Mushoku Tensei (LN) – Tome 3 – Chapitre 3 – Partie 2

***

Chapitre 3 : Le secret d’un maître

Partie 2

« Nous y voilà. »

La marche avait duré environ trois heures. Nous avions suivi un chemin long et sinueux avec une bonne partie de montée, donc ça avait pris pas mal de temps. Mais à vol d’oiseau, nous n’étions qu’à un kilomètre environ du point de départ.

J’étais étonnamment épuisé. Je me sentais léthargique depuis la veille au soir. Était-ce une sorte de séquelles de ce sort de téléportation ? Peut-être que j’avais juste besoin de travailler mon endurance… Ce n’était pas comme si je m’étais laissé aller à m’entraîner avec Ghislaine.

« Oh ! C’est une ville ! » s’exclama Éris, étudiant avec beaucoup d’intérêt le petit village devant nous.

La fille n’avait même pas l’air un peu essoufflée. J’étais un peu jaloux de son endurance.

À mes yeux, l’endroit où nous étions arrivés ressemblait plus à un village qu’à une ville. Il y avait peut-être dix ou quinze maisons tout au plus, et la clôture qui les entourait était grossière. J’avais aussi remarqué un petit champ à l’intérieur. Il était difficile de dire ce qu’ils cultivaient, mais d’après ce que j’avais vu, ce ne sera pas une récolte exceptionnelle.

Était-il même possible de cultiver une terre comme celle-ci sans qu’il y ait une rivière à proximité ?

« Halte ! »

Juste à l’extérieur de la porte d’entrée, nous avions été arrêtés par un garçon qui avait l’apparence d’un collégien. Ses cheveux bleus me rappelaient Roxy.

« Qui sont ces deux-là, Ruijerd !? »

Le gamin parlait dans la langue du Dieu Démon, mais je la comprenais assez bien. Ma compréhension auditive était apparemment à la hauteur.

« Tu te souviens de l’étoile filante d’hier soir ? C’était eux. »

« Je ne peux pas laisser entrer des étrangers aussi suspects dans notre village ! »

« Qu’est-ce qu’ils ont de si suspect ? Explique-toi. »

Le visage de Ruijerd était soudain sévère, sa voix menaçante. S’il m’avait parlé ainsi hier soir, j’aurais probablement couru vers les collines sans hésitation.

« Qu’est-ce qu’il y a à expliquer ? Regarde-les ! »

« Ce sont des victimes d’un désastre magique qui s’est produit à Asura. Ils se sont téléportés ici, c’est tout. »

« Mais… écoute, même si c’est vrai… »

« Qu’est-ce qui ne va pas chez toi ? Laisserais-tu vraiment ces enfants à leur sort ? »

À ce moment-là, j’avais remarqué que Ruijerd serrait les poings. Suivant mon instinct, j’avais tendu la main pour attraper son bras.

« Il ne fait que son travail, Ruijerd. S’il te plaît, calme-toi. »

« Quoi… ? »

« Se disputer avec un larbin ne nous mènera nulle part. Pourquoi ne pas lui demander d’aller chercher quelqu’un ayant une vraie autorité ? »

Le garçon s’était renfrogné devant le mot larbin, mais Ruijerd acquiesça d’un signe de tête.

« Tu marques un point. Rowin, peux-tu appeler l’aîné ? »

« Ouais. Je pensais juste que je pourrais faire ça en fait. »

Rowin ferma les yeux. Il devint ensuite silencieux pendant les dix secondes qui suivirent.

Euh… Qu’est-ce qui se passe ? Vas-tu bouger ou pas ? S’il vous plaît, ne me dites pas que ce gamin vient de s’endormir sur son lieu de travail… Hmm. Peut-être qu’il attend un beau baiser ?

« Euh, Ruijerd, est-il... »

« Les Migurd peuvent discuter avec d’autres de leur race, même à distance. »

« Oh. Maintenant que tu en parles, je crois que mon maître m’en a un peu parlé. »

Plus précisément, elle avait écrit dans son Dictionnaire des races démoniaque que les Migurd étaient capables de communiquer par télépathie avec leurs amis proches et les membres de leur famille. Elle avait également noté qu’elle ne possédait pas cette capacité et qu’elle avait quitté son village à cause de cela.

Pauvre fille.

Maintenant que j’y pense… si c’était un village migurd, peut-être qu’il serait utile de mentionner le nom de Roxy ? Mais je ne savais pas si elle était liée à cet endroit en particulier. Il y avait aussi la possibilité que cela se retourne complètement contre moi.

« L’aîné est en route », dit Rowin en ouvrant enfin les yeux.

« On pourrait le croiser à mi-chemin, si… »

« Tu ne feras pas un pas à l’intérieur de ce village ! »

« Très bien. »

Les négociations étant dans l’impasse, nous étions restés là un moment. Tandis que le silence gênant s’étendait, Éris me tira la manche et chuchota :

« Hé, qu’est-ce qui se passe ? »

Oh, c’est vrai. Elle ne comprend pas la langue du Dieu Démon.

« Le garde ici pense que nous sommes suspects, alors on attend que l’ancien du village vienne nous voir en personne. »

« Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? Qu’est-ce qu’il y a de si suspect chez nous ? »

En fronçant les sourcils, Éris baissa les yeux vers ses vêtements. Elle avait revêtu son habituelle tenue d’entraînement à l’épée pour notre voyage à l’extérieur de la ville. C’était un peu léger, mais cela ne m’avait pas paru bizarre comparé à ce que portait Ruijerd. Ce n’était pas comme si elle portait une robe à volants.

« Dois-je m’inquiéter ? »

« À propos de quoi ? »

« Je ne sais pas. Juste… de façon générale. »

« Tout ira bien, Éris. »

« Ah bon… merci. »

Aussi audacieuse que pût être Éris, la perspective d’une dispute à l’entrée du village la rendait clairement plus qu’angoissée. Ma tentative pour la rassurer semblerait avoir fonctionné.

« L’aîné semble être arrivé », murmura Ruijerd après un moment.

J’avais regardé dans le village et j’avais vu un homme chauve avec une canne qui avait l’air étrangement jeune. Il marchait vers nous avec deux filles qui ressemblaient à des adolescentes. Aucune d’entre elles n’était particulièrement grande. Peut-être que les Migurd restaient à cette taille, même quand ils étaient adultes.

Il n’en avait pas été question dans le dictionnaire de Maître Roxy… mais la fille qu’elle avait dessinée pour illustrer l’entrée ressemblait à une lycéenne. À ce moment-là, j’avais supposé qu’il s’agissait d’un autoportrait, ce qui était quelque peu charmant, mais peut-être qu’elle ne faisait que représenter un Migurd adulte typique.

Pendant que je réfléchissais à la question, l’aîné du village commença à s’entretenir avec Rowin un peu à l’écart de notre groupe.

« Ce sont donc les enfants en question ? »

« Oui. L’un d’eux peut parler la langue de Dieu-Démon. C’est très étrange. »

« N’importe qui pourrait sûrement apprendre la langue s’il l’étudiait. »

« De toute façon, pourquoi un si jeune enfant humain étudierait-il notre langue !? »

Je devais admettre que Rowin avait parfaitement raison sur ce point. Heureusement, l’ancien du village lui tapota doucement sur l’épaule.

« Ne nous précipitons pas trop, Rowin. Essaie de te calmer, d’accord ? Je vais leur parler. »

Cela dit, le petit homme commença à marcher lentement vers nous. Faute d’une meilleure idée, je m’inclinai devant lui, une simple salutation japonaise, plutôt que l’une de ces salutations fantaisistes favorisées par la noblesse d’Asura.

« Enchanté, monsieur. Je m’appelle Rudeus Greyrat. »

« Eh bien, tu es certainement quelqu’un de poli. Je m’appelle Rokkus, je suis l’ancien du village. »

J’avais jeté un coup d’œil sur Éris, essayant de l’inciter à suivre mon exemple. Apparemment confuse par le contraste entre l’apparente jeunesse de l’homme et sa prestance digne, elle croisa et décroisa les bras. On aurait dit qu’elle était en train de se demander si elle devait prendre sa pose de défi.

« Tu devrais te présenter, Éris. »

« Mais… euh, je ne connais pas la langue. »

« Fais-le comme tu l’as appris. Je vais lui transmettre ce que tu dis. »

« C’est un plaisir de faire votre connaissance, monsieur. Je m’appelle Éris Boreas Greyrat. »

Après un moment d’hésitation, Éris offrit une révérence comme elle l’avait pratiquée dans ses leçons d’étiquette. Un sourire était apparu sur le visage de l’ancien du village.

« Est-ce que la petite dame vient de se présenter aussi, fiston ? »

« Oui. C’est comme ça qu’on fait dans notre pays. »

« Hmm. Cela ne ressemblait pas vraiment au tien. »

« Eh bien, les usages sont différents pour les hommes et les femmes… »

Rokkus acquiesça de la tête, puis s’inclina devant Éris de la même façon que je m’étais incliné devant lui.

« Je m’appelle Rokkus. Je suis l’ancien de ce village. »

Un peu effrayée, Éris me jeta un regard incertain.

« Qu’est-ce qu’il vient de dire, Rudeus ? »

« C’est l’ancien de ce village, et il s’appelle Rokkus. »

« Oh. Vraiment ? Donc je suppose qu’il t’a compris. C’est bien. »

Éris sourit, elle était visiblement soulagée.

Cela avait probablement couvert les formalités initiatives. Il était temps de passer aux choses sérieuses.

« Nous autoriseriez-vous à entrer dans votre village, Rokkus ? »

Plutôt que de répondre aussitôt à ma question, le petit homme commença à m’étudier attentivement de la tête aux pieds.

Quel regard passionné ! Arrête… tu me donnes envie de faire un strip-tease…

Après un long moment, ses yeux s’arrêtèrent, fixés sur ma poitrine supérieure.

« Où as-tu eu ce pendentif, jeune homme ? »

« C’était un cadeau de mon maître. »

« Et qui était ton maître, si je peux me permettre ? »

« Elle s’appelle Roxy. »

Répondre honnêtement me semblait être la voie à suivre. Au bout du compte, j’étais fier d’avoir étudié avec elle.

« Que viens-tu de dire !? », cria Rowin.

Avant que j’aie pu répondre, il se précipita juste après Rokkus pour me prendre par les épaules.

« Viens-tu de dire Roxy, mon garçon !? »

« Oui. C’est le nom de mon maître… »

Du coin de l’œil, je vis Ruijerd transformer ses mains en poings. En tournant la tête pour rencontrer son regard, je secouai légèrement la tête. Il n’y avait pas de colère sur le visage de Rowin, seulement de l’excitation anxieuse. Il n’allait pas me faire de mal.

« Où se trouve Roxy maintenant !? »

« Je ne l’ai pas vue depuis longtemps, mais… »

« S’il te plaît ! Dis-moi tout ce que tu sais ! Roxy… Roxy est ma fille ! »

Désolé, peux-tu répéter ?

« Je ne suis pas sûr d’avoir bien entendu. Pourrais-tu répéter ? »

« Roxy est ma fille ! Dis-moi, est-elle toujours en vie !? »

Pardon, monsieur ? Non, je crois que je t’ai bien entendu la première fois. Je suis juste un peu curieux concernant ton âge. Il n’avait même pas l’air assez vieux pour pouvoir aller au lycée. Si tu m’avais dit que c’était le petit frère de Roxy, je t’aurais cru. Mais apparemment… hmm. Ouais. Intéressant.

« S’il te plaît, dis-le-moi ! Cela fait plus de vingt ans qu’elle a quitté ce village, et nous n’avons plus eu de nouvelles d’elle depuis ! »

Donc Roxy s’était en fait enfuie de chez elle. Ce n’était pas comme si elle m’en avait parlé, bien sûr. Honnêtement, maître, devais-tu être si secrète ?

Attendez. Il y a plus de vingt ans ? Euh… Quel âge ça lui donnerait ?

« Eh bien ? Pourquoi ne dis-tu rien !? »

Oups. Désolé pour ça, mon pote.

« Pour l’instant, elle est… »

Au milieu de ma phrase, j’avais réalisé que l’homme avait encore une emprise mortelle sur mes épaules. On aurait dit qu’il essayait de me soutirer l’information, non ? Ce n’était pas bon. Je ne voulais pas que quelqu’un pense que j’avais lâché sous la pression… pas aussi facilement, du moins. Je voulais dire, s’il avait détruit mon ordinateur, m’avait tabassé, puis m’avait couvert d’insulte, ce serait une autre histoire. J’avais besoin de me défendre un peu ici. Sinon, cela pourrait rendre Éris anxieuse.

« En fait, je veux que tu répondes d’abord à une question pour moi. Quel âge a Roxy en ce moment ? »

« Quoi ? Pourquoi son âge importe-t-il ? Peux-tu juste… ? »

« C’est très important. Oh, et pendant que tu y es, j’aimerais aussi savoir quelle est l’espérance de vie d’un Migurd »

Ouais. C’était définitivement quelque chose que j’avais besoin d’éclaircir.

« Euh… bien. Je suppose que Roxy aura 44 ans cette année. Et nous vivons environ 200 ans, pour la plupart. À moins qu’une maladie ne nous tue d’abord. »

Hein ! On a le même âge ! Cela m’a rendu en fait un peu heureux.

« Ce n’est pas bien de dire ça. Hmm. Au fait, ça te dérangerait-il de me lâcher ? »

Rowin avait finalement relâché son emprise sur mes épaules.

D’accord. Maintenant, on peut parler.

« Il y a six mois, Roxy était dans le royaume de Shirone. Je n’étais pas là en personne, mais on a échangé des lettres pendant un moment. »

« Des lettres ? Peut-elle écrire dans la langue humaine ? »

« Oui. Elle connaissait parfaitement notre langue quand je l’ai rencontrée. C’était il y a sept ans. »

« Vraiment ? En tout cas… tu dis qu’elle va bien ? »

« Eh bien, il y a toujours une chance qu’elle soit tombée malade récemment. Mais pour autant que je sache, elle est en parfaite santé. »

Rowin tomba à genoux. Il y avait un soulagement non déguisé sur son visage, et des larmes brillaient dans ses yeux.

« Je vois… Donc elle va bien. Elle est très bien ! Haha… Dieu merci… »

Je suis content pour toi, papa. Je m’étais retrouvé à penser à Paul, me demandant s’il pourrait réagir de la même façon quand il apprendra que j’étais en sécurité. Il faudrait que j’envoie une lettre au village Buena dès que possible.

En me détournant du père pleureur de Roxy, je m’étais adressé à Rokkus à nouveau.

« Maintenant qu’on a éclairci ça… serais-tu prêt à nous laisser entrer ? »

« Bien sûr. On n’empêchera pas l’entrée de quelqu’un qui nous a apporté de si bonnes nouvelles. »

Heureusement que j’avais ce pendentif. Je n’aurais jamais pensé que ce serait si pratique.

J’aurais probablement pu gagner du temps en le leur montrant tout de suite. Mais encore une fois, selon la façon dont la conversation s’était déroulée, ils auraient peut-être eu l’impression que j’avais tué Roxy et que je l’avais volée. Les démons avaient apparemment une longue durée de vie, et il n’était probablement pas rare qu’ils aient l’air beaucoup plus jeunes ou plus vieux qu’ils ne l’étaient réellement. En d’autres termes, mon apparence ne me protégerait pas nécessairement des soupçons. Je devais faire de mon mieux pour être puéril.

Pour l’instant, au moins, nous avions réussi à entrer dans le village des Migurd.

***

Si vous avez trouvé une faute d’orthographe, informez-nous en sélectionnant le texte en question et en appuyant sur Ctrl + Entrée s’il vous plaît. Il est conseillé de se connecter sur un compte avant de le faire.

Un commentaire :

  1. Merci pour le chapitre.

Laisser un commentaire