Mushoku Tensei (LN) – Tome 11 – Chapitre 2

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Chapitre 2 : La bonne et l’élève du pensionnat

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Chapitre 2 : La bonne et l’élève du pensionnat

Partie 1

Cet après-midi, j’étais rentré avec Norn et Aisha de l’Université de Magie.

Elles avaient toutes deux passé un test écrit standard. C’était un examen général, donné à la plupart des étudiants potentiels, quel que soit leur âge. Certaines sections couvraient divers sujets académiques, tandis que d’autres couvraient les six disciplines fondamentales de la magie. Cela ne ressemblait pas du tout à l’examen que j’avais passé, mais c’était normal.

En tout cas, Aisha avait réussi son examen.

Le Royaume de Ranoa avait des différences culturelles fondamentales avec Millis. J’étais presque sûr que le programme scolaire qu’ils enseignaient à leurs enfants était au moins un peu différent. Et pourtant, Aisha avait obtenu un score parfait au premier test qu’elle avait passé dans ce pays.

Je devais admettre que j’étais impressionné. Jenius, lui aussi, avait été tellement choqué de voir une enfant de dix ans réussir aussi bien qu’il avait proposé de l’admettre comme élève spéciale, sous certaines conditions. Mais, bien sûr, ce n’était pas ce que j’avais promis à ma sœur.

« Très bien, alors. J’ai tenu ma part du marché ! Je suis maintenant officiellement ta servante, Rudeus ! », annonça triomphalement Aisha quand nous étions entrés dans la maison.

« Veux-tu donc vraiment devenir la servante de la famille ? Même si tu fais partie de la famille ? »

« Non, non. Je suis ta servante, pas celle de la famille ! »

Donc son but était… d’être la servante personnelle de son frère. Ça me semblait un peu bizarre, mais je ne pouvais pas vraiment revenir sur ma décision.

« Bon, d’accord. Dans ce cas, euh… assure-toi de faire ce que je te dis à partir de maintenant, ok ? »

« Mais bien sûr ! Je suis à votre disposition, Maître ! »

C’était plutôt agréable d’entendre une fille m’appeler ainsi pour une fois, bien plus que Zanoba. Si cela avait été dit par une autre personne que ma petite sœur, j’aurais probablement été excité.

Mettons de côté le fait que j’étais actuellement un homme marié.

« Cela dit, gardons l’esprit ouvert pour ton avenir. Si tu as envie d’étudier quelque chose, fais-le-moi savoir. », avais-je dit

« Eh bien, je suis sûre qu’il y a quelque chose que je dois encore apprendre. Peut-être auriez-vous l’amabilité de m’enseigner personnellement, jeune maître… »

Mettant un doigt sur ses lèvres, Aisha me regarda en clignant des yeux.

J’avais compris ce qu’elle voulait dire, mais j’avais décidé qu’il était plus facile de faire la sourde oreille. Si la gamine me demandait un jour de lui apprendre à faire des bébés, je devrais la faire asseoir et lui donner un cours complet d’éducation sexuelle. Sans aucune démonstration pratique, bien sûr.

« Au fait, il y a une raison pour laquelle tu m’appelles “maître” tout d’un coup ? »

« Eh bien, je vais être votre serviteur à partir de maintenant, monsieur. Il est tout à fait naturel que je m’adresse à vous de manière appropriée. »

Oh, génial. Maintenant, elle était de retour au langage formel ridicule.

« Pour être honnête, je préférais quand tu m’appelles simplement Rudeus. On ne peut pas s’en tenir à ça ? »

« Je suis terriblement désolée, mais je dois maintenir au moins un semblant de professionnalisme. »

La gamine avait un vocabulaire solide. Pas étonnant qu’elle ait si bien réussi ce test.

Pas la peine d’insister pour l’instant. Sylphie pourrait me regarder un peu bizarrement pendant un moment, mais je sentais qu’Aisha avait gagné le droit de faire ce qu’elle voulait.

« Très bien. Assure-toi de consulter Sylphie avant d’accepter un quelconque travail pour toi, compris ? »

« Bien sûr. Ma mère m’a tout appris sur les devoirs d’une femme de chambre, je vous l’assure. Laissez-moi m’occuper de tout. »

Pliant ses mains devant elle, Aisha s’était inclinée profondément devant moi. Apparemment, j’avais maintenant une petite sœur servante. Je devais admettre que ces mots avaient une résonance étrangement puissante…

Ils sonnaient mieux que « gouvernante » ou « marginale », en tout cas. C’est probablement comme ça qu’ils l’auraient appelée au Japon.

Les résultats de Norn étaient tout à fait ordinaires.

D’après ce que Jenius m’avait dit, elle avait obtenu un score légèrement inférieur à la moyenne pour son âge. Pour être juste, la gamine avait passé une année entière à voyager jusqu’à cette ville, et puis je lui avais fait passer un test avant même qu’elle ait eu le temps de s’orienter. Elle aurait probablement fait beaucoup mieux si j’avais organisé quelques séances de tutorat avant. En d’autres termes, elle s’était bien débrouillée… sauf si on la comparait avec Aisha.

Je n’avais pas vu la nécessité de trop en faire dans ce domaine. Nous devions simplement l’aider à s’améliorer petit à petit. Elle ne sera peut-être jamais la première de sa classe, mais quelle importance ? Tant qu’elle apprenait les compétences de base dont elle avait besoin pour agir dans la société, c’était suffisant pour moi. Il n’était pas nécessaire de sortir du lot pour vivre une vie heureuse et épanouie.

« As-tu une idée de ce que tu aimerais étudier, Norn ? », avais-je demandé.

Ma sœur n’avait pas répondu. Elle avait de nouveau baissé la tête, faisant une légère moue en évitant mon regard. Elle n’avait pas du tout l’air de s’intéresser à moi. J’avais espéré pouvoir briser la glace entre nous, mais je ne savais pas par où commencer.

« Je ne pense pas connaître toutes les options possibles de mémoire. Mais je pense qu’on commence généralement par deux ou trois années de cours généraux avant de devoir choisir une spécialité. L’Université a beaucoup de cours d’introduction intéressants, alors peut-être que tu peux en essayer quelques-uns et voir si tu aimes un sujet ? Oh, et si rien ne t’intéresse particulièrement, tu peux toujours choisir la magie de guérison. Te rappelles-tu que notre mère était aussi une guérisseuse ? Il n’y a pas beaucoup de guérisseurs dans ces régions, tu pourrais donc facilement trouver un emploi une fois diplômée. », avais-je dit.

Norn ne répondant à rien de ce que je disais, j’avais donc fini par jacasser pendant un bon moment dans cette veine. Finalement, j’avais remarqué qu’elle me regardait avec une expression qui suggérait qu’elle voulait parler. J’avais fermé ma bouche et j’avais attendu.

« Je pense que je veux essayer de vivre dans les dortoirs là-bas. »

Sa voix était tendue et anxieuse, mais elle avait réussi à sortir les mots. J’avais pris un moment pour réfléchir à ce qu’elle avait dit.

« Les dortoirs, hein… ? »

Il aurait été facile de refuser catégoriquement, mais j’avais résisté à cette impulsion. Il lui avait manifestement fallu beaucoup de courage pour aborder ce sujet.

Ma première réaction avait été de penser qu’elle était trop jeune. Les filles de dix ans ne se lançaient généralement pas seules. Cependant, vivre dans les résidences universitaires n’était pas tout à fait la même chose que de louer son propre logement. De plus, vous aviez presque toujours un colocataire.

Norn ne connaissait presque personne dans cette ville, et elle n’avait pas d’amis ici. Si elle vivait dans les dortoirs, cela pourrait changer rapidement. Son âge pourrait être légèrement problématique à cet égard, mais l’université était ouverte aux étudiants de tous âges. Je savais pertinemment qu’il y avait des enfants encore plus jeunes qu’elle qui y vivaient. Les dortoirs étaient un environnement sûr avec des règles assez claires que tout le monde devait suivre. Même un enfant de l’âge de Norn pouvait y vivre confortablement, du moins en théorie.

J’aurais personnellement aimé apprendre à mieux connaître ma sœur en vivant avec elle. Mais d’après ce que j’avais vu, la forcer à rester dans le coin ne ferait que renforcer son ressentiment envers moi.

Dans ma vie précédente, j’avais passé de nombreuses années en étant enfermé. J’avais refusé de m’engager avec le reste du monde, m’enfermant dans ma chambre à la place. Pendant un certain temps, ma famille avait essayé toutes sortes de stratagèmes pour m’atteindre. Ils m’avaient tenté avec des cadeaux coûteux, m’avaient acheté de la nourriture délicieuse et avaient parlé de mon avenir sur un ton optimiste. Mais cela ne faisait que m’éloigner encore plus d’eux à chaque fois. J’avais l’impression qu’ils me considéraient comme un animal à dresser, plutôt que comme un être humain.

Je ne voulais pas que Norn se sente comme ça. Je ne voulais pas qu’elle se sente piégée ici. Je ne voulais pas que nous soyons tous les deux sur les nerfs chaque jour, essayant de lire les humeurs et les pensées de l’autre.

Peut-être que ce serait mieux pour moi de garder un œil sur elle à distance. Si elle trouvait un endroit où elle se sentait un peu plus à l’aise, il serait peut-être plus facile pour nous de nous voir clairement.

Il y avait aussi le truc d’Aisha à considérer. Elle avait tendance à être condescendante avec sa sœur. Je l’avais prévenue de faire attention, mais elle ne semblait même pas consciente qu’elle le faisait la moitié du temps. Corriger cela allait être un projet à long terme. Tant qu’elle vivrait dans cette maison, Norn serait constamment exposée au mépris de sa sœur. Et elle me verrait, le frère qu’elle méprisait, tous les jours.

En plus de tout cela, Aisha et moi avions tous deux des talents naturels inhabituels. Je ne me voyais pas comme un magicien de classe mondiale, mais la plupart des gens me considéraient comme très doué.

Il était difficile de grandir « normalement » dans une maison où vos frères et sœurs étaient exceptionnels. Je l’avais déjà vécu dans ma vie précédente.

Dans le pire des cas, je pouvais aller jusqu’à imaginer que Norn s’enfuirait de la maison un jour. Et je savais à quel point cela pouvait mal tourner, surtout pour une jeune fille. Un bâtard malade pourrait la récupérer et commencer à exiger des faveurs ou autre. Comparée à ça, elle serait bien mieux dans un dortoir sécurisé maintenant.

Sylphie avait aussi passé beaucoup de temps dans ces dortoirs. Elle revenait ici une nuit sur trois, mais entre ces visites, elle restait avec la princesse Ariel. Si quelque chose arrivait, elle était là pour aider Norn, et heureusement, Norn semblait l’apprécier. Peut-être qu’elles s’étaient ouvertes l’une à l’autre dans le bain la première nuit ou quelque chose comme ça.

Plus j’y pensais, plus ça me semblait être une bonne idée.

Dix ans, c’est un jeune âge pour vivre dans un dortoir… mais l’expérience pourrait être bonne pour elle. Elle devra apprendre à se socialiser et à coopérer avec d’autres enfants de son âge.

« OK, Norn. Si c’est ce que tu veux, je pense que je peux l’arranger. Je vais soumettre la demande pour toi. »

« Attends, quoi ?! Pourquoi la laisses-tu faire ce qu’elle veut ? Elle n’a même pas eu une bonne note ! », s’écria Aisha, la bouche béante d’incrédulité.

Où étaient donc passés tous ces discours sur le professionnalisme ? Ça avait dû lui échapper à un moment donné au cours des cinq dernières minutes.

« Aisha, je… »

« J’ai travaillé très dur pour ça, Rudeus ! Ce n’est pas juste ! »

Je pouvais comprendre où Aisha voulait en venir. De son point de vue, j’avais l’air de faire du favoritisme avec Norn. En ce qui concernait Aisha, elle avait gagné le droit de faire ce qu’elle voulait en obtenant une note parfaite à son test. Je devais supposer qu’elle avait fait beaucoup d’études secrètes au cours de la semaine dernière pour y arriver.

Norn, d’un autre côté, n’avait pas fait grand-chose, mais j’avais déjà décidé de lui donner ce qu’elle voulait. Cela avait dû sembler manifestement injuste.

Qu’avaient dit mes parents dans ma vie antérieure quand je faisais des histoires pour ce genre de choses ? Je ne me souvenais pas exactement, mais j’avais l’impression que c’était surtout des variations sur « Tu feras ce qu’on te dit » ou « Nous savons ce qui est le mieux pour toi, jeune homme ».

Ces mots m’avaient-ils déjà satisfait ? Eh bien, non.

Est-ce que l’approche sévère marcherait sur Aisha, alors ? Non. Probablement pas.

C’était vraiment une enfant très intelligente. Si j’expliquais mon raisonnement en détail, elle pourrait comprendre… peut-être ? Si j’avais de la chance ?

Ça ne pouvait pas faire de mal d’essayer d’en parler.

***

Partie 2

« Aisha, je ne récompense pas Norn pour quoi que ce soit. J’ai juste réfléchi, et je suis arrivé à la conclusion que vivre dans les dortoirs pourrait être ce qu’il y a de mieux pour elle. »

« Mais… »

« Norn ne connaît encore personne dans cette ville, et malheureusement… je pense également qu’elle n’aime pas beaucoup être près de moi. Je ne veux pas la garder enfermée dans cette maison si elle doit y être malheureuse. »

« Mais papa… papa a dit que nous étions censés vivre ensemble ! »

Hm. C’était un bon point. Maintenant, je me sentais un peu tenter de tout reprendre.

Non, non, ça ne serait pas bien. Mon travail ici n’était pas de suivre aveuglément mes ordres. Paul avait fait beaucoup d’erreurs lui-même, non ? Mon jugement n’était pas parfait, bien sûr, mais je devais lui faire confiance pour le moment.

« Je vais toujours prendre soin d’elle, bien sûr. Vous êtes toutes les deux de ma famille, et je suis là pour vous quoi qu’il arrive. Mais il semble que Norn ne soit pas heureuse ici, et je pense que vivre dans les dortoirs pourrait l’aider à trouver son équilibre. »

« … »

Maintenant, c’était au tour d’Aisha de baisser sa tête dans un silence maussade. Pour une raison quelconque, il y avait des larmes dans ses yeux.

« Es-tu plus gentil avec elle parce que ma mère n’est que la maîtresse ? », avait-elle dit.

La question m’avait pris complètement par surprise. Dès que j’avais entendu le mot « maîtresse », j’avais su que nous étions en territoire dangereux.

« Lilia n’est pas une maîtresse, Aisha. Qui t’a dit qu’elle l’était ? Était-ce papa ? J’espère que ce n’était pas Norn. »

« Maman l’a dit elle-même ! Et… la grand-mère de Norn l’a aussi dit… »

Les larmes coulaient sur son visage maintenant.

Lilia et la grand-mère de Norn… C’était donc la famille de Zenith.

Que Lilia se rabaisse elle-même était une chose. Je savais qu’elle se sentait toujours coupable de tout ça. C’est pourquoi elle avait consciemment continué à jouer le rôle de la bonne de la famille, plutôt que d’agir comme l’égale de ma mère. Il était peut-être naturel qu’elle attende d’Aisha qu’elle se comporte de la même manière avec Norn, la fille de Zenith. Je devais supposer que Paul traitait ses deux filles de la même façon. Mais dans l’esprit de Lilia, au moins, les deux n’étaient pas égales.

Quant à la famille Latria… D’après ce que j’avais entendu, c’était une maison aristocratique avec une histoire riche. Je n’avais rencontré que ma tante, Thérèse, qui n’était pas une mauvaise personne, mais en tant que groupe, ils avaient probablement des idées très arrêtées sur l’adultère et le statut social. Ils s’étaient probablement occupés de Norn tout en ignorant complètement Aisha. Ils n’étaient après tout pas liés à elle par le sang.

Logiquement, il était difficile pour moi de les blâmer ou de blâmer Lilia pour leurs actions.

« Tu la préfères… parce que je suis juste ta demi-sœur… ? Hic… »

Aisha sanglotait maintenant, frottant ses poings contre son visage froissé.

Mais, quelles que soient leurs raisons, ils avaient quand même blessé une enfant innocente.

Je m’étais trompé dans mes hypothèses. Aucune de mes sœurs n’allait être facile à gérer.

« Aisha, je n’ai jamais considéré Lilia comme la maîtresse de mon père. Et en ce qui me concerne, toi et Norn êtes purement et simplement toutes les deux mes sœurs. »

« Mais je… j’ai étudié si dur pour ce test… j’ai essayé si dur…et Norn a juste… juste réussi à… »

Entre deux reniflements, Aisha balbutia d’autres plaintes.

Elle avait donc bachoté secrètement pour le test. Ça avait dû être… stressant. Je ne l’avais après tout prévenue qu’une semaine à l’avance. Elle avait évidemment gagné ce score parfait.

« Écoute, Aisha. »

« Qu-Quoi ? »

« C’est peut-être difficile pour moi d’expliquer ça, mais je comprends. Je sais que tu as travaillé très dur, et je suis fier de toi. C’est pourquoi j’ai accepté de te laisser faire ce que tu voulais. »

« Mais tu as dit… tu as dit que Norn pouvait aller vivre dans les dortoirs, et elle… »

Aisha renifla bruyamment à ce moment-là, laissant sa lèvre inférieure frémir. C’était une technique efficace, mais je n’avais pas reculé. Je n’étais pas vraiment injuste ici.

« C’est différent, Aisha. Je prends ça au cas par cas, d’accord ? Si tu me disais que tu voulais aller vivre dans les dortoirs maintenant, tu aurais ma permission de le faire. Mais si Norn disait qu’elle voulait rester ici et faire le ménage au lieu d’aller à l’école, je ne le permettrais pas. Tu as gagné le droit de le faire avec ton score à ce test. »

Aisha fronça les sourcils et s’était tue.

Et après une pause douloureusement longue, elle avait finalement répondu : « D’accord. »

Mes arguments ne l’avaient clairement pas satisfaite, mais elle avait fini par les accepter.

Norn regarda tranquillement, sans avoir l’air particulièrement heureuse.

J’avais l’impression de commencer à comprendre la situation. La famille de Zenith avait traité Aisha comme la fille illégitime de la maîtresse de Paul, et Aisha avait canalisé cela en essayant d’être meilleure que Norn en tout. Mon père ne les avait probablement pas traitées différemment, mais les circonstances avaient quand même creusé un fossé entre elles. Leur relation avait été déformée bien avant qu’elles ne m’atteignent.

Pourtant, la famille Latria était assez éloignée de nous maintenant. Personne dans cette ville n’allait se moquer d’Aisha à cause de qui était sa mère. Tant que je jouais mon rôle avec soin, ce problème finirait par s’estomper.

« Au fait, Norn, il y a une condition à cette offre. Je veux que tu viennes nous rendre visite ici une fois tous les dix jours au minimum. »

Norn fronça les sourcils à ce sujet.

« Pourquoi ? »

« Parce que je suis inquiet pour toi. »

J’avais aussi la responsabilité de garder un œil sur elle. Ce ne serait pas très agréable de dire à Paul que j’avais jeté sa fille chérie dans un dortoir et que je l’avais ensuite oubliée.

« … Très bien. »

Et bien qu’elle semblait extrêmement réticente, Norn était au moins d’accord.

*****

Maintenant que nous avions finalement élaboré un plan initial, il était temps pour nous de réorganiser nos vies pour l’adapter.

Je m’étais arrangé pour que Norn s’inscrive à l’Université de Magie, et j’avais fait une demande pour lui assurer une place dans les dortoirs. Bien sûr, j’avais aussi expliqué la situation à Sylphie et je lui avais demandé d’aider Norn si elle rencontrait des problèmes.

« Quoi ? Tu vas vraiment repousser Norn comme ça ? »

Sylphie avait d’abord critiqué mon plan. Sa première impulsion était de garder Norn dans notre maison pour que nous puissions la couvrir d’affection jusqu’à ce qu’elle commence à nous faire un peu plus confiance. Ce n’était pas une option déraisonnable, mais au vu de la façon dont Norn avait semblé mal à l’aise durant la première semaine, je n’arrivais pas à me convaincre que c’était notre meilleure chance.

« Je pense qu’Aisha et Norn feraient mieux de vivre séparément pendant un certain temps. Il semblerait que la famille de ma mère a dû faire passer un moment difficile à Aisha, car c’était la fille d’une “maîtresse”. Je ne veux pas repousser Norn, mais je pense qu’elles ont toutes les deux besoin d’espace en ce moment. », avais-je dit.

« Hmm… Eh bien, je ne savais rien de tout cela. Très bien, alors. Je suppose que je vais devoir garder un œil sur Norn chaque fois que je le pourrai. »

Sylphie ne sera pas là tous les jours, mais c’était mieux que rien. Espérons que tout se passera pour le mieux.

Aisha, pour sa part, avait rapidement assumé son nouveau rôle de femme de ménage.

Elle était très douée pour cela. Dès qu’elle avait commencé à prendre en charge les tâches ménagères, notre vie était devenue nettement plus facile. Elle s’occupait déjà du nettoyage et de la lessive, ce qui signifiait que toutes mes corvées avaient disparu. Je ne pouvais plus frotter mon visage contre les sous-vêtements sales de Sylphie, je devais donc faire du mieux que je pouvais.

Sylphie s’occupait toujours des courses et de la cuisine. C’était un rôle qu’elle voulait conserver. Mais Aisha était toujours là pour l’aider.

En dehors de ces tâches principales, ma nouvelle bonne avait également commencé à s’occuper d’un certain nombre de choses qui ne m’avaient jamais effleuré auparavant. Elle était allée par exemple saluer nos voisins, et s’était arrangée pour faire ramoner notre cheminée. Cette fille était très vive d’esprit et, en plus, elle travaillait dur. Elle excellait dans tout ce qu’elle entreprenait, et je ne l’avais jamais vue faire une erreur majeure. Je me doutais bien qu’il fallait faire beaucoup d’effort pour maintenir cette image de perfection.

Pour une raison ou une autre, il semblerait qu’elle voulait sérieusement faire de ce métier de femme de chambre son occupation à plein temps. Quand elle était au travail, elle laissa tomber son petit jeu de la sœur collante et se transformait en une professionnelle presque robotique. La formation de Lilia avait évidemment été très approfondie.

En général, Aisha passait la plupart de ses heures de travail en aidant autour de la maison. Quand nous rentrions à la maison, elle aidait Sylphie pour le dîner ou m’aidait à préparer le bain. Lorsque nous prenions un bain, elle nous préparait des vêtements de rechange, puis brossait les cheveux de Sylphie. Et les soirs où Sylphie repartait pour son service de nuit, elle apportait son manteau à la porte et l’accompagnait d’un salut poli.

Sylphie, qui n’avait pas l’habitude d’être chouchoutée de la sorte, réagissait maladroitement aux attentions d’Aisha. C’était toujours amusant de les voir interagir.

Lorsque nous avions des invités, Aisha s’assurait également de les rendre heureux et de les divertir. Mais ce n’était pas comme si cela arrivait très souvent. La seule personne qui s’était arrêtée récemment était Nanahoshi, cherchant à me remercier formellement pour mon aide antérieure. Elle avait apparemment commandé quelque chose pour moi en guise de récompense : le cercle magique pour un sort d’invocation spécifique qui pourrait m’être utile. Elle avait promis de me le remettre et de m’expliquer comment l’utiliser avant que nous passions à la deuxième étape de ses expériences.

Aisha avait sauté sur l’occasion pour prodiguer son hospitalité à notre invité. Elle avait fait couler un bain pour Nanahoshi, lui avait préparé des vêtements de rechange et l’avait même aidée à se laver.

Nanahoshi semblait exaspérée par toute cette attention. En partant, elle m’avait grommelé quelque chose à propos du « monstre » que j’étais pour « faire travailler ma propre petite sœur jusqu’à l’os ».

Je pense qu’elle préférait que ses bains soient paisibles, tranquilles et solitaires. Il faudrait que je dise à Aisha de lui laisser un peu d’intimité la prochaine fois.

Aisha ne se détendait même pas après le dîner. Quand je m’installais dans le salon, elle s’affairait à entretenir le feu ou à m’apporter des boissons chaudes. Pour être honnête, le fait de voir ma propre sœur qui agissait comme ma servante personnelle était vraiment bizarre. Mais comme Aisha semblait heureuse de cet arrangement, j’étais prêt à laisser les choses continuer ainsi pendant un certain temps. Je ne voulais pas la forcer à faire quelque chose qu’elle ne voulait pas faire.

Cependant, après avoir atteint cette conclusion, je m’étais souvenu de ma théorie selon laquelle votre capacité de mana était partiellement déterminée par la quantité de magie que vous utilisez dans votre enfance. Si Aisha n’allait pas à l’école, je pouvais au moins lui donner un petit entraînement à la magie. À l’âge de dix ans, sa capacité de mana n’allait probablement pas beaucoup changer, mais elle n’était pas non plus figée. Et il serait préférable qu’elle connaisse au moins la magie offensive de niveau intermédiaire. Les sorts de débutant étaient suffisants pour une personne ordinaire vivant une vie paisible, mais les intermédiaires étaient plus utiles si vous aviez un jour besoin de vous défendre.

***

Partie 3

« Aisha, viens par ici. Entraînons-nous à la magie pendant un moment. »

« Oh ! Tu vas m’apprendre, Rudeus ?! Vraiment ?! »

Aisha trotta vers moi avec un grand sourire sur son visage. Malgré toute sa discipline, la gamine avait tendance à laisser tomber le personnage de la « bonne à tête froide » dès que quelque chose la faisait émouvoir. Elle avait encore du chemin à parcourir avant qu’elle soit une vraie rivale pour Lilia.

« Oui, je pense qu’apprendre un peu plus est une bonne idée. Je sais que tu n’es peut-être pas très intéressée, mais… »

« Mais je le suis, pourtant ! Bien sûr que je le suis ! Je t’en prie, vas-y ! », dit-elle en sautant sur mes genoux.

Cette fille pouvait être terriblement mignonne quand elle le voulait.

Notre première séance de tutorat avait été productive. Elle n’avait pas pris le temps d’apprendre les sorts intermédiaires, mais j’avais l’impression qu’elle aurait pu les apprendre assez rapidement avec un bon manuel. Elle n’était cependant pas capable de lancer des sorts silencieux. Elle était certainement trop âgée pour apprendre cette compétence particulière.

J’avais passé en revue certaines choses, puis je lui avais donné un simple devoir à faire : utiliser autant de magie que possible chaque jour, jusqu’à ce que sa réserve de mana soit épuisée.

Cette nuit-là, Aisha grimpa sur mon lit et me demanda : « Puis-je dormir avec toi ce soir, Rudeus ? »

Après l’avoir vue fondre en larmes l’autre jour, je ne pouvais pas me résoudre à dire non. Et ce n’était pas comme si ça pouvait faire du mal.

« Bien sûr. Viens. »

Sans un mot de plainte, j’avais tiré les couvertures et je fis de la place pour elle.

Aisha était plus petite que Sylphie, bien sûr, mais aussi plus chaude. Dans un climat froid comme celui-ci, avoir un autre oreiller chauffant et câlin dans son lit ne faisait pas de mal.

Bien sûr, tout cela était purement innocent. En dehors du fait qu’elle était ma sœur, elle était aussi juste une enfant. Elle semblait avoir appris quelques doubles sens à un moment donné, mais elle ne les comprenait probablement pas vraiment. Il n’y avait aucune raison de se sentir trop gêné par tout cela.

Si Aisha finissait par développer une sorte de béguin pour moi, j’aurais juste à la convaincre d’y renoncer. Je ne savais pas si le baiser avec une sœur était quelque chose d’intrinsèquement immoral, mais j’aimais ma famille comme elle l’était.

Et ce furent ainsi que les choses se passaient généralement les nuits où Sylphie était absente.

Le vrai problème était apparu la nuit suivante où ma femme était là. Plus précisément, lorsque nous nous étions mis au lit ensemble.

Maintenant que mes petites sœurs vivaient avec nous, j’avais décidé de mettre en veilleuse nos activités intimes pendant un certain temps. Mais vu que j’avais une belle femme allongée à côté de moi, il m’était impossible de résister.

Normalement, j’aurais pu me contenir. Mais normalement, j’avais l’occasion de me défouler tout seul. Malheureusement, Aisha avait tendance à me suivre partout dans la maison. Je n’avais aucune intimité ces jours-ci, et je n’allais pas commencer à me faire plaisir dans les toilettes de l’école. L’idée était plutôt déprimante, surtout pour un homme marié et heureux.

Incapable de trouver une bonne solution, j’avais fini par laisser les choses s’accumuler pendant un certain temps. J’étais un homme jeune et énergique. Après une semaine entière sans aucun relâchement, j’étais prêt à exploser. Et juste à côté de moi, il y avait une femme mignonne. Une femme mignonne qui m’aimait, qui n’avait jamais dit non, et qui avait sincèrement promis de porter mon bébé.

L’idée de me retenir semblait ridicule. Je ne l’avais donc pas fait.

« Ouf… »

J’avais cependant fini par aller un peu trop loin. J’avais verrouillé la porte à l’avance et utilisé un peu de magie de terre de base pour étouffer les sons, mais… j’espère qu’Aisha n’allait pas jeter un coup d’œil par le trou de la serrure.

« Wôw, tu étais… vraiment quelque chose aujourd’hui, Rudy… »

Quand cela s’était terminé, Sylphie était épuisée. Elle était trempée de sueur et ses cheveux étaient en bataille, mais d’une manière très séduisante.

Après quelques minutes de conversation sur l’oreiller, nous nous étions essuyés avec des serviettes, nous avions enfilé nos chemises de nuit habituelles et nous nous étions assis sur le lit ensemble.

Nos vêtements de nuit étaient faits d’un tissu doux et confortable, mais ils étaient un peu ordinaires, ressemblant plus à des survêtements qu’à des pyjamas. Sylphie semblait penser que la sienne n’était pas très flatteuse, mais je n’étais pas d’accord. Quand je la regardais assis sur le lit, j’avais l’impression d’avoir attiré une fille de l’équipe d’athlétisme dans ma chambre. L’absence de sexualité explicite n’avait fait que rendre la chose plus excitante.

On n’obtiendrait pas cet effet avec de la lingerie rouge flashy, comme celle d’Éris. Ou avec une fille plus ronde comme Linia ou Pursena. Mais pour je ne sais quelle raison, les vêtements plus sobres convenaient à Sylphie.

« … »

« Hm ? Que se passe-t-il, Rudy ? »

Pendant que je réfléchissais à tout ça, j’avais commencé à passer mes mains sur le corps fin de ma femme, par-derrière.

J’aimais beaucoup son corps. Sylphie n’était pas la plus galbée, mais elle n’était pas plate non plus. Il n’y avait presque pas de graisse sur elle, mais elle était encore douce au toucher. Le simple fait de la toucher ainsi suffisait à faire pointer mon paratonnerre vers les cieux.

« Euh… tu en veux plus ? »

« Non, non. Tu as, euh, du travail demain et tout. Je vais être gentil ! Laisse-moi juste… frotter ta poitrine le matin ? S’il te plaît ? Je serai bien. »

« Ne sois pas stupide. Il n’y a pas besoin de te retenir. »

Sylphie s’était allongée sur le lit, écarta ses jambes, et me sourit timidement.

« Viens là, Rudy. »

Mon self-control fut instantanément réduit en poussières qui disparurent dans le vent. Le mot « retenue » n’avait plus aucune signification pour moi. J’avais arraché mes vêtements sans ménagement, j’avais joint mes mains et j’avais exécuté un magnifique saut de cygne vers ma femme qui m’attendait.

Continuons, alors…

Norn avait été plutôt docile ces derniers jours pendant que nous préparions son déménagement dans les dortoirs de l’école. Elle ne m’avait pas dit grand-chose, mais ce n’était pas comme si elle m’était hostile. Elle venait quand je l’appelais, et elle écoutait quand je lui demandais de faire quelque chose. Mais je n’avais pas l’impression que nous nous rapprochions.

J’avais bien sûr toujours l’espoir d’améliorer notre relation. J’avais même essayé de l’inviter à prendre un bain avec moi l’autre jour, pensant que ce serait une bonne façon de briser la glace. Malheureusement, elle avait juste fait la grimace et dit « Non ».

Aisha avait rapidement passé la tête dans sa chambre et s’était portée volontaire pour m’accompagner à la place. Elle avait fini par me laver le dos et me faire un bon petit massage.

Cette fille pouvait vraiment faire tout ce qu’elle voulait. Elle était même douée pour rincer les gens… non pas que je veuille qu’elle poursuive une carrière où cela serait utile.

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En quelques jours, j’avais réussi à finaliser les arrangements pour l’inscription de Norn à l’Université. Sa colocataire était une étudiante de quatrième année, comme Nanahoshi. J’avais espéré une cinquième ou une sixième année, puisque je connaissais plus de gens dans ces classes.

La fille ressemblait aussi à un hybride perroquet-homme. Elle avait une grande crête colorée sur la tête qui bougeait quand elle était excitée ou contrariée. Je ne savais pas si son peuple était composé de démons ou d’hommes bêtes, mais cela n’avait pas vraiment d’importance. En tout cas, elle s’appelait Marissa, et je n’avais rien entendu de mal à son sujet.

En y pensant, cette école avait un corps étudiant très diversifié, avec beaucoup de personnes métisses. Je devrais rappeler à Norn de faire attention à ses manières et de ne pas dire quelque chose qui pourrait offenser quelqu’un.

J’avais d’ailleurs essayé de me présenter à Marissa. Mais quand je l’avais approchée avec un sourire, elle avait eu peur et avait pris ses jambes à son cou. Je n’avais même pas pu lui dire un mot. Vu cette réaction, il valait mieux que Norn ne mentionne pas qu’elle était de ma famille à l’école. Beaucoup de gens semblaient penser que j’étais le patron d’une sorte de gang. La dernière chose que je voulais était que ma réputation effraie les enfants et les empêche de devenir amis avec elle.

Mais ce n’était pas la peine de s’inquiéter de ça maintenant. Essayer de régler tous les problèmes de Norn à sa place serait bien trop lourd. Si j’en avais besoin, je pourrais toujours me tourner vers Sylphie, Luke et Ariel. Ils étaient incroyablement populaires et semblaient toujours attirer la foule où qu’ils aillent. Passer du temps avec eux pourrait aider Norn à apprendre quelques compétences sociales.

Mais bon… il y avait aussi la chance que leurs fans soient jaloux d’elle. Mais peut-être que c’était le genre d’adversité qu’elle devait apprendre à affronter…

Hrrm. Mais au fait, pourquoi cette chose doit-elle être si compliquée ?

Au final, Norn avait dû faire face à cela elle-même. C’était mieux pour moi de rester en dehors de ça jusqu’à ce que quelque chose tourne mal. Pour l’instant, mon travail était de regarder.

J’étais cependant toujours aussi nerveux à ce sujet.

Assez rapidement, le jour du départ de Norn arriva. Quand je l’avais vue ce matin-là, elle portait déjà son nouvel uniforme et son sac.

Avant qu’elle ne parte, je lui avais donné quelques points importants à retenir. Premièrement, elle devait respecter les règles du dortoir. Deuxièmement, elle devait prendre ses études au sérieux. Et enfin, elle devait être respectueuse envers les démons qu’elle rencontrait.

J’avais beaucoup d’autres choses à dire, mais il valait mieux rester simple pour l’instant.

« Ah, au fait. Une dernière chose… Si tu as des problèmes à l’école, n’oublie pas de nous en parler, à moi ou à Sylphie. »

« OK », répondit Norn tranquillement tout en étudiant le cadre de la porte à côté de moi.

Est-ce qu’elle allait commencer à me regarder dans les yeux ? Je commençais à me sentir un peu anxieux à ce sujet.

« N’oublie pas de te brosser les dents au réveil et avant d’aller te coucher. »

« Oui. »

« N’oublie pas de te laver aussi. »

« Oui. »

« N’oublie pas non plus de faire tes devoirs. »

« … Bien sûr. »

Voyons voir, quoi d’autre… Oh, c’est vrai !

« Essaye de ne pas attraper de rhume. »

« … »

Eh bien, maintenant, elle me regardait fixement. C’était au moins ça de gagner.

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