Mushoku Tensei (LN) – Tome 3 – Chapitre 2 – Partie 2

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Chapitre 2 : Les Superds

Partie 2

Étant donné son approche agressive de la vie, il y avait un risque réel qu’Éris s’en prenne à Ruijerd dès qu’elle l’aurait vu. Nous avions besoin d’avoir une petite conversation pendant que nous en avions l’occasion. Espérons que cela empêchera que les choses ne deviennent trop hostiles plus tard.

« Pardonnez-moi. Je vais me rapprocher un peu plus. »

Je jetais un coup d’œil à Éris afin de m’assurer qu’elle ne se réveillerait pas encore. J’avais fait le tour du feu et je m’étais installé à côté de Ruijerd. De près, je voyais ses vêtements dans la lumière faible et vacillante. Son gilet et son pantalon brodés ressemblaient à une sorte de vêtement tribal, le genre de chose qu’un autochtone aurait pu porter.

Ruijerd semblait plus mal à l’aise qu’autre chose. Mais honnêtement, c’était beaucoup moins déconcertant que la gentillesse insistante de l’Homme-Dieu.

« Ce n’est pas pour changer de sujet, mais où sommes-nous actuellement ? », avais-je dit.

« Dans la région de Biegoya, au nord-est du continent des démons. Nous ne sommes pas loin du vieux château de Kishirisu. »

« Oh. Je vois… »

J’avais déjà vu le château de Kishirisu sur une carte. C’était très, très loin d’Asura.

« Je me demande, pourquoi avons-nous atterri jusqu’ici ? »

« Si vous ne le savez pas, je ne le saurais certainement pas. »

« Oui, je suppose qu’on ne le sait pas. »

Je savais bien que des choses étranges pourraient arriver quand on se trouvait dans un monde avec des dragons et de la magie, mais…

Notre rencontre avec un personnage aussi important que le lieutenant de Perugius juste avant que cela n’arrive n’était sûrement pas une coïncidence. D’ailleurs, il se pourrait que l’Homme-Dieu ait aussi joué un rôle dans les choses. Si nous avions été pris dans cette situation par pure coïncidence, c’était un miracle que nous soyons encore en vie.

« En tout cas, je vous suis très reconnaissant de nous avoir aidés. »

« Il n’y a pas besoin de gratitude. Dites-moi juste d’où vous venez. »

« Nous sommes du royaume d’Asura sur le continent central. De la ville de Roa dans la région de Fittoa en particulier. »

« Asura… ? C’est effectivement un pays lointain. »

« C’est certainement le cas. »

« Mais ne vous inquiétez pas. Je vous ramènerai là-bas sain et sauf. »

Le nord-est du continent des démons se trouvait de l’autre côté de la carte par rapport à Asura. De loin, c’était comparable à un voyage entre Paris et Las Vegas. Et dans ce monde, bien sûr, on ne pouvait pas sauter dans un avion. Même les voyages par mer n’étaient possibles que sur des itinéraires spécifiques, de sorte que tout voyage intercontinental nécessitait de longs détours par voie terrestre.

« Avez-vous la moindre idée de ce qui a pu se passer, mon garçon ? »

« Eh bien, euh… le ciel s’est mis à briller tout à coup, puis quelqu’un qui se faisait appeler Almanfi le Lumineux s’est pointé et nous a dit qu’il allait venir pour arrêter une sorte d’anomalie. Nous étions encore en train de lui parler quand cette vague de lumière blanche et brillante nous a frappés. Et je me suis réveillé ici. »

« Almanfi... ? Alors, Perugius est impliqué ? La situation devait alors être vraiment grave. Vous avez de la chance d’avoir été simplement téléporté. »

« C’est assez vrai. Si ça avait été une sorte d’explosion, nous serions morts tous les deux. »

J’avais remarqué que Ruijerd n’avait pas eu l’air très surpris par cette histoire avec Perugius. Ce n’était peut-être pas si inhabituel pour notre héros légendaire de se montrer de temps en temps.

« Au fait, Ruijerd… avez-vous déjà entendu parler d’un Dieu-Homme ? »

« Dieu-Homme ? Ça ne me dit rien. Est-ce le nom de quelqu’un ? »

« Peu importe. Ce n’est pas vraiment important. »

Je n’avais pas l’impression qu’il me mentait et je ne pouvais pas imaginer pourquoi il en ressentirait le besoin.

« Quoi qu’il en soit… le royaume d’Asura ? »

« Ce n’est pas grave, je ne vous demanderais pas de nous emmener jusque-là. Si vous pouviez nous escorter jusqu’à la ville la plus proche, je pense que nous… »

« Non. Un guerrier superd ne revient jamais sur sa parole. »

Les paroles de Ruijerd étaient fermes, sa voix était pleine d’un orgueil obstiné. C’était suffisant pour me donner envie de lui faire confiance, même en mettant de côté les conseils de l’Homme-Dieu.

Pour l’instant, cependant, j’avais besoin de rester sceptique.

« Mais nous parlons d’un voyage à l’autre bout du monde. »

« Ne vous inquiétez pas pour ça, mon enfant. »

Sur ce, l’homme me tendit la main et me tapota timidement la tête. J’avais vu du soulagement sur son visage quand je n’avais pas rejeté sa main.

Ce type aimait peut-être juste les enfants ? Pourtant, on ne parlait pas d’une promenade de dix minutes pour rentrer chez nous. Je ne pouvais pas vraiment prendre ses promesses au pied de la lettre en ce moment…

« Pensez-y comme ça. Connaissez-vous la langue d’ici ? Avez-vous de l’argent ? Connaissez-vous les routes ? »

Oh. Huh. Je n’y avais même pas pensé jusqu’à maintenant, mais… J’avais parlé dans la langue humaine tout ce temps, et cet homme-démon répondait couramment. Intéressant.

« En fait, je peux parler la langue du Dieu-Démon. Et je suis un magicien compétent, donc je peux gagner de l’argent par moi-même. Si vous nous emmenez en ville, je saurai où nous devons aller. »

Si possible, je voulais orienter cette conversation vers un refus poli. Ruijerd lui-même était peut-être digne de confiance, mais je n’aimais pas l’idée que les choses se déroulaient exactement comme le Dieu-Homme le voulait.

Si mes paroles prudentes l’avaient blessé, l’homme ne l’avait pas laissé paraître.

« Je vois. Permettez-moi au moins de vous protéger. Abandonner de si jeunes enfants entacherait l’honneur d’un Superd. »

« Eh bien, je ne voudrais pas déshonorer un peuple si fier. »

« Ne t’inquiéte pas. On s’en est déjà occupé nous-mêmes. »

Je gloussai un peu, et les lèvres de Ruijerd se courbèrent légèrement vers le haut. Contrairement au sourire creux et dérangeant de l’Homme-Dieu, il y avait une véritable chaleur derrière son sourire.

« En tout cas, je vous emmènerai au village où je réside demain matin. »

« D’accord. »

Je ne voulais pas faire confiance à ce soi-disant dieu, mais on n’avait pas trop le choix, mais cet homme était différent. Ça ne pouvait pas faire de mal de lui donner une chance. Jusqu’à ce que nous atteignions au moins ce village.

◇ ◇ ◇

Peu de temps après, les yeux d’Éris s’ouvrirent.

Assise à la verticale, elle regarda autour d’elle, son expression devenant de plus en plus anxieuse. Au bout d’un moment, ses yeux rencontrèrent les miens, et je vis un soulagement sur son visage.

Un instant plus tard, elle remarqua l’homme assis à côté de moi.

« Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah !! »

Hurlant comme une banshee, Éris tomba en arrière, puis essaya de se lever et de courir. Mais ses jambes lâchèrent et elle s’effondra au sol.

« Noooooooooooooooon ! »

La fille était dans un état de panique totale et aveugle. Mais elle ne se débattait pas violemment et n’essayait même pas de s’enfuir en rampant. Elle était allongée là où elle était tombée, tremblante de peur, gémissant du fond de ses poumons.

« Non ! Non, non, non ! S’il vous plaît, s’il vous plaît, non ! Ghislaine ! Ghislaine, aide-moi ! Ghislaine ! Pourquoi ne viens-tu pas !? Noooooon ! Je ne veux pas mourir ! Je ne veux pas mourir ! Je suis désolée ! Je suis désolée ! Je suis désolé, Rudeus ! Je suis désolée de t’avoir repoussé ! Je suis tellement lâche ! Maintenant, je n’arriverai jamais à… tenir ma promesse ! Aaah… ah… Waaaaaaaaah ! »

Après avoir continué pendant un bon moment, la fille s’était finalement mise à pleurer de façon incohérente. La regarder m’envoya un frisson dans le dos. Je n’arrivais pas à croire à quel point elle était terrifiée…

Quoi que vous puissiez dire d’elle, Éris était une fille volontaire et confiante. Pour elle, le monde lui appartenait. Elle essayait toujours de franchir tous les obstacles sur son chemin. En règle générale, la fille donnait d’abord des coups de poing et parlait ensuite.

Avais-je… peut-être eu une mauvaise idée ici ? Rencontrer un Superd était-il littéralement une question de vie ou de mort ?

Un peu troublé, j’avais jeté un coup d’œil à Ruijerd.

« C’est une réaction plus typique », dit-il.

Tu n’es pas sérieux.

« C’est donc moi qui me comporte bizarrement ici ? »

« Oui, vous agissez bizarrement. Cependant… »

« Cependant ? »

« Je ne peux pas dire que ça me dérange. »

Le visage de l’homme était une image de solitude. J’avais ressenti une véritable sympathie.

Je m’étais levé et j’avais marché jusqu’à mon élève qui se recroquevillait. Éris tremblait de peur alors que mes pas se rapprochaient. Je m’étais accroupi à côté d’elle et j’avais commencé à lui frotter doucement le dos. Cela me rappela des souvenirs de ma vie différente, d’une époque où ma grand-mère m’avait réconforté exactement de la même façon.

« Allez, c’est bon. Il n’y a pas de quoi avoir peur. »

« Hic… Bien sûr que si ! Cet homme est un Superd ! »

Honnêtement, je ne comprenais toujours pas pourquoi elle était si terrifiée. Je veux dire, c’était Éris, la fille qui attaquait sans crainte Ghislaine, une épéiste de rang Roi. Je pensais qu’elle n’avait peur de rien.

« Qu’est-ce qu’il a de si effrayant ? »

« C’est un Superd, idiot ! Ils… Ils mangent des enfants ! Tant qu’ils sont encore en vie ! Hic. »

« Hm. Je ne pense pas que ce soit vrai. »

Je m’étais tourné vers Ruijerd pour obtenir une confirmation, et il acquiesça de la tête.

« Non, on ne mange pas d’enfants. »

Ouais, je le pensais également.

« Tu entends ça, Éris ? »

« Mais… Mais ce sont des démons ! Des démons ! »

« Oui, c’est vrai. Mais heureusement, il parle très bien la langue des humains. »

« Écoute, ce n’est pas le problème, OK !? »

Éris leva la tête, puis me regarda avec des yeux enflammés.

C’est beaucoup mieux. Voilà l’Éris que nous connaissons et aimons.

« Hmm, es-tu sûre de vouloir faire une tête comme ça ? Peut-être qu’il ne te mangera pas si tu restes recroquevillée sur le sol. »

« Argh ! Arrête de te moquer de moi ! »

Éris, clairement exaspérée par mes taquineries, me lança un autre regard noir, puis tourna la tête pour faire de même avec Ruijerd… À ce moment, elle se remit à trembler.

Était-ce de vraies larmes dans ses yeux ? Heureusement qu’elle ne se tenait pas debout, les jambes écartées, comme d’habitude. Ses genoux seraient probablement en train de trembler comme des fous.

« Enchan… enchantée de vous rencontrer, monsieur. Je suis… E-Éris B-Bo-Boreas… Greyrat ! »

Malgré tout, la jeune fille avait quand même réussi à bégayer un salut poli. C’était un peu comique, surtout après qu’elle lui ait jeté un regard noir. À bien y penser, cependant, prendre l’initiative de se présenter n’a jamais été une mauvaise idée quand vous parliez à un étranger. Quelqu’un m’avait appris ça il y a longtemps.

« Éris Boboboreas Greyrat, c’est ça ? Il semblerait que vous, les humains, vous vous donnez des noms étranges ces derniers temps. »

« Non, non ! C’est Éris Boreas Greyrat ! J’ai bégayé un peu, c’est tout ! Et si vous vous présentiez, hein ? »

Un instant après qu’elle eut fini de lui crier dessus, le visage d’Éris devint un peu pâle. On aurait dit qu’elle avait oublié à qui elle parlait pendant une seconde.

« Bien sûr. Toutes mes excuses. Je suis Ruijerd Superdia. »

Alors que Ruijerd répondit calmement, une expression de soulagement se répandit sur le visage d’Éris, puis céda rapidement la place à un sourire confiant et insolent. Il semblerait qu’elle avait décidé rétroactivement qu’elle n’avait pas du tout peur de lui.

« Tu vois ? Il n’est pas si mal. Tu peux te faire des amis avec n’importe qui, tant que tu peux communiquer avec eux. »

« Oui ! Tu as raison, Rudeus. Honnêtement, maman est une menteuse idiote ! »

Hilda lui avait parlé des Superds ? J’étais un peu curieux des histoires qu’on lui avait racontées. Elles avaient dû être affreuses.

La réaction d’Éris était relativement compréhensible. J’aurais probablement paniqué plus qu’un peu si j’avais rencontré un Teke ou un Namahage dans la vraie vie.

« Qu’est-ce que Mlle Hilda t’a dit sur les Superds ? »

« Elle disait toujours qu’ils viendraient me manger si je n’allais pas au lit à l’heure. »

C’était le croque-mitaine classique de ce monde, hein ? Un peu comme le Putaway Man au Japon.

« Eh bien, ce Superd ne trouve aucun intérêt à nous manger. On pourrait se vanter de s’être liés d’amitié avec lui une fois rentrés à la maison, non ? »

« Oh. Penses-tu que grand-père et Ghislaine seraient impressionnés… ? »

« Bien sûr. »

J’avais jeté un coup d’œil à Ruijerd. Son visage montrait qu’il était légèrement surpris. Pour l’instant, tout se passe bien.

« Tu sais, je pense que Ruijerd est un peu solitaire. Il accepterait probablement d’être ton ami tout de suite si tu lui demandais. »

« M-Mais… »

J’avais l’impression que j’allais mettre les choses en termes assez enfantins, mais Éris avait l’air un peu hésitante. En y repensant, elle n’avait pas vraiment d’« amis » elle-même, pas vrai ? J’étais probablement un peu en dehors de cette catégorie pour elle…

Pas étonnant qu’elle se sente timide. La fille avait juste besoin d’un petit coup de pouce.

« N’est-ce pas, Ruijerd ? »

« Hein ? Euh, bien sûr. J’apprécierais beaucoup, Éris. »

L’homme avait mis un moment à réagir, mais il avait fini par suivre son exemple.

« Eh bien, si tu insistes ! Je suppose que je serai ton ami ! »

La vue de Ruijerd inclinant la tête devant elle était suffisante pour percer les dernières défenses d’Éris. Tout était si simple avec elle. Je me sentais ridicule d’avoir trop réfléchi. Mais je supposais que quelqu’un devait compenser son impulsivité.

« Ouf. Très bien. Je crois que je vais me reposer un peu plus, si ça ne vous dérange pas. »

« Qu’est-ce que c’est que ce bordel, Rudeus ? Vas-tu déjà dormir ? »

« Oui. Je suis fatigué, Éris. Très fatigué. »

« Vraiment ? Eh bien, c’est dommage. Bonne nuit alors. »

Je m’étais recroquevillé sur le sol, et Éris avait doucement drapé la cape sous laquelle elle était allongée sur moi. Elle appartenait probablement à Ruijerd. Pour une raison quelconque, j’étais vraiment épuisé.

Alors que je commençais à m’endormir, j’avais attrapé quelques bribes de conversation venant de la direction du feu de bois.

« Tu n’as plus peur de moi, jeune fille ? »

« Je vais bien. J’ai Rudeus avec moi. »

C’est vrai. Je devais au moins ramener Éris saine et sauve à la maison. Quoi qu’il arrive.

Avec cette dernière pensée, je m’étais laissé plonger dans le sommeil.

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2 commentaires :

  1. Merci pour le chapitre.

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