Mushoku Tensei (LN) – Tome 3 – Chapitre 8 – Partie 1

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Chapitre 8 : L’auberge des aventuriers

Partie 1

Quand nous avions quitté la guilde, il commençait à faire nuit dehors. Le ciel était encore lumineux, mais les rues de Rikarisu semblaient étrangement sombres. Au bout d’une seconde, j’avais réalisé que c’était un effet secondaire de son emplacement, les hauts murs du cratère avaient jeté la ville dans l’ombre bien avant que le soleil ne se couche réellement. Il fera nuit noire en un rien de temps.

« Je suppose qu’on devrait trouver une auberge tout de suite. »

Éris me regarda d’un air perplexe.

« Ne peut-on pas camper à l’extérieur de la ville ? »

« Oh, allez. Autant passer une bonne nuit de sommeil dans un vrai lit quand on est en ville, non ? »

« Tu crois ? »

D’une façon ou d’une autre, Ruijerd ne semblait pas avoir d’opinion. Quand nous campions dehors, il s’occupait souvent tout seul de la garde de nuit, car il pouvait sentir s’il y avait des ennemis en approche même quand il était à moitié endormi. Je m’étais réveillé quelques fois au milieu de la nuit au son d’une explosion, pour me rendre compte que Ruijerd venait de découper un malheureux monstre. Ce n’était pas vraiment propice à un repos relaxant.

Quoi qu’il en soit, une auberge s’imposait. Dans un premier temps, j’étais affamé. Nous pourrions probablement acheter quelque chose en ville, mais il nous restait encore une tonne de viande séchée de l’autre jour. C’était probablement plus intelligent de terminer cela et de réduire nos dépenses pour l’instant, mais j’avais assez faim pour au moins avoir envie de m’asseoir quelque part et de me goinfrer en paix.

« Hé, Rudeus ! Regarde ça ! »

La voix d’Éris était pleine d’excitation. Curieux de savoir ce qu’elle avait vu, je levais les yeux pour constater que les parois intérieures du cratère avaient commencé à briller faiblement, la lumière semblait arriver à la seconde.

« C’est incroyable ! Je n’ai jamais rien vu de tel ! »

Au coucher du soleil, les murs du cratère illuminaient brillamment les bâtiments de pierre et d’argile de la ville. C’était comme si on était tombés dans un parc d’attractions éclairé.

« Wôw. C’est vraiment quelque chose, n’est-ce pas ? »

Bien sûr, j’avais passé ma vie antérieure dans un endroit qui ne s’était jamais complètement obscurci à aucun moment, donc je n’étais pas aussi impressionné qu’Éris. C’était tout de même un spectacle magique. Pourquoi les murs brillaient-ils comme ça ?

« Ah. Ce sont les systèmes d’éclairage. »

« Hm ? Tu sais quelque chose, Raiden ? »

« Raiden ? C’est qui, lui ? Hm. Y avait-il un Dieu de l’épée avec ce nom il y a quelques générations… ? »

Naturellement, la référence était totalement inconnue pour Ruijerd. Il n’y avait probablement pas une seule personne dans ce monde qui l’aurait compris. C’est un peu déprimant.

« Désolé. Je connaissais quelqu’un de ce nom, et il connaissait toutes sortes de choses bizarres, alors… C’était juste un lapsus. »

« Je vois. »

Ruijerd s’était penché vers moi et m’avait tapoté doucement la tête, comme un homme réconfortant un enfant qui se souvient d’un parent décédé.

Pour info, Raiden n’est pas le nom de mon père. Mon père s’appelle Pat ou Pablo ou quelque chose comme ça. Un père plutôt décent, un être humain plutôt merdique.

« Bref, c’est quoi ces trucs illuminateurs ? »

« C’est une variété de pierres magiques. »

« Comment ça marche ? »

« Ils absorbent la lumière pendant la journée, puis la libèrent comme ça une fois qu’il fait sombre. Ils brillent cependant moins de la moitié du temps que dure la journée. »

Il s’agissait donc essentiellement de lampes à énergie solaire ? Je n’avais rien vu de tel à Asura. Il était surprenant qu’ils n’eussent pas été utilisés à plus grande échelle, compte tenu de leur aspect pratique.

« Alors pourquoi les gens n’utilisent-ils pas ça partout ? »

« Pour la simple raison que ces pierres sont plutôt rares. »

« On dirait qu’ils en ont plein ici… »

Il avait fallu un grand nombre de ces choses pour éclairer une ville entière comme celle-ci, n’est-ce pas ?

« La Grande Impératrice Démoniaque les aurait fait venir ici au plus fort de son pouvoir. Tu vois ça là-bas ? »

Ruijerd désigna la forteresse brisée au centre de la ville, qui brillait légèrement à la lumière des pierres.

« C’était pour que son château brille dans la nuit. »

« Wôw. Ça semble un peu… excessif. »

Une image de l’Impératrice Démoniaque m’était venue spontanément à l’esprit. C’était Éris dans une tenue dominatrice, criant : « Plus de lumière ! J’ai besoin de plus de lumière, pour que le monde connaisse ma beauté ! »

« Personne n’essaie de les voler ? »

« J’ai entendu dire que c’est interdit, mais je ne connais pas les détails. »

C’est vrai. C’était aussi la première fois que Ruijerd venait à Rikarisu. Les pierres semblaient être placées assez haut sur les murs du cratère, alors c’était peut-être difficile de s’y rendre à moins de pouvoir voler.

« À l’époque, le projet a été largement condamné comme un gaspillage égoïste, mais je suppose qu’au final il s’est avéré utile. »

« Peut-être que l’Impératrice l’a fait pour le bien de ses citoyens. »

« J’en doute fortement. Cette femme était tristement célèbre pour sa décadence et sa complaisance. »

Ooh. J’aime le son de ces mots. Si cette dame est encore en vie quelque part, j’aimerais la rencontrer. On parle bien d’une succube sexy, là.

« Hé, parfois la vérité est plus étrange que la fiction, non ? »

« Est-ce une sorte de proverbe humain ? »

« Ouaip. Penses-y de cette façon. Les Superd n’ont pas une bonne réputation non plus, mais ce sont des gens bienveillants, n’est-ce pas ? »

Ruijerd me tapota affectueusement la tête. Je n’étais pas sûr de ce que je ressentais à l’idée d’être caressé comme ça à mon âge, mais… réfléchissons un peu, d’accord ? Oui, j’avais la quarantaine, mentalement parlant. Mais ce type avait 560 ans. Il suffit de couper un chiffre si c’est trop difficile de s’y faire. Maintenant, nous avons l’équivalent d’un enfant de quatre ans caressé par un enfant de cinquante-six ans. C’est agréable et réconfortant, non ?

« Hé, Rudeus ! Pourquoi n’irions-nous pas voir cet endroit ? », dit Éris, pointant du doigt le château en ruines, noir de jais, qui avait une mine sinistre dans le ciel nocturne.

« Pas ce soir, Éris. Trouvons une auberge. », lui avais-je répondu

« Oh, allez ! On peut juste jeter un petit coup d’œil ! »

Eh bien, maintenant je l’ai fait bouder. C’était assez charmant pour être assez tenté de lui faire plaisir, mais d’après ce que Ruijerd avait dit plus tôt, cette lumière n’allait pas durer éternellement. La dernière chose dont nous avions besoin était de nous retrouver plongés dans l’obscurité totale au moment où nous atteignions le château.

« Je me sens un peu épuisé ces derniers temps, Éris. Je préférerais aller dans une auberge. »

« Hein ? Tu vas bien ? »

Je ne mentais pas. C’est probablement dû au fait que je n’avais pas l’habitude de voyager, mais je me sentais un peu léthargique ces derniers jours. Je pouvais encore me déplacer très bien pendant un combat, donc ça n’avait pas encore été un problème majeur. Pourtant, il semblerait que je me fatigue plus vite que d’habitude. Peut-être que le stress m’atteignait.

« Je vais bien, Éris. Ce n’est rien de trop grave. »

« Vraiment ? Bon, d’accord… Je suppose que je vais devoir être patiente. »

C’est une phrase que je ne m’attendais pas à entendre de la part de Mlle Éris Boreas Greyrat. La fille avait vraiment fait beaucoup de chemin ces dernières années, pas vrai ?

◇ ◇ ◇

Nous nous étions installés dans un endroit appelé auberge Wolfclaw. Il y avait au total douze chambres et le tarif était de cinq pièces de monnaie en pierre par nuit. Le bâtiment lui-même avait connu des jours meilleurs, mais ils accueillaient ouvertement les aventuriers débutants, et le prix était certainement juste. Pour une pièce de monnaie en pierre supplémentaire, ils fournissaient les repas du matin et du soir, et si vous étiez un groupe d’aventuriers avec plus de deux personnes dans une seule chambre, ils renonçaient complètement à ces frais. Dans le cadre de cette stratégie favorable aux débutants, le taux était demeuré le même, peu importe le nombre de lits que vous aviez utilisés.

Leur hall d’entrée servait également de petite taverne, avec une poignée de tables et quelques tabourets. Lorsque nous fûmes entrés, l’une des tables était occupée par un groupe de trois jeunes aventuriers, ce qui ne me semblait pas surprenant.

Bien sûr le mot « jeune » était relatif ici. Ils étaient probablement plus vieux que moi, peut-être de l’âge d’Éris. C’était tous des garçons, et tous nous regardaient fixement sans essayer de le cacher.

« Qu’est-ce qu’on fait ? », dit Ruijerd en me jetant un coup d’œil. Il demandait probablement si nous allions faire un autre spectacle.

« Ne le faisons pas », répondis-je après un moment de réflexion.

« C’est ici qu’on dort, non ? Je préfère pouvoir me détendre ici. »

On ne savait pas combien de nuits nous allions passer dans cette auberge en particulier, mais ces garçons étaient encore des enfants selon les critères de Ruijerd. Si nous restions longtemps sous le même toit, ils apprendraient naturellement que c’était un homme de cœur.

« Nous sommes trois. On sera là au moins trois jours. »

« Oui, très bien. Voulez-vous les repas ou non ? »

L’aubergiste ici n’avait pas l’air d’être des plus amical.

« Ouais. Repas inclus, s’il vous plaît. »

J’avais donné assez de pièces pour couvrir nos trois premiers jours d’avance. La nourriture gratuite était vraiment un joli bonus. Il nous restait donc une pièce de fer, trois pièces de ferraille et deux pièces de pierre… l’équivalent de 132 pièces de pierre.

« Hey, es-tu aussi une aventurière débutante ? »

Pendant que j’écoutais l’aubergiste m’expliquer les règles, l’un des nouveaux arrivants se promenait et parla à Éris. C’était un enfant aux cheveux blancs avec une corne qui sortait de son front. Vous auriez probablement pu le classer parmi les « jolis garçons » si vous vous sentiez généreux.

Les deux autres… je suppose qu’ils n’étaient pas mal non plus. L’un d’eux était un homme musclé, d’allure robuste, avec quatre bras, et l’autre avait un bec à la place de la bouche et des plumes à l’endroit où ses cheveux devraient être. Ils étaient tous relativement beaux, bien que de différentes manières. Si l’homme à la corne était un Prettymon de type normal, l’homme au quatre bras était un Prettymon de type combattant, et l’homme oiseau était un Prettymon de type volant.

« En fait, nous sommes des aventuriers novices nous-même. Veux-tu venir manger avec nous ? »

Oh wôw. En fait, il la drague. Ce petit voyou était plutôt précoce, hein ? Dommage que sa voix tremblait. C’était adorable, en quelque sorte.

« On peut probablement te donner des conseils sur le choix des boulots et tout ça, vois-tu ? »

« … Hmph. »

Comme seule réponse à l’offre du garçon, Éris détourna son visage. Bien jouée, ma fille ! Mets un terme à ce petit flirt !

Elle ne peut même pas comprendre ce qu’il dit.

« Allez, juste un moment ? Ton petit frère là-bas peut venir aussi. »

« … »

Alors que je sentais que je devais intervenir, Éris jeta un coup d’œil abrupt dans la pièce et commença à s’éloigner du garçon. J’avais bien sûr reconnu la technique. C’était quelque chose qu’elle avait appris dans les leçons d’étiquette d’Edna… un geste fondamental de l’Art d’éviter les aristocrates ennuyeux ! Alors, comment le gamin allait réagir à ça ? À ce moment-là, un gentleman ferait passer le message et s’en irait gracieusement…

« Hé, ne m’ignore pas. »

L’homme à la corne n’était manifestement pas un gentleman. Clairement irrité, il avait tendu la main et attrapa le fond du capuchon d’Éris. Le gamin tira Éris en arrière, mais elle avait assez de force dans le bas du corps pour garder son équilibre. Comme on pouvait s’y attendre d’un aventurier, il semblait lui-même relativement fort.

Malheureusement, il y avait un morceau de tissu bon marché pris au milieu de cette lutte de pouvoir. Avec un horrible bruit de déchirure, le capuchon d’Éris céda.

« … Hein ? »

Éris baissa les yeux pour voir les dégâts. Il y avait de minuscules déchirures tout le long du bord inférieur du capuchon, là où les coutures s’étaient détachées.

Je crois que je l’ai entendue craquer.

« Qu’est-ce que tu crois faire !? »

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Un commentaire :

  1. Merci pour le chapitre.

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