Mushoku Tensei (LN) – Tome 10 – Chapitre 2

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Chapitre 2 : Les choses à préparer avant le mariage

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Chapitre 2 : Les choses à préparer avant le mariage

Partie 1

Le mariage. C’était un domaine inexploré dans ma vie antérieure. Cette perspective me rendait anxieux. Aussi important que cela soit pour moi, pouvais-je vraiment le faire et me marier sans régler les choses avec ma famille ? Ils me pardonneraient probablement s’il savait que mon mariage était la raison de mon retard. De plus, je me réjouissais de tout ce qu’un mariage impliquerait. Rien que de penser à planter mes crocs dans cette douce jeune fille me mettait l’eau à la bouche… même si je laissais bien sur Sylphie donner le ton.

Il y avait juste un problème. Maintenant que j’y pense, je ne savais pas comment le mariage fonctionnait dans ce monde. Je n’avais jamais vu de cérémonie de mariage. Paul n’en avait pas eu quand il avait épousé Lilia. Ce fut juste une fête à laquelle tout le village avait été invité. Les nobles organisaient probablement des fêtes similaires à l’annonce de fiançailles, mais je n’avais jamais vu de véritable cérémonie de mariage.

Que signifiait le mot « mariage » ? Que devait faire un homme marié ? J’avais passé seize ans dans ce monde, et je ne savais toujours rien sur cette chose assez basique.

Non, attendez. Ne rien savoir était une bonne chose. Je pouvais apprendre. Si je ne connaissais pas les réponses moi-même, je pouvais simplement demander.

J’avais commencé par interroger Zanoba — vingt-six ans et déjà divorcé — à ce sujet pendant le dîner à la cafétéria.

« Le mariage, hein ? Quand je me suis marié, j’ai envoyé un cadeau sous forme de bétail, de troupes et de nourriture au foyer de mon partenaire », dit Zanoba.

Il était de coutume dans le Royaume de Shirone que l’homme envoie des cadeaux de célébration à la famille de la mariée.

« Mais tu es un prince. Ne devrais-tu pas être celui qui reçoit les cadeaux ? »

« Hm ? Que vous soyez de la famille royale ou non ne fait aucune différence. L’homme est évidemment celui qui devrait envoyer des cadeaux. »

Ce fut alors que Cliff mit son nez dedans.

« C’est l’inverse à Millis. La femme reçoit une dot à fournir à son mari. »

Il dînait avec nous assez souvent ces derniers temps. Il n’avait pas beaucoup d’amis, il devait donc se sentir seul.

« Hmm. La famille de la fille ne perd-elle pas trop ? », avais-je dit.

« En échange, l’homme est tenu de fournir une assistance si la famille de sa femme en a besoin. »

« C’est donc comme ça que ça marche. »

Millis et Shirone semblaient tous deux mettre en avant un lien fort entre les familles.

« Mais les coutumes de mariage varient selon les races », poursuivit Cliff.

« Et les elfes ? », avais-je demandé.

« Je n’ai pas encore épousé Lise, alors je ne sais pas. J’ai promis d’attendre jusqu’à ce que je lève sa malédiction. Mais elle n’est pas comme la plupart des elfes, donc je doute qu’elle soit trop pointilleuse sur le maintien de la tradition. »

Il allait donc avoir une longue attente devant lui.

On avait déjà beaucoup discuté, et toujours aucune mention d’une cérémonie. Je commençais à penser que le concept n’existait pas dans ce monde.

« Donc, si je devais me marier avec quelqu’un, de quoi aurais-je besoin ? »

« Voyons voir… Tout d’abord, une maison, non ? », suggéra Cliff.

« En effet. », acquiesça Zanoba.

« Quoi ? Une maison, dès le départ ? », avais-je demandé, un peu incrédule.

« Pourquoi te marier si tu n’as même pas de maison ? »

Un coup d’œil à Zanoba, qui acquiesçait aux paroles de Cliff, m’avait appris qu’il était du même avis. En y réfléchissant, Paul avait déménagé au Village Buena quand il s’était marié. Jusque-là, il était un aventurier vivant dans une auberge, et avait dû demander l’aide de Philip pour obtenir une maison et un travail stable.

« De plus, les filles ne peuvent pas aller dans le dortoir des garçons. Normalement, les couples se marient et quittent les dortoirs, ou attendent d’avoir leur diplôme pour se marier. »

Maintenant qu’il le mentionnait, il était vrai que je n’avais pas entendu parler de couples mariés vivant dans les dortoirs. Il n’y avait pas non plus de dortoir spécial pour les couples mariés.

« Bien sûr l’histoire est différente si ta partenaire est une fille de haut rang qui a son propre logement, sinon c’est à l’homme de fournir le logement », ajouta Cliff.

Cela semblait un peu injuste, mais c’était peut-être simplement ce qui était considéré comme la norme dans ce monde. Dans ce cas, il était logique que je sois le pourvoyeur. En fait, ma partenaire pourrait être déçue si je ne l’étais pas.

« Compris. Donc, une maison d’abord. »

Cliff a eu un regard suspicieux au moment où j’avais dit ça.

« Attends. Rudeus, tu vas te marier ? »

« Eh bien, oui. »

« Avec qui ? »

Est-ce que je pouvais dire le nom de Sylphie ici ? Bien sûr, son identité finirait par être découverte, mais j’avais décidé de la cacher pour le moment.

« À la personne qui a guéri ma maladie. »

« … Ah, je vois. Et son nom ? »

« Hum, je dois le garder secret pour le moment. »

« OK. Eh bien, s’il s’avère que c’est une disciple de Millis, fais-le-moi savoir. Je connais l’évêque de la ville, nous pourrions donc organiser une cérémonie, du moment que tu es d’accord pour que ce soit informel. »

Donc la foi de Millis avait bien quelque chose comme une cérémonie de mariage ! Je n’étais cependant pas un adepte de Millis, et j’étais sûr que Sylphie ne l’était pas non plus.

« Maître, si tu manques de fonds, puis-je t’aider ? », proposa Zanoba.

« Non, non. L’idée de devoir compter sur toi pour ça me mettrait mal à l’aise. »

Même si je faisais bonne figure en disant cela, je n’avais aucune idée de ce qu’était le marché du logement par ici. J’espérais que mes économies seraient suffisantes.

« En tout cas, je vais aller voir les maisons en ville demain. Si j’ai l’impression de ne pas pouvoir le faire moi-même, je te demanderai peut-être ton aide. »

« Bien sûr. Je peux me permettre de même acheter la plus grande maison de la ville, alors tu n’as pas à t’inquiéter », dit Zanoba en souriant.

Même les royautés des petits pays étaient à un tout autre niveau que nous, les gens normaux.

◇ ◇ ◇

Le lendemain, je m’étais rendu à l’agence immobilière. Le seigneur féodal d’une région était généralement celui qui offrait des prêts immobiliers aux résidents, mais il n’y avait pas de seigneur féodal clair dans Charia. Au lieu de cela, les Trois Nations Magiques et la Guilde des Magiciens administraient conjointement le territoire en créant une agence immobilière chargée de résoudre tous les problèmes qui se posaient. Quant à ce que ces « problèmes » pouvaient être, je n’en avais aucune idée.

J’y faisais référence comme étant une agence immobilière, mais son nom officiel était le Bureau de gestion des terres. Il s’occupait de l’achat et de la vente de maisons vacantes, ainsi que de l’octroi de permis de construire sur des terrains vides. Lorsque j’avais dit à la réceptionniste que je voulais une maison, on m’avait remis une liste. Les informations sur les maisons disponibles étaient répertoriées sur chaque page : adresses, taille des terrains, taille des maisons, nombre de pièces et prix. Il y avait une grande variété de maisons, de la petite maison d’une pièce au véritable manoir.

« Hmm… »

Pour être honnête, je n’avais aucune idée de la taille de la maison que je devais acheter. Quelque chose avec un jardin et de la place pour un gros chien serait préférable… ou peut-être une maison de ville ? Ça ne me dérangeait pas de vivre dans un endroit petit, mais Sylphie était le garde du corps de la Princesse, et sa bonne amie par-dessus le marché. Cela signifiait que la Princesse viendrait la voir de temps en temps, et nous ne pouvions pas vivre dans un appartement miteux si une royauté venait nous rendre visite. Cela dit, mes économies actuelles ne suffiraient pas à couvrir le coût d’une résidence huppée du genre de celles conçues pour la noblesse.

Je devrais peut-être accepter l’aide de Zanoba ? Non, le fait de l’utiliser comme porte-monnaie me rendrait mal à l’aise. Je pourrais quand même acheter une maison décente avec ce que j’ai.

J’aurais peut-être dû emmener Sylphie. Les gros achats comme celui-ci ne devraient-ils pas être discutés avec son partenaire ? Mais dans ce monde, c’était apparemment l’homme qui achetait la maison et accueillait la femme à l’intérieur. Sylphie pourrait me trouver pitoyable si je ne pouvais pas faire ça tout seul. Je devais au moins lui montrer que j’étais fiable.

« Donc une grande maison bon marché avec beaucoup de pièces. »

J’avais cherché dans la liste pour trouver une correspondance.

« Hm ? »

Une annonce tout en bas de la pile attira mon attention. Une page usée et décolorée annonçait ce qui ressemblait à une sorte de manoir. Il était situé dans un coin du quartier résidentiel, ce qui signifiait qu’il n’était pas trop loin de l’université. Au prix où il était vendu, je pouvais l’acheter et avoir encore un peu d’argent de côté. Le seul inconvénient était son âge.

« Et celle-là ? Pourquoi est-il si bon marché ? »

L’employé à qui j’avais posé la question me fit un sourire troublé.

« Pour être honnête, ce manoir est maudit. »

« Vous avez dit maudit ? »

« On dit qu’on peut entendre un craquement au milieu de la nuit, mais si on en cherche la source, on ne trouve rien. L’ancien propriétaire fit passer cela pour un simple bruit de maison causé par le vent… et le lendemain, les nouveaux résidents avaient été brutalement assassinés. »

Sérieusement ? Là encore, les histoires de manoirs maudits hantés par des esprits maléfiques étaient monnaie courante.

« Vous n’avez pas pratiqué d’exorcisme ? »

« Nous avons fait une demande auprès de la Guilde des Aventuriers, mais… les premières personnes qui ont voulu s’en occuper ont été elles aussi brutalement assassinées. Personne n’a voulu faire cette quête depuis. »

Il poursuivit en mentionnant que la demande qu’ils avaient soumise était de rang E. Ils voulaient augmenter son rang. Ils avaient voulu élever son rang, mais n’avaient pas reçu les fonds nécessaires. Ajoutez à cela l’existence d’une certaine discorde entre eux et la Guilde des Aventuriers… il semblerait qu’il y avait beaucoup de facteurs compliqués en jeu.

« Et la guilde des magiciens ? »

« Ils ont dit que l’immobilier n’est pas dans leur juridiction, que nous devrions nous débrouiller nous-mêmes. »

« Et si j’étais capable de nettoyer l’endroit avec succès ? Vous me le donneriez ? »

L’employé me jeta un regard comme s’il demandait : « Mais qu’est-ce que tu fumes ? »

« Désolé. Que diriez-vous donc d’un contrat provisoire ? Je visiterai l’endroit moi-même dans les deux prochains jours. Et si je trouve ce bien à mon goût, nous rendrons alors la vente officielle. Est-ce que ça marche ? », avais-je répondu.

« Dans ce cas, veuillez écrire votre nom ici. »

J’avais échoué dans ma tentative de marchandage, mais j’avais quand même continué, écrivant mon nom là où on me l’avait demandé. Il y avait un endroit où l’on pouvait inscrire un garant, et j’avais pris les devants en inscrivant les noms de la Princesse Ariel et de Badigadi. Je le lui avais alors remis.

Après avoir jeté un coup d’œil, l’employé pâlit et se retira à l’arrière. Presque immédiatement, quelqu’un qui ressemblait au directeur apparu, se frottant les mains. Je devais être assez célèbre pour qu’on me traite de la sorte rien qu’en écrivant mon nom. Attendez, peut-être que c’était en fait l’effet de l’utilisation des noms de la princesse Ariel et de Badigadi ? Ou peut-être une combinaison des trois ?

Après un peu de discussion, j’avais réussi à réduire le prix demandé de moitié. Apparemment, je m’étais transformé en client VIP exigeant alors que je n’avais aucune intention de l’être.

***

Partie 2

Quelques jours plus tard, j’étais arrivé au manoir en question. Il avait été construit il y a plus d’un siècle, mais le bâtiment lui-même semblait solide. Le mana était infusé dans toutes sortes de choses dans ce monde, alors peut-être y avait-il quelque chose dans la structure qui la protégeait de la pourriture ?

La structure du manoir était construite en boue et en pierre, avec un plancher en bois. De la mousse et du lierre poussaient le long des murs, mais à part ça, c’était magnifique. J’avais imaginé quelque chose de plus délabré.

« Entrons, Monsieur Zanoba ? Monsieur Cliff ? »

J’avais beau être un aventurier de rang A, je n’étais pas assez sûr de moi pour m’aventurer seul dans un lieu inconnu et peut-être hanté. J’avais demandé à Zanoba de m’accompagner et de me servir de bouclier. Si une poupée rousse armée d’un couteau surgissait de nulle part pour nous attaquer, il y mettrait un terme rapidement. Cliff avait ce regard dans ses yeux, comme s’il voulait venir, je l’avais donc aussi invité à se joindre à nous. C’était un génie de la magie divine de niveau avancé, donc si nous étions vraiment confrontés à des monstres de type esprit maléfique, il nous serait certainement utile.

« C’est une maison respectable. Elle semble un peu petite, mais je suppose que cette taille est appropriée », commenta Zanoba.

Cliff n’était pas d’accord.

« Tu ne penses pas que c’est beaucoup trop grand pour seulement deux personnes ? Tu sais que tu peux acheter quelque chose de petit pour commencer, et économiser pour déménager quand tu seras trop à l’étroit ? »

J’allais couper la poire en deux, ça voulait dire que cet endroit avait la taille parfaite.

« Grâce à certaines circonstances particulières, cet endroit n’était pas si cher. Maintenant, entrons. »

« Si tu penses que cet endroit est le bon, Maître, alors je n’ai plus rien à dire à son sujet », dit Zanoba en ouvrant courageusement la voie.

Il tenait une massue, une arme que j’avais préparée pour lui. Je m’étais dit qu’il ne fallait pas y aller sans arme, mais comme Zanoba l’avait reconnu lui-même, sa force surhumaine le rendrait capable de briser n’importe quelle arme entre ses mains. Alors, j’avais utilisé ma magie pour lui fabriquer une massue. Comme elle était gratuite, cela ne poserait aucun problème s’il la brisait.

Cliff était au centre. Il tenait fermement dans ses mains un bâton qui avait l’air coûteux et il balançait sa tête d’avant en arrière, surveillant la zone. Il essayait probablement d’être vigilant, mais pour moi, il avait juste l’air d’être terrifié.

Enfin, j’avais pris l’arrière, fournissant des capacités offensives depuis l’arrière. Dans ce groupe, la chose la plus importante était de protéger Cliff, car il était notre guérisseur et pouvait également fournir une certaine puissance de feu. En tant que membre le plus expérimenté de notre équipe, il était donc plus sûr de m’avoir à cet endroit pour surveiller nos arrières.

Nous avions descendu le chemin de pierre fissuré et étions arrivés à l’entrée. Les portes en bois étaient fissurées et la charnière d’un côté était cassée. Il faudrait la réparer.

« Je ne pense pas que nous risquions de tomber sur un piège, mais faites tout de même preuve d’une extrême prudence », avais-je insisté en activant mon Œil de la prospective.

« Oui, Maître. »

Zanoba posa sa main sur le bouton de porte, puis l’arracha du cadre sans aucune hésitation.

« Bon, ne commence pas à casser des choses », dis-je en le réprimandant.

« Je m’excuse. La porte était tordue et ne s’ouvrait pas. De toute façon, je suis sûr que tu auras besoin de la réparer. »

« Eh bien, préviens-moi la prochaine fois, d’accord ? »

« Oui, Maître », répondit Zanoba.

Au moins, il avait de bonnes manières.

Nous étions finalement entrés dans la maison. La première pièce était le hall d’entrée. Devant nous, un escalier menait à l’étage suivant, avec des portes à gauche et à droite. Des couloirs menaient plus profondément dans la maison de chaque côté de l’escalier. Il n’y avait pas beaucoup de poussière, l’agence immobilière devait donc nettoyer périodiquement l’endroit. De l’extérieur, elle pouvait ressembler à une maison hantée, mais maintenant que nous étions à l’intérieur, je pouvais voir qu’elle avait un excellent éclairage naturel. C’était un bel endroit.

« Maître, comment allons-nous procéder ? »

« Nous allons commencer par le côté droit du premier étage. Nous allons regarder dans toutes les pièces. Je ne pense pas qu’il y ait de pièges, mais il est possible que le sol ou le plafond soient pourris, alors faites attention à votre tête et à vos pieds. »

« Compris », dit Zanoba en hochant la tête.

Cliff me regarda par-dessus son épaule.

« Tu te donnes à fond. »

« Eh bien, je suis un aventurier de Rang A », avais-je dit.

« O-oui, c’est vrai, hein ? »

Cliff semblait être nerveux à propos de quelque chose. En y repensant, il était parti l’autre jour pour une aventure agréable avec Elinalise, non ? Je me demandais comment ça s’était passé.

« Au fait, comment s’est donc passée cette aventure que tu as vécue l’autre jour ? »

« … Ils m’ont complètement démoli. »

« Eh bien, ils sont de rang S. »

Les membres de Stepped Leader n’avaient probablement pas été si durs avec lui. Après tout, ils savaient qu’ils avaient affaire à un débutant. Mais la façon dont la personne recevant cette critique décidait de l’interpréter était une autre question. Cliff était un génie autoproclamé. Il n’avait probablement jamais eu personne pour lui faire remarquer ses défauts auparavant.

« Que dois-je faire ? »

« Si nous rencontrons un ennemi, utilise la magie divine de base pour l’attaquer. »

« J’ai compris. Mais si ce n’est pas un esprit ? », demanda-t-il.

« Dans ce cas, reste en arrière. Zanoba ou moi allons nous en occuper. »

Cliff a eu l’air un peu indigné au moment où j’avais dit cela, j’avais alors su que je devais poursuivre avec quelque chose.

« Ta magie est si puissante que tu pourrais endommager la maison. »

Fort heureusement, il semblait satisfait de cette explication. Il était préférable qu’un débutant comme lui se concentre sur une seule chose à la fois.

« Zanoba, il est possible que, même si cela est improbable, qu’un monstre capable d’utiliser la magie se cache ici. Reste sur tes gardes. »

« Laisse-moi faire. »

À ma grande surprise, Zanoba n’avait pas du tout peur. Il avait l’esprit d’un guerrier, ce qui était encourageant.

La porte de droite menait à une pièce spacieuse dont le sol faisait plus de vingt tatamis de large. Elle possédait une très bonne luminosité et une grande cheminée. Cela pourrait être une salle à manger ou un salon.

Ce fut la cheminée qui attira mon attention.

« Maître Cliff, est-ce que cette cheminée est un outil magique ? »

« P-Pas sur. Je vais jeter un coup d’œil. »

Cliff essaya de regarder à l’intérieur.

« Attendez. Il pourrait y avoir quelque chose là-dedans. »

Je l’avais arrêté, examinant la cheminée moi-même. Quelque chose n’allait pas, mais je n’arrivais pas à savoir ce que c’était.

« Hm. »

Les hivers glaciaux de la région rendaient la cheminée indispensable. Si celle-ci était magique, elle pouvait chauffer toute la maison. Si elle ne l’était pas, j’envisagerais de la remodeler. Bien que j’avais du mal à abandonner l’idée de voir Sylphie et moi tenant le corps nu de l’autre pour nous réchauffer…

« Je vais souffler un peu d’air à travers. S’il y a un monstre à l’intérieur, il pourrait nous tomber dessus, alors restez vigilants. »

Les ayant mis sur leurs gardes, j’avais conjuré de la magie dans la cheminée du foyer, la balayant avec une forte rafale.

Rien ne s’était produit. J’avais tendu l’oreille, mais je n’avais perçu aucun mouvement. De la suie était bien tombée, mais c’était tout. Je pouvais aussi envoyer du feu dans la cheminée, mais si elle était endommagée de quelque façon que ce soit, la maison risquait de prendre feu. Pour le moment, j’avais passé la tête à l’intérieur et regardé en haut de la cheminée. Je pouvais voir le ciel, bien que de loin.

Par sécurité, j’avais utilisé le feu pour éclairer mon environnement immédiat. Je ne sentais aucune présence cachée à l’intérieur. C’était probablement sans danger.

« Je m’en remets dans ce cas à toi, Maître Cliff. »

« Entendu. »

Il fouilla l’intérieur de la cheminée et tomba immédiatement sur un cercle magique. Ce n’était pas une surprise, étant donné qu’il avait été occupé à rechercher des instruments magiques et des malédictions récemment.

« Est-ce que ça a l’air utilisable ? » avais-je demandé.

« Je ne peux pas en être sûr avant d’y avoir allumé un feu, mais il semble intact », évalua Cliff.

Bien.

« Très bien. Merci. »

J’avais hoché la tête, puis nous étions allés dans la pièce suivante, la plus intérieure à droite de l’entrée. Elle avait un sol en pierre et quelque chose comme un four, c’était donc probablement la cuisine. Il y avait un morceau de tissu déchiré sur le sol à côté du four. Quand je l’avais ramassé, j’avais découvert que c’était un tablier en lambeaux. Peut-être que Sylphie allait cuisiner nue pour moi ici, à l’exception d’un tablier qui la recouvrait. Ça me donnait de quoi être excité.

Non, oublie ça, m’étais-je dit. Nous étions ici pour éliminer le mauvais esprit — où n’importe quelle autre chose qui hantait cet endroit. Ce n’était pas le moment pour moi de planter une tente dans mon pantalon.

J’avais fouillé le four et tous les autres endroits où un être vivant pourrait se cacher.

« OK, rien d’anormal ici, à la suivante. »

Nous avions découvert une porte menant au sous-sol derrière l’escalier, mais nous avions décidé de la garder pour plus tard. Nous avions parcouru dans le sens inverse des aiguilles d’une montre chaque pièce du premier étage et n’avions trouvé aucune anomalie. Il y avait quelques endroits où la poussière s’était accumulée, mais la maison était en si bon état qu’on ne pouvait pas penser qu’elle avait été construite il y a plus d’un siècle. Peut-être que le propriétaire précédent y avait effectué quelques réparations.

« Alors c’est la dernière, hein ? »

Nous avions fini d’examiner tout le premier étage. D’après le plan, je savais que les deux côtés de ce manoir se reflétaient à l’identique, à l’exception du fait que la pièce correspondant à la cuisine dans l’aile gauche n’avait pas de four. Peut-être était-elle utilisée à d’autres fins que la cuisine, comme une sorte de buanderie. En tout cas, nous l’avions appelée cuisine pour l’instant.

Deux cuisines, deux grandes pièces, quatre petites pièces, deux toilettes. C’était presque comme si deux maisons avaient été reliées en un seul bâtiment. Et seul l’escalier se trouvait dans le hall.

« Quelle pièce serait l’hôte le plus probable pour les mauvais esprits ? Le sous-sol ou le deuxième étage ? »

« Je pense au sous-sol », dit Zanoba.

« Je parierais sur le sous-sol », dit Cliff.

Comme nous étions d’accord, j’avais décidé de me rendre d’abord au sous-sol. La porte, située derrière les escaliers menant au deuxième étage, menait à une autre volée d’escaliers descendants. J’avais allumé les lampes que nous avions et les avais passées à Zanoba et Cliff.

« Je ferai le guet depuis le centre avec mon œil de démon. Ne laissez pas tomber votre lampe, même si vous pensez que nous sommes en danger. Je ne pourrais porter aucun secours dans le noir. »

« Ha ha ha, je suis un enfant béni ! Il n’y a rien à craindre », déclara Zanoba alors que nous descendions les escaliers. Je craignais maintenant le pire.

Sois plus prudent, lui avais-je intérieurement reproché. On ne savait jamais si une flèche allait jaillir au moment où on ouvrait une porte ou non. Mais, connaissant Zanoba, elle ricocherait probablement sur son corps avec un tintement bruyant.

Nous avions atteint une porte qui menait plus loin dans le sous-sol.

« Hm. Rien ici. »

Il y avait plusieurs étagères en bois vides, mais cela ressemblait à une zone de stockage inutilisée. J’avais porté ma lampe un peu partout, mais je n’avais rien senti rôder. Il y avait une sorte de tache sur le mur, mais elle n’était pas de forme humaine. Les bords du panneau mural avaient un peu pourri, mais c’était tout. Je devrais les remplacer plus tard.

Pas de monstres. Cela cassait un peu l’ambiance.

« OK, on va donc au deuxième étage. »

Nous avions quitté le sous-sol et étions retournés à l’entrée. De là, nous avions monté les escaliers jusqu’au deuxième étage. Le bois sous nos pieds n’avait même pas craqué.

***

Partie 3

Le deuxième étage était aussi complètement symétrique. À chaque extrémité des deux ailes se trouvait une pièce reliée à une chambre intérieure. En dehors de cela, il y avait également un certain nombre de chambres supplémentaires, chacune faisant environ six tatamis. Cela faisait six chambres au total : quatre petites chambres, et deux chambres de taille moyenne d’environ douze tatamis. Ces deux dernières étaient reliées aux chambres intérieures. Enfin, il y avait également un balcon.

« Hmm… »

Mettons un grand lit dans cette chambre, avais-je décidé. Un avec plus qu’assez de place pour que trois personnes puissent s’y allonger. Deux lits normaux poussés l’un contre l’autre, ce serait bien aussi. Non, attendez, si le lit était petit, nous devrions nous serrer les uns contre les autres pour dormir, ce qui ne serait pas une mauvaise chose. Ensuite, quand je me réveillerais, je sentirais sa chaleur juste à côté de moi. Et ses petits seins seraient constamment à portée de main. Non, c’était pas mal du tout.

En tout cas, le lit était important. On l’utilisera, après tout, tous les jours — et non, je ne voulais pas dire uniquement pour le sexe. Les gens doivent aussi dormir.

« Maître Cliff. »

« Qu-Quoi ? As-tu trouvé quelque chose ? »

« Penses-tu qu’un lit plus grand serait mieux pour un couple marié ? »

« Hein ? »

Cliff resta silencieux pendant quelques secondes alors qu’il réfléchissait à la question. Puis il prit une grande inspiration. Finalement, il soupira : « Oh, toi. Oui, c’est un aspect important d’une relation. Mais tu ne rends pas justice à ta partenaire si c’est la seule chose sur laquelle tu te concentres. »

« Oh. Eh bien, oui, je suppose que tu as raison. »

Pour une raison ou une autre, ses paroles étaient convaincantes, probablement parce qu’il parlait en connaissance de cause. Je pouvais très facilement imaginer Elinalise se jetant sur lui, les yeux pleins de convoitise, dès qu’ils seraient seuls tous les deux.

J’avais donc pris ce qu’il m’avait dit à contrecœur. J’imagine que je vais choisir un lit plus grand.

« Ouf, rien ici, hein ? », avais-je dit tout en envoyant un soupir après avoir inspecté la dernière pièce.

« Comme prévu, je suppose que nous allons devoir passer la nuit ici. », dit Zanoba.

« Oui. Je compte sur vous. »

J’avais voulu fouiller la maison à l’avance, juste pour être sûr, mais je ne m’attendais pas vraiment à ce que cela donne quelque chose. D’après les récits, l’esprit ne se manifestait que la nuit, accompagné d’un grincement. C’était effrayant. C’était probablement un monstre qui squattait ici, mais je ne savais pas de quel genre de monstre on parlait. Je ne pensais pas qu’il pouvait être trop puissant, vu que nous étions au milieu d’une ville. Mais des aventuriers de bas rang envoyés pour nettoyer la maison avaient été brutalement assassinés. Nous ne pouvions pas baisser notre garde.

Peut-être que la vérité était en fait simple : des bandits auraient pu par exemple utiliser la maison comme cachette. Le grincement pourrait être causé par eux en crochetant la serrure de la porte d’entrée. Non, la porte d’entrée était cassée. Alors peut-être la porte arrière ? Mais il n’y avait aucun signe de quelqu’un vivant ici.

Oui, j’étais perplexe. J’aurais peut-être dû emmener Elinalise et les autres également. Elle avait vu beaucoup de choses dans sa longue vie, elle aurait pu nous aider. Mais maintenant que mon petit homme était de nouveau en action, je n’étais pas sûr que sa présence ne m’exciterait pas. Je pouvais l’imaginer — je faisais le guet au milieu de la nuit, et une ombre venait se faufiler jusqu’à moi, me murmurant des tentations à l’oreille. Mais Cliff dort juste à côté de nous, dirais-je. Et elle répondait, Et alors ?

« Restez vigilants. L’esprit pourrait ne pas se montrer tout de suite, donc on va passer la nuit ici. », avais-je déclaré alors que nous nous tenions dans la chambre du deuxième étage.

« Hm. Je m’inquiète pour Julie. »

« Je m’inquiète pour Elinalise. »

Julie était une enfant intelligente. Elle connaissait son statut d’esclave et n’allait pas provoquer quelqu’un sans réfléchir, alors qu’elle vivait dans une section du dortoir principalement occupée par des nobles. Zanoba n’avait aucune raison de s’inquiéter pour elle. Elinalise, en revanche, était à la fois populaire et capricieuse. Elle pourrait bien profiter de l’absence de Cliff pour avoir une liaison.

Mes pensées allèrent vers Sylphie, qui faisait probablement office de garde du corps de la Princesse, comme elle le faisait toujours. Il n’y avait pas de quoi s’inquiéter. Attendez, je lui avais bien dit que je sortais aujourd’hui, mais je n’avais pas mentionné que je serais absent pour la nuit. Et si elle venait dans ma chambre pour me parler avant de se coucher, et que je n’étais pas là ? Elle pourrait rôder dans ce hall froid, en m’attendant, et en marmonnant pour elle-même : « Rudy est vraiment en retard. »

« Le soleil est sur le point de se coucher », dit Zanoba.

Je pouvais voir le soleil du soir se refléter sur la fenêtre de la chambre. Si je partais maintenant, la nuit serait tombée lorsque je serais de retour sur le campus. Sylphie serait probablement déjà rentrée au dortoir des filles. Et même si je ne lui disais rien directement, je devais au moins laisser un mot sur ma porte, disant que je ne serais pas là ce soir. Pas vrai ?

Très bien, allons-y. Allons-y maintenant.

Non, attendez. Et si ces deux-là se faisaient tuer pendant mon absence ? Ça ne marcherait pas. J’étais, après tout, le leader de ce groupe.

Calme-toi, m’étais-je dit. Ce n’était pas un problème. Tant que j’expliquais tout par la suite, Sylphie comprendrait. Bien que… attendez. J’avais entendu quelque chose à ce sujet il y a longtemps. Si dans une relation, les fois où l’on entendait dire « juste pour cette fois » s’accumulaient trop rapidement, cela pouvait mener à une rupture entre vous et votre partenaire. Merde. J’avais un mauvais pressentiment à ce sujet.

La solution était évidente : lever intentionnellement mon propre drapeau mortel.

« Zanoba. »

« Oui ? Qu’est-ce qu’il y a ? »

« Je vais me marier dès que nous aurons terminé cette mission. »

« En effet. Finissons-la rapidement pour pouvoir faire une grande fête ici », dit Zanoba, la tête légèrement inclinée en hochant la tête.

Attendez. Maintenant que je l’avais vraiment dit, mon sentiment de malaise s’était encore aggravé. Si j’avais dit quelque chose comme : « Une fête, oui ! C’est exactement ce dont nous avons besoin ! », j’avais le sentiment que je ne survivrais pas assez longtemps pour me marier. Je devrais peut-être mettre quelque chose de dur dans ma poche de poitrine pour le moment. Sauf que je n’avais pas de poche de poitrine. Si une balle de 357 Magnum me frappait, je n’aurais aucun moyen de l’arrêter.

Cliff s’était de nouveau immiscé dans la conversation.

« Assure-toi d’inviter Lise et moi. »

« Bien sûr. Pourquoi ne serais-tu pas invité ? »

« Juste pour être sûr. Être laissé de côté ne me dérange pas trop, mais je serais triste de voir que ça lui arrive à elle. »

Cliff savait vraiment comment faire pour péter l’ambiance… c’était probablement pour cela qu’il était toujours laissé de côté dans ce genre de rassemblements. Je ne manquerais pas de l’inviter, et évidement Elinalise aussi. De toute façon, j’en avais assez d’être avec des mecs. J’avais envie de me dépêcher, de finir ça, et de rentrer chez moi pour retrouver Sylphie et ses seins — non, concentre-toi. Je pourrais la toucher autant que je le voudrais plus tard.

Et alors que je vaquais à ces pensées, la nuit était arrivée.

Pendant ce temps, au dortoir des filles, Sylphie avait déjà eu vent du fait que Rudeus était parti faire du shopping. Elle était actuellement dans son lit, les bras serrés autour de son oreiller, se roulant dans tous les sens en imaginant toutes sortes de choses.

◇ ◇ ◇

Nous nous relayions pour faire le guet. Une personne restait éveillée pour alerter les deux autres si quelque chose de bizarre se produisait. J’avais spécifiquement indiqué à mes compagnons que s’ils entendaient un craquement, ils ne devaient pas enquêter, mais plutôt réveiller les autres immédiatement.

Nous dormions à l’endroit où le résident précédent avait été assassiné : la chambre située au bord du deuxième étage. L’emplacement pouvait avoir un rapport avec l’apparition ou non du mauvais esprit. Je ne pensais pas vraiment qu’il s’agissait de bandits, bien que ce serait bien si ce n’était que ça. Je pourrais les arrêter, les dénoncer, et ajouter la récompense en espèces qui en résulterait à nos fonds de mariage. Si c’était juste un monstre ordinaire, ce serait encore mieux. Tout ce qu’on avait à faire était de chercher et détruire. Simple comme bonjour.

◇ ◇ ◇

« Rudeus ! Réveille-toi, on entend du bruit ! »

C’était arrivé au moment où Cliff faisait le guet.

Je m’étais immédiatement réveillé et j’avais sauté en vérifiant l’heure. Pour s’assurer que nous dormions légèrement, chaque personne n’avait que deux heures de sommeil à la fois, en utilisant un sablier pour en garder la trace. En ce moment, il en était à son deuxième tour, ce qui signifiait qu’il était environ deux ou trois heures du matin. Le moment idéal pour l’apparition d’un esprit maléfique.

« Réveille Zanoba. »

Après avoir donné ce bref ordre à Cliff, je m’étais dirigé vers la porte et j’avais tendu l’oreille.

Kree… kree…

Klak… klak…

Kee… kee…

Oh merde. Je pouvais vraiment l’entendre — et aussi assez clairement. On aurait dit une chaise qui grince. C’était en fait assez terrifiant maintenant que je l’entendais par moi-même. Mes lèvres se pincèrent alors que j’activais mon œil de clairvoyance.

« Aahh. »

Zanoba s’était frotté les yeux et avait poussé un gros bâillement.

Après avoir confirmé qu’il était réveillé, j’avais posé ma main sur la poignée de la porte. Puis, lentement, en m’assurant qu’elle ne fasse pas de bruit, j’avais ouvert la porte. J’avais regardé dans le couloir. Rien. Juste pour être sûr, j’avais aussi regardé dans l’autre sens. Rien. Puis de haut en bas. Rien.

J’avais tendu l’oreille, mais je n’avais rien entendu. Le son s’était arrêté.

Zanoba s’était levé et s’était approché derrière moi.

« Comment ça se présente là-bas ? »

« Je ne vois rien dans les environs. »

Nous pouvions soit fouiller le manoir, soit attendre que quelque chose de bizarre se produise. Le propriétaire précédent avait ignoré le bruit, pensant l’avoir mal entendu, puis était mort, alors nous ne devrions probablement pas l’imiter.

« Cherchons la source », avais-je décidé.

« Très bien. Je suppose que nous utilisons la même formation qu’avant ? », demande Zanoba.

« Oui. Soyez prudent. »

« Tant que tu surveilles mes arrières, Maître, je n’ai rien à craindre. »

Il s’était emparé de sa massue. Cliff l’avait suivi, l’air nerveux.

« Maître Cliff, vous souvenez-vous de ce que vous êtes censé faire ? »

« Magie divine. »

« C’est exact. Je compte sur vous. »

Zanoba sera notre bouclier, Cliff utilisera la magie divine, et si ça ne marchait pas, j’utiliserais mon Canon de pierre. Nous étions prêts.

« Zanoba, on y va »

Notre enquête nocturne avait commencé.

J’étais déjà familiarisé avec la disposition de la maison suite à notre recherche en journée, et l’enquête s’était déroulée sans heurts. Tout d’abord, nous avions fouillé la totalité du deuxième étage. On n’y avait trouvé rien d’anormal. Ensuite, nous étions descendus prudemment au premier étage. Nous avions parcouru chaque pièce, vérifiant chaque endroit où quelque chose pourrait se cacher, comme la cheminée et le four. Encore une fois, rien. Toutes les pièces étaient vides.

« Maître, il ne reste plus que le sous-sol. »

« Oui. »

Nous avions descendu les marches vers le sous-sol. C’était sombre. Il n’y avait rien ici quand nous avions cherché pendant la journée, mais maintenant, je sentais quelque chose de sinistre en dessous.

Je devenais nerveux. Mon cœur battait fort. J’avais pris une profonde inspiration, en restant sur mes gardes au cas où quelque chose nous attaquerait par-derrière. Et alors que nous descendions les escaliers, j’avais l’impression que nous descendions en enfer. Finalement, nous étions arrivés au sous-sol.

« Comment est-ce ? », avais-je demandé.

« Il n’y a rien ici », répondit Zanoba.

J’utilisais ma lampe pour éclairer la zone. Il n’y avait rien, pas même sur les bords de la pièce. De plus, l’ancien propriétaire avait sûrement vérifié le sous-sol. C’était après tout l’endroit le plus suspect du manoir.

« Retournons dans la chambre et préparons-nous. »

***

Partie 4

Nous nous étions prudemment glissés hors du sous-sol et étions retournés au deuxième étage. Nous avions traversé le couloir jusqu’à la chambre où nous étions postés.

« Zanoba, il y a une chance qu’il se cache dans la chambre où nous dormions, alors fais attention en ouvrant la porte. »

« Compris. »

Il resserra sa prise sur son gourdin et posa doucement son autre main sur la poignée de la porte avant de l’ouvrir.

« … »

Rien ne s’était passé.

« On dirait que tout est vide. »

Il n’y avait rien eu. Pas d’attaque.

« Ouf. »

Nous pouvions nous reposer pour le moment. Peut-être était-il temps de considérer que la créature n’attaquait que lorsque les gens dormaient. Ou quand ils étaient aux toilettes. Maintenant que j’y pensais, nous n’avions pas vérifié le jardin. Je devrais y jeter un coup d’œil de plus près demain.

Ce fut alors que j’avais soudainement regardé derrière nous.

Il était là.

Il était au bout du couloir, près du sol. C’était comme s’il rampait. Seule sa moitié supérieure dépassait le haut de l’escalier. Il avait la tête inclinée en regardant dans notre direction. Au début, j’avais pensé que ça pouvait être un humain. Il avait des yeux, un nez, une bouche, mais pas de cheveux ou d’oreilles.

Je n’avais pas non plus eu l’impression qu’elle était vivante.

« … »

Il nous montra une silhouette pâle et obsédante dans l’obscurité tout en nous observant. Pendant quelques secondes, on s’était regardés fixement.

« Oh », avais-je commencé, essayant de dire quelque chose.

Ce fut alors qu’elle bougea. Son corps se leva et il sauta au deuxième étage. Il était de taille humaine… mais ce n’était pas un humain. Il avait quatre bras et quatre jambes. Il était arrivé dans la nuit noire, brandissant ce qui ressemblait à un pieu, se déplaçant silencieusement sur ses quatre pattes à une vitesse incroyable, droit vers…

« Whoaaah ! »

Mes jambes avaient lâché, et j’avais atterri sur le cul en lançant à la hâte un Canon de Pierre. La peur de détruire ma propre maison montait en moi. J’avais hésité, mais j’avais finalement affaibli la force de mon attaque. La boule de terre s’était brisée contre l’épaule de notre ennemi, mais tout ce que cela avait fait, c’était de faire chanceler la chose inhumaine. Elle s’était dirigée vers moi avec son pieu, et j’avais utilisé mon œil de démon pour essayer de l’éviter, mais…

« Maître ! »

Zanoba vola devant moi. La créature frappa fortement avec son arme. Elle était allée droit vers son cœur.

« Zanoba ! »

Elle ne l’avait pas transpercé. La peau bénie de Zanoba était trop résistante pour l’attaque de la créature. O-oui ! C’est bien mon élève, même pas une égratignure, pensais-je.

Zanoba avait saisi le visage de la créature à deux mains. Les huit membres de la créature s’agitaient dans l’air tandis que les coups de poing pleuvaient sur Zanoba.

Cliff jeta un léger coup d’œil hors de la pièce pour réciter une incantation.

« Je t’invoque, Dieu qui bénit la terre qui nous nourrit ! Délivre un châtiment divin à ceux qui sont assez fous pour défier les voies naturelles ! Exorcise ! »

La lumière blanche de son bâton frappa la silhouette à quatre pattes… mais ne l’avait pas empêchée de bouger. Ce n’était donc pas un esprit ?

Dans ce cas, il était temps pour moi d’utiliser ma magie.

« Zanoba, écarte-toi du chemin. Je vais utiliser le Canon de Pierre ! »

« Attends, Maître ! »

Zanoba ne voulait pas bouger. Même si le pieu mettait ses vêtements en lambeaux, il ne voulait pas s’écarter. Pourquoi ?

« Assez, bouge ! Je vais m’en occuper ! »

« Attends ! Maître, je t’en supplie ! »

Zanoba jeta ses bras autour de la chose, comme s’il essayait de la protéger de moi. Cette dernière continua à s’agiter, réduisant ses vêtements en lambeaux. Son dos, maintenant exposé, était si frêle qu’on ne pouvait pas croire qu’il possédait une puissance surhumaine.

Quelques secondes passèrent comme ça. Puis, des minutes. L’ennemi continuait sa lutte violente, mais ses mouvements s’émoussaient progressivement jusqu’à s’arrêter.

« Ouf. »

Une fois que Zanoba fut certain qu’il s’était arrêté, il retira ses vêtements déchirés et les utilisa pour lier les mains et les pieds de la chose inhumaine.

« Maître, retournons dans la chambre. »

« Très bien… »

Cliff se tenait au milieu de la pièce, tremblant de terreur.

« Ne te fais pas d’idées ! Ce n’est pas comme si je m’étais enfui. J’ai juste pensé que je serais plus une gêne dans ce couloir exigu. »

« Ah, je vois. Bien pensé. »

« V-Vraiment ? »

Son excuse n’était pas du tout convaincante, mais bon, j’avais eu peur moi aussi. Je n’avais pas l’intention de dire quoi que ce soit.

« Maître… »

« Tu m’as vraiment sauvé pour le coup, Zanoba. Mais c’était vraiment dangereux. Contrairement à un certain Roi-Démon, tu n’es pas immortel.

« C’est incroyable, Maître. Jettes-y un coup d’œil. »

Zanoba était très excité. Il m’avait complètement ignoré alors qu’il posait notre attaquant ligoté, qui faisait des bruits légers et inattendus. Zanoba attrapa une lampe pour l’éclairer.

« Est-ce… une construction ? »

Devant nous se trouvait un mannequin de bois peint en blanc, froissé sur lui-même. Il avait quatre bras et quatre jambes. Malgré sa forme étrange, c’était à tous les coups une construction. Je m’étais demandé pourquoi je n’avais pas entendu ses pas, mais maintenant je le savais. Un tissu noir comme du charbon était enroulé autour de chacun de ses pieds. Ce que je pensais être un pieu n’était qu’un bras cassé, deux de ses quatre bras étaient cassés. Il avait un truc pitoyable à la place du nez et une bouche sur son visage, avec des boules de verre pour les yeux. Ces yeux froids et insensibles étaient ceux que je regardais avant.

Pour être honnête, c’était vraiment trop effrayant pour être supporté… et ça pouvait recommencer à bouger d’une minute à l’autre. Cliff était du même avis. Il tenait son bâton à portée de main et fixait prudemment son regard sur la poupée.

« Maître, c’est une découverte incroyable ! »

Zanoba, quant à lui, n’arrivait pas à cacher son excitation.

« Zanoba, peu importe à quel point tu aimes les figurines… », avais-je commencé à dire.

« Celle-ci a bougé ! Une figurine qui bouge ! »

Au moment où il avait dit ça, j’avais réalisé qu’il avait raison. Cette poupée nous avait attaqués.

« Une figurine qui bouge. »

Une figurine qui bouge ! Une figurine qui bougeait toute seule. Donc… un automate. Comme un robot. Comme… une servante robot. Oooh ! Lorsque ces mots traversèrent mon esprit, la peur que j’avais ressentie s’était instantanément dissipée.

« Tu as raison. C’est incroyable. », avais-je dit.

« Comprends-tu enfin ? »

« Oui. Je suis heureux que nous ne l’ayons pas détruit. Zanoba, ton jugement était sans faille. »

« Heh heh. J’ai su ce que c’était au premier coup d’œil. »

« Je n’en attendais pas moins. Ton œil pour les figurines a déjà surpassé le mien », avais-je dit tout en offrant à mon élève fièrement souriant quelques éloges.

Cela dit… Une figurine qui bouge. En y réfléchissant, il y avait d’autres objets inanimés dans ce monde qui bougeaient, comme les armures. Cette poupée était sculptée dans du bois, mais je pourrais peut-être faire bouger des figurines en pierre ? Et si je pouvais trouver un moyen de faire bouger les figurines par elles-mêmes… et si je pouvais développer une substance comme le silicium pour leur donner une peau, comme les humains…

Les possibilités étaient infinies.

« Zanoba, que dois-je faire ? J’ai le cœur qui bat si fort ! »

« Le mien aussi. Je sens les larmes venir ! »

Pour l’instant, nous allions ramener la poupée à la maison. Nous pourrions alors rechercher le mécanisme qui lui permettait de bouger.

« Hé, vous deux, ça suffit ! »

Cliff avait soudainement perdu sa patience avec nous. Je l’avais regardé, il était en train de nous regarder fixement, son bâton serré dans les deux mains.

« Ce n’est pas le moment de parler de ce genre de choses ! »

« Ce n’est pas le moment de parler de quelles “choses” ? »

Zanoba saisit le visage de Cliff d’une main et le souleva dans les airs. Ah, ça faisait longtemps que je ne l’avais pas vu faire ce tour.

« Aggghhhhh ! »

Cliff s’agrippa au bras de Zanoba, mais ce dernier n’avait même pas bronché.

« La poupée a bougé ! Ne comprends-tu pas à quel point c’est remarquable ?! »

« Aïe, aïe, aïe ! Il existe des monstres comme ça, des armures qui bougent toutes seules ! »

Des monstres. Entendre cela m’avait rappelé notre objectif initial. La raison pour laquelle nous étions venus ici n’était pas d’attraper une poupée qui pouvait bouger, mais de sécuriser cette maison. Mais ce n’était pas comme si je ne pouvais pas faire d’une pierre deux coups.

« Zanoba, s’il te plaît, relâche-le. »

« Grr… Mais, Maître… »

« Maître Cliff n’a pas tort. »

Dès que Zanoba le laissa partir, Cliff chanta immédiatement de la magie de guérison pour se rétablir. Quel bébé ! 

« Cette poupée est probablement l’esprit maléfique que nous recherchions. »

« Hrm. »

« Et il n’y a aucune garantie que ce soit la seule. Trouvons et capturons toutes les autres présentes ici. Peut-être que nous pourrions trouver des informations sur la façon dont ils ont été fabriqués, tant que nous y sommes. »

« Je comprends ! »

Zanoba acquiesça, enfin convaincu.

« Nous ne dormirons pas cette nuit. Nous devons faire une fouille exhaustive de la maison et trouver où cette poupée se cachait. »

C’était ainsi que commença notre troisième balayage du bâtiment.

Nous cherchions un endroit assez grand pour cacher une poupée à taille humaine, mais nous n’avions rien trouvé de tel lors de notre deuxième série de recherches dans la maison. J’avais pensé qu’elle pourrait être dans le jardin, puisque nous n’avions pas vérifié, mais cette piste n’avait pas abouti. Les empreintes de la poupée étaient clairement imprimées sur la neige, mais ne menaient nulle part.

Je commençais à soupçonner qu’il y avait une pièce cachée dans la maison. Elle avait clairement été conçue pour être complètement symétrique, alors peut-être devions-nous chercher tout ce qui n’était pas symétrique. Avec cette idée en tête, j’avais fouillé le premier et le deuxième étage de la maison à la recherche d’anomalies dans la disposition, mais je n’avais rien trouvé. Le manque de lumière rendait la chose difficile à dire.

« Il serait peut-être préférable de regarder à nouveau demain, quand nous aurons la lumière du jour », suggéra Cliff.

Nous avions accepté. Mais avant de nous arrêter pour la nuit, nous avions décidé de déplacer la poupée vers l’université. Nous avions attaché ses bras et ses jambes fermement et l’avions placée dans la chambre de Zanoba. Sous un meilleur éclairage, nous avions pu constater qu’elle était assez vieille. Elle avait l’air d’un blanc pâle auparavant, mais je pouvais voir maintenant que la peinture blanche d’origine commençait à s’écailler et qu’il y avait des taches de moisissure.

« Maître, est-ce une… nouvelle figurine ? », demanda Julie.

J’avais pensé qu’elle en aurait peur, mais au contraire, elle semblait simplement curieuse.

« Dois-je… la nettoyer ? »

Lorsque Zanoba ramenait des figurines du marché, elle était chargée de les nettoyer. Zanoba pensait que la meilleure façon d’accroître son appréciation des figurines était de lui faire pratiquer le nettoyage et le polissage, et il semblerait que son éducation fonctionnait.

« Comment la faire bouger à nouveau ? », s’était demandé Zanoba.

« Nous y réfléchirons après nous être occupés du manoir. »

Je comprenais son impatience, mais il fallait qu’il se calme. Pour l’instant, nous avions enfermé la chose dans une boîte fabriquée avec ma magie de terre. Je ne voulais pas qu’elle attaque Julie pendant notre absence.

Nous étions retournés au manoir, nous arrêtant pour acheter un tas de lampes en chemin. J’avais décidé de fouiller à nouveau la cheminée, en me glissant dedans pour l’examiner de près cette fois.

« Hm, ce n’est pas ça, hein ? »

J’avais chassé la suie et les toiles d’araignées en finissant ma recherche. Puis quelque chose me frappa… il n’y avait pas de suie sur le sol. C’était presque comme s’il avait été nettoyé, complètement essuyé. Maintenant que j’y pense, le tissu enroulé autour des pieds de la poupée était noir. Est-ce que ça nettoyait l’endroit tous les soirs ?

***

Partie 5

Maintenant entre le deuxième étage, le premier étage et le sous-sol, cette dernière était certainement la zone la plus suspecte. Nous nous étions aventurés en bas une fois de plus avec nos lampes. J’avais laissé la porte entrouverte pour m’assurer que nous ne manquerions pas d’oxygène et j’avais aligné les lampes pour que l’espace soit bien éclairé. Si j’étais un conteur pour enfants, j’aurais pu m’exclamer : « Regardez, regardez, c’est aussi lumineux qu’en plein jour ici ! »

Il y avait une forme carrée assombrie sur le mur : une porte cachée que nous n’avions pas remarquée dans l’obscurité. Lorsque la maison avait été construite, elle s’était probablement fondue dans le décor, mais avec le temps, l’usure des ouvertures et fermetures répétées avait assombri la zone autour des charnières. Il y avait également des marques sur le sol à l’endroit où la porte s’était ouverte.

« Eh bien, entrons ! »

Cliff avait joyeusement tendu la main pour ouvrir la porte. Je m’étais préparé à une éventuelle attaque et j’avais gardé un œil sur la porte, mais Cliff fit une pause.

« Qu’est-ce qui ne va pas ? », avais-je demandé.

« Je ne sais pas comment l’ouvrir. »

J’avais jeté un coup d’œil moi-même, et il avait raison. Il n’y avait ni poignée ni encoche dans la porte pour aider à l’ouvrir. Il ne semblait pas non plus qu’on doive la soulever pour l’ouvrir.

« Maître, dois-je la casser ? », proposa Zanoba.

J’avais secoué la tête. Même si je devais rénover la majeure partie de la maison, je ne voulais pas endommager quoi que ce soit si je pouvais l’éviter. Je regardai les éraflures sur le sol. Je n’avais aucun doute sur le fait que la porte pouvait être ouverte, et qu’elle s’ouvrait vers nous.

« Hm ? »

J’avais remarqué quelque chose d’étrange en regardant ces marques. Elles commençaient à trois planches sur la gauche, non alignées avec l’usure du mur.

Dans ma vie précédente, nous étions allés en voyage scolaire dans un ancien village ninja qui avait une porte cachée. Avec ce souvenir en tête, j’avais essayé d’appuyer sur le bord gauche de la porte. Il y eut un craquement, mais la porte ne s’était pas ouverte. Elle était lourde.

« Zanoba, appuie sur cette partie, juste là. »

« Hrm. »

Une fois qu’il le fit, la porte s’ouvrit en grinçant. C’était donc le bruit que nous avions entendu la nuit dernière, hein ? Il y avait une poignée à l’intérieur de la porte, donc l’ouvrir de l’intérieur était apparemment facile.

« Je doute qu’il y ait des pièges, mais veuillez rester sur vos gardes », avais-je dit en entrant, éclairant la pièce avec ma lampe. C’était une pièce exiguë avec un seul bureau, un piédestal en bois, et rien d’autre. Il y avait plusieurs livres et une bouteille d’encre sur le bureau. La bouteille était fissurée et son contenu était tout desséché.

Quant au piédestal, comment le décrire ? Il avait la forme d’un cercueil, sa base était creusée d’indentations adaptées à la taille et à la forme de la poupée. En regardant de plus près, j’avais remarqué un cristal transparent incrusté dans le bois, juste à l’endroit où la tête de la poupée devait reposer. Elle s’était probablement rechargée en s’allongeant ici — au sens magique du terme, en tout cas, pas au sens électrique.

« Cliff, peux-tu me dire quelque chose sur ce piédestal ? »

Celui-ci secoua la tête : « Non, c’est la première fois que je vois quelque chose comme ça. »

J’avais nerveusement tendu la main pour le toucher. Je ne pensais pas qu’il allait me capturer ou quoi que ce soit, mais je devais m’assurer qu’il était inerte. Comme il n’avait pas réagi, j’avais porté mon attention sur l’un des livres du bureau. Je pouvais dire qu’il avait été laissé ici pendant un certain temps, mais heureusement, il n’y avait aucun signe d’insectes. Peut-être que la poupée les avait exterminés ?

Sur la couverture, il y avait un titre et un blason dans une langue que je ne pouvais pas lire. L’intérieur du livre était identique, écrit dans une écriture que je ne connaissais pas, ce qui signifiait qu’il devait s’agir de la langue du dieu du ciel, de la langue du dieu de la mer ou d’une langue si obscure que je n’en avais jamais entendu parler. L’écusson et l’écriture me semblaient pourtant familiers. Où les avais-je vus ? À la bibliothèque de l’université, peut-être ?

En feuilletant les pages, j’étais tombé sur un certain nombre de croquis. Des croquis du corps humain, des croquis de cercles magiques. En continuant à feuilleter, j’étais tombé sur une poupée à quatre jambes et quatre bras.

« Zanoba ? »

« Oui ? »

Zanoba, qui était posté à l’entrée, s’était approché.

« Je pense que c’est la poupée que nous avons trouvée. Qu’en penses-tu ? »

« Je ne peux pas lire le texte, mais tu as probablement raison », avait-il convenu.

« Où ? Laisse-moi voir », dit Cliff tout en s’interposant une fois de plus.

Nous avions tous les trois regardé le livre, en feuilletant les pages. La reliure était assez vieille et semblait pouvoir céder à tout moment. Il y avait des flèches dessinées à côté des croquis et des mots écrits en dessous, probablement des annotations ou des commentaires. Il y avait des croquis des bras de la poupée, des cercles magiques, et d’autres flèches et annotations. Les marges étaient remplies de gribouillages détaillés.

« À en juger par les seuls croquis, cela semble similaire aux cercles magiques utilisés pour enchanter les instruments magiques », marmonna Cliff.

« Vraiment ? »

« Oui, je peux le dire parce que j’ai fait des recherches sur eux dernièrement. La poupée doit être un outil magique. »

« Alors c’est ça. »

L’ancien propriétaire — non, le premier propriétaire de cette maison — avait probablement fait des recherches sur quelque chose d’interdit. Je pense qu’il avait demandé à la poupée de protéger la maison, ce qui semblait avoir été un succès, puisqu’elle s’était déplacée dans le manoir et avait attaqué les intrus. Puis le propriétaire original disparu. Je ne savais pas vraiment s’il avait laissé son travail inachevé et où s’il avait déménagé ailleurs, ou s’il s’était fait prendre. Mais vu qu’il avait laissé le fruit de son travail derrière lui, il était fort probable qu’il soit décédé dans un accident imprévu.

Quant à la poupée, elle était probablement restée endormie sur ce piédestal jusqu’à ce que quelque chose se produise et la fasse se réveiller. Elle commençait par nettoyer la maison et par patrouiller, tuant tous les intrus qu’elle découvrait. Il était probablement programmé pour retourner sur le piédestal pour se recharger une fois qu’il avait terminé.

Cela semblait être la conclusion la plus logique. Mais si elle patrouillait dans le jardin, quelqu’un aurait déjà dû la repérer… Attendez, non, nous avions cassé la porte d’entrée quand nous étions arrivés ici, et c’était la seule porte cassée du bâtiment. La programmation originale de la poupée l’avait peut-être fait patrouiller dans le jardin, mais elle avait été forcée d’abandonner cette route quand elle n’avait pas pu ouvrir les portes, la laissant piégée à l’intérieur de la maison. Et puis nous avions cassé la porte en entrant, ce qui lui avait permis de recommencer à faire le tour du jardin — probablement juste au moment où nous étions passés devant et avions monté les escaliers, ce qui l’avait amenée à nous suivre.

◇ ◇ ◇

Par sécurité, j’avais à nouveau fouillé tous les coins et recoins de la maison et j’avais gardé l’œil ouvert pendant plusieurs jours encore. Il n’y avait plus de bruit la nuit. Une fois que j’étais certain que la maison était sûre, j’étais allé à l’agence immobilière pour signer officiellement le contrat. Quant à l’esprit maléfique, je leur avais dit que c’était un monstre diabolique qui s’était installé dans une pièce cachée au sous-sol de la maison.

Demain, je demanderais à des gens d’y aller pour commencer le nettoyage et les réparations. J’avais décidé de n’acheter que le strict minimum de meubles pour l’instant. Peut-être que c’était juste la partie japonaise de moi qui parlait, mais j’avais l’impression que je devais garder le reste pour Sylphie et moi, afin de décider ensemble. De plus, nous ne pourrions pas emménager avant un mois, lorsque les rénovations seraient terminées.

Je pouvais imaginer l’excitation sur le visage de Sylphie.

« Tu vois, c’est notre nouvelle maison ! », lui dirais-je.

« Whoa ! Rudy, c’est incroyable ! »

« Il y a aussi beaucoup de pièces à l’intérieur. On aura donc assez d’espace, quel que soit le nombre d’enfants qu’on aura ! »

« Incroyable, tu penses même à notre avenir ensemble ! Prends-moi maintenant ! »

« Bien sûr, mon amour. J’ai déjà préparé le lit pour nous. »

« Rudy, prends-moi ! »

Oui, ça avait peu de chances d’arriver, mais l’idée me faisait quand même sourire.

Attendez, se pourrait-il qu’elle soit décue ? Genre : « Ugh, Rudy, est-ce tout ce que tu as pu avoir pour nous ? »

Non, Sylphie n’était pas si égoïste. Du moins, j’étais presque sûr qu’elle ne l’était pas.

Quoi qu’il en soit, ça avait été un effort fructueux. En quelques jours, j’avais mis la main sur un bel endroit et hérité d’un des trésors qui y avaient été laissés. J’étais presque sûr que cette poupée était un instrument magique. Il était possible que le protocole approprié dans ces circonstances soit de soumettre ma découverte à la guilde des magiciens, mais je n’étais pas encore officiellement membre.

Une fois le processus plus ou moins terminé, j’avais décidé de déplacer le matériel de recherche qui avait été laissé dans la pièce du sous-sol. Zanoba porta le piédestal tandis que je portais les livres et autres. Nous allions les utiliser pour enquêter sur cette poupée.

« Maître ? »

Nous étions sur le chemin qui ramenait à l’université lorsque Zanoba m’avait interpellé, un air sérieux sur le visage. Il tenait le grand piédestal en bois en équilibre sur son épaule. Il était incroyablement lourd, mais Zanoba n’avait eu aucun mal à le soulever. Par précaution, nous l’avions enveloppé dans un tissu pour qu’il ressemble à un cercueil aux yeux de tous.

« Qu’il y a ? »

« Puis-je te convaincre de me laisser l’entière responsabilité des recherches sur la figurine mobile ? »

J’avais croisé son regard. Derrière ces cadres ronds se cachait un regard de détermination que je n’avais jamais vu auparavant.

« Ma réserve de mana est déplorablement petite, et mes mains sont bien trop maladroites. Je te retiens même pour la figurine de wyrm rouge que nous sommes censés fabriquer pour Julie. Je n’ai pratiquement pas avancé sur ce projet. »

Il serait facile de lui assurer que ce n’était pas vrai, mais je savais que cela le préoccupait. Je ne pouvais pas parler sans réfléchir.

Zanoba poursuivit : « Cependant, je me sens capable d’effectuer des recherches. Honnêtement, regarder le livre me donne une idée de ce que l’auteur voulait accomplir. »

Hm. Il pouvait donc deviner les pensées du créateur de la poupée puisqu’ils partageaient la même passion, hein ?

« Cela dit, identifier et traduire la langue peut prendre un certain temps. Il serait peut-être plus rapide pour toi de mener la recherche », avait-il suggéré.

Je n’étais pas sûr de cela. Je ne pouvais pas passer tout mon temps à faire des recherches sur des figurines. Il serait peut-être plus avantageux de laisser Zanoba s’en charger. Mais…

« Dans le pire des cas, que feras-tu si cette poupée devenait à nouveau folle furieuse ? »

« Même si elle se déchaînait, je pourrais la recapturer sans blessure. Tu l’as vu par toi-même, n’est-ce pas ? »

C’était vrai. L’idée qu’elle se déplaçait la nuit était un peu terrifiante, mais cela n’arriverait probablement pas tant qu’on ne le laisserait pas se recharger sur son piédestal. Le laisser dans la chambre de Zanoba était cependant dangereux, alors ce serait une bonne idée d’emprunter une des chambres de recherche de l’université. Une avec une porte solide.

Non, attendez. Il était possible que de la magie interdite soit vraiment à l’œuvre. Peut-être que nous ferions mieux de ne pas faire ça sur le campus, même si Nanahoshi faisait quelque chose de similaire avec ses recherches sur les cercles magiques. Je lui demanderais peut-être de glisser un mot en ma faveur, juste au cas où. Elle était après tout un membre de rang A de la guilde.

« S’il te plaît, Maître ! Quand ton plan sera pleinement réalisé, je ne veux pas que ma seule contribution soit de l’argent ! »

Il semblerait que Zanoba avait beaucoup réfléchi à tout cela. J’étais un peu inquiet de sa fixation sur les figurines, mais si c’était ce qu’il pensait, je devais peut-être le laisser faire.

« Je t’en supplie ! Confie-moi cette recherche ! »

Apparemment, il avait interprété mon silence comme une réticence. Il avait mis le piédestal de côté et était maintenant à quatre pattes, les deux mains écartées devant lui alors qu’il se prosternait dans la neige.

« Ok, j’ai compris. Mets-toi debout ! Je te le laisse. »

« Vraiment ?! »

Il s’était immédiatement levé d’un bond, une expression de joie absolue sur le visage. Il avait vraiment changé en un clin d’œil.

« Il est possible que tu t’avances sur le territoire de la magie interdite », avais-je prévenu.

« De la magie interdite ? »

« Oui. Nous allons emprunter une chambre de recherche à l’université pour le moment, alors fais ton travail là-bas. »

« … Merci ! »

Il avait rapidement soulevé le piédestal à nouveau, manquant de peu le bout de mon nez. C’était passé près ! Qu’avait-il prévu de faire s’il m’avait accidentellement frappé à la tête avec ça ?

« Voulez-vous bien arrêter d’attirer l’attention sur vous au milieu de la rue ? », grommela Cliff.

C’est ainsi que Zanoba commença ses recherches sur les poupées automatiques et que j’avais mis la main sur une nouvelle maison. Prochaine étape : les rénovations !

***

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4 commentaires :

  1. « Je n’avais jamais vu de cérémonie de mariage. Paul n’en avait pas eu quand il avait épousé Lilia ».
    Ah ben c’est bien de le dire après 10 tomes … On savais que c’était plus ou moins officiel et que Zenith avais accepter Lilia, mais on avais jamais appris qu’il y avais eu un mariage …

    • En fait si on savait, depuis qu’on sait que Paul a pris Lilia comme seconde épouse donc depuis l’enfance de Rudéus et avant la naissance des filles.
      J’ai souvenirs de certaines remarques comme quoi elles s’entendent bien et qu’elles lui mènent la vie dure.
      Il n’y a pas eu de mariage à proprement parlé mais il n’y a pas de cérémonie de mariage sauf dans la religion de Milis et c’est contre les multiples épouses

  2. Théodus Nécrophilus
    2
    1

    Il ne faudrait pas traduire « première étage » par « rez de chaussée »?

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