Mushoku Tensei (LN) – Tome 11 – Chapitre 5 – Partie 2

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Chapitre 5 : Norn Greyrat

Partie 2

Tout ce qui concerne la vie dans les dortoirs était nouveau pour moi. C’était vraiment excitant.

Pour la première fois de ma vie, j’avais une colocataire. J’allais vivre avec une fille plus âgée appelée Marissa. C’était un démon.

Ma grand-mère disait toujours que les démons étaient des créatures maléfiques, des monstres ne vivant que de chasse et de destruction. Si je n’avais pas rencontré Ruijerd, j’aurais probablement continué à le croire. Mais j’avais rencontré Ruijerd, je m’étais donc présentée poliment à Marissa, et elle m’avait accueillie chaleureusement en réponse. J’avais besoin de beaucoup d’aide, puisque je commençais au milieu du trimestre scolaire, et Marissa était vraiment là pour moi. Elle m’avait appris comment fonctionnaient les repas ici, où étaient les toilettes et les règles du dortoir.

Alors qu’elle me faisait visiter les lieux, une fille démone à l’air effrayant de la « brigade d’autodéfense » nous avait repérées et s’était présentée à moi.

« Nous sommes tous une grande famille ici, alors nous devons veiller les uns sur les autres. », avait-elle dit

J’étais un peu intimidée par elle, mais Marissa m’avait dit que c’était une personne au grand cœur qui prenait ses responsabilités au sérieux.

Dans l’ensemble, j’avais hâte de commencer ma nouvelle vie ici. C’était ennuyeux de devoir retourner chez mon frère tous les dix jours, mais il ne me posait pas trop de questions spécifiques, alors ce n’était pas si grave.

Et ce fut ainsi que commença ma nouvelle vie d’élève d’internat.

J’avais tout de suite compris que les cours ici étaient très difficiles. Je pensais que cela était dû au fait que les professeurs expliquaient tout différemment de ceux de Millis. Cela aurait pu être différent si j’avais assisté à tous les cours dès le début, mais j’étais arrivée à mi-chemin. Il y avait beaucoup de cours que je ne pouvais pas suivre.

À Millis, nous avions eu beaucoup de cours sur la religion, mais ce n’était même pas un sujet ici. À la place, nous avions des leçons pratiques de magie. Je n’étais pas non plus très douée pour ça. Les professeurs n’avaient pas pris la peine d’expliquer les bases.

C’était un peu décourageant. Mais si mes notes étaient trop mauvaises, je pourrais finir par être traînée chez mon frère. J’avais essayé d’étudier dans ma chambre, mais ça ne m’avait pas aidée. Et puis, alors que j’étais au bout du rouleau, Marissa a eu la gentillesse de me donner des cours particuliers. Avec son aide patiente, j’avais finalement réussi à comprendre certains des concepts que j’étais censée apprendre en classe.

Aisha aurait probablement compris tout ça instantanément. Parfois, je me détestais d’être aussi stupide.

Le campus était très grand, et je me perdais régulièrement.

Les leçons pratiques de magie et de condition physique étaient particulièrement mauvaises. Ils les tenaient dans un tas de salles différentes que je ne pouvais jamais me rappeler comment trouver. Chaque fois que je me perdais, je devais demander mon chemin à un élève plus âgé ou attendre que quelqu’un de ma classe vienne me chercher.

Une de ces fois, j’étais même tombée sur Rudeus. Pour une raison inconnue, il marchait avec l’élève le plus important de toute l’école. C’était incroyablement embarrassant.

Tout le monde à l’université avait peur de mon frère.

D’après ce que j’avais entendu, il était le chef d’une petite bande de six voyous qui faisaient tout ce qu’ils voulaient. Deux de ces personnes vivaient dans mon dortoir. C’était des grandes filles à l’air effrayantes qui se pavanaient comme si l’endroit leur appartenait. Marissa m’avait prévenue de ne pas me mettre sur leur chemin si je pouvais l’éviter.

La rumeur disait que Rudeus avait ordonné à ces deux-là de collecter une paire de culottes de chaque jolie fille de l’école.

La femme de mon frère était-elle au courant ? Probablement pas. Je n’avais aucune idée de ce qu’il comptait faire avec tous ces sous-vêtements, mais ça me mettait hors de moi. Mon père était parti risquer sa vie pour sauver ma mère, et mon frère s’amusait comme un idiot. Mon opinion de lui était de plus en plus basse.

Mais malgré ses actions bizarres, la réputation de mon frère était étrangement positive. Les gens disaient qu’il ne s’en prenait jamais aux élèves ordinaires. Même s’il faisait ce qu’il voulait, il ne faisait de mal à personne et ne les harcelait pas. En fait, il avait soi-disant dit à tous les durs à cuire d’arrêter de s’en prendre à plus faible qu’eux. Un des enfants les plus effrayants de ma classe s’était même vanté d’avoir parlé à Rudeus une fois.

Rudeus était meilleur en magie que quiconque à l’Université, et apparemment, c’était aussi un bon professeur. Les gens disaient qu’il était le tuteur d’une fille encore plus jeune que moi.

Mes camarades de classe, mes professeurs, et même Marissa m’avaient dit que je devrais essayer de suivre ses traces. Ils voulaient que je sois comme lui. Que je sois comme… le frère que je craignais, que je détestais et que je ne comprenais pas du tout.

Je ne voulais pas être comme lui.

Mais plus que tout, ça me faisait mal de savoir que je ne pouvais pas me comparer à lui. Il était meilleur que moi en tout, tout comme Aisha.

Peu importe à quel point j’essayais, je ne serais jamais de taille pour lui.

Je détestais Rudeus. Je pensais que c’était une personne terrible.

Mais le fait était que je ne pouvais même pas commencer à rivaliser avec lui.

Un jour, j’étais retournée dans mon dortoir et m’étais écroulée sur mon lit.

Un grand fouillis d’émotions s’était développé en moi depuis des semaines. Amertume, tristesse, apitoiement sur soi, colère et je ne sais quoi encore.

Je ne pouvais plus les retenir. Je ne pouvais pas m’empêcher de m’effondrer.

Marissa était revenue dans la chambre un peu plus tard. Elle m’avait vu pleurer dans mon oreiller et m’avait demandé gentiment ce qui n’allait pas. Je lui avais simplement répondu que « Ce n’est rien » et j’avais mis ma couverture sur ma tête.

Qu’est-ce que j’étais censée faire maintenant ?

Avais-je tort à propos de Rudeus ? Ou est-ce que c’était tout le monde ?

… C’était probablement moi. Il n’était probablement pas aussi mauvais que je le pensais.

J’étais très jeune le jour où j’avais vu Rudeus frapper mon père. Après cela, mon père avait essayé d’expliquer qu’il avait traversé une période difficile, mais je n’avais jamais pu comprendre ce que cela signifiait. Mais maintenant, après tout ce temps, ça avait finalement pris un sens pour moi. N’étais-je pas en train de « traverser une période difficile » moi-même en ce moment ?

Si je travaillais dur, que je changeais les choses et que je parvenais à me remonter le moral, ce serait vraiment nul d’entendre quelqu’un dire : « Wôw, regarde-toi. Ça doit être bien d’avoir une vie aussi insouciante ». J’aurais probablement aussi envie de les frapper. Même si c’était mon propre père.

Au fond, Rudeus et moi étions probablement des personnes similaires. Il n’était finalement pas un monstre inhumain.

Mais ceci dit… comment étais-je supposée parler de tout ça avec lui maintenant ? Que voudrait-il de moi ? Comment avait-il réussi à se réconcilier avec papa, d’ailleurs ?

J’y avais pensé, et j’y avais encore pensé, rien ne me venait à l’esprit. Et finalement, mon ventre commença à me faire mal. J’avais eu une crampe à l’estomac, et j’avais commencé à avoir la nausée. Je m’étais donc enfouie plus profondément dans mon lit et je n’avais rien fait.

Je ne pouvais rien faire. Je ne pouvais même pas me résoudre à aller voir mon frère.

 

 

Dans ces moments-là, papa était toujours là pour moi. Quand quelque chose de grave arrivait et que je me recroquevillais dans mon lit, il entrait et me frottait doucement le dos pendant un moment. Et après notre séparation, Ruijerd avait pris sa place. Il me prenait sur ses genoux, me tapotait la tête et me racontait des histoires.

Je n’avais personne comme ça ici. Marissa était gentille avec moi, mais elle n’était pas de mon côté. Tout ce qu’elle avait pu suggérer, c’était que je devrais parler à mon frère, ou essayer de retourner en classe.

Je savais déjà tout ça. Le problème était que mon corps ne voulait pas bouger.

*****

Combien de temps s’était écoulé depuis que je m’étais pelotonnée dans mon lit ?

J’avais continué à penser en rond pendant ce qui m’avait semblé être de nombreuses heures, puis je m’étais endormie d’épuisement. J’avais répété ce cycle plusieurs fois, cela devait donc faire quelques jours maintenant.

J’étais assise sur le bord de mon lit. Et pour une raison inconnue, Rudeus était juste en face de moi. Il était assis en arrière sur une chaise et me fixait.

« Norn, je — »

« Uhm, Rudeus — »

C’était comme si c’était la première fois que je prononçais le nom de mon frère à voix haute.

Nous avions tous les deux rompu le silence exactement au même moment. Apparemment, je n’hallucinais pas. Comment était-il entré dans le dortoir des filles ?

J’étais si confuse que je ne savais pas quoi dire. Mon frère était silencieux aussi. Pendant un moment, on s’était juste regardés.

C’était la première fois que je regardais aussi attentivement le visage de Rudeus. Il avait l’air un peu anxieux. Ses traits me rappelaient un peu mon père, ce qui était plutôt rassurant. Mais bien sûr, ils se ressemblaient.

« Je suis désolé, Norn. Cela n’a pas été facile pour toi ici, n’est-ce pas ? Je suppose que je ne te comprends pas très bien… Je sais que ça doit être dur pour toi, mais je ne sais pas trop quoi faire. », dit Rudeus d’une voix hésitante.

Était-ce moi, ou bien était-il vraiment nerveux ? Ça me faisait aussi penser à mon père.

« … »

Mon frère s’était de nouveau tu. Il était resté assis là tranquillement, sans bouger d’un pouce.

Il me regardait avec anxiété, mais il n’avait pas bougé de sa chaise. Mon père m’aurait probablement déjà entourée de ses bras, et Ruijerd m’aurait tapé sur la tête. Mais mon frère ne s’était même pas approché de moi.

« Oh. »

J’avais soudainement compris pourquoi.

Il ne pouvait pas m’approcher. Il avait trop peur que je le rejette.

À l’instant où cette pensée m’était venue, j’avais senti toutes mes émotions négatives commencer à fondre. Je ne détestais plus Rudeus. Je ne le trouvais pas effrayant non plus. Il ressemblait trop à mon père.

Il n’allait jamais me frapper, quoi qu’il arrive. Et il n’allait probablement plus jamais frapper mon père.

« Sniff… »

J’avais besoin de lui pardonner.

« Hic ! »

Des larmes coulaient sur mes joues maintenant. Ma gorge tremblait.

Après un moment, j’avais commencé à sangloter.

« Je suis désolée, Rudeus ! Je suis désolée… »

Lentement, prudemment, mon frère s’était levé et s’était assis à côté de moi. Il avait doucement posé sa main sur ma tête, puis il m’avait serrée contre sa poitrine. Sa main était chaude, et sa poitrine était ferme.

Il sentait aussi un peu comme mon père.

J’avais passé le reste de la nuit à pleurer dans ses bras.

Rudeus

Au final, je n’avais pas fait grand-chose.

Norn ne m’avait pas dit ce qui se passait. Elle ne m’avait jamais dit ce qui la contrariait, ou ce qu’elle ressentait. Elle pleura simplement pendant un long moment.

Et puis, quand c’était enfin terminé, elle leva les yeux et marmonna : « Je vais mieux maintenant. »

Et ce fut tout.

Mais pour une raison inconnue, elle avait enfin l’air vraiment bien. Elle avait même réussi à me regarder droit dans les yeux.

Je m’étais senti énormément soulagé. Quelque chose me disait qu’elle allait s’en sortir maintenant.

J’avais donc laissé le reste à Sylphie et je m’étais glissé hors de la chambre de ma sœur.

Norn était devenue sensiblement plus gaie après cet incident.

Les changements n’étaient pas vraiment spectaculaires. Elle avait juste commencé à me dire bonjour quand on se croisait dans le couloir. Nous ne parlions toujours pas beaucoup, et elle ne s’était pas mise à me coller comme sa sœur. Elle était probablement toujours comparée à moi dans ses cours, mais je suppose que cela ne la dérangeait plus autant.

Je ne comprenais toujours pas ce qu’elle ressentait. Je n’avais vraiment rien fait de significatif. Ça me rendait un peu pathétique. Je savais ce que ça faisait d’être méprisé, et je savais ce que ça faisait de s’isoler dans sa chambre. Mais je n’avais toujours pas réussi à trouver quelque chose d’utile à dire.

Finalement, je pense que Norn s’était débrouillée toute seule. Elle avait mis de l’ordre dans ses sentiments et avait surmonté l’obstacle sur son chemin.

C’était un accomplissement très impressionnant.

Paul et Aisha semblaient penser que Norn n’était qu’une enfant maladroite et timide sans aucun talent particulier. Mais j’avais une opinion très différente d’elle maintenant. Elle avait réussi à sortir d’un trou dans lequel j’avais passé toute ma vie.

Si j’avais été à moitié aussi forte qu’elle, ma première vie n’aurait peut-être pas été aussi misérable. Peut-être que je ne me serais pas fait frapper au visage par mon frère au grand cœur.

Il m’était bien évidemment impossible d’en avoir la certitude. Ma situation était différente de celle de Norn. Même si je m’étais débarrassé de mes sentiments, je n’aurais peut-être jamais quitté ma chambre. Peut-être que j’avais besoin de renaître et de rencontrer Roxy pour que cela soit possible.

Quoi qu’il en soit, je ne pouvais pas changer le passé. Les relations que j’avais brisées ne pourraient jamais être réparées. Et je ne saurai jamais avec certitude ce qui se passait dans la tête de mon frère à l’époque.

Pourtant, je me sentais un peu… comme si quelque chose qui était coincé entre mes dents depuis très longtemps venait de se libérer. Si Nanahoshi réussit à retourner dans notre ancien monde un jour, je devrais lui demander de transmettre un message à mon frère.

« Merci d’avoir essayé de me faire comprendre certaines choses à l’époque. Et je suis désolé. »

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2 commentaires :

  1. merci pour le chapitre

  2. Merci pour le chapitre

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