Mushoku Tensei (LN) – Tome 2 – Chapitre 1

***

Chapitre 1 : La violence de la jeune maîtresse

***

Chapitre 1 : La violence de la jeune maîtresse

Partie 1

Quand j’étais arrivé dans la ville de Roa, il faisait nuit.

Le village de Buena et la ville de Roa étaient à une journée de distance en calèche, c’était un trajet de six à sept heures. Juste la bonne distance, ni trop près ni trop loin. Roa est une ville animée, l’une des plus grandes de la région.

La première chose qui attira mon attention, c’était les murs de la citadelle. Les murs étaient solides, et mesuraient sept à huit mètres. Ils s’enroulaient autour de la ville. Des voitures tirées par des chevaux arrivèrent et passèrent par la porte gigantesque. Alors que notre carrosse passait à travers, j’avais vu des rangées de stands de marchands.

La première chose qui m’avait accueilli à l’intérieur de la ville était une écurie et une auberge. Une foule de gens se bousculait : marchands, citadins, et même des guerriers en armure. C’était vraiment comme dans un roman fantastique.

J’avais jeté un coup d’œil à ce qui ressemblait à une salle d’attente, où les gens s’asseyaient avec de grandes quantités de bagages. De quoi s’agissait-il ? C’était ce que je me demandais.

« Ghislaine, sais-tu ce que c’est ? », avais-je demandé à la personne qui était avec moi.

Elle avait, comme un animal, des oreilles et une queue. Elle avait une peau brun foncé que son armure de cuir clairsemée montrait en larges bandes. C’était une grande et musclée épéiste.

Il y avait sept niveaux dans le style du Dieu de l’épée et Ghislaine Dedoldia était au troisième rang à partir du haut. Elle avait des compétences si impressionnantes qu’elle était connue comme un Roi de l’épée. Ce sera elle qui m’enseignera l’art de l’épée.

Elle était comme un second maître pour moi.

« Toi… »

Elle s’était tournée vers moi, irritée.

« Essayes-tu de te moquer de moi ? »

Elle grogna férocement, j’avais sursauté.

« Non, je me demandais ce que c’était. Je ne le savais pas, alors j’espérais que tu me le dirais. »

« Oh, désolée. C’est ce que tu voulais dire. »

Elle vit que j’étais au bord des larmes et s’empressa de m’expliquer.

« C’est la salle d’attente pour la diligence. C’est ce que les gens utilisent normalement pour voyager entre les villes. L’autre option est de payer un colporteur pour voyager avec lui. »

Au fur et à mesure que le voiturier avançait, Ghislaine continuait à me montrer chaque endroit et à me l’expliquer. C’est la forge d’armes, c’est le bar, c’est une branche de la Guilde des aventuriers, et un autre endroit qu’il fallait mieux ne pas visiter. Ghislaine avait un visage sévère, mais elle était gentille.

L’atmosphère changea lorsque nous étions passés devant un coin de rue. Il y avait des rangées de magasins destinés aux aventuriers, une forge d’armes et une forge d’armures, et plus loin, des rangées de magasins pour les habitants de la ville. Les maisons d’habitation étaient construites au fond des ruelles.

Si vous y pensiez, les intrus devraient attaquer la ville de l’extérieur vers l’intérieur. Il était alors évident que la ville était construite de telle sorte que plus on s’enfonçait vers l’intérieur, plus les maisons devenaient grandes et plus les magasins de marchandises étaient luxueux. Plus tu vivais près du centre, plus tu étais riche.

Un gigantesque bâtiment était placé en plein milieu de la ville.

« C’est le manoir du seigneur », dit Ghislaine.

« On dirait plus un château qu’un manoir. »

« C’est une ville fortifiée, après tout. »

Roa était une ville ancienne au passé noble. Il y a 400 ans, c’était le dernier bastion de défense dans la guerre contre la race des démons. C’est pourquoi il y avait un château dans le centre de la ville. Cela dit, malgré sa puissante histoire d’origine, les nobles de la capitale impériale ne voyaient aujourd’hui Roa que comme un simple marécage rempli d’aventuriers.

« Le fait que nous soyons venus ici signifie que la Jeune maîtresse que je vais enseigner est d’un statut social élevé. »

Ghislaine secoua la tête.

« Pas tout à fait. »

« Hein ? »

Il y avait le manoir du seigneur juste devant nous. À mon avis, les seules personnes qui vivaient ici devaient être des gens de haut rang social. Ma théorie était-elle fausse ?

Alors que j’étais en train de faire ce genre de réflexion, le cocher fit un petit signe de tête au gardien du manoir du seigneur.

« Alors, elle doit être la fille du Seigneur. »

« Non. »

« Elle ne l’est pas ? »

« Pas tout à fait. »

J’avais l’impression qu’il y avait un sens caché derrière ses mots. Qu’est-ce que ça pourrait être ?

La voiture s’était arrêtée.

Lorsque nous étions entrés dans le manoir, un majordome nous avait conduits dans ce qui semblait être une salle de réception. On nous montra deux canapés alignés ensemble.

Ce sera mon premier entretien. Je devrais la jouer cool.

« Veuillez vous asseoir là. »

Pendant que je m’asseyais sur le canapé, Ghislaine s’éloignait silencieusement et montait la garde dans le coin de la pièce. Je parie qu’elle a choisi cet endroit pour pouvoir inspecter toute la pièce, pensais-je. Dans ma vie antérieure, je l’aurais prise pour une collégienne intello qui regardait trop d’anime.

« Le jeune maître devrait bientôt revenir. Attendez ici jusqu’à ce qu’il arrive. »

Le majordome versa ce que j’imaginais être du thé dans une tasse à l’aspect coûteux. Puis il se retira et se tint près de l’entrée de la pièce.

Je pris une gorgée de la boisson fumante. Pas mal. Je n’étais pas particulièrement versé dans les thés, mais il me semblait qu’il s’agissait d’un thé onéreux. Comme l’homme n’en avait pas versé pour Ghislaine, il était clair que j’étais le seul à être traité comme un invité.

« Où est-il !? »

Une voix retentit de l’extérieur de la salle, accompagnée de bruits de pas furieux et tonitruants.

« Ici !? »

Les portes s’ouvrirent violemment et un homme musclé et bien bâti entra dans la pièce. Il devait avoir une cinquantaine d’années. Il avait l’air dans la fleur de l’âge de sa vie, en dépit de quelques cheveux blancs dans ses cheveux bruns foncés.

Je posai la coupe, me levai et m’inclinai profondément.

« Enchanté de vous rencontrer. Je m’appelle Rudeus Greyrat. »

Ses narines se sont évasées.

« Hmph, tu ne sais même pas comment te présenter ! »

« Maître, le Seigneur Rudeus n’a jamais quitté Buena Village. Il est encore jeune, je suis sûr qu’il n’a pas encore eu le temps d’apprendre les bonnes manières. Vous pouvez sûrement oublier un peu de son… »

« Et toi, la ferme ! »

Cette réprimande réduisit immédiatement le majordome au silence.

Si c’était le maître de maison, ça signifiait qu’il était mon employeur, non ? Il était certainement en colère. Il devait y avoir quelque chose qui lui manquait chez moi. J’avais essayé d’être aussi poli que possible quand je m’étais présenté, mais l’étiquette des nobles était peut-être différente ici.

« Hmph. Alors je suppose que Paul n’a même pas jugé bon d’enseigner les bonnes manières à son propre fils ! »

« On m’a dit que mon père déteste les formalités, c’est pourquoi il a quitté la maison de son père. Je suppose que c’est aussi pour ça qu’il ne m’a rien appris. »

« Déjà avec les excuses ! Tu es comme lui ! »

« Mon père a-t-il vraiment trouvé tant d’excuses ? »

« Oui ! Une excuse chaque fois qu’il ouvrait la bouche. S’il a mouillé son lit, une excuse ! S’il s’est battu, une excuse ! S’il a fait l’école buissonnière, une excuse ! »

Il était vraiment en train de s’énerver pour ça.

« Même toi ! Si tu voulais apprendre les bonnes manières, tu aurais pu le faire ! La seule raison pour laquelle tu ne l’as pas fait, c’est parce que tu n’as fait aucun effort ! »

Une partie de moi était d’accord avec lui. J’étais tellement préoccupé par la magie et mon style à l’épée que je n’avais pas essayé d’apprendre autre chose. J’avais peut-être été trop étroit d’esprit.

La meilleure réponse avait été de reconnaître mon erreur.

« Vous avez raison. C’est de ma faute si je n’ai pas appris les bonnes manières. Je m’en excuse. »

Quand j’avais baissé la tête, il avait tapé du pied si fort que le sol avait grincé.

« Cependant ! Je reconnais que tu as fait un effort courageux au lieu d’être sur la défensive face à ton manque d’éducation sur l’étiquette ! Je t’autorise donc à rester ici ! »

Je n’étais pas sûr de ce qui se passait, mais au moins il avait dit que je pouvais rester.

Sur ce, le maître de maison se retourna et sortit de la pièce, les épaules raides et fermes.

« C’est le seigneur de la région de Fittoa, Sauros Boreas Greyrat. Il est aussi l’oncle de Maître Paul », dit le majordome.

C’était donc le seigneur féodal. Son intensité m’avait fait craindre à quel point il soit un bon gouverneur. Il y avait beaucoup d’aventuriers par ici, alors peut-être qu’il vous fallait une personnalité forte pour être un vrai seigneur féodal.

Attendez. Le majordome avait dit Greyrat et oncle ? En d’autres termes, ça voulait dire…

« C’est donc mon grand-oncle ? »

« Oui. »

Je le savais.

Paul avait ainsi utilisé son lien avec un membre de sa famille, même s’il en était éloigné. Je n’aurais jamais imaginé qu’il venait d’une famille aussi noble. Il avait eu une éducation privilégiée.

« Que se passe-t-il, Thomas ? Tu as laissé la porte grande ouverte. »

Quelqu’un apparut dans l’embrasure de la porte : un homme mince et léger aux cheveux bruns et lisses.

« On dirait que papa est d’humeur joyeuse. S’est-il passé quelque chose ? »

Parce qu’il avait appelé le seigneur père, j’avais cru que c’était le cousin de Paul.

Le majordome dit : « C’est le jeune maître. Pardon, excusez-moi. Il y a un instant, le Maître a rencontré le Seigneur Rudeus. Il semble qu’il était content de lui. »

« Ah-ha. S’il est le genre de personne que mon père aime… peut-être que j’ai mal choisi ? »

Il s’était assis sur le canapé en face de moi.

Oh, oui, je devrais me présenter, je m’en étais souvenu.

« Ravi de faire votre connaissance. Je m’appelle Rudeus Greyrat. »

Comme je l’avais fait il y a un instant, je m’étais incliné profondément tout en baissant la tête.

« Ah oui, et je suis Philip Boreas Greyrat. Les nobles se saluent en posant leur main droite sur leur poitrine et en inclinant légèrement la tête. Vous avez dû mettre mon père en colère à cause de votre approche incorrecte, n’est-ce pas ? »

« Comme ça ? »

J’avais suivi son exemple et j’avais légèrement baissé la tête.

« Oui, c’est ça. Bien que votre tentative il y a un instant ne soit pas mauvaise. C’était toujours poli. Je suis sûr que si un ouvrier saluait mon père comme ça, il serait content. Maintenant s’il vous plaît, asseyez-vous. »

Il se retourna sur le canapé avec un bruit sourd et fort.

J’avais suivi son exemple et j’avais pris mon siège. L’entretien allait maintenant commencer.

« Que vous a-t-on dit ? »

« On m’a dit que si je passais cinq ans ici à enseigner à la Jeune Maîtresse, on me donnerait assez d’argent pour couvrir les frais de scolarité à l’Université de Magie. »

« C’est tout ? »

« Oui. »

« Je vois. »

Il posa la main sur son menton et regarda la table comme s’il était perdu dans ses pensées.

« Aimez-vous les filles ? »

« Pas autant que mon père. »

« Oh, vraiment ? Alors vous passez. »

Attendez, quoi ? N’était-ce pas un peu rapide ?

« Pour l’instant, les seules personnes que cette fille aime, c’est Edna, sa professeure d’étiquette, et Ghislaine, son entraîneuse d’épée. J’ai déjà congédié plus de cinq personnes. Parmi eux, il y avait un homme qui enseignait dans la ville impériale. »

J’avais compris qu’il insinuait que ce n’était pas parce que quelqu’un enseignait dans la ville impériale qu’il était bon à cela.

« Et en quoi ça a un rapport avec le fait que j’aime ou non les filles ? »

« Aucun rapport. C’est juste que Paul était le genre d’homme qui travaillerait aussi dur qu’il le pourrait si c’était pour une jolie fille. Alors j’ai pensé que vous étiez probablement le même. », dit-il en haussant les épaules.

C’était moi qui aurais dû hausser les épaules. Ne nous mets pas dans la même catégorie.

« Je vais être honnête, je n’attends pas grand-chose de vous. Je me suis dit que puisque vous êtes le fils de Paul, je ferais aussi bien d’essayer. »

« Vous avez raison, c’était très honnête », avais-je dit.

« Quoi, vous voulez dire que vous êtes sûr de pouvoir le faire ? »

Non, pas du tout. Bien que ce ne soit pas quelque chose que je puisse dire dans cette situation.

« Je ne le saurai pas avant de l’avoir rencontrée. »

D’ailleurs, je pouvais imaginer le rire moqueur de Paul si j’échouais dans ce travail et que je devais en trouver un autre. Je le savais, tu n’es encore qu’un enfant, dirait-il. Ce n’était pas une blague. Je ne tolérerais pas d’être méprisé par quelqu’un qui était techniquement plus jeune que moi.

Hmm…

« Écoutez, je vais aller la rencontrer et si elle a l’air de me donner du fil à retordre… je peux essayer d’utiliser un de mes trucs. »

C’était l’occasion d’utiliser certaines connaissances de ma vie antérieure. La façon parfaite de faire en sorte qu’une fille gâtée et miteuse m’écoute.

« Un truc ? Qu’est-ce que vous voulez dire ? »

Je lui donnais une explication simple.

« Voici les grandes lignes. Quelqu’un associé à votre maison nous kidnappera pendant que je suis avec la Jeune Maîtresse. Ensuite, j’utiliserai mes compétences en lecture, en écriture et en arithmétique, ainsi que ma magie, pour que nous puissions tous les deux nous échapper et revenir ici en toute sécurité. »

Philip me fixa, le regard distant, pendant un moment, mais il revint à lui même subitement et il hocha la tête.

« En d’autres termes, vous essayez de l’amener à étudier de son plein gré. Intéressant. Mais êtes-vous sûr que ça va marcher ? »

« Je pense que ça a plus de chance de marcher que si des adultes la forcent à le faire. »

C’était une intrigue fréquente dans les anime et manga : un enfant qui détestait étudier et qui avait besoin d’apprendre l’importance de l’éducation après avoir été pris dans quelque chose dont ils avaient besoin pour s’échapper. Ça n’avait pas vraiment d’importance si ceux qui l’orchestraient étaient sa propre famille, n’est-ce pas ?

« C’est quelque chose que Paul vous a appris ? Comme l’un des moyens pour qu’une fille tombe amoureuse de vous ? »

« Non. Mon père n’a pas besoin d’aller si loin pour être populaire auprès des femmes. »

« Populaire, hein… Pfft. »

Philip éclata de rire.

« C’est exact. Il a toujours été populaire. Il n’a rien à faire et les filles viennent le voir de toute façon. »

« Chaque personne qu’il m’a présentée a été l’une de ses maîtresses. Même Ghislaine. »

« Oui, je suis incroyablement envieux de lui. »

« J’ai peur qu’il ne mette la main sur l’ami d’enfance que j’ai laissé au village de Buena. »

L’anxiété m’avait frappé au moment où ces mots quittèrent mes lèvres. Dans cinq ans… Sylphie aura beaucoup grandi. Je détesterais rentrer chez moi pour découvrir qu’elle faisait partie du harem de mon père.

« Ne vous inquiétez pas. Paul ne s’intéresse qu’aux femmes adultes. »

Tandis que Philip disait cela, il regarda Ghislaine dans le coin de la pièce.

« Oh. »

J’avais compris ce qu’il voulait dire. Ghislaine avait à tous les coups une silhouette très… développée. En y repensant, Zenith et Lilia aussi. Qu’est-ce qui était si développé, demandez-vous ? Leurs seins, bien sûr.

« Ça devrait aller, ça ne fait que cinq ans. Elle peut mûrir un peu, mais je doute qu’elle puisse devenir si grosse, puisqu’elle a du sang d’elfe dans les veines. Même Paul n’est pas si démoniaque. »

Pouvais-je lui faire confiance ? D’ailleurs, comment savait-il que Sylphie était en partie elfe ? Peut-être que j’aurais mieux fait de supposer qu’il n’y avait rien de secret sur le temps que j’avais passé au village de Buena.

« Ce qui m’inquiète le plus est de savoir si vous séduirez ma fille. »

« Pourquoi ça vous inquiète alors que je n’ai que sept ans ? »

Bon sang, c’est impoli de dire ça. Je n’allais rien faire. Et si elle était tombée amoureuse de son plein gré, ce ne serait pas ma faute.

« Dans la lettre de Paul à votre sujet, il a dit qu’il vous renvoyait parce que vous passiez trop de temps à jouer avec les femmes. Je pensais que c’était juste une blague, mais après avoir entendu votre plan, je commence à en douter. »

« C’est seulement parce que je n’avais pas d’amis à part Sylphie. »

De plus, ce n’était pas ses affaires.

« Eh bien, nous ne ferons aucun progrès en parlant. Vous devez rencontrer ma fille. Thomas, amène-la-lui. »

Philip se leva.

Et ainsi, je l’avais finalement rencontrée.

***

Partie 2

Arrogante.

C’était ma première pensée quand je l’avais vue. Elle avait deux ans de plus que moi, ses yeux étaient vifs et étroits, et ses cheveux ondulés. Ces cheveux étaient d’un rouge si pur qu’on aurait dit que quelqu’un lui avait jeté un seau de peinture dessus.

Ma première impression d’elle était qu’elle était féroce. Je n’avais aucun doute qu’elle serait un jour une beauté, mais j’avais prédit que la plupart des hommes la trouveraient trop difficile à manœuvrer. Peut-être que si vous étiez un masochiste sérieux… Bon, d’accord, elle était peut-être pas si mal.

Quoi qu’il en soit, elle était dangereuse. Mon instinct me lançait des avertissements quand je m’approchais d’elle.

Mais ce n’était pas comme si je pouvais m’enfuir. Je l’avais donc saluée comme Philip me l’avait demandé.

« C’est un plaisir de vous rencontrer. Je suis Rudeus Greyrat. »

« Hmph ! »

Elle me regarda, ses narines s’évasèrent, comme celles de son grand-père. Elle avait les bras croisés fermement sur la poitrine alors qu’elle me regardait fixement, au sens figuré et au sens propre du terme, puisqu’elle était plus grande que moi. Son expression avait tourné au vinaigre quand elle a dit : « Qu’est-ce que c’est, il est plus jeune que moi ! Et pourtant, il est censé m’apprendre ? Arrêtez de plaisanter ! »

Je le savais, elle était très fière. Mais je ne pouvais pas reculer.

« Je ne pense pas que l’âge ait quoi que ce soit à voir avec ça », avais-je dit.

« Ah ouais !? Tu as un problème avec moi !? »

Sa voix était si forte que mes oreilles sonnaient.

« Ce que je dis, mademoiselle, c’est que je peux faire des choses que vous ne pouvez pas faire. »

Dès que j’avais dit cela, ses cheveux semblèrent se redresser, comme une manifestation physique de sa colère.

C’était terrifiant.

Merde, pourquoi ai-je peur d’une fille qui n’a même pas dix ans !

« T’es certainement imbu de toi-même, n’est-ce pas ! Pour qui me prends-tu ? »

J’avais calmé ma peur et je lui répondis.

« Vous êtes ma cousine germaine, c’est ça ? »

« Hein… ? Qu’est-ce que c’est que ça ? »

« Ça veut dire que mon père est le cousin de votre père. En d’autres termes, vous êtes la petite-fille de mon grand-oncle. »

« De quoi parles-tu !? Je ne comprends pas ! »

Peut-être que ce n’était pas la meilleure façon de le formuler ? Je devrais peut-être lui dire qu’on était parents.

« Vous avez entendu parler de Paul, n’est-ce pas ? »

« Bien sûr que non ! »

« Oh, d’accord. »

C’était inattendu. Apparemment, elle ne savait pas qui il était. Peu importe comment nous étions liés. C’était plus important de la faire parler. Après tout, lorsque vous démarrez un jeu vidéo pour la première fois, la meilleure façon d’établir une relation avec un PNJ était de lui parler à plusieurs reprises.

Alors que je pensais ça, elle leva la main et me gifla.

« Hein… ? »

C’était si abrupt. Elle me frappa juste au visage. Je lui avais demandé, un peu confus : « Pourquoi m’avez-vous frappé ? ».

« Parce que tu agis de façon si suffisante alors que tu es plus jeune que moi ! »

« Alors c’est comme ça. »

Ma joue était encore chaude là où elle m’avait giflé. Ça m’avait piqué. Ça fait mal, pensais-je.

Ma deuxième impression d’elle était qu’elle était violente.

Je crois que je n’avais pas d’autre choix.

« Très bien, alors je vais vous rendre la pareille. »

« Quoi !? »

Je n’avais pas attendu sa réponse, je l’avais giflée. Smack ! Ce n’était pas un son très agréable.

C’était probablement faible parce que je n’avais pas l’habitude de gifler les gens. C’est très bien. Au moins, elle a ressenti la douleur. Je m’étais rassuré.

« Maintenant, vous comprenez… »

C’est ce que j’essayais de dire, mais du coin de l’œil, j’avais vu ses cheveux se dresser et elle tira son poing en arrière. C’était exactement la même pose qu’une statue de Nio, l’un des gardiens divins et courroucés du Bouddha.

Juste comme je le pensais, son poing entra en contact avec moi. Sa jambe attrapa la mienne dès que j’avais commencé à trébucher. Puis sa main claqua contre ma poitrine, me forçant à m’effondrer. Quelques secondes plus tard, elle était perchée sur moi. Quand j’avais réalisé ce qui se passait, elle avait mes bras coincés sous ses genoux.

H-huh ? Je ne peux pas bouger ? J’avais paniqué.

« Hé, attendez ! »

Le son de ma consternation avait été noyé par ses hurlements.

« Contre qui crois-tu avoir levé la main !? Je vais te le faire regretter ! »

Son poing tomba sur moi comme un marteau.

« Aïe, aïe, ça fait mal ! Attendez, quoi, non, arrêtez ! »

J’avais pris cinq coups de poing avant de pouvoir utiliser ma magie pour m’échapper. Bien que mes jambes menaçaient de s’effondrer sous moi, je m’étais forcé à me redresser et à les plier pour porter une contre-attaque. Je l’avais frappée au visage avec une vague de magie du vent.

« … Tu ne vas pas t’en tirer comme ça. »

Mon attaque l’avait ébranlée, mais ça ne l’avait pas arrêtée un seul instant. Elle était venue en volant vers moi avec l’expression du diable sur son visage.

J’avais réalisé mon erreur dès que j’avais vu son expression. En trébuchant, je m’étais enfui. Elle n’était pas le genre de jeune maîtresse à laquelle j’étais habitué. Elle n’était pas du genre capricieux et égoïste, qui prenait des décisions en fonction de leurs sentiments du moment. Elle était plutôt la protagoniste délinquante d’un manga !

J’aurais peut-être pu la frapper avec ma magie, mais je doutais qu’elle m’écoute. Elle attendait son heure pour se rétablir, puis elle reviendrait pour se venger. Je pourrais la frapper avec de la magie à chaque fois, mais sa détermination ne faiblira jamais.

Contrairement à un protagoniste de manga, elle semblerait aussi être du genre à se battre salement. Elle pouvait me jeter un vase du haut de l’escalier ou venir vers moi dans l’ombre avec une épée en bois. Elle ferait n’importe quoi pour s’assurer qu’elle rende dix fois les dommages qu’elle avait reçus. Si l’occasion se présentait, elle ne cacherait rien.

Ce n’était pas une blague. Je ne pouvais pas utiliser la magie de guérison parce que je ne pouvais pas m’arrêter pour chanter le sort. Mais tant que l’on continuait comme ça, elle n’écouterait pas ce que j’avais à dire. J’allais devoir utiliser la force brute pour qu’elle m’écoute.

Mais c’était la seule décision que je ne pouvais pas prendre pour l’instant.

Voilà, maintenant elle était sur le point de m’attraper.

◇ ◇ ◇

Épuisée par sa poursuite, la Jeune Maîtresse finit par abandonner et retourna dans sa chambre. Elle n’avait pas réussi à me trouver, mais c’était proche.

Je me sentais engourdi quand cette démone rousse passa à côté de moi. Je n’aurais jamais imaginé être ainsi le protagoniste d’un film d’horreur. Totalement épuisé, j’étais retourné vers Philip, qui m’attendait avec un sourire amer sur son visage.

« Alors, comment ça s’est passé ? »

« Pas bien du tout », répondis-je au bord des larmes.

Quand elle me frappait, j’avais cru qu’elle allait me tuer. Quand je m’étais enfui, j’étais presque en larmes.

Ça faisait si longtemps que je n’avais pas ressenti ça. Pourtant, j’en avais déjà fait l’expérience. Non pas que je portais le traumatisme avec moi ou quoi que ce soit d’autre. 

« Alors, vas-tu abandonner ? »

« Il en est hors de question. »

Comment pourrais-je ? Je n’avais rien accompli. Si je reculais maintenant, cela voudrait dire que j’avais été frappé pour rien.

« Je veux que nous puissions faire ce dont nous avons parlé tout à l’heure. »

J’inclinai la tête devant lui avec détermination. J’allais apprendre à cette bête ce qu’était vraiment la vraie peur.

« D’accord. Thomas, fais les préparatifs. »

Juste à ce moment, le majordome prit congé. Philip avait dit : « Tu as vraiment des idées intéressantes. »

« Le pensez-vous vraiment ? »

« Effectivement. Tu es le seul professeur à être venu me voir avec un plan aussi ambitieux. »

« Mais je pense que ce sera efficace. »

J’étais quand même un peu nerveux.

« Est-ce que mon petit truc marchera vraiment sur quelqu’un ayant sa personnalité ? »

Philip haussa les épaules et dit : « Ça dépendra du travail que tu feras. »

Naturellement.

C’était ainsi que nous avions commencé à travailler sur notre plan.

◇ ◇ ◇

J’étais entré dans la pièce qu’ils m’avaient donnée. C’était délicieusement meublé. Il y avait un grand lit et d’autres meubles lourdement décorés, de beaux rideaux et une bibliothèque toute neuve. Tout ce dont elle avait besoin, c’était d’un climatiseur et d’un ordinateur et ce serait un vrai paradis. C’était une belle chambre.

Ce devait être une chambre d’amis, plutôt qu’une chambre de domestiques, qui m’avait été donnée parce que je portais le nom de Greyrat. Pour une raison ou une autre, la plupart de leurs domestiques étaient des hommes bêtes. J’avais entendu dire qu’ils faisaient de la discrimination contre les démons dans ce pays, les races bestiales seraient-elles une exception ?

« Ah, Paul, salaud. C’est un sacré endroit dans lequel tu m’as envoyé. »

Je m’étais couché sur le lit et j’avais mis ma tête palpitante dans mes mains. Probablement un effet persistant du coup de poing. J’avais murmuré un chant pour guérir mes blessures.

« Au moins, c’est mieux que ce qui s’est passé dans ma vie antérieure. »

Bien sûr, la partie où j’avais été frappé et viré de la maison était la même. Mais cette fois, les choses seraient différentes. Je ne serais pas laissé pour compte dans le froid. Il y avait un monde de différence entre mon présent et mon passé.

Paul s’en assurerait. Il m’avait déjà préparé un travail et un endroit pour dormir. Il m’avait même donné de l’argent de poche. C’était plus que suffisant.

Si mon ancienne famille avait tant fait pour moi, j’aurais peut-être pu changer ma vie. S’ils m’avaient trouvé un travail, un endroit où vivre et veillaient sur moi pour s’assurer que je ne m’enfuyais pas…

Non, ça ne serait jamais arrivé. J’avais 34 ans et je n’avais pas d’antécédents professionnels. Ils m’avaient abandonné parce qu’ils ne pouvaient rien faire de moi.

De toute façon, je doutais que j’aie changé même s’ils l’avaient fait pour moi. Je n’aurais probablement même pas essayé de trouver du travail. S’ils m’avaient pris mon ordinateur, mon seul amour, je me serais probablement suicidé.

Les choses étaient différentes maintenant parce que j’étais différent. Parce que j’avais décidé cette fois de travailler et de gagner de l’argent. J’avais peut-être été forcé de me retrouver dans cette situation, mais le moment était parfait. J’avais peut-être mal compris Paul.

« Mais il n’avait pas besoin de m’envoyer ici pour gérer ça. »

De toute façon, c’était quoi cette créature enragée ? En quarante ans de vie, je n’avais jamais rien vu de tel auparavant. Terrifiant n’était pas assez fort pour décrire ça. C’était violent. Comme une cocotte-minute qui explosait. Assez pour te donner un TSPT. J’avais peut-être un peu mouillé mon pantalon. (NdT : Trouble de Stress Post Traumatique)

Alors que la plupart des lames japonaises avaient un côté émoussé, elle était comme une épée à double tranchant. Comme une bouteille de poison qui avait été renversée partout.

Maintenant, je comprends pourquoi elle a été virée de l’école.

Il y avait de l’expérience dans la façon dont elle me frappait avec ses poings. C’était des poings qui avaient l’habitude de frapper les gens. Des poings qui avaient battu des gens, qu’ils aient résisté ou non.

Elle n’avait que neuf ans et pourtant, elle savait si bien rendre ses adversaires impuissants. Pourrais-je vraiment enseigner à quelqu’un comme ça ?

J’avais parlé à Philip de notre plan.

D’abord, on la kidnappait et on lui donnait un avant-goût de ce que c’était que d’être impuissant. C’était à ce moment-là que je venais l’aider. De cette façon, elle apprendrait à me respecter et à suivre mes cours avec obéissance. Un plan simple, mais je savais comment ça devait se passer. Tant qu’elle réagissait bien, tout se passera bien.

… Mais est-ce que cela marchera vraiment ? Elle était bien plus violente que je ne l’aurais jamais imaginé. Elle mugissait et criait jusqu’à ce que son adversaire morde à l’hameçon, puis les battait à mort. Sa violence montrait clairement à quel point son désir de gagner était fort.

Était-il possible que, même après avoir été enlevée, elle ne soit pas du tout affectée ? Et que quand je serais allé l’aider, elle ne soit pas du tout surprise et dirait : « Tu en as mis du temps, sac à merde. »

C’était possible. Avec elle, c’était tout à fait possible.

Il était probable qu’elle réagirait d’une façon que je ne pouvais prévoir. J’avais donc besoin de me préparer mentalement à ça. L’échec n’était pas une option.

J’y avais réfléchi. J’avais essayé de trouver un plan qui me permettrait certainement de réussir. Pourtant, plus j’y pensais, plus mes pensées s’embrouillaient.

« S’il te plaît, mon Dieu, fasse que ce plan fonctionne. »

À la fin, j’avais prié. Je ne croyais pas en Dieu, et pourtant, comme tout Japonais, je m’étais tourné vers la prière quand j’étais en difficulté.

S’il te plaît, d’une façon ou d’une autre, faites que ça marche, j’avais prié.

C’était alors que j’avais réalisé que j’avais laissé ma culotte chérie dans le village de Buena. J’avais pleuré. Il n’y avait pas de Dieu (alias Roxy) ici.

◇ ◇ ◇

NOM : « Jeune maîtresse »

OCCUPATION : Petite-fille du seigneur féodal de Fittoa.

PERSONNALITÉ : Féroce

NE FAITES PAS ÇA : N'écoute pas ce que les gens disent

LECTURE/ÉCRITURE : Peut écrire son propre nom

ARITHMÉTIQUE : Peut faire des additions à un chiffre

MAGIE : Aucune idée

ESCRIME : Style du Dieu de l’épée — Niveau débutant

ÉTIQUETTE : Peut faire le salut à la Boreas.

LES GENS QU’ELLE APPRÉCIE : Grand-père, Ghislaine

***

Si vous avez trouvé une faute d’orthographe, informez-nous en sélectionnant le texte en question et en appuyant sur Ctrl + Entrée s’il vous plaît. Il est conseillé de se connecter sur un compte avant de le faire.

Laisser un commentaire