Mushoku Tensei (LN) – Tome 4 – Bonus

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Bonus : Fitz garde du corps

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Bonus : Fitz garde du corps

Partie 1

(NdT : vous pouvez relire le bonus du Volume 3 pour reprendre le cours de l’histoire laissé en suspens)

Le temps qu’il réalisa ce qui se passait, il était en plein vol.

« Hein !? »

Le vent avala instantanément son cri d’incrédulité.

Il était incroyablement haut placé. Il sentait qu’il tombait rapidement. La force du vent rendait la respiration difficile. Il perçait les nuages, et la peur le tétanisait.

« Eek ! »

Il pouvait entendre un cri venir du fond de sa gorge. C’était son cri, mais il avait l’air si lointain qu’il avait l’impression que quelqu’un d’autre criait. Le cri l’avait rassuré en lui disant que c’était la réalité. Il ne savait pas pourquoi, mais il était dans les airs et il tombait.

« Ah… ah ! »

Il devait faire quelque chose. Il devait faire quelque chose ou il allait mourir. Oui, mourir. Il n’y avait aucun doute qu’il mourait. Si tu tombais d’un endroit assez haut, tu en mourrais. Il le savait bien. Il savait aussi que le sol approchait rapidement.

« Waaaaaaaah ! »

Il succomba à la peur et libéra tout son mana. C’était du vent. Il lâchait du vent. C’était comme si ça le frappait d’en bas. Qui lui avait appris qu’un oiseau monte grâce au vent pour voler dans le ciel ? Il ne s’en souvenait pas.

La vitesse de sa chute ralentit momentanément, puis revient rapidement à son rythme précédent. La magie du vent n’allait pas suffire. Les oiseaux avaient peut-être chevauché le vent pour voler dans le ciel, mais peu importe la quantité de vent que vous mettiez sous les hommes, ils ne pouvaient pas voler. Quelqu’un lui avait appris ça. Qui ? Il ne s’en souvenait pas non plus.

Qu’était-il censé faire dans une telle situation ? Son professeur lui avait dit quelque chose. Son professeur lui avait appris beaucoup de choses. Qu’est-ce que son professeur avait dit ?

Réfléchis, réfléchis, se répétait-il à lui-même.

Son professeur avait dit quelque chose sur… comment voler ? C’est vrai, c’était impossible. Tu ne peux pas voler, les humains ne peuvent pas voler. Il fallait utiliser quelque chose pour voler. Son professeur avait déjà essayé de voler. Un essai, un échec. Celui-ci mit quelque chose par terre, quelque chose de mou sur lequel tomber.

C’était ça ! Quelque chose pour adoucir la chute. Quelque chose de doux. Quelque chose de doux à enrouler autour de lui. Mais à quel point était-ce censé être mou ? Comment était-il censé s’en sortir ?

Je ne sais pas, je ne sais pas, je ne sais pas ! cria-t-il dans sa tête. Qu’est-ce que je fais, qu’est-ce que je fais, qu’est-ce que je fais !?

Il fit apparaître de l’eau et essaya de l’enrouler autour de lui. Ça n’avait pas marché. Elle s’était dispersée immédiatement. Il avait conjuré le vent et avait essayé de se booster à nouveau. Cela avait échoué. Ça n’allait pas marcher. Il conjura la terre… mais il ne savait pas trop comment l’utiliser ! Il avait conjuré le feu et… le vent… l’eau ? La terre ? Il ne savait pas ! Il ne le savait plus, c’est tout !

« Aaah ! »

Il était tombé la tête la première.

◇ ◇ ◇

« Waaaaah ! »

Cria un garçon aux cheveux argentés en redressant son corps et en le tirant du lit. Il avait environ dix ans et ses traits juvéniles étaient déformés par la peur.

« Hah, hah, hah, hah… »

Il avait eu le souffle coupé et commença à tapoter son corps. Ses mains agrippèrent une poignée de cheveux argentés, assez durement pour les arracher. Il vérifiait si son corps était toujours en un seul morceau.

« … Ah ? Hein ? »

Quand il regarda autour de lui, il réalisa qu’il n’était plus dans le ciel. Il était dans un lit moelleux.

« Hah… »

Le jeune garçon se couvrit le visage de ses mains et poussa un soupir de soulagement.

« Hé, Fitz, ça va ? »

Une voix l’appela d’en haut. Un autre garçon était pendu à l’envers, regardant Fitz du lit du haut. Cet autre garçon était à l’aube de l’âge adulte. Il était assez beau pour captiver toute personne qui le regardait, du moins le prétendait-il. Il s’appelait Luke.

« Tu faisais beaucoup de bruit pendant ton sommeil. Tu as encore fait ce rêve ? »

« Oh, oui… »

Le garçon, connu sous le nom de Fitz, hocha la tête vaguement en réponse. Tout à coup, il s’était rendu compte que son entrejambe lui paraissait étrange. Curieux, il baissa les yeux pour s’apercevoir qu’il était humide. Après avoir enquêté, il découvrit qu’il avait trempé non seulement le bas de ses vêtements de nuit, mais aussi les draps sous lui. Il pouvait voir la vapeur monter d’eux.

« Ah… ! »

Agité, Fitz essaya de remonter les couvertures pour cacher le désordre à Luke, mais il était déjà trop tard. Luke avait vu l’accident de Fitz avec un froncement de sourcils.

« Wah... waah... »

Fitz avait l’air pitoyable, les larmes aux yeux, en regardant Luke.

« Je… je suis tellement… désolé… »

« Ne t’excuse pas auprès de moi. »

Luke descendit de son lit et poussa un soupir en se grattant la tête.

« Personne ne t’en voudra. »

« Mais, je suis assez vieux maintenant… et pourtant je suis toujours… toujours, eh bien, en train de me mouiller comme ça… »

« Tu n’es pas le seul à avoir eu une expérience terrifiante ce jour-là. »

Luke haussa les épaules en le disant, mais il avait un regard sérieux sur son visage. Son ton était tout à fait sincère.

« En plus, il y a beaucoup de gars ici qui salissent leurs draps la nuit. Les bonnes y sont habituées. Dépêche-toi maintenant de te changer et de remettre tes chemises à la personne chargée du lavage. Lady Ariel nous attend. »

Une fois que Luke finit de parler, celui-ci quitta la pièce.

Fitz essuya ses larmes et rampa hors du lit, saisissant ses lunettes de soleil sur la table voisine et les glissant sur son visage.

◇ ◇ ◇

Fitz avait été victime de l’incident qui avait décimé la région de Fittoa. Il avait été transporté dans les airs, à une centaine de mètres du sol. Comme tout le monde, Fitz ne faisait pas exception à la loi de la gravité, alors il était tombé.

La seule chose inhabituelle chez lui était qu’il était magicien. Pas n’importe quel magicien non plus. Il n’avait peut-être que dix ans, mais il avait eu un professeur exceptionnel et était au moins de niveau intermédiaire dans chaque école de magie, avancé dans plusieurs, et il pouvait lancer des incantations silencieuses.

Il avait lutté pendant qu’il était dans les airs. Avant d’atteindre le sol, il avait réussi à ralentir la vitesse de sa chute et ne s’était miraculeusement cassé les deux jambes qu’à l’atterrissage (l’accident lui avait plutôt plu). Son mana était complètement vidé et il était tombé inconscient.

Fitz se réveilla en découvrant qu’il avait tout perdu. Sa ville natale, sa maison, sa famille. Il était encore si jeune, et en un instant, il était devenu vagabond. Il n’avait nulle part où aller et personne sur qui compter, à part la femme dont il avait attiré l’attention, Ariel Anemoi Asura. Elle vit comment Fitz maniait librement la magie sans incantations, alors elle l’avait employé. Après cela, Fitz commença sa vie dans le palais royal comme le gardien de la deuxième princesse.

« Mmmmhhh… Oh, Luke et Fitz, bonjour. »

Son travail de garde commençait au réveil d’Ariel. Il la réveillait à une heure précise chaque matin. C’était normalement la tâche d’une dame de compagnie, mais depuis qu’elle était enfant, Ariel avait été confrontée à tellement de tentatives d’assassinat que la tâche incombait maintenant à l’un de ses gardes, Luke ou Fitz. Fitz n’eut la responsabilité de ce devoir que lorsque Ariel sut que c’était un résident extérieur au palais et qu’il n’était impliqué avec aucun des nobles qu’elle considérait comme des ennemis.

« Bonjour, Lady Ariel. »

Se réveiller plus tard que la princesse était suffisant pour se voir infliger une punition sévère. Ou du moins, c’était censé être le cas, mais Fitz s’était réveillé après Ariel un certain nombre de fois et n’avait jamais été sanctionné.

« C’est une belle matinée, n’est-ce pas? Luke, quelles sont les tâches du jour? » Ariel étira son corps et se glissa hors du lit pour s’asseoir devant sa table de maquillage. Fitz passa derrière elle pour lui laver le visage et lui peigner les cheveux.

« Après le petit-déjeuner, vous avez rendez-vous avec les Seigneurs Datian et Klein pour parler de… » Alors que Luke décrivait calmement son emploi du temps, Fitz travailla avec soin pour lui permettre de démêler ses cheveux.

« Dans l’après-midi, vous aurez une réunion avec le Seigneur Pilemon, puis le dîner sera… »

« Seigneur Pilemon ? Comme si tu ne le connaissais pas. Luke, c’est ton père, n’est-ce pas? »

« On m’a dit de garder les affaires publiques et les affaires privées séparées. »

Une fois que Fitz eut fini de la coiffer, Ariel se leva et leva les bras. Fitz se mit immédiatement à la déshabiller. Normalement, changer les vêtements de la princesse serait le travail de l’une de ses dames d’honneur, mais c’était là une autre coutume qu’elle pratiquait depuis son enfance.

Fitz se sentit troublé lorsqu’il écarta les belles soies qui s’enroulaient autour de la peau blanche et vibrante d’Ariel, les échangeant contre des vêtements qu’une dame d’honneur avait préparés. Les vêtements étaient complexes. Ils avaient une structure bizarre que Fitz ne savait même pas comment les porter. Pourtant, il réussit à le glisser vivement sur son corps.

Il ne savait même pas comment habiller les gens lorsqu’il avait été affecté à ce travail. Mais il y était devenu très habile. Même un individu comme Fitz pouvait apprendre après avoir été obligé de faire la même chose encore et encore.

« Fitz… tu as foiré l’un des boutons. »

« Hein ? Ah, oui, je suis désolé. »

À ce moment-là, il s’était laissé distraire et la princesse lui avait fait remarquer son erreur. Fitz s’était dépêché d’essayer de le réparer, mais il n’était pas sûr du bouton sur lequel il avait glissé. Avec de tels vêtements, si vous aviez raté une seule étape du processus, il vous était alors impossible de savoir par où commencer pour le réparer.

« Qu’est-ce qui ne va pas ? Si tu ne te dépêches pas de m’habiller, je pourrais attraper un rhume. », demanda la princesse.

« Oui, vous avez raison, attendez un instant ! »

« Ou bien veux-tu voir mon corps ? », dit Ariel en le taquinant.

« Non ! »

Son visage devint rouge vif de panique lorsqu’il nia son accusation. Ariel ricana. Elle aimait voir à quel point il était innocent, à tel point qu’elle s’en prenait souvent à lui comme ça.

« Je te trouve très belle. »

Luke était toujours celui qui sautait dedans pour l’aider pendant de telles interactions. Il sourit et désigna la boutonnière que Fitz cherchait.

« Oh, mon Dieu, Luke, ça veut dire que tu craques pour ton maître ? », roucoula Ariel.

« Si c’est le cas, c’est l’équivalent d’un blasphème. Tu ne pourras pas échapper à la punition pour ça. »

« Comme c’est terrifiant. De quel genre de punition parlons-nous ? »

« Le genre où je confisque tous tes en-cas pour aujourd’hui », dit-elle.

« Oh mon Dieu. Eh bien, c’est assez grave. Mais si c’est ce que mon maître désire, qu’il en soit ainsi. »

Tandis qu’ils poursuivaient leur interaction, Fitz en avait finalement fini avec ses vêtements. Ariel fit un tour sur elle-même pour confirmer qu’il n’y avait aucune imperfection dans sa tenue, puis hocha la tête de manière satisfaite.

« Beau travail. Maintenant, prenons notre repas. »

« Oui, madame ! »

Luke avait suivi Ariel quand elle était partie. Fitz se mit à suivre, mais s’arrêta brusquement pour apercevoir son reflet dans le miroir de son stand de maquillage. Elle montrait un jeune homme à l’air sombre, les lunettes de soleil sur les yeux. Il s’attarda là et tordit une mèche de cheveux blancs coupés courts autour d’un de ses doigts. Ça n’avait duré qu’un instant. Il se retourna ensuite et se mit à suivre Ariel.

***

Partie 2

Les nobles avaient porté un jugement sévère sur le jeune gardien Fitz après son apparition abrupte au palais royal.

« Mais il y a tant de membres de la guilde des magiciens qui sont nés dans des familles plus nobles… »

Sa famille et ses antécédents étaient des mystères complets. Les seules choses que les gens savaient sur lui étaient sa race et la couleur de ses cheveux. D’après ses manières et sa façon de parler, il était clair qu’il ne faisait pas partie de la noblesse. Malgré cela, elle lui donna un équipement de gardien de qualité et le garda constamment à ses côtés. Ce traitement spécial ne fit qu’enflammer la désapprobation des nobles.

« On ne peut rien faire pour ces lunettes de soleil, non ? »

« Je suis d’accord. C’est presque comme si le garçon ne comprenait même pas le concept de respect. »

Il portait toujours des lunettes de soleil. À la cour impériale, cacher votre visage sans but était considéré comme impoli.

Les paroles des nobles reposaient sur de mauvaises informations. Ariel avait reçu la permission du roi lui-même pour les lunettes de soleil. En fait, les lunettes de soleil étaient un objet magique qui pouvait détecter quand Ariel était en difficulté, peu importe où se trouvait le porteur. L’objet avait été jugé nécessaire après l’« incident » précédent, le roi l’avait donc autorisé.

« Grâce à ces lunettes de soleil, les servantes du palais impérial n’arrêtent pas de crier avec des voix très aiguës. »

« Oui, j’ai entendu dire que ça leur donne tant de bonheur de voir Fitz et Luke marcher ensemble. »

« En effet, rien ne semble les rendre plus heureuses que de voir un coureur de jupons comme Luke intervenir si vaillamment pour s’occuper de l’enfant. »

« Ils corrompent la morale de la cour impériale. »

« Ce n’est pas comme si la cour royale en avait une en particulier. »

Hahahaha, les nobles se mirent à rire.

Fitz suivait toujours Ariel, et vous pouviez dire que le garçon était beau sous ces lunettes de soleil. Ainsi, le voir ensemble avec Ariel et Luke, encourageait beaucoup de personnes à imaginer des fantasmes sauvages.

« Je réalise que ce sont tous les deux des garçons, mais il y a quelque chose d’étrange. »

« Oh? Qu’est-ce qui est étrange? »

« Luke professe sans hésitation qu’il aime les femmes et déteste les hommes, mais il est exceptionnellement gentil avec ce garçon. »

« Ah, je vois ce que tu veux dire. C’est vrai. »

« Oui, mais il n’y a rien d’étrange à cela. Je suis sûr que cela signifie simplement que Luke a enfin compris à quel point les hommes sont beaux, non? »

« Sans doute, ah ah! »

L’homosexualité n’était pas considérée comme inhabituelle pour les nobles d’Asura. Il y avait ceux qui avaient des préférences sexuelles bien plus étranges, alors les garçons qui étaient tombés amoureux de beaux garçons n’étaient que peu surprenants.

« Mais comment diable la princesse a-t-elle trouvé ce garçon? »

« Qui peut le dire ? Mais le fait que la princesse Ariel lui offre un tel soutien me fait me poser des questions. C’est peut-être l’enfant illégitime d’un noble de haut rang. »

« Oh, alors tu as une idée de l’endroit d’où il vient ? »

« En effet. Il y a plusieurs années, je suis allé rendre visite à mon cousin dans la région de Fittoa. Ce cousin avait assisté à la cérémonie d’anniversaire de la petite-fille du Seigneur Sauros, âgée de dix ans. »

« Oh, petite-fille du Seigneur Sauros… Tu veux parler de la princesse singe rousse des Boreas? »

« Oui, celle qui a la réputation d’aller à l’école et de frapper les autres enfants de son âge. Celle qui a tellement négligé ses études qu’elle ne pouvait même pas saluer correctement les gens. Cette princesse singe. »

« Et qu’est-ce que cela a à voir avec ça? »

« Oui, d’après l’histoire de mon cousin, cette princesse singe a beaucoup changé. Elle salue les gens poliment, se comporte comme une dame et danse magnifiquement. »

« Je suis sûr que les rumeurs ont été enjolivées. Peut-être que c’est juste que la princesse singe ne s’est pas comportée comme un singe pour une fois ? »

« Non, c’était différent. D’après mon cousin, quand il a salué le seigneur, Sauros s’en était vanté. »

« Vanter de quoi ? »

« Que celui qui avait enseigné à sa petite-fille était un garçon de deux ans plus jeune qu’elle. »

« Oh… l’âge lui correspond. »

« Le seigneur l’a tellement loué que mon cousin s’est mis à suspecter et a même demandé : “Ce garçon est-il de ta famille ?” »

« Oh mon Dieu. »

« Bien sûr, le seigneur ne l’a pas vraiment affirmé, mais j’ai entendu dire qu’il ne l’a pas nié non plus. »

« Voilà donc l’histoire. Ce jeune homme impressionnant pourrait-il être le gardien d’Ariel ? »

« Ça pourrait l’être. »

« C’est la raison pour laquelle le garçon a une telle étiquette bien qu’il soit un roturier. »

C’est alors qu’un autre noble pensa soudainement à haute voix : « Mais est-il vraiment si fort ? »

Selon Ariel, Fitz était assez agile pour faire honte aux chevaliers en formation de la cour. Il était également très versé dans la lecture, l’écriture et l’arithmétique, et possédait une connaissance plus profonde de la magie que même les professeurs de l’Université de Magie possédaient. Sans compter qu’il pouvait utiliser la magie de niveau avancé sans aucune incantation, à seulement dix ans !

« Ça doit être un tas d’absurdités. »

« Pourtant, après ce que la princesse Ariel a traversé, il est difficile de croire qu’elle puisse garder quelqu’un qui n’était pas fort à ses côtés. »

« Hmm, pourquoi ne pas le voir par nous-mêmes ? Enlevez le masque de ce garçon et voyez qui il est vraiment… »

« Je ne vous le conseille pas. S’il est vraiment si puissant, vous ne vous causerez que des ennuis. »

« Oui. Néanmoins, comme c’est un gardien, j’aimerais au moins qu’il apprenne certaines des traditions de la cour. »

« C’est vrai. J’en ai assez de voir en lui qu’un vulgaire péquenaud de paysan. »

C’est ainsi que les nobles avaient critiqué Fitz. Ils bavardaient malicieusement à son sujet tout en le regardant, tout en n’ayant aucunement l’intention de mettre leurs paroles en actes. Heureusement, c’était exactement ce qu’Ariel attendait d’eux.

◇ ◇ ◇

« Alors nous ferons en sorte que le fils du Seigneur Tink entre dans la guilde des chevaliers. »

« Oui, il est doué en arithmétique. Qu’il entre dans la guilde et apprenne de première main du comptable de la guilde. »

C’était le début d’après-midi. Ariel rencontrait le père de Luke, Pilemon Notos Greyrat. Pilemon était en tête de liste des partisans d’Ariel. Bien qu’il possédait un mauvais jugement, c’était un jeune homme agissant comme le Seigneur Féodal de la région de Milbotts. Chaque fois qu’il arrivait quelque chose, il lui rendait visite pour discuter de l’avenir.

Ariel n’avait pas beaucoup de partisans actuellement. Elle n’était pas encore adulte, et même si elle était populaire auprès du grand public, elle n’avait pas eu le même succès auprès des nobles. C’était pourquoi ils étaient en train de préparer le terrain avec eux.

Les nobles puissants qui soutenaient le premier ou le second prince ne les doubleraient pas pour soutenir Ariel. Ils avaient déjà établi leurs positions au sein de leurs factions.

C’est pourquoi Pilemon avait suggéré de capter les nobles indécis. Il s’agissait de conquérir les nobles des campagnes qui ne s’impliquaient pas dans les conflits politiques du Continent, ainsi que les nobles de rang moyen et inférieur qui ne détenaient pas beaucoup de pouvoir. Pilemon utiliserait alors son pouvoir pour les nommer fonctionnaires du gouvernement, plaçant ceux qui étaient exceptionnels à des postes inférieurs (quoiqu’importants).

C’était une stratégie pour l’avenir, dans dix ou vingt ans. D’ici dix ans, ceux qui avaient soutenu Ariel grâce au travail de Pilemon occuperont divers postes clés (même s’ils n’étaient pas au sommet) et lui apporteront un grand soutien.

« La Guilde des Chevaliers, la Guilde des Magiciens, la Garde Impériale et les Gardes de la Ville… Pour cela, nous avons préparé le terrain pour tous les postes clés. »

« Il est trop tôt pour dire si les graines que nous avons plantées porteront leurs fruits. Il est possible que quelqu’un puisse voir à travers notre plan et l’extraire par la racine. »

Dans un premier temps, ils avaient travaillé à supprimer la force des militaires et à s’en approprier la force. En cette ère de paix, les soldats et les chevaliers n’étaient plus aussi appréciés qu’avant. Leur travail consistait tout au plus à éliminer les monstres et les voleurs. On pourrait dire qu’ils n’avaient aucun pouvoir politique, c’est pourquoi les autres factions n’avaient pas essayé d’obtenir leur soutien. Pourtant, si quelque chose devait arriver, ce serait l’armée qui prendrait les mesures nécessaires.

Le royaume Asura n’avait pas connu de guerre civile depuis longtemps. Tant qu’il n’y avait pas de preuves solides, même l’assassinat devant le tribunal était permis. En conséquence, les nobles avaient oublié le pouvoir des militaires. Ariel et Pilemon, d’autre part, avaient d’abord et avant tout travaillé pour obtenir l’appui des militaires.

« C’est vexant d’avoir à prendre des mesures aussi détournées. »

« En effet. »

Pilemon était le chef de la famille Notos Greyrat, mais il était plus jeune que les autres Greyrat et n’avait pas beaucoup de popularité ou de valeur.

Ariel était similaire. Elle faisait partie de la famille royale, ce qui lui permettait d’utiliser l’argent librement, mais il était clair d’emblée qu’il y avait un écart énorme entre elle et les autres candidats. Son seul avantage était sa popularité auprès du peuple, et sa popularité s’était rapidement estompée. Les autres princes n’avaient pas fait grand-chose pour changer le cœur des gens, et la popularité était trop inconstante pour servir d’appui.

Mais qui était-ce qu’elle combattait, et dans quel but ?

« Mais Votre Altesse, un chemin solide et stable est bien plus rapide. »

« Oui, bien sûr. Je le sais bien. Pour obtenir la couronne, il faut prendre la route sinueuse. »

C’est parce qu’Ariel avait décidé de devenir la reine. Elle avait entamé le chemin qui la conduirait au trône.

Alors que les personnes présentes à la cour se concentraient sur Fitz, Ariel travaillait en arrière-plan pour renforcer ses liens avec les nobles influents qui la soutenaient, menant tranquillement une guerre politique qui lui était propre.

Elle avait revêtu le manteau de la princesse terrifiée, essayant frénétiquement de se protéger. C’était comme une cape d’invisibilité qui cachait ses dents de lion quand elle avançait. Comme son ancien gardien défunt, Derek Redbat, l’avait souhaité.

« … »

Deux personnes montaient la garde pendant que Pilemon et Ariel vaquaient à leurs propres affaires. Luke et Fitz regardèrent tranquillement, ne s’impliquant pas dans la conversation.

Si un marchand ou un aventurier ayant un œil vif voyait l’équipement que ces deux-là portaient, ils seraient étonnés. Tous deux étaient complètement parés d’objets magiques. Fitz et Luke portaient chacun des bottes de rapidité qui leur permettaient de courir deux fois plus vite que la normale, une cape de contrôle des flammes qui les maintenait à une température corporelle constante sans laisser passer la chaleur, et des gants de puissance qui réduisaient de moitié tout impact dans la paume de la main du porteur. De plus, à la taille de Luke se trouvait une épée coupante en acier qui pouvait facilement trancher en deux un bouclier en acier.

***

Partie 3

Des armes à l’armure, l’équipement était parfait. Ariel les avait toutes obtenues après son incident précédent. Seule la baguette que Fitz tenait était différente. C’était une petite baguette, du genre de celle qu’on donnait à un apprenti qui commençait à peine à apprendre la magie. Ce n’était ni un objet magique ni un instrument magique.

« Eh bien, Seigneur Pilemon, merci pour votre temps. »

« Oui. Au fait Princesse Ariel, ça pourrait être l’occasion parfaite pour que quelqu’un puisse découvrir ce que nous planifions, alors assurez-vous de ne laisser rien transpirer. »

« En effet. »

Tandis que Luke et Fitz les gardaient, Ariel et Pilemon conclurent leur réunion. Ils semblaient tous les deux satisfaits lorsqu’ils traversèrent la pièce et se dirigèrent vers la porte. En réponse, Luke suivit le rythme d’Ariel et se mit en ligne directement derrière elle. Fitz était un peu plus lent, mais suivait l’exemple de Luke.

« Luke, assure-toi de protéger Madame. »

« Ha ha ha. »

Pilemon laissa ce message à son fils avant son départ. Tandis qu’il regardait son père s’en aller, Luke s’inclina comme le voulait la coutume.

« Ouf… ça a pris pas mal de temps. Mangeons, d’accord ? »

« Oui, Princesse. »

Luke sonna la cloche pour appeler les serviteurs. Il sonna trois fois. Lorsqu’une dame d’honneur apparue, il lui demanda de préparer la nourriture, puis il retourna à sa place derrière Ariel.

Fitz avait suivi toute l’interaction avec beaucoup d’intérêt.

« Y a-t-il une sorte de système avec cette cloche ? Est-ce que tu dois sonner un certain nombre de fois pour demander à manger ? »

« Bien sûr que non. C’est juste une cloche normale », dit Luke avec exaspération.

Fitz fit la moue avec ses lèvres et hocha la tête.

« Ah, d’accord. Je suppose que c’est logique. »

Dernièrement, Fitz posait tout le temps des questions comme celle-là à Luke, y compris des questions sur les bonnes manières à l’heure des repas et sur l’étiquette des salutations. Fitz lui-même n’avait guère plus qu’une vague connaissance de ces choses, c’est pourquoi d’autres nobles riaient à ses dépens chaque fois. Chaque fois, il se mettait dans l’embarras et demandait à Luke l’étiquette appropriée pour qu’il puisse le faire parfaitement la prochaine fois.

« Hee hee. »

Ariel riait de leur conversation.

« Fitz, tu as enfin commencé à t’habituer à l’étiquette de la cour dernièrement, n’est-ce pas ? »

« Pas du tout. J’ai encore un long chemin à parcourir. »

« Voir à quel point tu travailles dur réchaufferait le cœur de n’importe qui. »

« Je n’en suis pas si sûr. Les autres nobles semblent me détester. »

Fitz fit une autre moue avec ses lèvres et se retourna pour regarder Luke. Ce dernier détourna simplement le regard comme si l’affaire n’avait rien à voir avec lui.

« Les ragots de la populace ne te concernent pas. Je t’aime bien », dit la princesse.

« … Merci. »

Fitz n’avait pas l’air très content, mais il inclina la tête devant Ariel.

« À propos, Princesse, avez-vous trouvé ma famille ou mon maître ? »

Ariel secoua la tête faiblement.

« Non… »

Fitz avait accepté de devenir le gardien d’Ariel en lui imposant ses propres conditions. La première était qu’elle pardonnerait son crime : son intrusion dans le palais sans autorisation. Fitz était apparu soudainement le jour de l’incident. Même si ce n’était pas de son plein gré, il était entré dans ces lieux sans autorisation, ce qui était un délit punissable selon les lois du Royaume Asura. À la discrétion d’Ariel, il avait été épargné de la punition, bien que cela se serait sûrement produit de toute façon, étant donné qu’il lui avait sauvé la vie dans le processus.

L’autre condition était qu’elle cherche les amis et la famille dont il avait été séparé. Étant donné que l’incident s’était produit dans la région de Fittoa, le seigneur de cette région (Boreas) aurait dû s’en charger. Mais la famille Boreas avait perdu toutes ses terres et les gens sous son commandement avec elle.

Ces nobles qui considéraient la famille Boreas comme leurs ennemis y avaient vu une occasion parfaite et lancèrent leur attaque avec empressement. C’était tout ce que la famille pouvait faire pour essayer de préserver sa position. Ils n’avaient pas le luxe de chercher des résidents disparus. Ils avaient organisé quelque chose qui ressemblait plus ou moins à une équipe de recherche, mais ils l’avaient fait uniquement pour sauver les apparences. Ariel utilisa donc son argent personnel pour réunir une équipe et leur ordonner de chercher.

Par ailleurs, le ministre de haut rang Darius, qui soutenait le premier prince, allait prendre plus tard la famille Boreas sous sa protection et investirait dans une équipe de recherche. Une équipe de recherche qui prendrait de l’ampleur, mais… eh bien, tout ceci sera pour une prochaine fois.

Avec ces deux conditions, Fitz était devenu le gardien et le protecteur d’Ariel.

« Je ne sais pas où se trouve ta famille. Comme tu le sais, ils ont été dispersés dans le monde entier. »

« Oui… Je comprends. »

Le visage de Fitz s’effondra, suffisamment pour que quiconque le voyait ait pitié de lui.

Ariel le remarqua et eut un rare regard de détresse sur son visage.

« Fitz… Je m’excuse. Pour l’instant, je n’ai pas beaucoup de pouvoir. »

« Non, je n’aurais rien pu faire tout seul, alors je vous suis reconnaissant pour ce que vous avez fait. »

L’expression d’Ariel devint pensive en voyant le courage avec lequel Fitz répondit. Puis elle applaudit soudainement.

« C’est vrai ! Fitz, viens dans ma chambre ce soir. »

« Hein !? »

Sa proposition soudaine provoqua un grincement inhabituellement fort de la part de Fitz.

« J’ai entendu dire que tu faisais des cauchemars ces derniers temps, tu faisais même beaucoup de bruit dans ton sommeil. Si tu dors à côté de quelqu’un, ça pourrait atténuer le problème, non ? »

« Mais je ne suis que votre garde du corps, un paysan, et vous êtes une princesse… Luke, dis quelque chose ! »

Alors que la conversation se tournait soudain vers Luke, celui-ci lui fit un sourire primitif et correct et dit : « Pourquoi ne pas accepter son offre ? Considère ça comme une récompense. »

« Une récompense… ? »

« Eh bien, je suis sûr que ça va faire courir d’étranges rumeurs, mais ça devrait aller. Tu as bien enduré leurs ragots jusqu’à présent, n’est-ce pas ? »

Fitz n’avait pas d’alliés ici. Il poussa un soupir au moment où il s’en était rendu compte.

◇ ◇ ◇

Alors qu’Ariel et Pilemon conspiraient l’un avec l’autre, ailleurs dans le palais impérial, une autre conspiration prenait forme.

« Quels sont les derniers mouvements d’Ariel ? »

Deux hommes conversaient dans une pièce. L’un d’eux était un jeune homme aux cheveux blonds et doux, dans la vingtaine. Dans une main, il tenait une coupe à vin en verre de Begaritt, qui contenait du vin frais de la région de Milbotts.

L’autre homme était un homme corpulent qui avait l’air d’avoir une cinquantaine d’années. Une fille à moitié nue était assise sur ses genoux, et sa main était tendue vers ses fesses.

« Je dirais qu’ils sont un peu suspects. »

Sa voix était froide et ses yeux brûlaient de convoitise alors qu’il regardait la fille. Elle rougit et baissa les yeux pendant qu’il lui frottait les fesses.

Le jeune homme n’avait pas l’air de s’en faire. Il appréciait juste le goût de son vin en barattant le liquide dans son verre.

« Ça ne me dit rien. »

« J’ai appris qu’elle a inséré ses propres hommes dans la Guilde des Chevaliers et dans la Garde Impériale. »

« La Guilde des chevaliers et la Garde impériale ? Au diable cette Ariel. A-t-elle l’intention de faire un coup d’État ? »

L’homme plus âgé glissa sa main dans la culotte de la fille tout en secouant la tête.

« Impossible. Elle n’est pas si impatiente. Je suis sûr qu’elle a simplement l’intention d’augmenter le nombre de ses alliés. »

« Mais la Guilde des chevaliers et la Garde impériale n’ont aucune influence politique. »

« Oui, en effet. Mais il y a beaucoup de gens du peuple au sein de la Guilde des Chevaliers et de la Garde Impériale. Ce sont les gens avec qui la princesse Ariel peut le plus facilement travailler. Je suis sûr que ce n’est que le début de ses plans. »

« Hum… »

L’homme plus âgé poursuivi : « De plus, ce n’est pas comme si elle avait sa propre armée privée. »

Le jeune homme se mit à réfléchir. La Guilde des chevaliers et la Garde impériale n’avaient aucun pouvoir politique. Le royaume d’Asura avait sans aucun doute la plus grande force militaire de toutes les nations, mais la moitié de leurs soldats étaient des gens du peuple. Ceux qui étaient au sommet étaient ses nobles et ses partisans, donc les remplacer ne serait pas facile.

Néanmoins, la guilde et la garde seraient les premiers à bouger si quelque chose arrivait dans la capitale impériale. Si les capitaines et les commandants étaient tous remplacés par des gens qui soutenaient Ariel, alors les soldats et les chevaliers sous leur commandement s’allieraient aussi à elle, étant donné qu’elle était très populaire. Dans ce cas, il ne pouvait exclure la possibilité d’un coup d’État.

« C’était un peu un angle mort pour moi. On dirait que ma petite sœur est très intelligente. »

Il y avait de l’admiration dans sa voix lorsqu’il parlait.

Le gros homme se mit à rire en jouant avec le corps de la fille.

« C’est absurde. C’est juste un acte désespéré, j’en suis sûr. »

Un sourire courba ses lèvres alors que les gémissements étouffés de la jeune fille commençaient à grandir.

« Aussi désespéré que cela puisse être, c’est une bonne décision. Je pensais que ce néophyte de Notos n’était rien de plus qu’un rat sournois, mais il semblerait que ce soit après tout quelqu’un de très prévoyant. »

« Que devrions-nous faire ? », demanda le jeune homme.

L’homme gros retira sa main du corps de la fille. Il trempa le bout de son doigt dans un verre de vin et le bloqua dans sa bouche, tout en le faisant dégouliner de liquide violet. La fille n’avait pas essayé de l’arrêter, mais l’avait simplement léché.

« Il n’y a rien à faire. Je les ai observés tranquillement l’année dernière. S’ils doivent être les ennemis de Votre Majesté, prince Grabel, nous devons naturellement nous en débarrasser. », a-t-il dit

« Par quels moyens ? »

L’homme volumineux mit son doigt, que la jeune fille léchait, sur ses lèvres et fit tournoyer sa langue autour de lui.

« Au lieu de cueillir les bourgeons, débarrassons-nous de celui qui sème les graines. »

« D’accord, Darius. Je te laisse faire. »

« Comme vous l’ordonnez, mon prince. »

Le premier prince Grabel et le ministre de haut rang Darius ressemblaient à deux fonctionnaires corrompus de l’époque d’Edo, qui conspiraient secrètement dans une pièce privée. La seule personne qui les entendit parler était la femme esclave qui se reposait sur les genoux de Darius. Et il se trouvait que cette fille était…

***

Partie 4

La nuit était déjà bien entamée. Il était temps pour tout le monde de se reposer dans son lit. C’est à ce moment que Fitz arriva dans la chambre d’Ariel. De la vapeur s’élevait visiblement de son visage.

« Princesse Ariel, je suis là comme vous l’avez demandé. »

Avant son arrivée, les dames d’honneur d’Ariel l’avaient emmené au bain, l’avaient enduit d’huiles parfumées et lui avaient mis des vêtements de nuit de qualité tissés dans un tissu doux.

« Je suis contente que tu sois venue. Vous pouvez partir maintenant », dit-elle à ses deux dames d’honneur. Elles s’inclinèrent avant de s’éclipser par la porte. Fitz et Ariel se retrouvèrent soudain seuls ensemble dans sa chambre mal éclairée.

« Qu’est-ce qui ne va pas ? Viens t’asseoir à côté de moi. »

« Okay. »

Fitz fit ce qu’on lui a demandé, s’affalant nerveusement à côté de la princesse.

Ariel rapprocha son corps du sien.

Fitz déplaça son corps plus loin. Puis, légèrement paniqué, il leva la main pour la repousser.

« Euh, euh… on dort juste ensemble, c’est ça ? »

« Oui, bien sûr. »

« Vous dites ça, mais vous avez un regard effrayant dans les yeux. »

Ariel se rapprocha peu à peu, et Fitz s’empressa de remettre de la distance.

« Il n’y a rien d’effrayant là-dedans. C’est vrai, je suis excitée par l’aspect brillant de ta peau, mais tout va bien. Je ne ferai rien du tout. Maintenant, allonges-toi sur le lit. »

« Non, c’est effrayant. Vous me faites peur, Princesse ! »

« Il n’y a pas de quoi avoir peur », répondit Ariel.

« Non, je dis… Je suis, vous saviez. Vous le saviez, n’est-ce pas ? Que je suis en fait... »

« Je sais », dit-elle. « Bien sûr que je le sais. »

Elle avait finalement coincé Fitz au bord du lit. Ariel posa sa main sur son épaule et le força à s’approcher du matelas.

« C’est la raison pour laquelle je voudrais que tu en apprennes davantage sur moi aussi. »

Fitz ferma les yeux comme s’il était vierge. C’en était trop pour lui, alors il acquiesça, confiant son corps à sa main. Après tout, Fitz n’avait aucun parent vers qui se tourner, il ne pouvait donc pas aller à l’encontre des souhaits d’Ariel.

« C’était une blague. Je vais m’arrêter ici », déclara la princesse. Elle se leva et s’assit à côté de lui, couchée sur le dos.

Surpris, Fitz tourna la tête et leurs yeux se croisèrent.

« Euh… »

« Je te l’ai dit, n’est-ce pas? Que nous allons juste dormir ensemble ! T’es-tu fait de mauvaises idées? Tu pensais que je m’imposerais à toi? »

Fitz était devenu rouge vif jusqu’aux oreilles. Ariel rit quand elle le vit.

« C’est vrai, voir le visage que tu fais en ce moment me donne envie de le faire, mais aujourd’hui, je vais vraiment dormir à côté de toi. »

Elle leva les yeux et expira.

Fitz resta confus, incertain de ce qu’il devrait faire. Son corps était devenu rigide.

Pendant un moment, le silence se fit entre eux. C’est finalement Ariel qui rompit le silence.

« Moi aussi. Je fais des rêves. », dit-elle.

« Des rêves? »

« Oui, à propos de ce jour. À propos de Derek se faisant tué par ce monstre, et sur le fait qu’il vienne me dévorer ensuite. Ce cauchemar. »

Fitz regarda de nouveau le visage d’Ariel. Son doux sourire habituel avait disparu, laissant une expression vide et transparente.

« J’ai ce rêve tout le temps. Je lutte dans mon sommeil et je me réveille une fois que c’est fini. Cela dure depuis des jours maintenant. »

« Pour vous aussi? », demanda Fitz.

« Oui. »

Ariel hocha la tête et serra sa main dans la sienne. Ses doigts étaient délicats et minces, à tel point qu’ils semblaient pouvoir se briser à tout moment. Pourtant, la force de sa prise l’assurait qu’elle était pleine de vie.

« Fitz, je ne comprends pas ta douleur, mais tu n’es pas le seul à avoir souffert ce jour-là. Si tu as des difficultés, tu peux t’appuyer sur quelqu’un. »

« Merci… »

« C’est pourquoi je n’ai pas hésité à m’appuyer sur toi. Peut-être que si je dors à côté de la personne qui m’a sauvée ce jour-là, je n’aurai plus ce cauchemar. »

Ces mots étaient étrangement relaxants pour Fitz. C’était comme si elle savait qu’il n’avait pas pu se détendre depuis l’incident du déplacement. Elle s’était rendu compte à quel point il luttait pour gagner son approbation, bluffant pour qu’elle ne pense pas qu’il était inutile, travaillant dur pour qu’elle ne le renvoie pas d’emblée.

« Je comprends maintenant… »

Rien de tout cela n’était nécessaire. Ariel l’aurait sûrement gardé à ses côtés même s’il ne pouvait pas utiliser la magie, car c’était quelqu’un qui pouvait comprendre sa douleur.

« Princesse Ariel ? »

« Qu’est-ce qu’il y a ? »

« Je vais faire du mieux que je peux en tant que votre gardien », a-t-il dit.

« C’est une bonne attitude à avoir. Mais pour l’instant, j’espère que tu pourras le faire dans mes rêves, » gloussa-t-elle.

Comme encouragé par ses rires, Fitz sentit aussi un sourire monter sur ses lèvres. C’était la première fois depuis l’incident il y a un an.

« Très bien, alors allons dormir. »

« Oui, Princesse. Bonne nuit. »

Ariel garda ses doigts autour de la main de Fitz quand elle ferma les yeux.

Fitz ferma également les yeux, anticipant le confort du sommeil. Mais à ce moment-là, alors qu’il était sur le point de lâcher prise, il s’était rendu compte de quelque chose.

« Hein… ? »

Il y avait une présence dans la pièce. Il y a quelques instants, les seules présences qu’il avait senties étaient elle et Ariel, mais il y avait quelqu’un près du lit. Une jeune fille. Elle se tenait près de leur chevet dans des vêtements maigres qui cachaient à peine ses régions inférieures, et elle tenait dans sa main un grand couteau.

La fille bougea dès que les yeux de Fitz rencontrèrent les siens. Elle se jeta sur Ariel pour tenter de l’attaquer.

Fitz s’était rendu compte que c’était une assassine, mais avant qu’il ne puisse crier quoi que ce soit, son corps était déjà en mouvement. À l’instant même où il sauta pour protéger le corps de la princesse, il tendit les deux mains vers la fille et libéra sa magie.

« Rafale d’air ! »

« Gah ! »

La magie, qui avait été jetée sans incantation, frappa directement la jeune fille, la propulsant loin de l’endroit où Ariel était couchée.

« Qu’est-ce qui se passe !? », s’écria la princesse.

« Princesse ! C’est un assassin ! S’il vous plaît, mettez-vous derrière moi ! Luke, c’est une attaque ennemie ! »

La voix de Fitz résonna. La chambre des gardiens était juste à côté de celle de la princesse, alors Luke devrait venir vite.

« Ouf… »

L’assassin se leva. Ses yeux se tournèrent vers Fitz et Ariel, voltigeant entre les deux avant de finalement se fixer sur Fitz. Il semblerait qu’elle avait prévu d’achever le garde du corps avant de s’occuper de sa cible.

Se trouvant à la réception du regard de l’intrus, Fitz s’installa dans une posture de combat. Il portait toujours sa tenue de nuit, sans un seul vêtement extravagant sur lui, mais cela ne diminuait pas son esprit combatif.

« … Hssh! »

L’assassin se précipita en avant, se dirigeant tout droit vers Fitz.

Fitz tourna les deux paumes vers l’extérieur et libéra sa magie.

« Hah ! »

Il n’y avait aucune forme de mana qui coulait de ses mains. Le bruit d’une explosion avait été accompagné par le soufflage du lit à baldaquin, laissant un trou dans le mur.

C’était un sort de niveau avancé, Explosion Supersonique. Très peu de personnes pouvaient faire face à une telle explosion et vivre. Pourtant, l’assassin était toujours en vie. Elle avait donné l’impression de se précipiter vers lui avant de sauter sur le côté. C’était une feinte. Que ce soit intentionnel ou fortuit, l’assassin avait effectivement échappé à l’attaque de Fitz. Puis elle lança son couteau dans les airs. Celui-ci vola droit vers Ariel.

Fitz tendit instantanément la main en l’air comme pour essayer de l’attraper. Bien sûr, attraper un couteau volant n’était pas une chose facile. Heureusement, il le toucha le bout de ses doigts, se tranchant la peau et perturbant sa trajectoire.

Ayant échoué dans sa technique d’exécution, l’assassin s’était mis en défense, presque comme un chat qui essayait de garder ses distances.

« Ah… ! »

En quelques secondes, elle avait été envoyée dans les airs par la deuxième attaque magique de Fitz. L’impact direct avait sectionné les quatre membres de l’assassin et l’avait laissée chanceler dans les airs, avant de tomber dans l’obscurité de la nuit.

« Hah... hah... »

Le passage soudain de la défense à l’offensive avait laissé Fitz essoufflé alors qu’il regardait par le trou. C’était une nuit sans lune, donc il faisait exceptionnellement sombre. Il ne pouvait pas être sûr de ce qu’il voyait ci-dessous, mais l’assassin avait reçu l’impact de cette chute avec ses membres coupés. Il n’y avait aucune chance qu’elle soit encore en vie.

« Ouf… »

Le sentiment qu’il avait tué quelqu’un ne s’était pas encore infiltré.

« Oh… Princesse Ariel, allez-vous bien ? »

Il s’était dépêché de retourner dans la chambre pour confirmer qu’elle était en sécurité. À mi-chemin, ses jambes devinrent tremblantes.

« H-huh ? »

Le bout de ses orteils s’était engourdi et il s’effondra sur place, son corps ne le portant plus.

Du poison… ! Il était déjà trop tard au moment où il s’en rendit compte, et tout son corps commença à trembler à mesure que sa conscience s’affaiblissait. La magie de désintoxication… ! Si Fitz avait été un magicien ordinaire, ou s’il n’avait pas pu exécuter son sort sans chanter, il serait probablement mort instantanément.

Alors même que sa conscience était consumée par les ténèbres, il réussit à lancer la magie de désintoxication. Puis il regarda ce qui l’entourait. Ariel était en sécurité, et bien qu’il soit arrivé en retard, Luke était là aussi.

« Luke, l’assassin ! Fitz l’a vaincu, mais il a été empoisonné ! Appelle le médecin immédiatement ! Et la Garde impériale. Je pense que le corps de l’assassin est tombé en bas. »

« Compris ! »

Luke hocha la tête et se précipita dans les escaliers en appelant le garde.

Fitz regarda, se sentant encore faible, et ne perdit conscience qu’une fois que Luke fut hors de vue.

◇ ◇ ◇

Ainsi, la tentative d’assassinat d’Ariel était terminée.

Fitz avait été infecté par le poison, mais la coupure au doigt était si petite qu’il n’en avait reçu qu’une petite quantité dans son organisme. Grâce à sa réaction rapide et à l’utilisation de la magie de désintoxication, il avait échappé de justesse à la mort et il n’y avait eu aucun effet persistant du poison.

À son retour au palais, les impressions des nobles sur Fitz changèrent. Tout ceci à cause de l’assassin qu’il avait vaincu ce jour-là. Ses restes étaient tombés dans la cour, où le gardien les avait trouvés. Elle avait été identifiée comme étant un assassin célèbre qui travaillait dans le royaume Asura depuis dix ans, connu sous le nom de la Corneille aux yeux de la nuit.

Un certain nombre de nobles avaient déjà été victimes de sa lame. Le fait que Fitz l’ait vaincue avait démontré que sa force était réelle. Puisqu’il utilisait de la magie silencieuse et qu’il ne parlait généralement pas beaucoup, il avait été surnommé « Fitz le silencieux », et reconnu par tous les nobles comme étant digne de sa position en tant que gardien d’Ariel.

Sur ce, la question fut résolue et la paix prospéra autour d’Ariel… c’était du moins ce qu’il semblait. Aucune histoire n’avait jamais été terminée aussi facilement. À partir de ce jour-là, d’autres assassins avaient semblé réclamer la vie d’Ariel, l’attaquant les uns après les autres.

Chacun d’entre eux avait été vaincu par les mains compétentes de Fitz, mais ils ne s’étaient jamais arrêtés et aucun coupable n’avait jamais été identifié. La Guilde des chevaliers menait des enquêtes, mais quelqu’un faisait pression sur eux, laissant les cas non résolus.

Ariel était acculée mentalement et épuisée par le fait que, même si elle pouvait être relativement certaine de qui envoyait ces assassins, elle ne pouvait pas révéler son identité. En conséquence, Pilemon avait déterminé qu’il était trop risqué pour elle de rester et avait proposé un plan : elle devrait prétexter étudier à l’étranger afin de pouvoir quitter le pays. Mais ceci est une autre histoire.

◇ ◇ ◇

Le garde du corps Fitz avait perdu ses proches lors de l’incident du déplacement, ce qui perturba sa vie entière. Bien que ce ne fût pas de son plein gré, il se retrouva entraîné au plein milieu de la bataille politique sanglante du royaume d’Asura.

Cependant, il y avait une bonne chose. Le jour suivant la tentative d’assassinat d’Ariel, il avait cessé de faire des cauchemars, celui où il était envoyé dans les airs, luttant en vain jusqu’à ce qu’il s’écrase contre le sol. C’était peut-être sa seule consolation.

Il restait encore du temps dans notre histoire avant que le destin de ce jeune homme et celui de Rudeus Greyrat ne s’entremêlent.

***

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