Chapitre 5 : Les enfants de la race bestiale
Table des matières
***
Chapitre 5 : Les enfants de la race bestiale
Partie 1
La pièce était sombre. Dans l’ombre se trouvaient des garçons et des filles ayant des regards nerveux sur leur visage, leur corps se tordant. Il y avait quatre filles et trois garçons, sept enfants au total. Ils avaient tous mon âge. Ils étaient tous nus, ils avaient tous des oreilles de bêtes ou d’elfes. Leurs mains étaient attachées derrière eux, et ils avaient tous reculé devant moi.
Quel spectacle, comme une jeune version de Kannon, la déesse de la miséricorde, un bodhisattva bouddhiste. C’était l’Eden. Non, c’était peut-être le paradis. Étais-je enfin arrivé au paradis ? Non, je n’avais toujours pas trouvé le bébé vert !
Ce n’était pas le moment de s’exciter. À une seule exception près, leurs yeux étaient enflés par les pleurs, et plusieurs avaient des bleus noirs bleutés sur le visage. Ma tête s’était refroidie immédiatement. Ils pleuraient et criaient. Ils avaient probablement été frappés parce qu’ils étaient bruyants.
La même chose s’était produite quand Éris et moi avions été kidnappés. Dans ce monde, les ravisseurs ne se souciaient pas des enfants qu’ils capturaient. Ruijerd avait dû les entendre se faire torturer impitoyablement de sa place dans la pièce voisine. C’était pour ça qu’il ne pouvait pas se retenir.
D’un coup d’œil rapide, ils ne semblaient pas avoir été victimes d’abus sexuels. Peut-être parce qu’ils étaient encore jeunes, ou peut-être parce que cela diminuerait leur valeur marchande. Quelle qu’en soit la raison, c’était le seul bienfait au milieu de ce malheur.
Normalement, quand je regardais les filles nues mes yeux allaient immédiatement vers leurs seins, mais en ce moment, mon moi pervers avait été affaibli. Après tout, je venais de décider de devenir ermite avant de débarquer du navire. Malheureusement, ma nouvelle profession n’avait pas du tout amélioré mon intelligence.
Trois des filles pleuraient encore, les larmes coulant le long de leurs joues. Deux des garçons m’avaient regardé avec un air terrifié sur leur visage.
Le troisième était accroupi sur le sol, respirant à peine. Je l’avais guéri avant d’enlever les menottes de ses poignets. Sa bouche était bâillonnée si fort que je n’arrivais pas à l’enlever. N’ayant pas d’autre choix, j’avais dû le consumer. Ça l’avait peut-être un peu brûlé, mais je m’étais dit qu’il pouvait le supporter. J’avais fait la même chose pour les deux autres garçons. Je les guérissais et je leur retirais les menottes de leurs poignets.
« U-um… qui es-tu… ? »
Les paroles avaient été prononcées dans la langue du dieu Bestial, de sorte que j’avais été un peu décontenancé, mais j’avais pu au moins leur dire :
« Je suis venu vous sauver. Vous trois, faites le guet à la porte. Si vous voyez quelqu’un arriver, dites-le-moi immédiatement. »
Tous les trois échangèrent des regards nerveux.
« Vous êtes des hommes, non ? Vous pouvez au moins faire ça, pas vrai ? »
Leurs expressions se durcirent et ils hochèrent la tête en courant vers la porte. Il n’y avait pas d’autre sens à mes instructions. Ce n’était pas comme si je voulais juste les écarter pour pouvoir reluquer les filles sans interruption.
Ruijerd faisait du grabuge, donc personne ne viendrait par ici. Nous ne pouvions prendre aucun risque. Avant d’entrer dans la pièce, j’avais utilisé mon œil démoniaque pour qu’il me montre une seconde dans le futur, mais je ne pourrais rien voir si je ne regardais pas derrière moi.
J’avais procédé à l’enlèvement des menottes des filles. Certains étaient plus dotés que d’autres, mais je n’avais pas fait de discrimination. Je les admirais toutes pendant que j’enlevais leurs liens. Je ne les avais pas touchées plus qu’il n’était nécessaire. Je voulais qu’ils considèrent le Rudeus devant eux comme un gentleman.
J’avais aussi guéri leurs bleus. C’était maintenant l’heure de m’amuser… euh, je voulais dire soigner leurs blessures. Après tout, il fallait toucher quelqu’un pour le guérir. Il n’y avait donc pas d’autre sens derrière tout cela. Oui, l’une des filles avait des bleus sur la poitrine, mais je jure que je n’avais aucune arrière-pensée.
Celle-ci avait une côte cassée. Ce n’était vraiment pas bon… Et l’autre s’était fracturé le fémur. Ces hommes avaient vraiment été vicieux.
Les filles se cachèrent avec leurs mains en se levant. Elles enlevèrent leurs bâillons elles-mêmes. Était-ce mon imagination ou la fille à la forte volonté avec des oreilles de chat me fixait ?
« Merci de nous avoir sauvés… hic… »
La fille aux oreilles de chien m’avait remercié alors qu’elle cachait timidement son corps. Elle parlait dans la langue du Dieu Bestial, bien sûr.
« Juste pour être sûrs, vous pouvez tous me comprendre, n’est-ce pas ? »
Quand elles hochèrent toutes la tête, je poussai un soupir de soulagement. Apparemment, ma langue du dieu Bestial était intelligible.
Il semblerait que Ruijerd n’avait toujours pas fini, et je ne pouvais pas conduire ces enfants à l’abattoir. Cela pourrait leur causer d’autres traumatismes, alors peut-être que j’admirerais ce paysage un peu plus longtemps… ou pas. Je devrais probablement leur demander ce qui s’était passé.
« Si je puis me permettre, pourquoi vous a-t-on tous amenés ici ? »
« Mew ? »
J’avais posé ma question à la fille aux oreilles de chat, celle qui semblait la plus têtue. Elle était la seule parmi les sept qui n’avait pas une traînée de larmes fraîches sur les joues. Au lieu de cela, son corps semblait être le plus brisé et meurtri. Il n’était pas dans un si mauvais état que celui d’Éris à l’époque, mais ses blessures étaient toujours les pires. Le deuxième pire était le premier garçon que j’avais aidé, mais contrairement à ce garçon, elle avait toujours une étincelle de vie dans les yeux.
Cette fille était peut-être encore plus volontaire qu’Éris. Non, elle était probablement plus âgée qu’Éris à l’époque. Si elles avaient le même âge, Éris n’aurait jamais perdu.
OK, pourquoi étais-je en train de faire une compétition ?
« On jouait dans la forêt quand un inconnu nous a attrapés, miaou ! »
C’était un choc pour mon système. Miaou ! Sa phrase s’est terminée par « miaou » ! Un vrai miaou ! C’était complètement différent de l’imitation d’Éris. Cette fille était une vraie fille-chat. Ce n’était pas seulement parce qu’elle parlait la langue du Dieu Bestial. Elle avait dit « miaou » à la fin. Incroyable.
Non. Je ne pouvais pas être distrait.
« Donc ça veut dire que vous avez tous été emmenés contre votre gré ? »
J’avais essayé de calmer mes émotions et de rester cool pendant que je parlais.
Les filles acquiescèrent d’un signe de tête. Bien. S’ils avaient été vendus par des parents en difficulté, ou vendus eux-mêmes parce qu’ils n’avaient plus les moyens de vivre, alors nos efforts pour les libérer auraient été vains. Bien. On sauvait des gens. J’en étais très heureux.
« C’est fini. »
Ruijerd était revenu. La couleur vert mousse avait disparu de son cuir chevelu, et un protège-front était fixé autour de sa tête. Ses vêtements étaient impeccables. Il n’y avait pas une seule goutte de sang dessus. Je ne m’attendais pas à moins de lui.
« Bon travail. Y avait-il d’autres personnes retenues captives ? », avais-je demandé.
« Aucune. »
« Alors, trouvons des vêtements pour ces enfants. Ils vont attraper un rhume si on les laisse comme ça. »
« Compris », répondit Ruijerd.
« Très bien les enfants. S’il vous plaît, attendez encore un peu. », leur avais-je dit
Nous nous étions séparés et avions commencé à chercher des vêtements appropriés. Nous n’avions rien trouvé pour les enfants. Leurs vêtements avaient dû être enlevés et jetés quand leurs ravisseurs les avaient capturés. Mais pour quoi faire ? Je n’avais pas compris. C’était un mystère pour moi, pourquoi avaient-ils laissé ces enfants nus ? Ne pas avoir de vêtements était un sérieux problème. On ne pourrait même pas les emmener dans un magasin de vêtements s’ils étaient nus.
« Hm ? »
J’avais jeté un coup d’œil par la fenêtre et j’avais vu une montagne de cadavres. Chacun d’eux portait un seul coup de lance, soit dans le cœur, soit dans la gorge. Voir quelque chose comme ça m’aurait terrifié il y a longtemps, mais cette fois, c’était rassurant. Pourtant, je ne m’attendais pas à ce qu’il y en ait autant. L’odeur du sang était pesante. Ça attirerait les monstres.
Brûlons-les rapidement, pensai-je tout en sortant de l’immeuble.
Je me tenais devant la montagne odorante de cadavres et j’avais créé une boule de feu. Une boule d’un rayon de cinq mètres semblait appropriée pour cette utilisation. Avec la magie du feu, l’augmentation de la puissance d’un sort augmentait également, pour une raison quelconque, sa taille. Mais je ne voulais pas sentir l’odeur de chair brûlée, alors j’avais décidé de les incinérer en une seule fois.
« Oups ! »
L’incendie qui en résulta était clairement trop puissant, car il s’était propagé instantanément dans le bâtiment. Je m’étais rapidement tourné vers la magie de l’eau pour éteindre les flammes.
Ce n’était pas loin. J’avais failli me transformer en pyromane.
Merde, j’aurais peut-être dû les déshabiller d’abord, me suis-je dit. Ils empestaient probablement le sang et cela me retournerait l’estomac, mais ils pouvaient encore être portés après que je les ai lavés.
« Rudeus. J’ai tout fini. »
Comme j’étais préoccupé par ces pensées, Ruijerd était sorti du bâtiment. Les enfants étaient tous avec lui, tous vêtus. Par vêtus, je voulais dire qu’ils portaient tous des robes à plumes.
« Où as-tu trouvé des vêtements comme ça ? »
« J’ai coupé les rideaux. »
Oho. Tu es intelligent. Une vraie source de sagesse, pensai-je.
***
Partie 2
L’objectif suivant de notre mission consistait à ramener les enfants chez eux. Cela signifiait les amener en ville et les guider vers leurs parents.
J’avais allumé les torches à l’entrée principale du bâtiment et j’avais fait porter une torche à chacun des enfants. J’avais décidé de prendre un autre chemin. Il serait gênant qu’un autre contrebandier nous trouve, et cette route souterraine avait probablement été créée pour protéger les gens des bêtes de la forêt. On n’avait pas besoin de ça.
« Mew ! », s’écria soudainement la fille aux oreilles de chat. Le bruit résonnait dans l’obscurité autour de nous.
« Qu’est-ce qui ne va pas ? », avais-je demandé, souhaitant qu’elle ne soit pas si bruyante.
« Mew ! Y avait-il un chien dans l’immeuble d’où nous venons de sortir !? »
Elle s’était accrochée à la jambe de Ruijerd. Il y avait une expression claire de désespoir sur son visage.
« Il y en avait un. »
« Pourquoi ne l’as-tu pas sauvé !? »
C’est vrai, il y avait un chien. Attends, c’était un chien ? Il était vraiment énorme.
« Je vous ai sauvé en premier. »
Des yeux de reproche fixaient Ruijerd.
Oh, arrête. On vient de te sauver. Il n’y a aucune raison pour que tu nous jettes ce regard, pensais-je.
« Juste pour que tu saches, c’est lui qui t’a sauvé. »
« Eh bien, j’en suis reconnaissant, miaou. Mais… »
« Si tu es reconnaissant, tu devrais dire merci. »
Après avoir dit ça, les enfants baissèrent tous la tête devant lui. Bien. Vous devriez tous être plus reconnaissants, me suis-je dit.
C’était peut-être une mission qui nous avait été confiée par un trafiquant de l’organisation qui les avait kidnappés, mais il était aussi vrai que Ruijerd s’inquiétait vraiment pour eux. Bien qu’il soit vrai aussi que nous demandions leur gratitude alors qu’ils ne nous avaient jamais demandé de les sauver.
« Je vais y retourner et libérer le chien. Ruijerd, emmène ces enfants en ville. »
« Compris. Où devrions-nous aller une fois là-bas ? »
« Attendez juste à l’extérieur de la ville », lui avais-je dit.
J’étais revenu sur mes pas.
Où devions-nous les emmener après ça ? C’était une question difficile. Au début, j’avais envisagé de les apporter à la Guilde des Aventuriers. Ensuite, nous pourrions faire une demande en disant :
« Nous avons des enfants sous notre garde, s’il vous plaît, cherchez leurs parents ».
On aurait ainsi confié les enfants à la guilde et l’histoire se serait arrêtée là.
Cependant, Gallus avait lui-même dit que l’organisation de contrebande n’était pas un groupe unique. Si nous bougions trop ouvertement, nous serions découverts. Vu nos conversations, Gallus ne pourrait pas nous aider si cela arrivait. Il valait mieux qu’il ne découvre pas notre implication. Pour notre bien comme pour le sien.
Dans ce cas… et si on laissait les enfants à la garnison de la ville et qu’on fuyait la ville aussi vite que possible ? Non, si les enfants parlaient, notre identité serait découverte. L’organisation de contrebande le découvrirait. En plus, la saison des pluies était presque arrivée. Si nous quittions la ville, nous n’aurions nulle part où aller. Nous pourrions même nous-mêmes être confondus avec les kidnappeurs.
Hmm. C’était troublant. Je n’y avais peut-être pas suffisamment réfléchi. J’étais sûr que nous pouvions les libérer, mais je n’avais pas trop réfléchi à ce qui allait suivre. Peut-être qu’on devrait accuser quelqu’un d’autre de l’attaque ? Oui, c’était peut-être une bonne idée. Si j’avais écrit « Le Grand Empereur du Monde Démon Kishirika était ici » sur le mur, ils y croiraient peut-être. Après tout, Kishirika m’avait dit de compter sur elle si j’avais besoin de quoi que ce soit.
« Welp. »
J’étais de retour à l’immeuble, encore indécis sur mon plan d’action.
◇ ◇ ◇
J’avais trouvé la pièce où j’avais vu le cercle magique. Quand j’étais entré, la bête me salua avec un regard suspect dans les yeux. Il ne remuait pas la queue, et il n’aboyait pas. C’était léthargique.
« C’est vraiment un chien. »
Il y avait un chiot enchaîné dans un cercle magique. On voyait bien que c’était un chiot en un coup d’œil, mais il était énorme. Il mesurait environ deux mètres de haut. Pourquoi tous les chiens et les chats de ce monde étaient-ils si grands ?
Quand je l’ai regardée pour la première fois, sa fourrure avait l’air blanche, mais à y regarder de plus près, elle était en fait argentée. Elle semblait scintiller, mais c’était probablement dû à l’éclairage. Un grand bébé Shiba Inu argenté, à l’aspect raffiné et intelligent sur le visage.
« Je vais t’aider -ooooouch ! »
Dès que j’avais essayé d’entrer dans le cercle magique, celui-ci m’avait repoussé. Pas tout à fait comme un zap. La sensation était difficile à expliquer, mais c’était comme si les récepteurs de douleur dans mon cerveau étaient déclenchés. Il semblerait que ce cercle magique était en fait une barrière. Une barrière était une sorte de sorte de magie, une construction dont je ne savais rien.
« Hmm. »
J’avais étudié la bordure du cercle magique. Il émettait une lumière d’un blanc bleuté, éclairant légèrement la pièce. La lumière qui en sortait signifiait que du mana circulait. Si je pouvais couper la source de son mana, le cercle disparaîtrait. Roxy me l’avait appris. C’était la méthode par excellence pour enlever les pièges magiques.
La source de mana… En d’autres termes, un cristal magique.
Pourtant, d’après ce que j’avais pu voir, il n’y avait pas un tel cristal ici. Non… ça voulait juste dire que je ne l’avais pas encore trouvé. Où l’avaient-ils caché ? Probablement sous terre. Peut-être que je devrais utiliser la magie de Terre pour enlever le cercle ? Qui savait ce qui se passerait si j’essayais de briser de force un cercle magique comme celui-ci ?
Hmm, attends, pensais-je. Attends. Réfléchissons plus simplement.
Comment ces types auraient-ils pu sortir ce chien de ce cercle ? Il n’y avait pas eu un seul magicien parmi les cadavres que j’avais vus. Il devait y exister un moyen pour qu’un débutant complet puisse enlever ce piège.
J’avais d’abord réfléchi à l’endroit où pourrait se trouver le cristal magique. Je pensais que ça devait être sous terre. Cependant, si c’était sous terre, ces gars n’auraient pas été capables de l’extraire. Il devait être quelque part où ils pouvaient l’extraire. Mais il devait aussi être quelque part où il pouvait encore alimenter le piège en mana.
« Hmm, donc en haut plutôt qu’en bas ? »
J’avais décidé de vérifier en haut. J’étais allé dans la pièce directement au-dessus, où j’avais trouvé un cercle magique plus petit et ce qui semblait être une lanterne en bois. C’était ce que je croyais être un cristal magique.
Très bien. Très bien. J’ai eu de la chance de pouvoir le trouver du premier coup.
J’avais soigneusement soulevé la lanterne et le cercle magique en dessous s’était doucement dissipé. Quand j’étais retourné au rez-de-chaussée, j’avais vu que celui qui entourait le chien avait complètement disparu. Il semblerait que les cercles supérieur et inférieur aient été effectivement reliés entre eux. Bien, bien.
« Grrr… ! »
Le chien me regarda d’un air menaçant et se mit à grogner alors que je m’approchais. D’aussi loin que je me souvienne, les animaux ne m’avaient jamais aimé. Ce n’était pas différent.
J’avais étudié la condition physique du chien. Son grognement était encore assez puissant, mais il n’avait pas de force dans son corps. Il avait l’air épuisé. Sans doute parce qu’il avait faim.
Pourtant, ces chaînes étaient suspectes. Il y avait probablement un sens au motif gravé sur elles. Je devrais peut-être les enlever. Non, ça pourrait être dangereux. Si ces chaînes limitaient son pouvoir, au moment où je les relâchais, il pourrait m’attaquer. Je pourrais guérir une petite morsure, mais…
« Que dois-je faire pour que tu ne me mordes pas ? »
Quand j’avais demandé ça, le chien m’avait répondu : « Ouaf ? »
Il s’était mis à me regarder comme s’il comprenait les mots.
Hmm.
« Si tu ne me mords pas, je t’enlève ce collier et je te rends à ton maître. Qu’en dis-tu ? »
Je lui avais parlé en langue du Dieu Bestial, et quand je l’avais fait, le chien avait cessé de grogner et s’était tranquillement allongé sur le sol. Il semblerait qu’il ait compris. Être dans un monde différent était après tout pratique. Tu pouvais même parler aux chiens.
J’avais essayé d’utiliser la magie pour couper la chaîne. Celle-ci avait fini par se casser. Une fois cela fait, l’énergie était instantanément retournée dans le corps du chien. Il s’était immédiatement levé et avait essayé de s’élancer, mais je l’avais arrêté.
« Attends, attends, tu as toujours un collier sur toi. »
Il me regarda et s’allongea de nouveau avec obéissance.
J’avais fait de mon mieux pour enlever le collier, mais il n’avait pas de trou de serrure. S’il n’y avait pas de trou de serrure, il n’y avait aucun moyen de l’ouvrir. C’était bizarre. Comment avaient-ils l’intention de l’enlever ? Ou n’avaient-ils jamais eu l’intention de le faire ? La bataille avait été rude, mais je réussis à trouver un joint dans le collier. Apparemment, c’était l’un de ces colliers que l’on ne pouvait pas enlever une fois qu’il était enclenché.
« Je vais l’enlever maintenant, alors ne bouge pas. »
J’avais soigneusement conjuré la magie de la terre dans la petite jonction où le collier s’était joint, en utilisant la magie pour le forcer à s’ouvrir. Il y eut un cliquetis. Le collier s’était finalement détaché.
« Nous y voilà. »
Le chiot secoua le cou.
« Woof ! »
« Whoa! »
Le chien accrocha ses pattes avant sur l’une ou l’autre de mes épaules, et son poids me renversa. J’étais tombé au sol. Le chien commença alors à me baver sur le visage.
« Woof ! »
Aah ! Tu ne peux pas, petit chiot ! Je suis en couple… !
J’avais essayé de me débarrasser de la grande boule de fourrure argentée, mais elle était trop lourde et, de plus, douce et duveteuse. C’était soyeux et doux. C’était plaisant, quoique lourd. Son poids sur ma poitrine était suffisant pour me faire grincer des os. Me déplacer semblait difficile. J’avais renoncé à ne pas me faire lécher parce que je ne pouvais rien faire. Au lieu de cela, je m’étais concentré sur la sensation de sa fourrure jusqu’à ce qu’il s’ennuie de me lécher le visage.
Et c’était duveteux. Ou, comme disent les enfants, « un floof ».
Pour que tu sois si doux… Hé, attends. Tu utilises une sorte d’assouplissant, n’est-ce pas ? avais-je pensé, seulement pour qu’une autre voix dans ma tête réponde de la même façon. Aww, mais je n’utilise rien.
***
Partie 3
« Bâtard ! Qu’as-tu fait à la Bête Sacrée !? »
« Hein ? »
Alors que la boule de poils semblait enfin satisfaite, une voix se fit entendre. Toujours étendu sur le sol, je levai les yeux, me demandant si l’un de ces contrebandiers avait réussi à survivre.
J’avais été accueilli par une peau couleur chocolat, des oreilles de bête et une queue de tigre. Ghislaine… ? Non, ce n’était pas elle. Ils se ressemblaient, mais ce n’était pas elle. La partie poilue et musclée était la même, mais il y avait quelque chose d’un peu différent. Le plus grand atout de Ghislaine était absent. C’était la poitrine, celle de cette personne était plate. Cette personne avait des pectoraux là où Ghislaine avait une poitrine pleine. C’était un homme.
L’homme mit la main à la bouche, comme s’il allait crier.
Ah, merde ! Il va faire quelque chose. Il faut que j’y aille. Mais je ne peux pas bouger !
« Chien, bouge. Je dois fuir ce type ! »
Le chien bougea.
Je m’étais levé et j’avais activé mon œil de démon. Je pouvais voir ce qui se passerait.
L’homme a encore la main sur la bouche.
Je pensais qu’il n’allait rien faire, mais soudain, il avait rugi.
« Graaaaaah ! »
Le volume était écrasant. C’était une voix beaucoup plus aiguë que tout ce qu’Éris avait jamais produit. On aurait dit que cela ressemblait à une masse. Mes tympans avaient sonné et mon cerveau trembla.
Quand j’avais réalisé ce qui se passait, je m’étais évanoui. Je ne pouvais plus le supporter. C’était mauvais. Je devais me guérir, mais je ne pouvais pas bouger mes mains. Qu’est-ce que c’était, une sorte de magie ?
Merde. Merde, merde, merde. Ne pouvais-je pas utiliser la magie ? J’avais essayé de canaliser mon mana, mais… pas bon.
L’homme m’avait attrapé par le col et me souleva dans les airs. J’avais été amené au même niveau que le visage froncé d’un homme, ses sourcils plissés.
« Hm. Ce n’est qu’un enfant. Je ne peux pas me résoudre à te tuer. »
Ah, j’avais l’air en sécurité. Dieu merci, mon Dieu. J’étais content d’avoir l’air d’un enfant.
« Gyes, qu’est-ce que c’est ? »
Un autre homme était apparu. Il ressemblait à Ghislaine, mais il avait les cheveux blancs. C’était un homme plus âgé.
« Père. J’ai maîtrisé l’un des contrebandiers. »
« Un contrebandier ? N’est-ce pas un enfant ? »
« Mais il essayait d’attaquer la Bête Sacrée. »
« Hmm. »
« Il avait un regard obscène sur son visage pendant qu’il la caressait. Il n’a peut-être pas l’âge qu’il paraît. »
N -non, tu as tort. J’ai douze ans. Mon moi intérieur n’est sûrement pas celui d’un homme de 45 ans, avais-je protesté dans ma tête.
« Woof ! »
Quand la bête aboya, Gyes et l’autre homme s’agenouillèrent devant elle.
« Je m’excuse. Nous aurions dû nous hâter, mais au lieu de cela, nous avons été en retard dans notre sauvetage. »
« Woof ! »
« Dire que ce garçon mettrait la main sur votre sainteté… Gah... ! »
« Woof ! »
« Quoi ? Ça ne t’a pas dérangé ? Comme c’est bienveillant… ! »
Ils semblaient avoir une conversation, bien que le chien ne faisait que dire « woof woof woof » tout le temps.
« Gyes, j’ai trouvé l’odeur de Tona dans une pièce au sous-sol. Elle était ici. C’est certain », dit le vieil homme.
Qui était Tona ? D’après le contexte de leur conversation, j’avais deviné que c’était l’un des enfants de race Bestiale.
« Ramenons ce jeune garçon au village et interrogeons-le. Il les a peut-être emmenés quelque part. Et une fois qu’on l’aura fait cracher le morceau, on repartira et on cherchera… »
« On n’a pas le temps. Le dernier bateau part demain. »
Gyes grinça des dents.
« Nous n’avons pas d’autre choix que d’abandonner. Considère qu’avoir pu retrouver la Bête Sacrée est déjà un évènement assez heureux. »
« Et qu’est-ce qu’on en fait ? »
« Ramène-le à la maison avec nous. C’est peut-être un enfant, mais s’il travaillait avec ces contrebandiers, il devra être puni. »
Gyes hocha la tête et m’attacha les mains dans mon dos avec une corde. Puis il me hissa sur son épaule. Le chien marchait derrière lui, me jetant un regard inquiet.
Ce n’est pas grave. Ne t’inquiète pas. Ces types n’ont pas l’air d’être des contrebandiers. Ils sont venus ici pour sauver ces enfants. Si je leur parle, ils comprendront. Je dois juste attendre qu’ils me laissent faire, me suis-je dit
« Hm… » Quand nous étions sortis, l’aîné secoua le nez.
« L’odeur persiste. »
« Une odeur ? L’odeur du sang est si épaisse que je ne peux pas le dire. »
« C’est faible, mais c’est l’odeur de Tona et des autres enfants. Il y en a une autre aussi. L’odeur de ce démon. »
Dès qu’il mentionna « ce démon », l’expression de Gyes se durcit.
« Es-tu en train de dire que ce démon a enlevé Tona et les autres enfants ? »
« Difficile à dire. Peut-être qu’il les a sauvés », suggéra le vieil homme.
« Pas question. C’est impossible. »
Ils semblaient avoir eu vent de l’odeur de Ruijerd.
« Gyes. Je vais suivre la piste. Tu prends le garçon et la Bête Sacrée et tu retournes au village. »
« Non, je viens avec toi », protesta Gyes.
« Tu es trop colérique. Après tout, ce garçon n’est peut-être pas l’un de ces contrebandiers ? »
Comme on pouvait s’y attendre, les paroles de l’aîné étaient pleines de sagesse.
C’est vrai. Je ne suis pas un contrebandier, alors laissez-moi vous expliquer, pensais-je
« De toute façon, il n’y a toujours pas d’erreur sur le fait qu’il a touché la Bête Sacrée avec ses mains sales. Ce garçon à la même odeur que ces humains excités. Aussi incroyable que cela puisse paraître, il a montré des signes d’excitation sexuelle devant la Bête Sacrée. »
Quoi !?
Absolument faux ! Je n’ai aucun intérêt sexuel pour les chiens ! Les jeunes filles, cependant… Non ! Ce n’est pas une bonne défense non plus !, pensais-je.
« Dans ce cas, jette-le dans une cellule. Mais ne le touche pas avant mon retour. »
« Oui, monsieur ! »
L’homme plus âgé fit un signe de tête avant de s’enfuir dans l’obscurité de la forêt.
Comme Gyes le regardait partir, celui-ci me dit : « Hmph, il vient de sauver ta peau. »
Oui, il l’avait vraiment fait.
« Très bien, Bête Sacrée. Courons un peu. Je suis sûr que tu dois être épuisée, mais… »
« Woof ! »
« C’est ce que je pensais ! »
Ainsi, drapé sur l’épaule de Gyes, j’avais été emporté au plus profond de la forêt.
◇ ◇ ◇
Point de vue de Ruijerd
Ruijerd était près de la ville, mais Rudeus n’était toujours pas revenu. Était-il perdu ? Non, il aurait utilisé la magie pour envoyer un signal dans le ciel. Est-ce que cela voudrait dire qu’il a eu des ennuis à la place ? Ruijerd s’était débarrassé de tous les humains de ce bâtiment, mais peut-être Rudeus avait-il rencontré des renforts venus d’un autre endroit. Il devrait probablement y retourner et vérifier, juste pour être sûr.
Non. Rudeus n’était pas un enfant. Même si un ennemi apparaissait, il serait capable de s’en occuper. Les défenses de Rudeus pouvaient être faibles, peut-être à cause de sa jeunesse, mais il n’était pas assez naïf pour baisser la garde en territoire ennemi.
En plus, pour l’instant, il n’avait pas à s’inquiéter pour Éris. Si Rudeus utilisait tous ses pouvoirs, il ne pourrait pas être vaincu. Le seul problème, c’était qu’il n’était pas d’accord pour prendre la vie d’une personne. S’il limitait trop ses pouvoirs, les tables pourraient se retourner contre lui. Non… il n’était pas si stupide, sûrement.
Rudeus n’avait pas besoin de son inquiétude. Pourtant, Ruijerd était troublé. S’il continuait à aller en ville avec les enfants comme ça, il avait un mauvais pressentiment sur ce qui pourrait arriver.
Il avait déjà eu à faire face à des circonstances similaires plusieurs fois auparavant. Il sauvait des enfants des marchands d’esclaves et tentait de les ramener en ville, pour ensuite être pris lui-même pour un ravisseur. Sa tête était rasée et la gemme sur son front était cachée, mais il était un piètre orateur. Si la garnison l’arrêtait pour l’interroger, il n’avait aucune confiance en sa capacité à expliquer ce qui s’était passé.
Les humains de la ville s’occuperaient sûrement des choses s’il laissait les enfants là-bas, non ? Non, Rudeus lui aurait sûrement dit quelque chose s’il faisait ça.
« Mew, Monsieur, je suis désolée pour tout à l’heure, mew. »
Pendant qu’il s’inquiétait, une des filles était venue lui caresser la jambe. Les autres enfants avaient l’air de s’excuser de la même façon. Il avait presque eu l’impression que c’était eux qui l’avaient sauvé.
« C’est bon. »
Ça faisait longtemps qu’il n’avait pas utilisé la langue du Dieu Bestial. La dernière fois qu’il l’avait utilisé, c’était… Hmm, c’était quand déjà ? Il ne se souvenait pas l’avoir beaucoup utilisé depuis la guerre de Laplace.
« La Bête Sacrée est un symbole de notre tribu, miaou, donc on ne pouvait pas la laisser derrière nous, miaou. »
« Alors c’était ça. Je ne le savais pas, mais je m’excuse quand même. »
Elle sourit à Ruijerd quand celui-ci lui dit cela. Il avait vraiment apprécié le fait que les enfants n’avaient pas si peur de lui.
« Hmm… »
Soudain, son troisième œil sentit quelqu’un s’approcher rapidement. Sa vitesse était incroyable, et son aura était forte. Il venait de la direction de la bâtisse qu’ils avaient laissée derrière eux. Était-ce l’un des alliés des contrebandiers ? Mais il semblait trop habile pour ça.
C’est impossible. Ont-ils vraiment vaincu Rudeus… ?
« Reculez. »
Il avait demandé aux enfants de se mettre à l’abri derrière lui pendant qu’il préparait sa lance.
Le vainqueur serait celui qui frapperait le premier. Il l’abattrait d’un seul coup.
C’était du moins ce qu’il pensait, mais l’adversaire de Ruijerd s’était arrêté juste au niveau de sa portée. C’était un homme bête mâle, tenant une hachette épaisse dans sa main. L’homme était clairement méfiant, car il avait pris sa propre position. Il était âgé, mais il avait un air calme et digne. L’air d’un guerrier. Néanmoins, Ruijerd le tuerait s’il était de mèche avec ces salauds de contrebandiers. Quelqu’un qui avait laissé une telle chose arriver à des enfants de sa propre race n’était pas un vrai guerrier.
« Ah, grand-père, miaou ! »
La fille-chatte appela le guerrier plus âgé et se précipita vers lui.
« Tona ! Tu vas bien ! »
Le vieux guerrier accueillit la jeune fille dans ses bras, un regard de soulagement se croisant sur son visage. Ruijerd baissa sa lance. Apparemment, cet homme était venu pour sauver les enfants. Ruijerd avait tort de douter de lui en tant que guerrier, c’était clairement un homme honorable.
La fille aux oreilles de chien semblait aussi le connaître et se précipita vers lui.
« Tersena, tu es en sécurité aussi. Je suis content. »
« Cet homme nous a sauvés. »
Le vieux guerrier rangea son épée. Puis il s’approcha de Ruijerd et s’inclina. Il semblait toujours méfiant à l’égard de Ruijerd, mais il fallait s’y attendre.
« Merci d’avoir sauvé ma petite-fille. »
« Pas de problème. »
« Quel est votre nom ? »
« Ruijerd. » Superdia, pensa-t-il ajouter, mais il hésita. Si l’homme savait que c’était un Superd, ça le mettrait en garde.
« Ruijerd, c’est ça ? Je suis Gustav Dedoldia. Je vous rembourserai cette dette sans faute. Je dois d’abord rendre ces enfants à leurs parents. »
« Effectivement. »
« Mais c’est dangereux de faire marcher les enfants la nuit. J’aimerais que vous m’expliquiez exactement ce qui s’est passé. »
En disant cela, l’aîné commença à marcher vers la ville.
« Attendez », Ruijerd l’avait appelé.
« Qu’est-ce que c’est ? »
« Avez-vous regardé à l’intérieur de l’immeuble ? »
« Effectivement. C’était un endroit déprimant qui puait le sang. »
Ruijerd poursuivit ses questions.
« Et il n’y avait personne ? »
« Il y en avait un. Un mâle sous la forme d’un enfant. Il semblerait qu’il avait un sourire pervers en caressant la Bête Sacrée. »
Il avait tout de suite réalisé qui c’était. Rudeus. Alors le gamin avait toujours ce sourire sur son visage, pensa-t-il.
« C’est mon compagnon », dit Ruijerd.
« Oh mon Dieu ! »
« Ne me dites pas que vous l’avez tué ? »
Peu importe que cela soit le coup d’un malentendu. S’ils avaient tué Rudeus, Ruijerd l’aurait certainement vengé. Mais il allait d’abord voir les enfants chez leurs parents. Éris aussi. C’est vrai… Éris était seule en ce moment. Cela l’inquiétait.
« Je l’ai fait emmener dans notre village pour l’interroger sur l’emplacement de ses complices. Mais je le ferai libérer immédiatement. »
Rudeus, tu as baissé ta garde, idiot. Ce garçon… Ses défenses étaient toujours faibles, même si sa résilience mentale était élevée. Mais Ruijerd n’avait pas de place pour parler étant donné que sa résilience mentale était de troisième classe en comparaison.
« Rudeus est un guerrier. Si vous n’avez pas l’intention de le tuer, il n’y a aucune raison de se dépêcher. Donnons d’abord la priorité aux enfants. »
Les races bestiales ne torturaient pas les humains. Tout au plus, ils les déshabilleraient et les jetteraient dans une cellule. Rudeus n’avait après tout aucun scrupule à ce que les gens le voient nu. L’autre jour, il avait dit quelque chose d’étrange à Ruijerd :
« Si Éris essaie de me regarder sous la douche, tu n’as pas à l’arrêter. »
En plus, il y avait Éris dont il fallait s’inquiéter. Rudeus avait toujours confié la protection d’Éris à Ruijerd. Il s’inquiétait toujours plus pour elle que pour lui-même. Il valait mieux pour Ruijerd de la protéger que de poursuivre Rudeus.
« J’ai mes raisons de ne pas exposer ma vraie apparence », dit Ruijerd. « J’aimerais que vous guidiez les enfants et que vous trouviez leurs parents. »
« Hm… Très bien alors. »
Gustav hocha la tête et Ruijerd retourna vers la ville.
Si vous avez trouvé une faute d’orthographe, informez-nous en sélectionnant le texte en question et en appuyant sur Ctrl + Entrée s’il vous plaît. Il est conseillé de se connecter sur un compte avant de le faire.