Chapitre 13 : Échec, chaos et résolution
Partie 2
Nokopara commença par dresser une liste des tâches que la Dead End avait accomplies à partir des livres d’enregistrement de la guilde. La réceptionniste ne lui avait pas demandé pourquoi il voulait cette information, ce n’était probablement pas la première fois qu’il la demandait. Apparemment, nous utiliserions ces informations pour rendre quelques visites à nos anciens clients.
« Oh, et ne vous faites pas d’idées bizarres comme m’attaquer dans une ruelle », dit Nokopara, ses yeux se déplaçant de Ruijerd à Jalil.
J’avais l’impression que la rage sur le visage de Ruijerd était assez évidente, mais l’homme cheval ne semblait pas trop intimidé. Peut-être qu’il avait l’habitude d’être dévisagé par des hommes qui le voulaient mort.
« Si je meurs, mes potes iront directement à la guilde pour vous dénoncer. Oh, et contrairement à vous, les faux rangs C, j’en suis un vrai. Je pourrais atteindre le rang B quand j’en ai envie. »
Vous pouviez supposer que la dernière partie n’était qu’un bluff. Même Nokopara ne croyait sûrement pas qu’il pouvait nous vaincre à un contre cinq. Il nous mettait au pied du mur, oui, mais ça ne voulait pas dire qu’il voulait mourir.
Pourtant, cela semblait un peu négligent de sa part. J’aurais emmené au moins un garde du corps si j’étais à sa place.
« Okay, nous y voilà. »
Le premier endroit où nous étions arrivés était une maison ordinaire, mais peu familière.
Quand Nokopara frappa à la porte d’entrée, une vieille dame grincheuse apparut. Elle avait un bec en forme d’aigle sur le visage et portait une robe noire unie.
Une odeur sucrée s’échappait de l’intérieur même de la maison. Sans doute l’avons-nous interrompue en plein milieu d’un fouettage de Nerunerunerune…
La vieille dame nous regarda avec méfiance au début, mais dès qu’elle remarqua Vizquel, son visage s’était illuminé.
« Eh bien ! Si ce n’est pas Vizquel ! Qu’est-ce que c’est que tout ça, ma chère ? Tu m’as amené beaucoup de monde aujourd’hui. Oh, ce sont les autres membres de la Dead End, Ruijerd ? »
Nokopara regarda nos visages effrayés, puis regarda la vieille dame, qui ne reconnaissait clairement que Vizquel. Il lâcha un grognement amusé, un sourire désagréable se répandant sur son visage.
« Désolé, madame, mais ce n’est pas la Dead End. Vous vous êtes fait arnaquer. »
« Quoi ? »
Jetant un coup d’œil à Nokopara, la vieille dame grogna avec dédain.
« Comment ai-je donc bien pu me faire arnaquer ? Hein ? »
« Eh bien, ils… »
« Vizquel a très bien débarrassé ces insectes. On ne peut pas battre une Zumeba pour ce genre de travail, n’est-ce pas ? Je n’en ai pas revu un seul depuis. »
D’après ce que j’avais entendu, Vizquel avait dû faire face à une infestation d’insectes ici. Maintenant que j’y pense… cette vieille femme correspondait à ce que nous savions de l’un des clients pour lesquels Ruijerd l’avait vue travailler.
« Tant que tu fais le travail vite et bien, je m’en fous qu’il soit vraiment la Dead End! »
Nokopara n’était pas le seul à être surpris par ce commentaire. Les yeux de Ruijerd s’élargirent aussi.
« Écoutez, madame… »
« Je suis une vieille femme. Je n’ai plus beaucoup de temps de toute façon. Si j’avais la chance de rencontrer à la fin un vrai Superd, je le prendrais chaque fois. »
Les yeux de Nokopara devinrent incertains pendant un moment, mais il se tourna avec force vers Vizquel avec un air renfrogné.
« Vizquel ! Montre ta carte d’aventurier ! »
Vizquel feignit la surprise, mais un petit sourire s’était répandu sur son visage. Elle sortit sa carte et la montra à tout le monde. La dernière ligne, bien sûr, se lisait maintenant comme suit :
« Groupe : Dead End. »
« Qu’est-ce que c’est que ce bordel ! Vous vous foutez de moi !? »
À ce stade, P Hunter n’existait plus. Un examen des dossiers de la guilde aurait probablement révélé pourquoi. Et avec un peu plus de travail, des preuves de notre non-respect des règles pourraient aussi avoir émergé. Mais au moins pour l’instant, Nokopara n’y avait pas pensé.
« Au diable tout ça ! On va au prochain ! »
Avec un petit sourire sur mon visage, je l’avais suivi alors qu’il se dirigeait vers la prochaine adresse sur sa liste.
◇ ◇ ◇
Au moment où nous avions rendu visite à plusieurs dizaines d’anciens clients, le visage de Nokopara était passé du rouge au bleu.
« Merde ! Qu’est-ce qui se passe ici !? »
Tous ceux à qui nous avions parlé avaient l’impression que Jalil et Vizquel étaient membres de la Dead End depuis le début. Leurs cartes d’aventuriers avaient même confirmé cette histoire.
Il y avait même eu un moment de bien-être vers la fin quand nous étions arrivés à la fille qui avait été notre toute première cliente. Elle avait gémi de joie et serra la jambe de Ruijerd dans ses bras.
« Je suis désolé, Nokopara, mais je ne pense pas qu’on puisse te payer si tu ne peux produire aucune preuve. »
« Nom de Dieu… »
Oublie ta paye, je le dénoncerai peut-être à la guilde. Je pourrais toujours l’accuser de nous « empêcher » de finir notre travail ou quelque chose comme ça.
« Heheheheh... »
Alors que je ricanais mal à moi-même, la dernière destination sur la liste de Nokopara était clairement visible
C’était… apparemment l’auberge Wolfclaw. Il semblerait que Jalil avait pris un petit boulot dans l’endroit où nous étions logés. Il serait peut-être plus difficile de bluffer si nous devions traiter avec quelqu’un qui nous connaissait vraiment, mais j’avais l’impression que nous avions à peine parlé avec l’aubergiste. On se débrouillerait sans doute d’une façon ou d’une autre.
« Ici. Ce sont les derniers. »
Deux personnes étaient sorties de la porte d’entrée de l’auberge Wolfclaw. Je m’étais figé en les voyant.
Ce n’était pas bon. Il y avait une quinzaine de sonnettes d’alarme différentes dans ma tête : Urgence. Urgence. Alerte rouge. Raid aérien en approche ! Éventualité imprévue ! Trop tard, j’avais compris à quel point j’avais été stupide et irréfléchi.
« Oh, Rudeus. Tu es de retour. C’est bon de te voir, mec… C’est quoi tous ces gens ? »
Nous étions face à face avec les membres survivants des Caïds du village Tokurabu. Il y avait un profond épuisement sur le visage de Kurt, mais il nous avait quand même salués d’un ton amical.
« Salut, petit. Tu te souviens de qui t’a sauvé dans la forêt pétrifiée ? C’était un individu de la Dead End, n’est-ce pas ? »
Ah, merde.
Je ne savais pas si Nokopara avait compris ma panique, ou s’il avait prévu de poser cette question dès le début. Mais de toute façon, il nous avait maintenant.
Le rang actuel du groupe la Dead End était D. La tâche que P Hunter avait acceptée était classée B. En d’autres termes, nous n’aurions pas pu accepter ce poste. Notre histoire était sur le point de s’effondrer.
« Quoi… ? »
Kurt nous avait regardés. J’avais secoué la tête frénétiquement, essayant de lui dire de se taire.
Allez ! Tu es un enfant fier ! Personne ne t’a aidé ! Tu as traversé ce bordel tout seul, pas vrai ?
Si au moins le gamin insistait pour dire qu’il n’avait aucune idée de ce dont parlait Nokopara, nous avions encore une chance. J’avais dû prier pour que son orgueil têtu nous vienne en aide.
Devant mon regard désespéré, Kurt acquiesça d’un signe de tête décisif.
« Bien sûr que ça l’était ! Je n’ai jamais vu quelqu’un d’aussi fort que ces types ! »
Oh mon Dieu. Quel honnête garçon !
Il avait ensuite expliqué à quel point nous étions vraiment forts, décrivant la défaite de l’exécuteur et des anacondas-amande dans un style vigoureux qui comportait des tonnes d’effets sonores.
« Sérieusement, Rudeus est complètement fou! Cet exécuteur est effrayant, sans doute, mais il ne faut jamais devenir les ennemis de la Dead End! C’était un combat en face à face, non? Exécuteur contre Rudeus! Comment penses-tu que cela s’est passé? Boom! Splat! C’était fini d’un coup, mec! Un tir! Oh, et l’incroyable Ruijerd aussi! Il était juste, comme, fwoosh! Et puis kablam, voilà l’anaconda ! Il faisait toutes ces choses ridicules sans même sourciller ! Sérieusement, j’en avais la chair de poule ! »
Nokopara écoutait toute l’histoire avec un grand sourire sur le visage, en lançant de temps en temps, « Wôw, c’est incroyable, » ou, « Sans blague ? » Quand Kurt s’était finalement essoufflé, il se tourna vers nous.
« Eh bien, c’est terriblement bizarre. Vous n’avez pas pris un boulot en ville ? Pourquoi étiez-vous dans la forêt pour sauver des enfants de monstres ? »
« Euh, eh bien… nous avons suivi Jalil sur ce coup-là… »
« Désolé, mais Jalil et Vizquel étaient en ville à ce moment. »
C’était terminé. Plus la peine de faire semblant. Nokopara avait visiblement trouvé comment l’utiliser pour nous pousser le dos contre le mur.
Calme-toi ! Calme-toi ! Tu as encore une chance ici !
Concentre-toi, mec. Pour l’instant, nous avions quelques options parmi lesquelles choisir. Disons trois. Euh, d’accord. Nous y voilà…
-
Tuer Nokopara
S’il avait vraiment eu une bande de complices, comme il le prétendait, ce plan se terminerait très mal. Mais il y avait aussi une chance que ça se passe bien.
En d’autres termes, on jouait tout sur un coup de dés. Mauvaise idée.
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Jeter le blâme sur Jalil
Nous étions des débutants, et Jalil était un vétéran. Si je me mettais à crier qu’il nous avait piégés et qu’il avait profité de nous, on pourrait se tirer d’affaire.
Cependant, essayer cette voie me coûterait l’amitié de Ruijerd. Trahir nos « camarades » serait après tout une erreur. Encore une mauvaise idée.
-
Cracher l’argent maintenant, et trouver un moyen de s’en sortir plus tard.
C’était un autre jet de dés. Je trouverai peut-être un moyen de résoudre les choses rapidement, mais maintenant que Nokopara savait que nous étions dangereux, il allait probablement mettre en place un plan à plusieurs niveaux pour nous garder coincés dans cette ville et en sécurité dans les griffes de son gang. Encore une mauvaise idée.
Je devais choisir l’un de ces trois plans terribles. C’était clairement du temps bien dépensé !
Qu’est-ce que j’allais faire ?
La solution la plus simple était le plan deux, mais c’était probablement de loin le pire choix. Quels que soient ses avantages immédiats, nous nous paralyserions à long terme.
Trahir Jalil et Vizquel signifierait perdre la confiance de Ruijerd pour de bon. Il n’écouterait probablement plus jamais un mot de ce que je dirais.
Le plan 2 n’était pas permis. Absolument pas permis.
Le plan 1 n’était pas bon non plus. C’était juste… insensé. Je sortirais complètement du chemin que j’avais suivi jusqu’à aujourd’hui. La façon dont les gens voyaient la mort sur le Continent Démon n’avait pas d’importance, ce n’était même pas le problème ici. Si je tuais Nokopara maintenant juste pour me sortir d’affaire, je commencerais à résoudre tous mes problèmes de la même façon. Je n’étais pas prêt à m’engager à tuer tout au long de ma vie.
Mais le plan trois n’était pas mieux. En donnant de l’argent à ces gens, nous admettrions notre propre culpabilité. C’était la dernière chose que je voulais faire.
Il y avait aussi la possibilité réelle que nous finissions par enfreindre d’autres règles, ou même des lois, alors qu’ils nous extorqueraient de l’argent. Cela donnerait à Nokopara plus d’influence sur nous, ses demandes augmenteraient probablement. Il pourrait même essayer de mettre la main sur Éris… Je savais que je le ferais si j’étais lui. Si on en arrivait là, on serait dans l’obligation de le tuer.
Mais quand même… devait-on choisir le plan trois ?
Non, non. Comparé à cette voie, nous pourrions aussi bien choisir le plan un dès le départ. Il suffirait de tuer Nokopara. Et tous ses amis aussi.
Était-ce ma seule option ? Allais-je vraiment faire ça ? N’avais-je pas le choix ?
Honnêtement, je ne savais pas si je pouvais me résoudre à tuer quelqu’un. Et comment allons-nous gérer le reste de son gang, où qu’ils soient ? Peut-être que Ruijerd pourrait les retrouver d’une façon ou d’une autre. Mais comment ? S’il ne savait même pas qui il cherchait, son troisième œil ne nous aiderait probablement pas beaucoup.
Il y avait toujours la possibilité d’abandonner l’idée d’être des « aventuriers ». Nous pourrions trouver des moyens de survivre, même sans la guilde. J’avais une bonne idée de la façon dont nous pourrions gagner de l’argent sur ce continent à l’heure actuelle.
Mais… disons que j’avais renoncé à cette voie, aussi douloureux soit-il. Qu’arriverait-il à Jalil et Vizquel ? Non seulement ils avaient participé à notre projet, mais l’enquête de la guilde pourrait révéler des preuves de leur entreprise d’enlèvement d’animaux de compagnie. Notre groupe avait économisé de l’argent et n’avait aucun attachement particulier pour cette ville, mais ces deux-là étaient différents. C’était leur maison, et ils pourraient finir par en être chassés. Ces deux-là n’avaient pas les compétences nécessaires pour survivre dans la nature. Les abandonner, ne serait-ce pas une autre trahison ? Pouvons-nous les accueillir après leur bannissement ?
Non. Aucune chance. Il était déjà assez difficile de régler nos propres problèmes, nous ne pourrions pas nous occuper d’eux non plus.
… OK, au diable tout ça. J’ai besoin de m’endurcir. Je deviendrai un tueur s’il le faut.
Souviens-toi du but. Je dois ramener Éris saine et sauve à la maison, quoi qu’il arrive. Pour cela, je suis prêt à trahir Jalil et Ruijerd. Je me fiche qu’Éris finisse par me haïr. Je m’en fiche de savoir si je ne pouvais plus jamais regarder Paul ou Roxy dans les yeux !
Je vais inonder cette foutue ville d’un sort de rang Saint. Éris et moi pourrions nous enfuir dans la confusion. Qu’ils me retirent mon statut d’aventurier s’ils le veulent. Je vais atteindre mon but, peu importe à quel point je dois m’abaisser.
Regarde !
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