Mushoku Tensei (LN) – Tome 10 – Chapitre bonus 2 – Partie 1

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Chapitre bonus 2 : L’affûtage des crocs

Partie 1

Sur un cap sans nom, à une heure de marche au nord du Sanctuaire de l’Épée, une jeune fille solitaire maniait son épée. C’était un simple mouvement sans technique appartenant entre autres au Style du Dieu de l’Épée. Le nom de la fille était Éris Greyrat.

Éris Greyrat balançait son épée sans réfléchir. Là, dans cet espace, toute seule, sans aucune autre âme autour. Elle la balançait sans réfléchir. Un mouvement alourdi par des pensées vaines n’avait aucun sens. Un coup qui imitait simplement les mouvements des autres n’avait pas non plus de sens. Mais si ton épée était pure, vide de pensées, alors chaque coup aiguiserait tes compétences.

Elle continuait à affiner ses capacités, coupant tranche par tranche jusqu’à ce que la voie devant elle soit suffisamment claire pour qu’elle puisse voir de l’autre côté. Chaque coup la rendait encore plus forte. Combien de répétitions supplémentaires étaient-elles nécessaires ? Combien de temps devrait-elle continuer avant d’atteindre le niveau d’Orsted ?

Éris ne le savait pas. Personne ne le savait. Peut-être ne serait-elle jamais capable d’atteindre ce niveau, même si elle travaillait dur.

De telles pensées étaient exactement celles qu’elle était censée éviter.

« Tsk. »

Éris fit claquer sa langue. Elle secoua la tête avant de s’asseoir pour réfléchir.

C’était ennuyeux. Elle voulait vaincre Orsted, mais plus elle y pensait, plus il semblait s’éloigner d’elle.

À un moment donné, son maître Ghislaine lui avait dit : « Réfléchis ».

Éris, cependant, n’était pas douée pour réfléchir. Elle avait beau se creuser la tête, elle ne parvenait pas à trouver une réponse qui la satisfasse.

En comparaison, son deuxième professeur, Ruijerd, était bien meilleur.

« Tu as compris ? », demandait-il.

Il la faisait tomber, puis lui demandait simplement si elle avait compris ou non. Encore et encore, il continuait jusqu’à ce qu’elle comprenne enfin. Sans qu’elle ait à se servir de sa tête, comme s’ils étaient égaux.

Éris respectait Ghislaine. Elle respectait aussi Ruijerd.

C’était frustrant, les enseignements du Dieu de l’Épée combinaient les bons côtés des deux personnes qu’elle respectait. Il lui avait ordonné ainsi : « Balance ton épée sans réfléchir. Ne pense pas, frappe, et quand tu es fatiguée, réfléchis. Quand tu es fatigué de réfléchir, relève-toi et frappe à nouveau. »

C’était ce qu’elle avait fait. Elle balançait son épée, s’asseyait, balançait, s’asseyait. Quand elle avait faim, elle mangeait. Puis elle répétait le processus du balancement de sa lame et de s’asseoir à nouveau.

Au début, elle avait fait ça à la salle d’entraînement. Mais quand elle faisait ça, quelqu’un se mettait inévitablement en travers de son chemin. Les coupables habituels étaient les autres filles de la salle d’entraînement. Elles disaient : « Hé, on s’entraîne au combat ce matin, rejoins-nous », ou « Hé, la nourriture est prête, viens manger », ou « Hé, peux-tu t’entraîner un peu avec moi ? », ou « Hé, tu pues, vas prendre un bain »… Des choses de ce genre.

C’était devenu si ennuyeux qu’Éris avait simplement quitté la salle d’entraînement. Elle était partie et avait continué à marcher jusqu’à ce qu’elle trouve un bout de terrain inoccupé et avait commencé à s’y entraîner. Elle mangeait ce qu’elle avait apporté avec elle de la cuisine de la salle d’entraînement, ou n’importe quel monstre qui essayait occasionnellement de l’attaquer. Quand il faisait froid dehors, elle allait chercher des bûches dans la salle d’entraînement et utilisait la magie pour les allumer afin de se réchauffer. Quand elle était fatiguée, elle retournait à la salle d’entraînement et dormait autant qu’elle le voulait.

C’était son quotidien depuis six mois.

Il y avait une chose qu’Éris avait comprise. Maîtriser l’épée était difficile. Quand elle était plus jeune, elle avait pensé que le maniement de l’épée était plus simple et lui convenait mieux que les études. Eh bien, cette partie était toujours vraie : le maniement de l’épée lui convenait bien mieux que l’apprentissage des livres. Mais ce n’était certainement pas du tout simple. En fait, on pourrait même dire que l’apprentissage des livres était plus simple, tant que quelqu’un d’autre vous enseignait.

Tout ce qu’elle faisait était de lever son épée et de la ramener vers le bas. Pourtant, pour une raison quelconque, elle n’y parvenait pas. Elle devrait être capable de la lever plus rapidement. Elle devrait être capable de frapper plus vite. Mais elle n’avait pas réussi à atteindre la vitesse désirée. Elle devait être plus rapide maintenant qu’il y a six mois, mais Ghislaine était toujours plus rapide. Ruijerd était plus rapide. Le Dieu de l’Épée était plus rapide. Et Orsted, bien sûr, était plus rapide.

Elle avait essayé de se souvenir de la façon dont ils se battaient, le Dieu de l’Épée, Ruijerd et Orsted. Comment avaient-ils bougé ? Elle avait essayé d’imiter leurs mouvements, du bout des doigts aux épaules, toutes les cellules de leur corps. Puis elle avait essayé d’aller au-delà, de les transcender.

Sauf qu’elle ne savait pas comment. Elle n’avait aucun moyen de le faire.

Éris n’était pas douée pour réfléchir.

Une fois qu’elle fut épuisée par le cycle sans fin de pensées qui tournaient dans sa tête, elle se redressa et recommença à pratiquer ses balancements. Elle l’avait balancée sans penser à rien. En haut, en bas. Plus vite. En haut, en bas. Plus vite. Elle fit ainsi dix répétitions, cent, puis mille. Quand elle le fit, des pensées oiseuses avaient commencé à filtrer à nouveau. Ça arrivait quand elle était fatiguée.

« Tch. »

Elle fit claquer sa langue une fois, puis s’était assise. Ses mains lui faisaient mal. Des ampoules s’étaient ouvertes sur elles. Elle sortit un tissu de sa poche et l’enroula de façon désintéressée autour de ses mains.

Cela faisait mal, mais ce n’était pas si douloureux. Elle se souvenait toujours de ce qui s’était passé il y a trois ans à la mâchoire inférieure du Wyrm rouge. Comparée à ça, elle avait l’impression de pouvoir résister à tout. La douleur ne signifiait rien pour elle, ni la douleur dans sa main, ni sa frustration. Ni même le fait qu’elle était seule en ce moment, sans lui à ses côtés.

« Rudeus. »

Elle avait soufflé son nom.

Éris n’avait pas réfléchi davantage. Elle n’était pas douée pour réfléchir. Elle n’était pas non plus très douée pour rester positive. Plus elle réfléchissait, plus elle réalisait qu’elle pouvait craquer.

« Ouf. »

Trois ans. Elle pensait être devenue plus forte, mais ce n’était toujours pas suffisant.

Éris s’était levée et avait recommencé à manier son épée.

Refoulant sa somnolence, Éris se dirigea vers la salle d’entraînement. À l’entrée se tenait un homme qu’elle ne reconnaissait pas — un homme frappant, en fait. Sa robe était teinte dans les couleurs de l’arc-en-ciel, et en dessous, il ne portait que des bottes jusqu’aux genoux, avec quatre épées à sa taille. Sur sa joue se trouvait un tatouage de paon, et ses cheveux étaient rassemblés dans un style qui s’ouvrait en éventail au sommet, comme une parabole. Lorsqu’il repéra Éris, il inclina légèrement la tête et tenta de la saluer.

« Je suis le… »

« Dégagez. »

Éris adressa un seul mot à l’homme qui se tenait entre elle et la salle d’entraînement. Elle n’avait pas envie d’en dire plus. Elle s’était aiguisée jusqu’à ses limites avec tous les balancements de son arme qu’elle avait faites. La lueur dans ses yeux au moment où elle regardait fixement était comparable à ceux d’une bête agressive. Une intention meurtrière émanait d’elle comme une flamme dévorante. C’était une sorte d’animal sauvage qui ne laissait personne s’approcher.

« Quoi… ?! »

L’homme avait immédiatement dégainé son épée.

« Vous êtes sur mon chemin. »

Éris avait fait un pas en avant en parlant. Pour elle, l’homme devant elle n’était rien d’autre qu’un obstacle. Un obstacle entre elle et son nid.

« Qu’est-ce que c’est que cette créature… ? »

Au début, l’homme n’avait même pas compris que des mots étaient sortis de sa bouche. Pendant un moment, tout ce qu’il voyait était une bête affamée à la recherche d’un repas. Puis Éris avait dégainé sa propre lame. Il avait finalement réalisé qu’elle était humaine, et une combattante à l’épée en plus.

« Vous pouvez m’appeler Auber, la lame paon. Je vois que vous êtes une étudiante du style du Dieu de l’épée. Puis-je vous demander de me guider pour rencontrer le Dieu de l’épée… », dit-il.

« Je vous ai dit de bouger. »

Irritée, Éris fit un autre pas en avant.

Elle lui disait de s’écarter de son chemin. Cependant, ces mots n’avaient pas été enregistrés par l’homme appelé Auber. La seule chose qui l’avait fait, c’était l’intention meurtrière d’Éris. Ça et le fait de réaliser qu’il était inutile de parler. Avec cela, Auber, avec une épée dans sa main droite, attrapa l’épée plus courte à sa taille avec sa main gauche. Cependant, il maniait son arme à l’envers, brandissant le côté plat de la lame vers elle.

À distance de frappe, Éris décida de supprimer l’obstacle sur son chemin par la force. Shkt ! Sa lame fendit l’air. Elle utilisait l’épée de lumière, une capacité aiguisée par toute sa pratique. Un adversaire normal n’avait aucun espoir de contrer la technique la plus mortelle du Style du Dieu de l’Épée.

« Hmph ! »

Mais cela ne valait que s’il s’agissait d’un adversaire normal. Auber avait saisi ses deux épées dans ses mains et les utilisait pour balayer l’attaque. Éris avait perceptiblement anticipé sa réaction et balançait maintenant sa lame dans la direction opposée.

« Ah… ! »

L’épée d’Éris avait été arrêtée par celle de la main gauche d’Auber. Elle utilisait deux mains pour manier la sienne, alors qu’il n’en utilisait qu’une, mais il avait facilement dévié son attaque. Sa lame glissa sur le côté, coupant simplement le bord de ses cheveux. Le corps d’Éris avait suivi l’élan de sa lame, la faisant trébucher sur son pied pivotant. À cette seconde précise, la main droite d’Auber vola vers son cou exposé.

« Tch ! »

Éris se débarrassa de son épée et se laissa tomber au sol en s’accroupissant. L’arme d’Auber traversa alors l’espace vide où elle se trouvait. Éris se déplaça comme un chat, se retournant sur elle-même. Elle essayait de récupérer son épée.

Auber repoussa son arme d’un coup de pied et celle-ci disparus dans la neige. Normalement, le match aurait dû s’arrêter là. Mais Éris ne s’était pas arrêtée. Dès qu’elle avait réalisé que son épée était perdue, elle se jeta sur Auber avec ses poings. Auber frappa sa joue contre le centre de sa lame avec assez de force pour briser sa pommette. Il avait laissé une simple coupure sur son visage.

Cependant, même après ça, Éris ne s’était pas arrêtée.

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Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

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