Mushoku Tensei (LN) – Tome 3 – Chapitre 12

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Chapitre 12 : Enfants et guerriers

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Chapitre 12 : Enfants et guerriers

Partie 1

Trois semaines plus tard, notre groupe avait atteint le rang D. J’avais l’impression de progresser assez rapidement, alors j’avais finalement pris le temps de vérifier les critères de promotion spécifiques.

Pour qu’un aventurier classé au rang F atteigne le rang E, il devait réussir dix emplois de rang F... ou cinq emplois de rang E de suite.

Pour qu’un aventurier classé au rang E atteigne le rang D, il fallait cinquante emplois de rang F, vingt-cinq emplois de rang E ou dix emplois de rang D de suite.

Cette tendance générale était demeurée la même pour les grades supérieurs, bien que le nombre ait commencé à augmenter considérablement.

La rétrogradation était également une possibilité pour ceux qui faisaient des erreurs à répétition. Si vous échouez à cinq emplois consécutifs ayant un rang inférieur au vôtre ou à dix emplois consécutifs à votre rang actuel, vous perdrez un rang. Vous ne pourriez pas être rétrogradé en échouant à des tâches d’un rang supérieur au vôtre, mais après cinq échecs consécutifs, vous perdriez le privilège de les accepter.

Jalil et Vizquel avaient travaillé avec diligence pour nous accomplir des tâches de rang F et E tous les jours, alors nous avions réussi à aller aussi loin en un rien de temps. Maintenant que nous étions au rang D, nous avions enfin accès à des tâches de rang C plus rentables. C’était un choix facile à faire pour notre groupe, alors nous nous hisserions probablement au rang C assez rapidement.

C’était peut-être le bon moment pour rompre notre accord avec Jalil et Vizquel. Ils ne semblaient plus enlever d’animaux de compagnie, et je n’étais pas tout à fait sûr des problèmes que l’échange d’emploi pourrait causer à long terme. Nous avions économisé une somme d’argent décente à ce moment-là, alors nous avions la possibilité de dire au revoir à nos « partenaires commerciaux » et de laisser Rikarisu derrière nous pour de bon.

Après mûre réflexion, cependant, j’avais décidé de continuer à les traire jusqu’à ce que nous ayons atteint le rang C. Il ne semblait pas y avoir de problèmes pour le moment, et il était difficile de tourner le dos à un système aussi peu stressant pour faire de l’argent. Ça ne ferait pas de mal d’avoir plus d’argent dans notre portefeuille avant de partir.

À l’heure actuelle, nos économies s’élevaient à une pièce de minerai verte, six pièces de fer, quatorze pièces de ferraille et trente-cinq pièces de pierre… soit 1 875 pièces de pierre au total. Donc… 1 875 yens en gros. L’ensemble de nos actifs s’élevait à moins de la valeur de deux grandes pièces de cuivre Asura…

D’accord, arrêtons ça. Peu importe ce que l’on nous achèterait sur un autre continent.

Une fois que nous aurons atteint le rang C, nous dirons au revoir à Jalil et Vizquel, puis nous quitterons rapidement cette ville. Ça m’avait paru être un bon plan.

Peu de temps après être arrivé à cette conclusion, j’avais repéré une tâche « intéressante » sur le tableau de la Guilde.

Mission de rang : B

Mission : Recherchez/détruisez les mystérieuses créatures magiques

La recherche/destruction de créatures magiques.

Localisation :

Forêt du sud (forêt de la pétrification)

Durée de la mission :

La fin du mois prochain.

Date Limite :

Dès que possible

Commanditaire :

Marchand itinérant Bellver

Récompenses : 

5 pièces de ferraille (2 pièces de fer si elles sont tuées)

Notes :

J’ai vu des ombres se mouvoir au plus profond de la forêt et je veux étudier la véritable identité de ces ombres. S’ils sont une entité dangereuse, veuillez les éliminer.

Jalil et moi avions réfléchi devant le bout de papier, les mains sur le menton. Un monstre mystérieux, hein ? Tu parles d’une vague description de travail. Il y avait une chance que cette chose ne soit même pas là. Et même si c’était le cas, comment devrions-nous prouver que c’était un monstre ou une autre chose ?

Pourtant, ces deux pièces de fer étaient une récompense très tentante. D’autant plus qu’on pourrait encore avoir cinq pièces en ferraille si on décidait de ne pas se battre.

« Celle-là t’intéresse ? »

« Eh bien, le salaire est très bon. Mais c’est vrai que c’est un peu louche. »

Jalil acquiesça d’un signe de tête.

« On dirait que c’est le genre de boulot où tu pourrais te faire avoir. J’y réfléchirais à deux fois si j’étais toi. »

Nous avions déjà vécu quelque chose de ce genre. Deux semaines plus tôt, nous avions accepté une tâche de collecte d’apparence ordinaire de Loups Acides. Comme d’habitude, nous avions traqué le nombre spécifié de monstres et ramené leurs crocs et leurs queues, seulement pour être informés que le client voulait des Loups Acides complets, ce qui voulait dire leur corps entier. La description n’avait pas du tout clarifié cela, mais nous avions quand même dû payer des frais de rupture de contrat. Rien que d’y penser, je m’étais senti intensément frustré.

C’était probablement plus intelligent de ne pas accepter cette quête si je voulais éviter que de ce désastre se répète… mais je n’arrivais pas à sortir de l’esprit cette juteuse ligne de « récompense ».

« Cependant, deux pièces de fer… Hmm. Peut-être que je pourrais utiliser cela comme étant une nouvelle source d’enseignements… »

« Heh. Ne me blâme pas si tu te fais encore avoir. »

« Pour une telle tâche, la pénalité pour rupture de contrat serait basée sur les cinq pièces de ferraille, non ? »

« Oui, c’est vrai. L’argent supplémentaire si tu tues la chose est juste un bonus. »

Comme Ruijerd avait tendance à être harcelé par Nokopara quand il entrait dans la Guilde, et qu’Éris avait parfois des problèmes avec des aventuriers qui l’approchaient aussi, je les avais fait attendre tous les deux dehors. Vizquel ne s’était également jamais présentée à la guilde.

En d’autres termes, il n’y avait personne pour m’arrêter.

« Même si ce monstre mystérieux n’est pas là, il y a plein de choses à vendre dans la forêt pétrifiée. En te connaissant, je parie que tu pourrais gagner assez pour couvrir les frais de rupture de contrat. Je suppose que ça vaut le coup d’essayer. »

« Très bien alors. Bonne chance avec ton boulot, Jalil. »

Rétrospectivement, je me rendrais compte à quel point ma pensée était paresseuse à ce stade. Quelques semaines d’expérience au combat m’avaient rendu trop confiant. Les choses s’étaient tellement bien passées que j’avais sous-estimé les risques, mon impatience m’avait poussé vers un gros salaire.

Avec le recul, j’avais constaté qu’il y avait de meilleurs choix qui s’offraient à moi. Mais à l’époque, je ne pensais pas que j’aurais pu les faire.

◇ ◇ ◇

La forêt pétrifiée se situait à une journée de voyage depuis Rikarisu. C’était un endroit où les arbres osseux aux branches dentelées poussaient en grand nombre et tiraient leur nom de leur aspect caillouteux.

La forêt se trouvait le long de la route principale dans cette région. En la coupant, cela offrait aux voyageurs un chemin plus court vers la ville voisine, mais comme le bois abritait les dangereux monstres de rang B Executeurs et Anacondas, seuls les marchands pressés le faisaient, et ils engageaient toujours plusieurs gardes du corps qualifiés à l’avance.

Les forêts de ce monde étaient, sans exception, des endroits dangereux. Mais celles trouvées sur le Continent Démon étaient particulièrement périlleuses.

Trois groupes s’étaient rencontrés juste à l’extérieur de ce bois particulier : le groupe de rang B « Super Blazers », le groupe de rang D « Les Caïds du Village de Tokurabu », et enfin, le groupe de rang D « Dead End ».

Les responsables de ces groupes s’étaient réunis pour une réunion. Lorsque des groupes d’aventuriers se croisaient dans des endroits comme celui-ci, on s’attendait à ce qu’ils s’arrêtent pour avoir une rapide discussion. Ça aurait été bien de ne pas le faire, mais se heurter aux autres groupes dans la forêt elle-même pourrait être une véritable nuisance. J’avais décidé de faire acte de présence.

« Très bien. Alors qu’est-ce que vous foutez ici ? »

Le premier à prendre la parole avait été Blaze, le chef des Super Blazers. Il y avait de l’irritation non déguisée dans sa voix.

Son visage m’était familier. C’était l’homme-cochon qui s’était moqué de nous le premier jour. Je n’essayais pas d’être insultant, au fait. Il avait littéralement la tête d’un cochon.

Il appartenait probablement à la même race que le gardien qui avait reluqué Éris. Je ne me rappelais pas très bien comment on les appelait… Pour être honnête, je les considérais généralement comme des « orcs ».

Quoi qu’il en soit, le groupe de l’homme-cochon était un groupe de six aventuriers d’une grande variété de races. Pour être classé C ou plus haut sur le Continent Démon, vous deviez être capable d’abattre les monstres les plus communs dans votre région, je devais supposer qu’ils étaient tous des vétérans qui avaient prouvé leur talent au combat.

« Nous sommes ici pour effectuer une quête de guilde ! » dit Kurt, chef des Caïds de Tokurabu, son visage était un peu maussade.

« Moi aussi », dit le chef de la Dead End (c’est-à-dire moi) avec un petit signe de tête.

Blaze avait réagi aux paroles de ses collègues de rang D en claquant sa langue et en se grattant avec irritation le cou.

« Ugh. Ils nous ont réservé, hein ? Ouais, j’ai eu un mauvais pressentiment à propos de celui-là… »

« Uhm… qu’est-ce que tu veux dire par réservé ? », demanda Kurt avec hésitation.

« Ferme-la, petit ! »

Ce porc avait apparemment un tempérament fougueux.

« Bon, bon », lui dis-je, en lui souriant obstinément.

« Prenons tous quelques respirations profondes, d’accord ? Nous sommes désolés d’être des débutants si ignorants, mais nous apprécierions beaucoup toute explication que tu pourrais nous donner… »

Blaze cracha sur le sol, puis dit à contrecœur.

« Cela signifie que la même demande a été faite par plus d’une personne. Et la guilde a mis les deux quêtes sans s’en rendre compte. »

Ah, c’est vrai. Une double réservation.

Dans ce cas, nous avions trois clients distincts qui avaient affiché trois tâches distinctes. La guilde avait dû penser qu’il s’agissait d’emplois distincts, mais ce n’était peut-être pas vraiment le cas. Ça semblait être quelque chose qui pouvait arriver de temps en temps.

Par curiosité, j’avais demandé aux autres quelles étaient leurs tâches spécifiques.

Blaze était là pour « Tuez les Cobras aux crocs blancs apparus dans la forêt pétrifiée. »

Kurt était chargé de « Ramasser les mystérieux œufs repérés dans la forêt pétrifiée. »

Et moi, bien sûr, j’essayais de « localiser un monstre inconnu ».

« Hein ? Tu es en train de faire un travail de recherche et de localisation ? Est-ce qu’ils en ont au moins au rang D ? »

Naturellement, j’avais trouvé une réponse à la question de Kurt avant.

« En fait, c’est une tâche de rang C. Ils l’ont mis sur le tableau après que tu aies quitté la guilde. »

« Sans blague ? Mec, j’aurais aimé qu’on prenne celle-là à la place… »

Pendant que le gamin murmurait à lui-même, j’avais pris un moment pour réfléchir à la situation dans laquelle nous nous trouvions. Nous avions l’impression qu’il y avait au moins un chevauchement potentiel entre nos trois tâches. Tout d’abord, les Cobras aux crocs blancs n’étaient pas originaires de cette forêt, mais à en juger par le travail de Blaze, au moins un avait été récemment repéré ici. Cela pourrait très bien être notre « monstre inconnu », et il pourrait aussi être responsable des « œufs mystérieux » que Kurt cherchait.

***

Partie 2

Mais bien sûr, il était aussi possible que nos mystères n’aient aucun rapport avec les cobras. C’était un peu précipité de supposer qu’on avait eu la même tache tous les trois.

« Je me demande quand même comment c’est arrivé ? »

« Comment le saurais-je, petit ? C’est comme ça que ça marche parfois. »

Hmm. Eh bien, je suppose qu’il dit vrai. Ce n’est pas comme si toutes les tâches de la guilde étaient bien rangées dans un ordinateur ou quoi que ce soit d’autre.

« Très bien alors. Qu’est-ce qu’on va faire ? »

« Rien. Celui qui trouve les monstres en premier gagne. »

« Quoi !? Qu’adviendra-t-il de notre tâche si vous arrivez le premier ? », cria Kurt.

« Hein ? Oh, ton histoire à propos des œufs ? Je veux dire, on les écrasera si on les voit. Les cobras aux crocs blancs ne peuvent pas éclore partout, n’est-ce pas ? », dit Blaze en souriant.

« Allez, Rudeus, dis quelque chose ! S’ils tuent tous les monstres, on échouera tous les deux dans notre tâche ! »

Kurt se tournait vers moi pour obtenir de l’aide. Il n’avait pas tort. Si le groupe de Blaze tuait notre monstre « inconnu », nous n’aurions pas la chance de le retrouver ou de le combattre…

Attendez une seconde. On a juste besoin de le localiser et de l’identifier, non ?

J’avais envie de rapporter que des cobras aux crocs blancs étaient venus ici pour satisfaire notre client. Et pour couvrir notre mise, on pouvait toujours traquer des monstres au hasard ici avant de partir. Un butin assez important devrait couvrir les frais de rupture de contrat de 20 %.

« Eh bien, nous ne sommes pas sûrs que ce soit une triple réservation. Il pourrait aussi y avoir autre chose que les cobras aux crocs blancs ici. »

Blaze grimaça.

« Alors ? Tu veux qu’on regarde autour de toi, c’est ça ? Tu veux qu’on soit tes baby-sitters ? »

« Qui diable a besoin de ton aide de toute façon !? » dit Kurt, le visage rouge de colère.

« Oh pitié. Tu espères qu’on va te protéger, c’est évident, non ? Cette forêt est sacrément dure pour une bande d’aventuriers de rang D. »

Ah. Maintenant, je comprends pourquoi il était si grincheux. Blaze n’aimait pas l’idée qu’une paire de groupes de bas niveau suivent son groupe comme une ficelle de merde à la poursuite d’un poisson rouge. C’était parfaitement compréhensible. Après tout, cela ne ferait que leur rendre la vie plus difficile.

Bien sûr, je ne voulais pas non plus voyager avec eux. Ce n’était pas une bonne idée de laisser quelqu’un voir Ruijerd se battre avec sa lance. Ils pourraient réaliser que c’était vraiment un Superd quand ils verront à quel point il était fort.

Heureusement, Kurt m’avait déjà donné une chance ici.

« Ok, j’en ai assez entendu parler. La Dead End n’a pas non plus besoin de baby-sitters, merci beaucoup. Nous travaillerons seuls. »

J’avais rapidement tourné le dos et quitté la conférence des dirigeants sans attendre une réponse à ma déclaration.

◇ ◇ ◇

Mon groupe m’attendait un peu plus loin.

« Alors que s’est-il passé ? », demanda Éris, sa voix trahissant une certaine impatience.

« On dirait qu’on est tous plus ou moins là pour faire le même travail. »

« Oh. Que se passe-t-il maintenant ? Est-ce que quelqu’un renonce ? »

« Non, bien sûr que non. On va tous y aller et voir qui trouve les monstres en premier. »

« Ah ouais ? Ça a l’air d’un défi décent ! »

Eh bien, elle semblait certainement enthousiaste. J’avais l’impression qu’Éris en avait assez de nos missions de chasse ces derniers temps. Après tout, ces boulots n’étaient pas vraiment des aventures… on pourrait dire que c’était du travail manuel. Cela avait probablement semblé être un bon changement de rythme.

Pendant que nous parlions tous les trois, Blaze et Kurt avaient mis fin à la réunion des leaders. Kurt dit quelques mots à ses deux compagnons, et ils partirent tous ensemble dans la forêt, les Super Blazers arrivèrent aussi, allant dans une direction différente.

« Alors quel est le plan ? », demanda Éris.

« Hmm, voyons voir… Ruijerd pourrait comme toujours chercher des ennemis dans la région. On va se déplacer et enquêter jusqu’à ce qu’on découvre ce monstre mystérieux. », avais-je dit.

Cela m’avait semblé être une proposition assez simple, mais Ruijerd secoua sérieusement la tête.

« Attends un peu, Rudeus. »

« Qu’est-ce qu’il y a ? »

« Je m’inquiète pour ces trois enfants. »

Quels enfants… ? Oh, il veut parler des Caïds de Tokurabu.

« Ils ne sont pas assez forts pour survivre dans cette forêt. »

« Donc ce que tu dis, c’est que… »

« Nous devrions les aider. »

Je n’aurais vraiment pas dû être surpris.

« Eh bien, Ruijerd… si on reste trop près d’eux, il y a une chance qu’ils réalisent que tu es vraiment un Superd. »

« Je m’en fiche. »

Ouais ? Eh bien, moi non !

« D’accord, mais ça va nous causer toutes sortes de problèmes si les gens réalisent qui tu es. »

« Quoi, alors ? Me dis-tu de rester en arrière et de les laisser mourir ? »

« Ce n’est pas ce que je dis. Suivons-les de loin et aidons-les s’ils ont des ennuis. »

Je ne pouvais pas espérer l’en dissuader. Nous n’aurions qu’à ajuster nos objectifs. On ne pourra probablement pas obtenir ces deux pièces de fer, mais nous pourrions au moins obtenir une reconnaissance sérieuse.

Pourtant, était-ce vraiment une bonne idée de sauter à la rescousse sans réfléchir ? Si nous devions protéger ces enfants d’une attaque de monstre, les chances qu’ils réalisent la véritable identité de Ruijerd seraient bien plus grandes. Je ne voulais pas croire qu’ils s’accrocheraient à leurs préjugés au sujet d’un homme qui venait de leur sauver la vie, mais la Dead End avait une place spéciale dans l’esprit des gens de ce continent. C’était difficile de savoir comment les choses se dérouleraient.

Si le pire devait arriver, nous pourrions peut-être les intimider pour qu’ils se joignent à nous, comme nous l’avons fait avec Jalil et Vizquel…

Pour l’instant, notre groupe était parti après Kurt et ses amis.

Tandis qu’il regardait les Caïds du village Tokurabu s’enfoncer hardiment dans les profondeurs de la forêt pétrifiée, Ruijerd plissa son front.

« Qu’est-ce qu’il y a ? », avais-je dit.

« Est-ce la première fois qu’ils mettent les pieds dans une forêt ? »

« Euh, je ne peux pas dire que je le sais… Pourquoi me le demandes-tu ? »

« Ils sont beaucoup trop négligents. »

Bien sûr, Kurt et ses amis s’étaient vite retrouvés face à face avec un Exécuteur dont ils n’avaient manifestement pas remarqué l’approche.

L’Exécuteur était une sorte de monstre humanoïde, les restes zombifiés de quelqu’un qui avait été un aventurier dans la vie. Pour une raison ou une autre, ils étaient équipés d’énormes épées et d’armures en plaques épaisses. Le poids de leur équipement les empêchait de se déplacer trop rapidement, mais ils étaient extrêmement robustes et maniaient leur arme avec une dextérité surprenante. D’habitude, vous ne rencontriez qu’un Exécuteur à la fois, et ils n’étaient pas exceptionnellement fort — et pourtant c’étaient toujours des monstres de rang B. C’était une preuve suffisante de leur pouvoir.

Pour couronner le tout, leur équipement se dissolvait dans l’air lorsqu’ils étaient morts, de sorte que vous ne pouviez pas tirer grand profit du fait d’en vaincre un.

« Ils ont besoin de notre aide ! »

« Non, pas encore », dis-je, juste au moment où Ruijerd se préparait à sauter en avant.

« Pourquoi pas !? »

« Ils ne sont pas encore dos au mur. »

Cet Exécuteur était bien plus rapide que ce à quoi on pouvait s’attendre de par son apparence, mais il n’avait pas été assez rapide pour suivre ces enfants lorsqu’ils couraient pour sauver leur vie. Peu à peu, ils s’éloignaient de leur poursuivant.

Mais alors, juste au moment où il semblait qu’ils allaient lui échapper… leur chance avait disparu.

Un groupe d’anacondas-amandes les attendait dans la direction où ils s’étaient enfuis.

Ces monstres-serpents voyageaient par groupes de trois à cinq, ils tiraient leur nom du motif distinctif en forme d’amande sur leur corps, qui mesurait généralement environ trois mètres de long. Leurs crocs étaient pleins de venin mortel, et ils bougeaient avec une grande agilité. En raison de leur robustesse et de leur tendance à attaquer en nombre, ils avaient également été classés comme monstres de rang B.

Kurt et son groupe était coincé entre les deux types de monstres les plus connus et les plus craints de la forêt pétrifiée. Je pouvais voir leurs expressions vaciller entre des sourires d’incrédulité et de la terreur pure et simple. Ils pensaient probablement que s’ils rencontraient l’un ou l’autre de ces monstres notoirement dangereux, ils pourraient tout simplement s’enfuir. Et, pour être juste, ça avait failli marcher avec l’Exécuteur.

En fin de compte, cependant, ils n’avaient pas suffisamment réfléchi à ce qui pourrait mal tourner. Cet endroit était tout simplement trop dangereux pour eux, ils auraient vraiment dû le reconnaître et s’en écarter. Ce n’était pas que je n’avais pas sympathisé avec leur empressement à se surpasser.

« On devrait y aller ! Maintenant ! »

« Non, attends encore un peu… »

Encore une fois, j’avais retenu Ruijerd. Nous voulions attendre qu’ils soient vraiment sur la corde raide. Plus les choses allaient mal avant que nous n’arrivions, plus leur gratitude serait profonde.

Je laisserai ces monstres les frapper pour pouvoir les guérir avec ma magie par la suite. Heheheheh. Parfait…

« Ah ! » cria Éris.

Le garçon en forme d’oiseau vola dans les airs… pour être séparé en deux morceaux.

Il n’avait reçu qu’un seul coup. Il n’avait pas réussi à esquiver l’attaque l’Exécuteur, et l’épée du monstre l’avait coupé en deux.

Mon sourire malicieux s’était figé sur mon visage. J’avais mal interprété la situation. Ces enfants étaient en grand danger dès le début. C’est moi qui étais stupide, pas Ruijerd.

« Je te l’avais dit ! » cria Ruijerd, sa voix pleine de frustration.

Tandis qu’Éris et lui s’avançaient à découvert, j’avais rapidement tiré avec un canon de pierre sur l’Exécuteur.

Mon attaque de pierre maison avait assez de force pour anéantir un Tréant de Pierre, mais d’une manière ou d’une autre, la chose était restée sur ses pieds.

Pendant un moment, j’avais pensé que son armure était incroyablement résistante. Puis j’avais remarqué qu’il manquait le haut de son bras droit. J’étais si agité que j’avais mal lancé mon sort.

Prenant son énorme épée de la main gauche, le monstre s’était immédiatement mis à courir dans ma direction. De loin, il semblait assez lent, mais maintenant qu’il fonçait vers moi, je m’étais rendu compte qu’il était anormalement rapide étant donné son apparence maladroite.

J’étais resté calme et j’avais créé une tourbière boueuse directement sur le chemin de l’Exécuteur. L’un de ses pieds plongea dans mon piège et le fit basculer vers l’avant. J’avais aussitôt invoqué un énorme rocher immédiatement au-dessus du monstre et je l’avais projeté vers le sol.

Ruijerd et Éris avaient déjà éliminé tous les anacondas-amandes.

À la suite de la bataille, un Kurt au visage pâle et tremblant s’était approché de moi pour m’exprimer sa gratitude.

« Huff, huff… Merci, mec… huff, huff, huff… sérieusement. Vous êtes… très forts, hein… ? »

L’Exécuteur gisait écrasé sous un rocher géant. Les anacondas-amandes avaient tous été soigneusement décapités. Cela n’avait posé aucun problème. On gagnerait ce combat chaque fois.

Et pourtant, nous n’avions pas réussi à protéger ces enfants.

« C’est bon… Je suis désolé qu’on ne soit pas arrivés plus tôt. »

Kurt me regardait avec quelque chose comme de l’admiration dans les yeux. J’avais détourné mon regard de son visage, la poitrine douloureuse.

Mes yeux rencontrèrent le corps d’un garçon à bec, semblable à un oiseau qui avait été coupé en deux. Comment s’appelait-il déjà ? Gablin ? Il ne serait pas mort si j’avais agi simplement.

***

Partie 3

Ruijerd se leva et me saisit par le devant de ma robe, le visage tordu de colère.

« C’est ta faute », dit-il en faisant un geste du menton devant le cadavre.

Ces mots poignardèrent impitoyablement mon cœur.

« Oui. Tu as raison… »

« On aurait pu les sauver tous les trois ! »

Oui. Je sais. Je sais ! Je ne voulais pas que ça se passe comme ça non plus, d’accord ? J’étais plein de honte et de tristesse. Ce n’était pas ce que je voulais. Pas du tout. Je regrettais mes actes. J’avais retenu la leçon. Alors pourquoi devait-il continuer à me foutre le nez dedans ?

« Écoute, je fais de mon mieux, d’accord ? Je voulais juste obtenir le meilleur résultat possible de cette situation ! Pourquoi dois-tu être si dur avec moi !? »

« Parce que le garçon est mort ! »

La réplique de Ruijerd était simple, mais frappa là où ça faisait mal.

« Gah... »

Il n’y avait vraiment rien que je puisse dire. J’aurais aussi bien pu le tuer moi-même.

Éris n’avait pas du tout pris ma défense cette fois. Elle regardait le cadavre de Gablin… probablement en essayant de comprendre ses propres sentiments à propos de tout ça.

Il n’y avait plus d’excuses à offrir. J’avais complètement échoué. La vie des gens était en jeu, et je les avais retenus trop longtemps par intérêt personnel.

« H-hey, allez. Ne commencez pas à vous battre maintenant. »

Finalement, c’était Kurt qui était intervenu pour intercéder.

« Ça ne te concerne pas. C’est entre lui et moi. », dit Ruijerd.

Assez étonnamment, le garçon n’avait pas reculé face à cette mise à l’écart.

« Oui, mais je peux comprendre ce qui s’est passé. Vous nous avez vus nous battre et vous vous êtes disputés pour savoir s’il fallait nous aider, n’est-ce pas !? »

Non, non. Ce n’était même pas une dispute. Je t’avais laissée dans la merde tout seul.

« Je sais que vous êtes tous forts, mais il y avait toujours un risque que quelque chose ait pu mal tourner. Et vous n’aviez de toute façon aucune raison de nous aider ! »

La colère dans les yeux de Ruijerd était encore plus vive qu’avant.

« Aucune raison n’était nécessaire ! Les adultes ont le devoir de protéger les enfants ! »

« Nous ne sommes pas des enfants ! Nous sommes des aventuriers ! Rudeus a fait ce que n’importe quel chef aurait dû faire ! », riposta Kurt.

« Hm… »

Ruijerd se tut un instant, mais je ne pouvais pas dire que j’étais d’accord avec l’évaluation de Kurt.

« Pourtant… un de tes amis est mort, mon garçon. »

« Oui, je sais ! Je ne suis pas aveugle ! Et nous trois, nous voulions rester ensemble jusqu’à la fin ! Mais vous savez quoi ? Nous savions que la mort était une possibilité ! N’importe quel aventurier est prêt à faire face à ce risque, jeune ou vieux ! »

Ma poitrine palpitait douloureusement à ces mots. Personnellement, je n’étais pas prêt à regarder la mort en face. J’avais vu cette histoire d’aventurier comme un moyen facile de gagner de l’argent.

« Je vous suis reconnaissant d’être intervenu pour nous sauver, mais c’était notre travail de veiller à notre sécurité. Si quelqu’un devait être blâmé, c’est moi ! C’est moi qui ai pris cette tâche et qui nous ai mis dans le pétrin ! »

L’argument de Kurt avait la droiture obstinée d’un enfant qui ne comprenait pas vraiment comment le monde fonctionnait. Mais c’était aussi fervent et sincère. Ce genre de passion me manquait ces derniers temps. Dans mon obsession de gagner de l’argent et de gravir les échelons de la Guilde, j’avais commencé à considérer nos tâches comme de simples « quêtes » dans un jeu vidéo.

« Tu t’appelles Kurt, n’est-ce pas ? J’ai eu tort de te traiter comme un enfant. Il semble que tu sois un guerrier à part entière. »

Apparemment, quelque chose dans la tirade du garçon avait touché un point sensible chez Ruijerd, et cela m’avait fait tomber par terre avec sa brève excuse.

Et ce n’était pas comme si je le méritais cette fois.

« Ne t’excuse pas, s’il te plaît. Rien de tout cela ne change le fait que j’ai fait une terrible erreur. »

« Non, ce n’était pas une erreur. Tu essayais seulement de respecter notre fierté en tant que guerrier. J’avais trop hâte d’intervenir. »

« Euh… »

Rien de tel ne m’a traversé l’esprit. Désolé.

« J’étais aussi trop pressé avec ces criminels. Je devrai être plus prudent à l’avenir… »

Ruijerd semblait avoir parfaitement emballé ses affaires. Mais je n’avais pas trouvé ses conclusions trop convaincantes. J’allais réfléchir sérieusement à mes erreurs aujourd’hui. J’avais besoin d’identifier exactement où je m’étais trompé et de m’assurer que cela ne se reproduise plus jamais.

Pourtant, il y avait certainement une partie de moi qui pensait, Génial ! Heureusement qu’il s’est fait des idées ! Au moins, je m’en suis tiré.

Je voulais me frapper au visage.

◇ ◇ ◇

Kurt et son ami nous avaient dit qu’ils avaient l’intention de ramener leur camarade décédé en ville. Nous les avions escortés jusqu’à l’entrée de la forêt. Je m’attendais à ce que Ruijerd insiste pour qu’on les raccompagne jusqu’à Rikarisu, mais il avait secoué la tête à cette suggestion. Il avait reconnu Kurt et ses amis comme des guerriers. Cela avait changé les choses.

« Ils ne pourront pas rentrer sains et saufs avec leur groupe réduit. Mais ils se sont résolus à faire face à ce risque. »

Kurt l’avait dit aussi. Mais il y avait quelque chose de profondément mélancolique dans sa posture quand il s’était éloigné de nous. C’était si évident qu’Éris s’était précipitée impulsivement vers lui et lui dit : « Bonne chance tout le monde ! »

Elle ne parlait pas sa langue, bien sûr, mais Kurt sentait clairement le sens de ses mots d’après l’expression de son visage.

« Merci. C’est comme ça que tu fais ? », dit-il

« Hein !? »

Le garçon prit la main d’Éris, se pencha en avant et l’embrassa près de l’articulation de son pouce. Avec un dernier sourire éclatant, il se retourna et repartit une fois de plus.

Éris était complètement gelée. Je ne savais pas non plus quoi faire.

Soudainement, elle s’était retournée pour me regarder, puis avait commencé à frotter vigoureusement le dessus de sa main contre le bord de son armure.

« Non, non ! Tu as tout faux ! »

Pourquoi son visage était-il si paniqué ? Je veux dire, le gamin l’avait embrassée, mais elle portait des gants. Il n’y avait pas de quoi s’énerver.

« Je… Je n’utiliserai même plus ça ! »

Éris arracha son gant et le jeta dans la forêt. Quel gâchis de cuir en parfait état. Ruijerd et moi l’avions grondée en même temps :

« Ne jette pas ton équipement ! »

« Tu sais que ces choses coûtent de l’argent ! »

J’aurais vraiment souhaité que mon esprit ne soit pas retourné directement à la question de « l’argent ».

« Oh, tais-toi ! » cria Éris en tapant des pieds contre le sol avec des larmes dans les yeux.

C’était la première fois depuis longtemps que je la voyais comme ça. Avais-je raté quelque chose ? Est-ce qu’un baiser sur la main signifiait quelque chose de spécifique ici ou quoi ?

« Rudeus ! Ici ! »

À ce moment-là, elle poussa sa main devant mon visage. Je l’avais léché par réflexe.

Le visage d’Éris rougit aussitôt. Environ une demi-seconde plus tard, elle m’avait frappé.

C’était aussi un vrai coup de poing. J’étais à peine resté conscient et j’avais cru un instant qu’elle m’avait brisé le cou. Cette fille pourrait bien être championne du monde un jour. Je m’étais effondré en arrière d’une manière maladroite.

 

 

Hmm. Je me demande ce que j’étais censé faire maintenant… ?

Tandis que je la regardais du sol, Éris fixa l’endroit où je l’avais léchée, puis la toucha brièvement avec sa langue.

Alors qu’elle rougissait de plus en plus, elle s’était ensuite frotté la main avec force contre ses vêtements.

« Désolé pour ça, Rudeus. Mais tu ne peux pas me lécher, d’accord !? »

C’était plutôt adorable, alors je lui avais pardonné sur le champ.

Ce n’était pas une bonne journée dans l’ensemble, mais je ne me sentais plus aussi malheureux.

◇ ◇ ◇

Au fur et à mesure que nous nous enfoncions dans la forêt, je m’étais retrouvé à penser à Ruijerd.

C’était un homme ayant un code moral absolu, et il aimait les « enfants ». Tels étaient les faits fondamentaux sur lesquels je travaillais jusqu’à ce moment-là, mais la conversation de tout à l’heure démontrait que le mot « guerrier » était aussi un mot clé pour lui.

« Ruijerd, quelle est ta définition du guerrier ? » avais-je demandé.

Sa réponse avait été instantanée.

« Les guerriers sont ceux qui protègent les enfants et combattent pour le bien de leurs camarades. »

Ça expliquait tellement de choses en fait. Ses accès de colère avaient plus de sens maintenant. Ruijerd ne s’énervait pas au hasard, il s’attendait simplement à ce que les « guerriers » se conduisent avec dignité.

Son ensemble de règles les plus élémentaires semblait aller dans ce sens :

Un guerrier ne doit jamais faire de mal à un enfant.

Un guerrier a l’obligation de protéger les enfants.

Un guerrier ne doit jamais abandonner un camarade.

Un guerrier a l’obligation de protéger ses camarades.

Sur cette base, il avait identifié ce voleur d’animaux comme un « méchant » plutôt qu’un « guerrier » au moment où il m’avait donné un coup de pied. Et quand les deux autres avaient plaidé pour leur vie au lieu de chercher à venger leur camarade tombé au champ d’honneur, il les avait aussi placés dans la catégorie « méchant » d’une manière méprisante.

Le truc avec Kurt était un peu similaire. Au début, il les avait considérés comme des enfants. Alors quand je m’étais assis et que j’avais laissé mourir l’un d’eux, ça avait fait de moi un méchant à ses yeux. Mais cet échange de mots avec Kurt avait changé son point de vue. Il les avait reclassifiés comme « guerriers » plutôt que comme enfants. Cela rendait mes actions faciles à pardonner. Au contraire, il semblait plus fâché contre lui-même de ne pas les avoir classées correctement dès le début.

Il était cependant un peu difficile de dire exactement où il traçait la frontière entre « enfants » et « guerriers ». J’avais l’impression qu’il considérait encore Éris comme une enfant, mais je ne savais pas où il me plaçait ces jours-ci.

Dois-je le lui demander ? Ou serait-ce une erreur ?

« Il y a une bataille qui se déroule à l’horizon », annonça Ruijerd, interrompant ainsi mon débat interne.

« Oh. C’est cet autre groupe ? Les Super Blazers ? »

« C’est exact. »

Apparemment, cet homme-cochon s’était attiré des ennuis. Je ne savais pas exactement quelle sorte de vue le troisième œil de Ruijerd lui offrait, mais il pouvait apparemment l’utiliser sous un capuchon, et assez bien pour distinguer un aventurier d’un autre.

C’est très pratique. J’en veux un aussi.

« Tu crois qu’on devrait les aider ? » avais-je demandé.

« Ce n’est pas nécessaire », avait-il répondu.

Hmm. Après tout, c’était des aventuriers de rang B. Je suppose qu’il les classe comme des guerriers dès le début…

Nous nous étions enfoncés un peu plus loin dans la forêt et nous étions tombés sur un seul énorme serpent enroulé dans une clairière. Quatre cadavres étaient éparpillés autour.

« … Hein ? » Ces messieurs semblaient morts… C’était ce qu’il voulait dire par « pas nécessaire », hein ?

Mais je n’avais pas vu le corps de Blaze parmi eux. Avait-il réussi à s’échapper ?

« C’était un groupe de six personnes, non ? Où sont partis les deux autres ? »

« Ils sont morts. »

Un effacement complet ? Putain. Reposez en paix.

« Ok, alors c’est quoi ce truc ? » Le serpent qui avait tué Blaze et compagnie était… très, très gros.

« Un Cobra à capuche rouge. »

Son corps était si épais qu’Éris et moi n’aurions pas pu l’entourer de nos bras du bout des doigts. Il devait faire dix mètres de long. Et son « cou » était plus plat et plus large que le reste de son corps. Je pouvais voir deux bosses distinctes au milieu du tronc du monstre. L’un d’eux était probablement un gros morceau de porc.

***

Partie 4

Ne cherchait-on pas des cobras aux crocs blancs ?

« Je ne m’attendais pas à en trouver un dans cette forêt. Sans parler d’un spécimen si énorme. », poursuit Ruijerd.

« Ils n’habitent pas ici d’habitude alors ? »

« Non. Mais on rencontre de temps en temps. »

Les cobras à la tête rouge étaient apparemment une variante plus puissante du cobra aux crocs blancs. Non seulement ils étaient de plus grande taille, mais ils étaient aussi beaucoup plus agiles. Leurs écailles étaient dures et résistantes à la magie du feu. Leurs crocs étaient énormes et pleins de venin mortel. On ne savait pas ce que devait manger un croc blanc pour muter en l’un d’eux, mais à l’occasion, on en trouvait un là où ils vivaient.

Les crocs blancs étaient des monstres de rang B, mais la tête rouge était de rang A — et pour de bonnes raisons. Ils pourraient anéantir en quelques secondes un groupe typique de rang B.

En ce moment, celui-ci était occupé actuellement à savourer son repas, et ne semblait pas nous avoir remarqués. Il commençait à peine son troisième aventurier de la journée.

« Nous pouvons abattre cette chose, n’est-ce pas ? », dit Éris en dégainant avec confiance son épée.

« On l’attaque ? » m’avait demandé Ruijerd.

« … Est-ce que je dois décider? »

« Qui d’autre le ferait ? »

« Je le laisse entre tes mains. »

Apparemment, c’était à moi de décider. J’avais pris un moment pour y réfléchir.

Notre tâche aujourd’hui était de découvrir, d’identifier et peut-être de vaincre le « monstre inconnu » qui se cachait dans cette forêt.

Tout d’abord, il semblait évident que le monstre en question était soit ce Cobra à tête rouge, soit le Cobra aux crocs blancs qui avait également été repéré ici. Ni l’un ni l’autre n’était originaire de cette forêt. Nous obtiendrions probablement le crédit d’avoir terminé le travail si nous retournions maintenant et rapportions ce que nous avions vu.

Cependant, si nous le tuons, notre récompense passera à deux pièces de fer. Ce serait bien de le battre si on pouvait. Mais il était aussi important de rester en vie. Je venais de voir quelqu’un mourir sous mes yeux. L’échec signifierait la mort, je ne voulais pas nous mettre en danger inutilement.

Comme j’hésitais dans ma décision, Ruijerd rompit le silence.

« Je pourrais le vaincre tout seul, si tu préfères. »

« Pourrais-tu vraiment tuer cette chose tout seul, Ruijerd ? »

« Oui. Je suis plus que suffisant pour ce travail. »

Wôw. En voilà des paroles rassurantes. Je suis sûr que la référence au Roi des combattants n’était pas intentionnelle.

« Peux-tu l’assumer tout en protégeant Éris ? »

« Pas de problème. On se battra comme d’habitude. »

Ruijerd ne semblait pas intimidé, même face à un ennemi de rang A. Rien que sur la base de ça, j’avais pensé qu’on s’en sortirait.

« Dans ce cas, allons-y. »

◇ ◇ ◇

J’attaquais avec ma magie à distance tandis qu’Éris et Ruijerd combattaient comme toujours le monstre en combat rapproché. J’avais donc commencé comme d’habitude avec un canon de pierre.

Nous étions face à un ennemi de rang A cette fois, alors j’avais légèrement modifié le sort pour augmenter sa puissance. Le projectile que j’avais créé était une roche creuse, en forme de coin, remplie d’une magie de feu concentrée qui l’aurait fait exploser à l’impact. Je l’avais tiré à une vitesse supersonique, m’attendant à le voir frapper le côté du serpent avec un boom qui lui fendra les oreilles.

« Quoi… »

Mais à ma grande surprise, le Cobra à la tête rouge s’était tordu et esquiva ma balle.

Ce n’était pas qu’une coïncidence. Cette chose avait esquivé le sort. Il avait repéré le projectile en l’air et avait réagi assez rapidement pour l’éviter. La pierre avait explosé inoffensivement quelque part au loin.

« Tu te fous de moi… »

Notre attaque préventive avait été un échec, mais notre escouade d’attaque spéciale n’était pas prête de s’arrêter. Ruijerd chargea vers l’avant en tête, avec Éris en retrait sur le côté. Ce n’était pas notre formation habituelle, jusqu’à présent, c’était surtout Éris qui était en tête.

« Hissss ! »

« … Hmph! »

Ruijerd partit avec une poussée typique, poignardant la tête du serpent avec son trident. Le cobra se balança pour éviter l’attaque, puis essaya de le mordre en retour. Ses crocs étaient assez gros pour percer un trou béant dans un homme, mais Ruijerd les dévia d’un coup de lance occasionnel.

Pendant ce temps, Éris tournait autour du cobra. Elle avait donné un gros coup à sa queue avec son épée. Le coup frappa le serpent, mais ne l’avait pas traversé. Ses écailles, ou peut-être ses muscles étaient clairement durs.

« Hisssss! »

Au moment même où l’attention de la Tête rouge se tournait vers Éris, Ruijerd et elle revinrent à une distance plus sûre. Sans perdre un instant, j’avais lancé un autre sort. Nous avions élaboré cette séquence auparavant. C’était assez typique de notre style de combat en tant que groupe.

« Quoi encore!? »

Malheureusement, le cobra évita mon sort une seconde fois. J’avais affilé le bout de mon projectile de pierre pour en augmenter sa vitesse, mais en vain. La balle dépassa le flanc du serpent et pénétra dans la forêt, abattant quelques arbres au passage. Une fois encore, le monstre avait réagi après avoir repéré le projectile en l’air.

Mais ce n’était pas la fin du monde. Je n’avais pas vraiment besoin de le frapper.

Notre équipe frontale attaqua par vagues. Ruijerd ciblait constamment son cerveau et ses organes vitaux, Éris se précipita pour lui couper la queue, gardant ce monstre distrait. Et de temps en temps, j’avais lancé un sort potentiellement mortel.

Le modèle était simple, mais ce n’était pas facile à gérer. Si le monstre avait concentré ses attaques sur Éris, il aurait pu percer nos lignes. Mais Ruijerd savait tellement bien gérer la situation que le cobra était forcé de nous ignorer, moi et Éris.

Ruijerd et moi ne recevions aucun résultat, mais avec le temps, le serpent s’était fatigué. Ses mouvements avaient commencé à ralentir.

Et à la fin, l’un de mes sorts canon de pierre avait finalement touché sa cible.

◇ ◇ ◇

Le temps que nous ayons fini de traiter le corps du cobra, le soleil était déjà couché. Nous avions bien sûr un festin de viande de serpent pour le dîner de ce soir.

Je ne savais pas quelles parties spécifiques de cette chose avait de la valeur, alors nous avions arraché ses crocs, puis nous lui avions arraché la peau et l’avions enroulée comme un tapis. Nous avions trouvé les œufs que le groupe de Kurt cherchait à proximité, mais ils étaient si gros qu’il semblait impossible de les transporter. J’avais réfléchi à nos options pendant un moment avant de décider d’écraser les choses. Permettre délibérément à des monstres de naître était un grand tort.

Quant à Blaze et compagnie… nous les avions soulagés de tout ce qui avait de la valeur, puis nous avions brûlé et enterré leurs corps. Si on les avait laissés allongés là, auraient-ils fini par se transformer en Exécuteurs ? Pour être honnête, je n’avais pas tout à fait compris ce phénomène de « revivification en tant que zombie ».

Mais je dois dire que ce serpent rouge était vraiment quelque chose…

Je m’étais souvenu de la bataille que nous venions de livrer, en particulier de la façon dont ce cobra avait évité ma magie.

Il avait esquivé mes sorts. De nombreuses fois, en fait. Jusqu’à ce coup direct à la toute fin, je ne l’avais jamais vraiment effleuré.

Maintenant que j’y pense, l’Exécuteur d’aujourd’hui avait probablement fait quelque chose de semblable. J’avais ciblé mon premier sort sur sa poitrine, mais il n’avait perdu qu’une partie d’un bras. J’avais peut-être besoin de comprendre que les monstres classés B ou plus hauts étaient capables d’éviter la magie.

Bien sûr, ce serpent rouge était de Rang A. Il avait en fait aussi évité les coups de lance de Ruijerd… mais c’était probablement parce qu’il se retenait. S’il l’avait vraiment voulu, j’étais sûr qu’il aurait pu le tuer instantanément.

Il était intéressant de constater qu’il n’avait jamais esquivé l’épée d’Éris. Peut-être que ce n’était pas nécessaire, vu qu’elle était beaucoup moins dangereuse.

En tout cas… ce monde était vraiment rempli de menaces terrifiantes. Même certains humains pouvaient soi-disant repousser des attaques magiques, et maintenant je me heurtais à des monstres qui pouvaient éviter une balle dans les airs. À ce rythme, j’avais dû supposer que les monstres de rang S pouvaient être capables d’être frappés par un coup du Canon de Pierre sans une égratignure.

J’avais eu instantanément une pensée effrayante… Il fallait que je me fasse cette note mentale : garder mes distances par rapport aux endroits dangereux.

D’une façon ou d’une autre, nous avions réussi à accomplir notre tâche.

Il s’était avéré que c’était aussi la dernière que nous aurions jamais terminée dans la ville de Rikarisu.

***

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