Mushoku Tensei (LN) – Tome 10 – Chapitre 9

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Chapitre 9 : Dépression

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Chapitre 9 : Dépression

Partie 1

L’incident survint un mois après l’arrivée de la lettre. Ce jour-là, j’assistais Nanahoshi dans une expérience, mais ses paramètres étaient un peu différents de ceux d’habitude.

« Si celui-ci fonctionne correctement, je peux passer à l’étape suivante », dit Nanahoshi tout en me présentant un cercle magique significativement plus grand que tous ses précédents. Il ne faisait cependant que la moitié de la largeur d’un tatami. Il avait un motif complexe, densément écrit sur un rare morceau de grand parchemin.

« Juste pour être sûr, puis-je demander ce que ce cercle est censé faire ? »

« Il va invoquer un objet provenant d’un autre monde. »

« Et il n’y a aucune chance que cela provoque une autre calamité de téléportation, hein ? »

La Calamités’était produite parce que Nanahoshi avait été convoquée ici. Ce qui signifiait qu’il n’y avait aucune garantie qu’un incident similaire ne se produise pas juste parce qu’elle invoquait quelque chose de petit. Du moins, c’était ce que je pensais, mais Nanahoshi secoua simplement la tête.

« C’est sans danger. Théoriquement, du moins. »

« Juste au cas où, puis-je demander quelle est cette théorie ? »

« D’après nos expériences précédentes, j’ai confirmé que plus l’objet que vous essayez d’invoquer est grand et complexe, plus il faut de mana. En d’autres termes, la magie dans ce monde obéit aux lois de la conservation de l’énergie. Nous allons invoquer quelque chose de simple et de petit cette fois-ci. Si nous supposons que l’énergie de mon invocation est ce qui a anéanti la région, alors théoriquement ce cercle ne téléportera, au maximum, que les personnes se trouvant dans un rayon d’un mètre. Honnêtement, je ne pense pas que ce soit possible, mais juste au cas où, j’ai écrit une mesure de sécurité dans le cercle lui-même afin de pouvoir contrôler la quantité de mana qu’il utilise. »

Je vois, je vois… En fait, non, je n’avais aucune idée de ce dont elle parlait.

« Conservation de l’énergie… euh, c’est quoi déjà ? »

Et en quoi était-ce différent de la loi de la conservation de la masse ?

« Je ne suis pas assez bien informée pour bien l’expliquer aux non-initiés, mais ça veut dire en gros que le mana est responsable de la plupart des choses bizarres qui se produisent dans ce monde. Ce sort que tu utilises tout le temps — Canon de pierre, c’est ça ? Il donne l’impression que tu as soudainement fait apparaître un rocher dans les airs, mais en fait tu as juste transformé ton mana en rocher. »

La loi de la conservation de l’énergie, hein ? C’était donc ça. C’était pourquoi plus on déversait de mana dans le sort, plus la flamme était chaude en magie de feu, et plus la masse résultante était grande en magie de terre.

« Aussi… »

Nanahoshi avait continué à m’expliquer le principe derrière son cercle après ça, mais plus elle parlait, plus cela m’était incompréhensible. Quelque chose à propos de l’application de la loi de telle et telle chose, la taille et l’effet du cercle seraient ceci et cela, puis si vous appliquez cette autre loi de je-ne-sais-quoi, alors bla-bla-bla.

Honnêtement, s’il y avait une faille dans sa théorie, je n’allais pas la trouver. La seule chose que je savais, c’était qu’elle semblait confiante, ce qui signifiait qu’il y avait de grandes chances de succès. Même si le pire se produisait et que j’étais téléporté quelque part, j’étais sûr que je trouverais le chemin du retour d’une manière ou d’une autre.

« Si ça échoue et que je suis téléporté, veuille contacter ma famille. »

« Je te le dis, il n’y a aucune chance que cela arrive. »

Je m’étais avancé devant le cercle.

« Bien, alors, commençons. »

« Je t’en prie. »

Je ne savais pas si ce mot m’était adressé ou non. Peut-être était-ce plutôt une supplique à Dieu.

J’avais commencé à verser mon mana dans le cercle, en plaçant mes mains sur le bord du papier. Un courant traversa le cercle et il commença à émettre une lueur. Je pouvais sentir mon mana être aspiré à travers mes bras.

Mais c’était étrange. Quelque chose n’allait pas. Il semblait que le chemin sur lequel la lumière voyageait était obstrué. Comme si une partie ne s’allumait pas.

Pssht !

Il y eut un léger bruit et le mana cessa soudainement de couler. La lumière émise par le cercle s’était évanouie.

C’était terminé. Il n’y avait pas eu d’autre réaction du cercle. Je l’avais regardé de près et j’avais trouvé une déchirure sur une partie du papier. Peut-être qu’il y avait eu un court-circuit et que la sécurité s’était déclenchée ? Quoi qu’il en soit, c’était un échec.

« Alors ? »

« Ça a échoué », dit Nanahoshi tranquillement.

Elle était retombée sur sa chaise avec un bruit sourd, posa un coude sur son bureau et poussa un gros soupir.

« Haah. »

Elle avait regardé fixement le papier qui reposait encore sur le sol. La peinture avait disparu, ne laissant que l’esquisse sous-jacente du cercle, et la déchirure causée par l’expérience. Nanahoshi avait continué à le regarder distraitement, sans bouger un muscle. Puis, au bout d’un moment, elle dit, sans me regarder : « Merci pour ton aide. Tu peux rentrer chez toi aujourd’hui. »

Le résultat de presque deux ans d’efforts n’avait rien donné en quelques secondes.

« Eh bien, tu sais, ce sont des choses qui arrivent. », avais-je dit.

Nanahoshi n’avait pas répondu.

Était-ce ma faute ? Non, je n’avais fait que fournir le mana. Je n’avais rien touché d’autre. N’importe qui aurait pu faire ce que j’avais fait tant qu’il avait le mana pour le faire. Donc même si l’expérience avait échoué à cause de moi, ce serait la faute de Nanahoshi qui ne m’aurait pas assez briefé.

Mais Nanahoshi n’avait rien dit.

De toute façon, on en avait probablement terminé pour la journée.

« Eh bien, dans ce cas, si cela ne te dérange pas. »

Je m’étais levé pour partir. Mais avant de quitter la salle d’expérience, je m’étais retourné pour regarder. Elle était toujours dans la même position qu’avant, immobile.

J’avais traversé la salle de recherche en désordre, qui ressemblait plus à un entrepôt désorganisé à ce stade, et j’étais sorti dans le hall. Je n’avais fait que quelques pas avant de m’arrêter. Nanahoshi avait été incroyablement tendue ces derniers mois. Peut-être qu’elle ne pensait pas du tout à sa prochaine expérience ou à son échec, mais qu’elle abandonnait complètement ?

Nah. Malgré ce que son apparence pourrait vous faire croire, Nanahoshi était forte. Elle avait sûrement la capacité de prendre un échec pour ce qu’il était et de ne pas s’y attarder.

Et juste au moment où je pensais à cela…

« AAAAAAAAH ! »

Des cris éclatèrent dans la salle de recherche. Puis le bruit de quelque chose qui se brisait. J’avais rapidement fait demi-tour et étais rentré dans la pièce.

« Aaaah ! »

Nanahoshi se tapait la tête de haut en bas avec frénésie. Elle arrachait les pages d’un livre dans lequel elle avait écrit et les éparpillait sur le sol. Elle renversa des étagères et renversa le contenu d’un bocal. Elle arracha son masque et le fit claquer contre le sol. Puis elle commença à se déchirer le visage et trébucha, se cognant contre un mur. Elle le frappa, puis trébucha à nouveau sur le contenu du bocal et s’effondra finalement sur le sol, où elle attrapa des poignées de sable qui s’étaient échappées du bocal et les lança sur le sol. Puis elle se leva et commença à s’arracher les cheveux.

Paniqué, je m’étais précipité vers elle et lui avait coincé les bras derrière le dos.

« Tiens bon, calme-toi ! »

« Je ne peux pas rentrer à la maison, je ne peux pas rentrer à la maison, je ne peux pas rentrer à la maison. »

Les yeux de Nanahoshi étaient vides alors qu’elle marmonnait ces mots. Tous les muscles de son corps s’étaient tendus, comme si elle se préparait à devenir folle furieuse à nouveau.

« Je ne peux pas rentrer à la maison, je ne peux pas rentrer à la maison, je ne peux pas-aaaaaaah ! »

Elle s’était mise à se tortiller frénétiquement, luttant aussi fort qu’elle le pouvait pour se défaire de mon emprise. Mais sa force n’était que celle d’une lycéenne, et d’une grabataire en plus. Elle était extrêmement faible. Elle n’avait aucun moyen de s’arracher à moi. Très vite, son corps était devenu faible. Quand je l’avais relâchée, elle s’était effondrée sur le sol.

« Hey, vas-tu bien ? »

J’avais eu la nette impression qu’elle n’allait pas bien du tout. Elle était blanche comme un linge, avec des yeux vides et des cernes. Ses lèvres avaient perdu toute couleur et étaient sèches et craquelées. C’était le visage de quelqu’un qui était dans un très mauvais état mentalement. Elle pourrait bien se blesser.

Je ne pouvais pas la laisser seule comme ça. Que devrais-je faire ? La personne qui pouvait le plus m’aider dans une telle situation était… Sylphie ! C’était ça, Sylphie. Elle pourrait être en mesure de faire quelque chose. Et heureusement, elle n’était pas de garde aujourd’hui. Ok. Je vais ramener Nanahoshi chez nous pour ce soir.

Attendez… avant ça, je devrais probablement trouver un endroit pour qu’elle se calme.

« Vas-tu bien ? », avais-je demandé.

« … »

« Tu en as un peu trop fait. Reposons-nous aujourd’hui, d’accord ? »

Nanahoshi n’avait pas répondu.

J’avais mis mon bras autour de son épaule et l’avais pratiquement traînée à ses pieds. Puis je l’avais traînée hors de la salle de recherche.

Peut-être que nous devrions la ligoter. J’avais fait une pause pour y réfléchir. Nan, on s’occupera de ça plus tard. Ça devrait aller pour le moment. Probablement.

Nous nous étions dirigés vers les classes de cinquième année où Sylphie devait se trouver. Devrais-je demander à quelqu’un d’aller la chercher pour moi ? Ou devrais-je entrer dans la classe et aller la chercher moi-même ? Les gens nous regardaient, Nanahoshi s’appuyant sur moi. C’était ennuyeux. Nous attirions tellement l’attention en ce moment, et Nanahoshi ne portait pas son masque. Il serait préférable de rester discret. Mais comment ?

« Maître ! »

Quelqu’un m’avait appelé. Je m’étais retourné pour trouver Zanoba derrière moi.

« Maître, que s’est-il passé ? »

« Zanoba, Nanahoshi a des problèmes. Aide-moi. »

« Est-elle malade ?! »

« Quelque chose comme ça », avais-je dit.

« Dans ce cas, nous devrions aller au bureau médical en premier. »

Oh. Ok, oui. Allons donc dans le bureau médical.

« Je vais la porter », proposa Zanoba.

« Sois doux. »

« Bien sûr. Venez donc, Maître Silent. »

Il l’avait soulevée comme une princesse. C’était une façon solide et stable de porter une personne. Nanahoshi n’avait montré aucun signe de résistance. Elle avait un air las sur le visage, comme une enveloppe vidée de toute énergie.

« Faites place ! », cria Zanoba tout en plongeant dans la foule des gens. Ils s’étaient séparés comme un océan devant lui. Je l’avais suivi.

***

Partie 2

A l’infirmerie, nous avions laissé Nanahoshi se reposer sur un des lits. Son visage était vide. Quelle terrible expression ! On aurait presque dit que l’ombre de la mort était sur elle. Nous avions informé le guérisseur résident que ce n’était rien de grave. Après tout, les problèmes psychologiques ne pouvaient pas être résolus par la magie de guérison.

Au moment où mon regard commençait à dériver vers mes pieds, Julie avait saisi l’ourlet de ma chemise.

« Grand Maître, votre visage… est affreux. »

J’avais instinctivement touché mon visage. Quelle expression ai-je en ce moment ?

Oh non. Il semblerait que j’étais moi-même assez secoué. J’avais besoin de me calmer un peu.

« C’est juste parce que je ne suis pas une beauté. »

Je lui avais donné une tape sur la tête. Je n’arrivais pas à croire qu’une si jeune fille se soit inquiétée pour moi.

« Tiens, Maître. »

Une tasse m’avait soudainement été présentée par le côté. C’était Zanoba qui la tenait.

« Merci. »

Je l’avais prise avec gratitude et j’avais vidé son contenu. Il avait apparemment puisé l’eau dans l’une des cruches du cabinet médical. Ma langue était sèche comme du papier. Apparemment, ma bouche avait été vraiment desséchée à un moment donné.

« Ouf. »

Je m’étais assis et j’avais poussé un soupir.

Zanoba s’était mis à côté de moi et m’avait demandé tranquillement : « Maître, que s’est-il passé ? Je ne t’ai jamais vu aussi agité. »

« Eh bien… »

J’avais expliqué ce qui s’était passé dans la salle d’expériences. L’expérience avait échoué et Nanahoshi était devenue folle furieuse. Elle avait l’air de vouloir se tuer si je la laissais seule, alors je l’avais aidée.

Après avoir entendu tout cela, Zanoba baissa les yeux vers Nanahoshi avec une expression compliquée.

« En gros, elle ne mène pas ces recherches parce qu’elle le veut. »

« Non. »

Ce n’était pas comme si elle le faisait à contrecœur, mais elle n’était pas franchement passionnée par ça. C’était juste quelque chose qu’elle devait faire pour pouvoir rentrer chez elle. Six ans s’étaient écoulés depuis l’incident de déplacement, et ce qu’elle avait cru être un important pas en avant avait échoué. Elle avait regardé en arrière et réalisé que six ans s’étaient déjà écoulés et qu’elle n’avait pas du tout progressé.

J’avais soupiré et je m’étais affalé sur ma chaise. Zanoba n’avait plus rien dit après cela. Nous étions restés tous les deux avec Nanahoshi, qui regardait distraitement le plafond.

◇ ◇ ◇

Après un moment, Nanahoshi ferma les yeux et s’endormit. Sylphie était arrivée à peu près au même moment. Ariel n’était pas avec elle.

« Les gens disaient que Zanoba et toi aviez transporté une étudiante au bureau médical », avait-elle dit.

Quel genre de rumeurs étaient-elles en train de répandre ? Toute l’école pensait-elle que j’avais assommé une étudiante et que je l’avais emmenée au cabinet médical, où j’allais probablement lui faire quelque chose d’horrible ?

Bon sang, c’est flippant, avais-je pensé. Pourquoi personne ne me fait-il confiance ? Parce que je suis « le patron » ? Eh bien, ce n’était pas comme si j’avais fait beaucoup pour gagner leur confiance en premier lieu. Bon, peu importe.

J’avais dit à Sylphie ce qui s’était passé.

« Je ne peux pas croire que quelque chose comme ça soit arrivé. »

Sylphie avait une expression solennelle en regardant Nanahoshi.

« Ça pourrait être dangereux de la laisser seule, alors je pensais la laisser se reposer chez nous aujourd’hui. »

« Mais ne serait-il pas mieux de la laisser se reposer ici, au cabinet médical ? »

« Je pense que ce serait mieux pour elle d’être avec quelqu’un qu’elle connaît au moment où elle se réveillera. »

De toute façon, je ne pouvais pas la laisser seule. Nanahoshi était jeune et cela l’avait clairement secouée au plus profond d’elle-même. Quand les gens étaient poussés à leurs limites, ils pouvaient faire des choses extrêmes. Elle pourrait par exemple se mutiler elle-même.

« Je n’ai aucune idée du temps qu’il faudra pour qu’elle se calme. J’aimerais qu’elle reste avec nous pour que je puisse la surveiller pour le moment. », avais-je dit.

« Hm, est-ce bon si je te confie cette affaire ? »

« Si c’est juste prendre soin de ses repas, je peux le faire. »

Nous l’avions isolée jusqu’à ce qu’elle se calme. Ce serait bien de la laisser s’échapper un peu de la réalité. Une retraite tactique en quelque sorte.

« Ce n’est pas comme si je voulais te tromper, ok. »

« Je sais. Ou alors il y a quelque chose qui te fait te sentir coupable ? »

« Non. »

Je n’avais aucune raison de me sentir coupable. Pourtant, j’amenais une femme différente dans ma maison. Une femme en position de faiblesse et sans défense, en plus. Malgré cela, Sylphie ne semblait pas se méfier. Voilà donc en quoi ressemblait la confiance, hein ?

« Je m’en remets à toi, Rudy. Vas-tu rentrer directement à la maison aujourd’hui ? »

« Oui. Je ne pourrai pas t’accompagner, pourras-tu faire les courses toute seule ? »

« Laisse-moi faire. »

J’avais hoché la tête suite à la réponse rassurante de Sylphie. Je n’en attendais pas moins d’elle.

Nous avions quitté l’école et nous nous étions dépêchés de rentrer chez nous. Zanoba s’était porté volontaire pour transporter Nanahoshi. Cette fois, il l’avait portée à califourchon, ce qui semblait mieux lui convenir, même s’il était un prince.

« Désolé pour le dérangement, Zanoba. »

« Non, c’est la seule chose que je puisse faire pour aider. »

Il avait facilement transporté une Nanahoshi apathique sur son dos. Julie trottinait derrière nous. Il suffisait de donner à Zanoba une perceuse et un scaphandre pour qu’on l’appelle Mister Bubbles.

Pour le tester, j’avais essayé de soulever Julie.

« Eek ! Grand Maître, que faites-vous ? »

« Rien de particulier. »

Zanoba avait juste jeté un coup d’œil. Je gardais Julie dans mes bras pendant que je marchais. Son corps était étonnamment dodu. Il y avait un an à peine, elle n’avait que la peau sur les os, mais il semblerait qu’elle ait mangé correctement. Ses muscles manquaient un peu, mais elle n’avait pas vraiment besoin d’être une bête de somme à l’âge de sept ans.

« Est-ce que Zanoba te traite bien, Julie ? », avais-je demandé.

« Oui, mon maître donner à moi beaucoup de nourriture. »

« C’est bon à entendre. La façon correcte de le dire est “Oui, mon maître me donne beaucoup de nourriture”. »

« Oui, mon maître me donne beaucoup de nourriture. »

« Oui, c’est ça. »

Maintenant que j’y pense, je me demandais si Nanahoshi avait mangé correctement. Je l’avais trouvé assez légère quand je l’avais portée. La nourriture pouvait vous remonter le moral dans les moments difficiles. Même les petites choses comme manger vos plats préférés ou partager un repas avec quelqu’un pouvaient vous apporter de la joie. Il semblerait que Nanahoshi n’avait pas pu partager ça très souvent.

« Ouf », avais-je soupiré.

Quel genre de vie Nanahoshi menait-elle ? Enfermée toute seule, mangeant à peine, parlant à peine à quelqu’un. Simplement en train de dessiner continuellement ces cercles magiques.

« Ce n’est pas ta faute, Maître. Essaie de ne pas laisser cela t’affecter si profondément. »

« Oui, je sais. »

Apparemment, Zanoba avait compris que mon soupir avait une autre signification. Il avait une expression sérieuse sur le visage au moment où il me regardait. On aurait dit qu’il était plus inquiet pour moi que pour Nanahoshi. Eh bien, il ne lui avait presque jamais parlé, je ne pouvais donc pas le blâmer pour cela.

Nous étions restés silencieux pendant un moment après ça. Dans le silence, je pouvais entendre les battements de cœur de Julie. En tant qu’enfant, sa température corporelle était plus élevée que la mienne. Elle était chaude, et entendre son cœur battre était étrangement apaisant. Je devrais lui acheter quelque chose la prochaine fois que je sortirai.

Lorsque nous étions arrivés à la maison, j’avais demandé à Zanoba de déposer Nanahoshi dans l’une des deux chambres que j’avais aménagées pour mes petites sœurs. Elle s’était affalée mollement sur le lit. Ses yeux étaient ouverts, elle avait dû se réveiller à un moment donné. Mais ils étaient complètement vides. Comme si elle fixait quelque chose que je ne pouvais pas voir. Elle ressemblait vraiment à un cadavre.

Est-ce qu’elle reviendra de tout ça ? D’après mes propres observations, elle était dans un état précaire, mais pas irrécupérable. J’avais déjà eu des périodes de dépression similaires, mais elles avaient fini par passer.

Pour l’instant, je l’avais fouillée et lui avais retiré tout ce qui pouvait servir d’arme dangereuse. Elle avait un petit couteau suisse sur elle. Je ne pensais pas qu’elle pourrait se tuer avec un tel objet, mais je l’avais quand même pris, juste pour m’en assurer.

Il n’y avait rien de dangereux dans sa chambre, à part la fenêtre, puisque nous étions au deuxième étage. Peut-être que je devrais utiliser la magie pour la sécuriser. Ça ne servirait à rien si elle cassait le verre, mais je voulais croire qu’elle n’avait pas la volonté d’aller aussi loin.

Comme elle ne bougeait pas, j’étais redescendu au premier étage.

« Est-ce qu’elle va s’en sortir ? », demanda Zanoba avec inquiétude. Il n’avait pas l’air d’être le genre de personne à avoir une expérience de la dépression. Il avait ses moments de faiblesse, certes, mais il était généralement optimiste.

« Qui peut le dire ? En tout cas, tu m’as beaucoup aidé, Zanoba. »

« Non. Et d’abord c’est toi qui t’occupes toujours de moi. C’était le moins que je pouvais faire. »

C’était bien Zanoba. Je pouvais toujours compter sur lui.

« Et toi, Maître ? Vas-tu t’en sortir ? »

« Moi ? Pourquoi ? »

« On dirait que la dépression de Maître Silent a eu un impact sévère sur toi. »

Un impact sévère ? Vraiment ?

En fait, il avait probablement raison. Nanahoshi avait perdu la tête, était devenue folle furieuse, et s’était transformée en une coquille sans vie une fois que je l’avais arrêtée. Voir ça du début à la fin m’avait rappelé mon passé. Bien que cela se soit manifesté un peu différemment pour elle, nous avions toutes deux traversé des agonies mentales similaires. Je ressentais sa douleur comme si c’était la mienne. Si les circonstances avaient été un peu différentes, c’était peut-être moi qui serais resté étendu sur le sol à sa place.

« Juste un peu. Ça me rappelle des douleurs du passé. »

« Cela te dérangerait-il d’en dire plus ? » avait-il demandé.

« Quand j’étais petit, j’ai aussi vécu une expérience similaire. Je suis devenu apathique et je me suis renfermé sur moi-même. »

« Je ne peux pas comprendre ce sentiment. »

Bien que la façon dont il avait dit cela m’ait semblé distante, je ne voulais pas non plus qu’il prétende avec désinvolture qu’il comprenait.

« Je suis sûr que tu ne le peux pas. »

« Quoi qu’il en soit, s’il y a autre chose pour laquelle ma force serait utile, fais-le-moi savoir. La force est la seule chose que j’ai en abondance. »

« Oui, je le ferai. »

J’avais apprécié la proposition de Zanoba. C’était un bon gars, tant que les poupées n’étaient pas impliquées.

Zanoba était rentré chez lui peu de temps après. N’ayant rien d’autre à faire, j’avais passé mon temps à lire dans la chambre de Nanahoshi pendant qu’elle dormait. J’aurais voulu être laissé seul si j’étais à sa place. Mais elle avait déjà été seule jusqu’à ce point. Toujours seule.

J’étais resté avec elle jusqu’à ce que Sylphie rentre à la maison.

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