que nous étions deux n’avait pas provoqué de remarque. Paul était déjà assis à la table avec un sourire gêné et Norn était très grincheuse.

« Désolé, je suis un peu en retard ? »

« Euh, non… Désolé pour ça, gamin. Pour une raison quelconque, Shierra s’est un peu emportée. Je lui ai dit que l’endroit habituel suffirait, mais… »

« Il n’y a rien de mal à changer d’endroits de temps en temps, n’est-ce pas ? »

J’avais commencé à tirer une chaise, puis je m’étais arrêté en constatant qu’Éris avait elle-même l’air plutôt grincheuse. Techniquement, ce n’était pas la première fois qu’elle rencontrait Paul, mais peut-être que les présenter serait une bonne idée.

« Euh, mon Père, voici Éris. Comme je te l’ai dit l’autre jour, c’est la fille de Philip, et un membre de la famille Boréas… »

« Oh. D’accord, d’accord. »

Me coupant au milieu de la phrase, Paul se leva et se tourna vers Éris. Il se redressa et posa une main sur sa poitrine, puis baissa légèrement la tête. C’était un salut pratiqué, pas moins lisse que celui de Philip.

« C’est un plaisir de faire votre connaissance, mademoiselle. Je suis Paul Greyrat, le père de Rudeus. »

Stupéfaite, Éris essaya de me regarder, mais n’avait pas réussi à rompre totalement le contact visuel avec mon père.

« Euh, je suis… Éris Greyrat… monsieur. »

L’expression de son visage était encore grognon. Néanmoins, elle avait saisi les extrémités de sa robe et fit une petite révérence maladroite. On aurait dit qu’elle avait raté l’occasion de se mettre à crier ou à donner des coups de poing.

Je dois avouer que Paul m’avait impressionné. Apparemment, il avait appris une chose ou deux sur la façon de traiter les filles grâce à ses années de coureur de jupons.

… Mais depuis quand peut-il faire un nœud comme ça ?

« Très bien. Pourquoi ne pas s’asseoir tous ensemble ? »

En tout cas, notre dîner de famille s’était déroulé sans effusion de sang.

Éris et moi, nous nous étions installés dans nos sièges. Pour l’instant, Éris se taisait, mais il était évident qu’elle montrerait ses crocs en un instant si les choses prenaient une mauvaise tournure. Paul avait toujours l’air un peu mal à l’aise. Et quant à Norn… Elle ne m’avait même pas encore jeté un coup d’œil.

Pour faire court, l’ambiance n’était pas si bonne. Peut-être que c’était vraiment une erreur d’amener Éris.

Il semblerait que je n’étais pas le seul à trouver la situation un peu gênante. Après quelques instants de silence, Paul se tourna vers Norn avec une expression troublée sur le visage.

« Allez, ma petite. Ton grand frère est là ? Pourquoi ne lui dis-tu pas bonjour ? »

« Non ! Je ne veux pas dîner avec le connard qui a frappé mon père ! »

Éris fronça les sourcils et commença à ouvrir la bouche, mais Paul avait été plus rapide.

« Ne dis pas ça, ma petite. Parfois, papa mérite un coup de poing ou deux. »

« Mais tu n’as rien fait de mal », dit Norn, en gonflant ses petites joues dans un adorable geste d’indignation.

« Ton grand frère et moi nous sommes déjà réconciliés, d’accord ? N’est-ce pas, Rudy ? »

Oh, mon Dieu. Il me lançait ça, hein ? Eh bien, peut-être que c’était une sorte d’opportunité. Une occasion de démontrer mon esprit et mon charme !

« Oh, absolument. Afin de te le prouver, veux-tu qu’on se fasse la bise ? », avais-je dit en souriant.

« Hein !? »

« Hein ? »

Pour une raison inconnue, ma proposition avait fait un énorme flop. En fait, je ne pouvais pas vraiment le blâmer. Je ne voulais pas non plus l’embrasser. Peut-être qu’on pourrait juste oublier ce que je venais de dire.

« Euh, de toute façon… nous sommes de nouveaux amis maintenant, Norn. Pourquoi ne te réconcilies-tu pas aussi avec ton grand frère ? »

« Pas question ! »

Paul tapota la tête de Norn pendant qu’elle faisait la moue. Ses cheveux dorés étaient vraiment jolis. Cela me rappelait Zenith. En y repensant, elle boudait de cette manière chaque fois que quelque chose la contrariait. Peut-être que Norn avait hérité cette habitude de maman ?

Après s’être soumise aux caresses de Paul pendant un certain temps, la gamine s’était brusquement tournée vers moi. Elle avait dû incliner sa tête en arrière juste pour me regarder en face, donc l’effet global était plus adorable qu’intimidant.

« Papa fait de gros efforts. »

Comme ce commentaire semblait s’adresser à moi, j’avais répondu le plus gentiment possible.

« Oui, je sais qu’il en fait. »

« Il n’embrasse aucune fille ! »

« C’est ce que j’ai entendu dire. Je suis désolé d’avoir douté de lui. »

« Il est toujours très gentil avec moi aussi ! »

Les petits yeux de Norn se remplissaient de larmes. Merde, avais-je dit quelque chose de méchant ? Ne commence pas à brailler, gamine…

« On dirait que papa a toujours envie de pleurer ! »

Étonnés par l’évidente détresse de Norn, Paul et moi nous étions regardés avec incertitude.

« Attends, vraiment ? »

« Euh, eh bien, j’ai un peu… »

« Je suis tellement triste pour lui ! »

Aucun de nous n’avait rien à dire à ce sujet.

« Comment as-tu pu le battre comme ça ? Tu es si méchant ! »

En regardant le visage de Norn, j’avais dû combattre l’envie de pousser un long et lourd soupir. Paul et Norn avaient été téléportés ensemble. Je savais tout cela maintenant. Elle était tombée très malade pendant leur voyage de retour à Fittoa et avait failli être attaquée par des monstres à plusieurs reprises en cours de route. Et c’était notre père qui l’avait protégée de tous ces dangers.

Avec la disparition de sa mère, de sa bonne et de sa sœur, et son cœur qui battait à tout rompre, Paul était la seule personne sur laquelle elle pouvait compter. Pendant des années, il avait été la seule famille qu’il lui restait.

Et puis un étranger était arrivé de nulle part, l’avait renversé et s’était mis à le frapper au visage. Cela suffirait à traumatiser la plupart des enfants de son âge.

« Norn, regarde. C’était vraiment ma… »

« Tout va bien, père. »

Si elle était un peu plus âgée, nous aurions peut-être trouvé tous les trois un moyen d’en parler. Mais à son âge, c’était probablement impossible. Paul et moi avions tous deux commis des erreurs et tiré des conclusions hâtives, nous nous étions réconciliés en reconnaissant nos fautes. Mais on ne pouvait pas s’attendre à ce qu’un enfant comprenne cela.

« Norn est encore très jeune. Et si j’étais à sa place, je ne pense pas que je pardonnerais le connard qui t’a frappé. »

Voir Norn me détester me rendait triste, mais je n’y pouvais pas grand-chose. Il fallait juste qu’on en parle dans quelques années. Une fois qu’elle sera plus âgée, j’étais sûr qu’elle comprendrait. Le temps n’était pas une ressource infinie, mais il pouvait guérir au moins quelques blessures.

« Non, ça ne va pas. »

Mais il était évident que Paul n’était pas d’accord avec mon plan.

« Vous êtes peut-être les seuls frères et sœurs encore en vie, d’accord ? Je veux que vous soyez bons les uns envers les autres. »

Alors que le sens de ces mots s’enfonçait, je fronçais les sourcils devant lui.

« Ne trouves-tu pas que c’est un peu inquiétant ? »

« … Oui, tu as raison. Désolé. »

Eh bien, ce n’était pas du tout bon. L’ambiance devenait de plus en plus lourde. Il semblait qu’il était temps de changer de sujet.

« Au fait, père, qu’est-ce qui est bon ici ? J’ai sauté le déjeuner aujourd’hui, alors je suis affamé. »

Ce n’est pas la transition la plus fine, mais Paul semblait comprendre ce que je faisais. Avec un sourire tendu, il prit ses repères.

« Hm, voyons voir. Ils ont un délicieux ragoût de fruits de mer avec du poisson frais de la mer du sud. Oh, et le bœuf est bon aussi. Ils élèvent beaucoup de bétail dans les fermes du coin. En fait, son goût est assez différent de celui de chez nous, surtout qu’ils ont tendance à le faire bouillir. Ça lui donne un goût très agréable et très riche. »

« Oh, il faut que j’essaie ça. Toute la viande sur le Continent Démon était sérieusement avariée. »

« Tu as dit que c’était surtout des morceaux de Grande Tortue, non ? Oui, la plupart des monstres ont un goût assez désagréable. »

La conversation commençait enfin à s’animer, mais Norn avait encore la tête tournée. Elle ne répondait que lorsque Paul lui disait quelque chose, refusant même de regarder dans ma direction. Je m’étais plus ou moins résigné à ce moment-là, mais sais-tu que ça pique encore un peu ?

Bien sûr, c’était exactement la même chose que ce que j’avais fait à Paul il y a quelques jours. Avec le recul, je m’étais senti très mal.

Éris n’était pas très satisfaite de l’attitude de Norn, à en juger par la façon dont elle la regardait. Je ne voulais vraiment pas que cela se transforme en bagarre, mais… il valait mieux laisser les choses en suspens pour le moment.

« Oh, au fait. Il y a quelque chose que je voulais te demander. »

« Oui ? Qu’est-ce que c’est ? »

« Connais-tu quelqu’un du nom de Gash Broche ? »

« … Euh, non. Où as-tu entendu ce nom ? »

J’en avais profité pour parler à Paul de la lettre de Ruijerd et du mystérieux ami qui l’avait écrit pour nous. J’avais fait une copie approximative de l’emblème sur le sceau de cire, alors je l’avais sorti et je le lui avais montré.

« Un mouton, un faucon et une épée, hein ? On dirait le blason familial d’un paladin. Mais je ne crois pas avoir déjà entendu le nom de Gash Broche. Non pas que je sois familier avec tous les nobles Millis. »

« Je vois… Penses-tu que Shierra pourrait savoir quelque chose sur lui ? »

« Hmm, je ne sais pas. Je lui demanderai plus tard. »

Le fait qu’il n’ait jamais entendu parler de ce type n’était pas très rassurant, il me fallait donc attendre pour voir ce qui se passera.

Une fois le sujet épuisé, Paul et moi avions discuté de tout ce qui nous venait à l’esprit. Finalement, nous avions abordé le sujet de mon dixième anniversaire.

Selon Paul, les monstres de la forêt à l’extérieur du village de Buena étaient devenus beaucoup plus actifs environ un mois auparavant. Paul et Zenith avaient été tellement occupés à essayer de maîtriser la situation qu’ils n’avaient tout simplement pas eu le temps de s’inquiéter de mes cadeaux. Ils avaient finalement réussi à subjuguer la forêt la veille de mon anniversaire, mais juste au moment où ils s’apprêtaient à m’envoyer quelques affaires, la calamité avait eu lieu.

Alors qu’elle écoutait tout cela, Éris fit la moue, les lèvres pincées. En y repensant, elle avait l’air vraiment triste quand elle avait appris que Paul ne viendrait pas à cette fête.

***

Partie 4

« Juste par curiosité, que comptiez-vous m’envoyer ? »

« J’allais te donner une paire de gants. Je me sentais un peu coupable, puisque je venais de les trouver au fond de notre entrepôt, mais c’était un objet magique provenant du fond d’un donjon. Ces choses étaient légères comme des plumes. Ils ne m’avaient jamais convenu, mais j’avais pensé qu’ils t’iraient bien, Rudy. »

« Sans blague ? Je ne savais pas que tu avais quelque chose comme ça qui traînait. »

« Oui. Zenith a dit que c’était un secret, mais j’ai remarqué que parfois Lilia regardait cette petite boîte fermée avec un sourire sur le visage. Je suppose que c’était aussi pour toi. »

« Une boîte ? »

Maintenant, il m’avait rendu curieux. Qu’est-ce qui avait pu se trouver à l’intérieur de cette boîte ? Non pas qu’il y ait eu beaucoup d’intérêt à y penser. Quoi que ce soit, cela n’existait plus depuis longtemps maintenant.

Après cela, nous avions en quelque sorte abordé le sujet de la famille de Zenith. Ils étaient évidemment bien connus de la noblesse Millis, car ils avaient produit avec le temps de nombreux chevaliers talentueux et vertueux. Malheureusement, mes grands-parents avaient pratiquement renié Zenith lorsqu’elle avait quitté la maison, et ils n’étaient donc au début pas très enthousiastes à l’idée d’aider à la retrouver.

Mais ils avaient complètement changé d’avis une fois qu’ils avaient vu Norn. Ce monde était différent de mon ancien monde à bien des égards, mais le pouvoir d’un petit enfant mignon était évidemment universel.

« Hmm. Je me demande s’ils te donneraient plus d’argent si je passais ? »

« Euh, je pense que ça se retournerait probablement contre toi… »

« Oui, tu as raison. »

Je pourrais essayer d’agir comme un gentil petit enfant devant eux, mais ma vraie nature se révélerait très probablement avec le temps. Le risque n’en valait pas la peine.

Peu de temps après cet échange, le serveur avait finalement apporté la nourriture à notre table.

« D’accord, allons-y », dit Paul tout en faisant planer sa fourchette théâtralement dans l’air.

« Hmm, par quoi commencer… ? »

« Cela a l’air appétissant », murmura Éris, qui étudiait cette prolifération avec des yeux brillants. Elle ressemblait honnêtement plus à l’enfant de Paul que moi. Mais Paul et Philip étaient cousins, alors peut-être que ce n’était pas trop bizarre.

En tout cas, cela semblait être une occasion en or pour améliorer légèrement l’image que Norn se faisait de moi.

« Père, tes manières sont… »

« Arrête, papa ! Tu dois prier avant de manger ! »

Nous avions parlé tous les deux presque simultanément. Norn me regarda avec surprise, mais se détourna en boudant une seconde plus tard.

« Ha ha. OK, les enfants. »

« … Très bien, très bien. »

Paul se grattait la tête avec regret, et Éris semblait un peu réticente, mais ils s’étaient tous deux penchés sur leur chaise pour le moment. Tous les quatre, nous avions fait une courte prière à Millis. Tout ce que cela impliquait, c’était de serrer les mains l’une contre l’autre et de fermer les yeux pendant quelques secondes.

Éris et moi n’étions pas croyants, et Paul ne l’était probablement pas non plus, mais ce n’était que de bonnes manières d’être à table dans ce monde. Ne dit-on pas : À Rome faite comme les Romains ? Nous avions fait les démarches sans nous plaindre.

Pour une raison inconnue, il semblerait qu’Éris et Norn soient de meilleure humeur après cela.

Nous avions apprécié notre nourriture tout en discutant de rien de vraiment important. Paul et moi avions surtout parlé. Norn ne regardait jamais dans ma direction, et de son côté, Éris gardait le plus souvent le silence. Paul commençait à lui parler de temps en temps, mais les vagues d’hostilité qu’elle émettait étaient suffisamment fortes pour qu’il y trouve toujours son compte. Il était sans doute sage de sa part de ne pas taper dans la fourmilière.

Alors qu’Éris et moi quittions le restaurant ensemble, je l’avais entendu marmonner : « Hmph, je suppose qu’il s’est maîtrisé cette fois-ci ».

Je ne voulais même pas penser à la façon dont elle aurait pu réagir si Paul m’avait crié dessus, ou s’il m’avait donné un coup de poing. Mais comme il n’y avait rien eu de tout cela, son désir de le tuer avait pu s’estomper, du moins légèrement.

En ce sens, au moins, cela avait été une utilisation productive de notre temps.

Notre semaine à Millishion s’était terminée en un rien de temps.

Le jour de notre départ, nous nous étions dirigés vers la porte du quartier des aventuriers. Nous avions fini de charger nos affaires dans la calèche et nous nous préparions à partir quand Paul était venu nous voir partir.

« Salut, Rudy. Es-tu sûr que tu ne veux pas rester un peu plus longtemps ? »

Bien que j’appréciais ce sentiment, il était un peu tard pour cela maintenant.

« Je suis sûr que ce serait bien, mais nous pourrions finir par rester paresseusement ici jusqu’à l’année prochaine si nous ne bougeons pas. »

« Mais Norn et toi ne vous êtes pas encore réconciliés. »

« Il y a assez de temps pour y travailler une fois que nous aurons trouvé les trois autres. »

De plus, il ne s’agissait pas seulement de moi. J’avais jeté un coup d’œil sur Éris. Ruijerd l’avait saisie par la peau du cou par mesure de précaution, mais le regard qu’elle lançait sur Paul contenait toujours des poignards. J’avais peut-être surestimé la capacité de cette fille à passer rapidement à autre chose.

« Et je ne suis pas le seul à vouloir voir sa famille. »

« Oui, bien sûr. Mais la famille Boreas est probablement… »

« N’en parlons pas », avais-je dit, en coupant Paul d’un geste de la main.

« Il est possible que Philip et Sauros nous attendent quand nous reviendrons à Fittoa. La nouvelle n’est peut-être pas encore arrivée ici. »

« Bien. Oui, c’est vrai. Mais tu sais, Rudy… »

Paul s’arrêta un instant, le visage s’assombrissant.

« Tu ne devrais pas être trop optimiste. Même si les deux hommes reviennent vivants, on ne sait pas ce qui pourrait leur arriver après une catastrophe de cette ampleur. »

« Que veux-tu dire par là ? »

Paul avait juste un peu baissé la voix.

« James, le frère de Philip, est occupé à essayer de sauver sa propre peau. Il y a une chance qu’il fasse porter à l’un d’entre eux la responsabilité de ce gâchis. »

Wôw.

L’idée ne m’était pas venue à l’esprit avant, mais elle me semblait plausible. Sauros était le seigneur de Fittoa, et Philip était le maire de Roa, ils avaient tous deux occupé des postes d’autorité importants. Même s’ils rentraient chez eux, ils pourraient être tenus pour responsables des pertes massives en vies humaines et en biens causées par la calamité.

Je ne savais pas exactement ce que cela signifiait. Mais au moins, il était difficile d’imaginer qu’ils pourraient revenir à leurs anciens rôles et reconstruire leur pouvoir. En fait, il ne serait pas si surprenant que quelqu’un les fasse assassiner immédiatement. Cela empêcherait le frère de Philip de les utiliser comme boucs émissaires, ce qui faciliterait grandement sa mise au pied du mur politique.

« Si les choses se présentent mal, assure-toi de garder la petite dame en sécurité. Certaines personnes peuvent raconter des conneries sur les “devoirs de la noblesse”, mais vous n’avez pas à vous en soucier. »

« Bien sûr. Je ferai attention », dis-je en hochant la tête avec l’expression la plus sérieuse possible.

Paul avait souri fièrement et fit un signe de tête en retour.

« Oh, et j’ai demandé à Shierra à propos de cette lettre. Elle n’a jamais entendu parler de ce type. »

« Je vois… »

« Cependant, elle a dit qu’il n’était probablement pas dangereux. »

« Très bien. Pourrais-tu la remercier pour moi ? »

Paul acquiesce légèrement. Et puis, finalement, il se retourna et parla à la petite fille qui se tenait derrière lui.

« Viens, Norn. Dis au revoir à ton grand frère. »

« … Je ne veux pas. »

Norn n’avait pas bougé de sa cachette derrière son père. Mais la moitié de son visage était en train de se dévoiler. C’était adorable. Je m’étais demandé si elle deviendrait une beauté comme sa mère.

« Je ne sais pas combien de temps cela prendra, Norn, mais revoyons-nous un jour. »

« Je ne veux pas. »

Jusqu’à la fin, ma petite sœur refusa de me regarder en face. Souriant maladroitement, j’étais retourné dans notre chariot.

Et juste comme ça, notre groupe avait laissé la ville de Millishion derrière lui.

Paul

Juste comme ça, Rudeus était de nouveau sur la route.

Le gamin était toujours aussi impressionnant. Il avait planifié ses plans en un rien de temps, puis les avait mis en œuvre immédiatement. Elinalise m’avait dit un jour que je « me précipitais dans ma vie ». Il fallait se demander ce qu’elle penserait si elle le voyait.

Ce serait peut-être amusant de les faire se rencontrer un jour, mais… ce n’était peut-être pas une si bonne idée. Oui. La dernière chose que je voulais, c’était de finir comme beau-père de cette femme.

Juste au moment où j’en étais arrivé à cette conclusion, quelqu’un m’avait donné une tape sur l’épaule. Je m’étais retourné pour trouver un homme à tête de singe qui me souriait.

« Salut, Paul. As-tu fini de dire au revoir à ton fils ? »

« Geese… »

J’étais reconnaissant envers ce crétin, plus reconnaissant que je ne pourrais l’exprimer en paroles. Sans lui, je n’aurais probablement jamais pu me réconcilier avec Rudeus.

« Je t’en dois sérieusement une, mec. »

« Hé, ne t’en fais pas ! »

À ce moment-là, j’avais remarqué que Geese était habillé pour partir.

« Mais qu’est-ce que tu as ? Tu vas quelque part ? »

« Oui. Je ne sais pas encore où, mais il y a plein d’endroits que tu n’as pas encore fouillés, non ? »

Il m’avait fallu un moment pour réaliser ce qu’il disait. Geese allait continuer à chercher ma famille. Ça avait été franchement un choc. De tous les membres de mon ancien groupe, c’est Geese qui avait le plus souffert après que je l’ai dissous. Ce n’était pas un combattant, mais un touche-à-tout sans réelle spécialité. Aucun autre groupe ne voulait l’accueillir, et il n’était pas assez fort pour faire face seul à des tâches difficiles. Il avait été forcé de laisser la vie d’aventurier derrière lui. Il avait toutes les raisons du monde de m’en vouloir, voire de me haïr.

« Pourquoi fais-tu… ça, Geese ? Pourquoi fais-tu tant d’efforts pour les trouver ? »

Les coins de la bouche Geese s’étaient tordus dans son sourire ironique habituel.

« Je suis ma fortune. »

Et avec cette « explication » typiquement cryptique, il s’était retourné et s’était éloigné.

J’avais mis mes mains sur mes hanches et je l’avais regardé partir avec un sourire ironique sur mon visage. L’homme avait beaucoup d’idées sur la chance, et aucune d’entre elles n’avait jamais eu beaucoup de sens pour moi. Mais cette fois, je ne me plaignais pas vraiment.

« Très bien ! »

Une fois que Geese avait disparu, je m’étais penché et j’avais soulevé Norn sur mes épaules. Tout d’un coup, j’étais débordant d’énergie et de motivation.

Tout d’abord, nous devions nous assurer que l’opération de relocalisation des réfugiés se déroule sans accroc. Et une fois que ce sera fait, je retrouverais le reste de ma famille. Quoiqu’il en coûte.

Avec ma détermination bien ancrée dans mon cœur, j’étais retourné en ville.

***

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