Chapitre 11 : Nostalgie et frustration
Partie 2
Sylphie et Ruijerd s’étaient maladroitement serré la main. Ils avaient tous les deux souffert de leurs cheveux verts dans le passé, bien qu’aucun d’entre eux ne porte plus cette couleur. Ruijerd les avait tous rasés, tandis que ceux de Sylphie étaient devenus blancs lors de l’incident de téléportation.
« Umm, Monsieur Ruijerd, que préférez-vous en termes de chambre ? »
« Tout me convient. »
« Rudy, on lui fait utiliser la grande chambre ? C’est un invité important, non ? »
Je ne pensais pas que Ruijerd serait particulièrement préoccupé par la taille de la chambre. D’ailleurs, il n’utiliserait pas le lit, de toute façon.
« Dors où tu veux. Considère notre maison comme la tienne. »
« Oui, je vais faire ça. Bon, je vais dormir. »
Ruijerd finit de parler, puis se leva.
« Très bien, bonne nuit. »
Sylphie et moi étions restés là, raides, à écouter ses déplacements dans la maison. Apparemment, il était entré dans la chambre où dormaient les enfants. Cet enfoiré de lolicon ! Non, je plaisantais. Quand on voyageait ensemble, il ne nous quittait jamais des yeux, même quand on dormait. C’était de cette manière qu’il se comportait. De plus, il nous laissait entendre ses pas exprès. S’il préparait quelque chose de louche, il les aurait fait taire et se serait déplacé furtivement.
« Est-ce que j’ai fait quelque chose qui l’a offensé ? », demanda Sylphie avec anxiété.
Ruijerd avait été un peu brusque. Il semblait avoir des sentiments contradictoires à propos de mon mariage avec Sylphie.
« Non, tu n’as rien fait de mal. Il met un peu de temps à s’habituer aux gens qu’il vient de rencontrer, c’est tout. »
« Si tu es sûr que ce n’est que ça. »
Sylphie avait un air légèrement blessé.
« On va se coucher, d’accord ? »
« OK. »
J’avais sauté le dîner ce soir-là, mais je n’avais même pas faim. Oh, j’aurais au moins dû donner à Ruijerd quelque chose à grignoter, avais-je pensé en éteignant la cheminée et en vérifiant la serrure de la porte d’entrée. Nous avions déjà le système de sécurité le plus utile de la maison, mais je voulais quand même être en sécurité.
Après avoir éteint les lumières, Sylphie et moi étions montés ensemble au deuxième étage. Puis nous nous étions glissés dans le lit.
Là, Sylphie a dit : « On va, hum, sauter la journée, ok ? »
« Huh ? Oh, oui, bien sûr. »
On n’avait pas fait l’amour cette nuit-là. C’était la première fois qu’on n’avait rien fait pour une raison autre que ses règles.
◇ ◇ ◇
Le lendemain matin, je m’étais réveillé comme à l’accoutumée. Sylphie était toujours endormie. D’habitude, elle était roulée en boule, utilisant mon bras comme oreiller, mais aujourd’hui, elle utilisait son propre oreiller et avait un air tendu. D’habitude, l’affection que je lui portais venait spontanément, accompagnée d’une pointe de désir sexuel, et je tendais la main pour toucher sa poitrine. Puis, alors que je tenais cette source de perfection dans le creux de ma main, une vague de bonheur m’envahissait.
Mais je n’avais pas ressenti cette sensation aujourd’hui. Au lieu de cela, je m’étais senti mal dans ma peau. Ce n’était pas un bon jour pour mon dragon naissant. J’aurais dû me réjouir de la présence de Ruijerd, mais j’avais l’impression qu’Éris me pesait vraiment. Je me sentais sombre et agité.
Même si je ne me sentais pas très motivé, j’avais décidé de commencer mon entraînement quotidien. J’étais sûr que cinq minutes — non, dix minutes — d’exercice me remettraient d’aplomb. Avec cette pensée en tête, j’étais sorti.
Une scène effrayante m’attendait.
Quelqu’un d’autre se tenait déjà devant notre entrée. Deux figures imposantes, en fait : un guerrier chauve, un homme qui avait rasé ses cheveux afin de cacher leur teinte verte. Il ne portait aucun des vêtements arctiques courants dans la région, mais était habillé en civil et portait une lance. C’était Ruijerd.
Puis il y avait l’autre homme. Il avait un corps large et musclé, une peau aussi noire que la poix, et des cheveux violets. Badigadi avait ses six bras croisés sur sa poitrine, dégageant une aura immensément imposante alors qu’il se tenait devant Ruijerd.
Le froid dans l’air était intense. Volatile. Si quelqu’un allumait une allumette, elle pourrait exploser.
Badigadi ne souriait pas, ce qui était rare. En fait, il ne montrait aucune expression. Ruijerd me tournait le dos, je ne pouvais donc pas voir son visage.
Cela signifiait-il donc qu’ils se connaissaient ? Ils étaient tous deux en vie depuis la guerre de Laplace : l’un était capitaine de la garde impériale de Laplace, l’autre faisait partie de la faction modérée du camp opposé. Ruijerd méprisait actuellement Laplace de tout son cœur, mais à l’époque, leurs circonstances avaient probablement été bien différentes.
« Hm. »
Badigadi m’avait jeté un regard. Puis il regarda Ruijerd une fois de plus.
« C’est donc ça. »
Il hocha la tête, ayant apparemment satisfait sa curiosité. Puis, sans rien dire de plus, il tourna les talons. La neige crissait sous ses pieds alors qu’il disparaissait au loin.
Ruijerd m’avait regardé en silence par-dessus son épaule. Il avait l’air un peu inquiet. Il était rare de le voir en proie à des sueurs froides.
« S’est-il passé quelque chose entre toi et le roi Badi ? »
« Il y a longtemps. »
Je pouvais déduire le reste de sa courte réponse. J’avais entendu dire que la folie de la tribu des Superds les avait conduits à attaquer tous ceux qui croisaient leur chemin, qu’ils soient amis ou ennemis, et cela devait inclure certains des gens de Badigadi. Et même s’il ne s’était pas engagé à régner, il restait un roi.
Je m’étais demandé comment était leur relation après la guerre ? Je ne pouvais pas imaginer quelqu’un d’aussi optimiste que Badigadi cherchant à se venger des Superds. Au contraire, il avait probablement défendu les citoyens impuissants que les Superds avaient blessés. Même si Laplace était à l’origine des tendances destructrices des Superds, Ruijerd avait quand même tué des gens, et Badigadi s’était vengé. J’étais sûr que c’était ça.
Non, attendez. Il était possible que Badigadi ne sache pas comment ou pourquoi ce qui s’était passé avec la tribu des Superds était la faute de Laplace. Je devrais lui en parler à notre prochaine rencontre.
En y réfléchissant, comment réagirait-il si je lui disais que je prévoyais de produire et de vendre en masse des figurines Ruijerd dans le futur ?
« Monsieur Ruijerd, pour être clair, cet homme a été bon pour moi depuis qu’il est arrivé dans cette ville. Je ne peux qu’imaginer ce qui a dû se passer dans le passé, mais… »
« Ne t’inquiète pas. Je n’ai pas l’intention de me battre contre lui. »
Ruijerd avait souri de manière rigide en disant cela. Pourtant, il avait clairement manifesté son intention de tuer il y a quelques instants. Si je n’étais pas sorti à ce moment-là…
« Quand même, je n’aurais jamais pensé le voir ici. »
« Apparemment, il est venu ici pour me voir », avais-je dit.
« Ahh, eh bien, ça correspond à son caractère. »
Ruijerd avait forcé un autre sourire avant de retourner dans la maison.
Cette rencontre m’avait décontenancé. J’aurais pensé que Badigadi, joyeux et facile à vivre, pouvait s’entendre avec n’importe qui.
Au moment où j’étais retourné à la maison, Sylphie était réveillée et préparait le petit-déjeuner. Aisha, qui avait enfilé une tenue de femme de chambre pour une raison inconnue, aidait également. Norn semblait encore endormie. Dans l’intention de la réveiller, j’étais monté à l’étage. J’avais frappé à la porte et j’avais immédiatement tendu la main vers la poignée, mais un sentiment de pressentiment m’avait empêché d’ouvrir la porte. Au lieu de cela, je l’avais appelée.
« C’est l’heure du petit-déjeuner, alors descends, s’il te plaît. »
Il n’y avait pas eu de réponse, mais en tendant l’oreille, j’avais entendu le bruissement des vêtements. Apparemment, elle était en train de se changer. J’avais évité de déclencher une scène de nudité surprise ! Après tout, je n’étais plus un protagoniste à l’esprit étourdi.
« … OK. »
Une fois que j’avais entendu sa voix derrière la porte, je m’étais senti soulagé et j’étais retourné au premier étage.
Nous avions pris le petit-déjeuner tous les cinq. Aisha semblait avoir de bonnes manières à table pour son âge et mangeait magnifiquement bien. Comme d’habitude, Ruijerd n’avait utilisé qu’une fourchette. Norn, qui semblait encore à moitié endormie, n’avait pas mangé très gracieusement. Au moins, je pouvais dire qu’elle utilisait une fourchette. C’était un cran au-dessus d’Éris qui se contentait de poignarder sa viande avec un couteau et de la mettre dans sa bouche.
« Eh bien, il est temps pour moi de partir. »
Dès que le repas fut terminé, Ruijerd s’était préparé à partir. Il avait très peu de bagages, il ne portait donc pas grand-chose. Nous nous étions dirigés tous les cinq vers la sortie de la ville pour l’accompagner. Ruijerd prétendait que ce n’était pas nécessaire, mais ce n’était pas un problème de nécessité. C’était naturel de dire au revoir à un ami.
On n’avait pas eu beaucoup de conversation pendant que nous marchions. Finalement, Norn s’était accrochée à l’ourlet de la chemise de Ruijerd, assez silencieusement pour passer inaperçue. Ruijerd, cependant, l’avait remarqué et avait ralenti un peu son rythme. J’avais ralenti pour les suivre.
Norn ne semblait pas vouloir se séparer de Ruijerd, et je comprenais ce sentiment. Peut-être que je devrais vraiment le supplier de rester ? Une nuit n’était pas suffisante pour rattraper le temps perdu, et il y avait des gens que je voulais lui présenter, et une montagne de choses que je voulais qu’il voie.
Mais comme prévu la pensée d’Éris me retenait. Je ne voulais pas mettre Ruijerd mal à l’aise. Ce n’était pas la faute de Sylphie, c’était juste que j’avais l’impression que je ne pouvais pas vraiment parler à Ruijerd avant d’avoir mis les choses au clair avec Éris. Or, pour l’instant, je ne savais même pas où elle se trouvait.
Alors que je débattais de ces choses, nous étions arrivés à l’entrée de la ville.
« Eh bien, reste en sécurité », m’avait dit Ruijerd.
« Toi aussi », avais-je répondu.
Nos adieux furent brefs. Il y avait tellement de choses que je voulais dire. Je n’arrivais pas à trouver les mots sur le moment. Ce n’était pas comme si c’était un au revoir pour toujours. Je devais juste lui reparler une fois que les choses seraient plus calmes. Quant à Ginger, elle lui avait apparemment déjà fait ses adieux hier.
« Merci d’avoir pris soin de nous ! »
Aisha s’inclina joyeusement. Elle avait bien compris que son système de voyage rapide n’aurait jamais fonctionné sans Ruijerd. J’étais sûr que Ruijerd les avait aussi protégées de dangers qu’elles ne connaissaient pas.
« Aisha, n’en demande pas trop à Rudeus. »
« Oui, je sais ! »
Ruijerd avait souri avec raideur et lui avait tapé sur la tête.
« U-um, uh, Maître Ruijerd… »
Norn n’avait toujours pas lâché la chemise de Ruijerd. Elle avait un regard anxieux qui disait clairement qu’elle ne voulait pas qu’il parte.
« Ne t’inquiète pas, nous nous reverrons. »
Ruijerd lui offrit un petit sourire en posant sa main sur sa tête. Les voir tous les deux réveilla de vieux souvenirs. Quand j’avais la même expression anxieuse, Ruijerd me caressait aussi la tête.
Norn baissa les yeux, puis releva le visage. Elle avait essayé de dire quelque chose, puis avait pincé les lèvres. Son visage s’était déformé en plusieurs expressions différentes jusqu’à ce qu’elle se décide enfin.
« Je veux aller avec toi ! », déclara-t-elle.
Ruijerd avait l’air troublé et caressa sa tête, sans rien dire. Cependant, au fil des secondes, les yeux de Norn se remplirent rapidement de larmes.
« Compte sur Rudeus à partir de maintenant, pas sur moi », avait-il dit.
« Mais je ne peux pas ! Lui et Père… »
« C’est du passé. Il a déjà réfléchi à ses actions. Ton père l’a aussi fait. Je t’ai parlé des difficultés qu’il a traversées pendant notre voyage. Même toi, tu l’as accepté. »
« Mais hier, il était ivre ! Et il est avec une autre fille cette fois-ci que la dernière fois ! Je ne peux pas lui faire confiance ! »
L’air autour de nous semblait se refroidir lorsqu’elle avait dit cela, bien que ce ne soit peut-être que mon imagination. Après tout, j’avais déjà parlé d’Éris à Sylphie. Ce n’était pas de la triche, et ce n’était pas comme si j’essayais d’être un play-boy — bien que ce n’était probablement pas ce dont Norn avait l’air.
Ruijerd me regarda puis regarda Sylphie avant de forcer un sourire.
« C’est juste la façon dont les choses se passent entre hommes et femmes. Cela arrive. Cela ne veut absolument pas dire que ton frère est déloyal. »
Il retira sa main de sa tête.
« Vous là-bas. Voulez-vous me dire votre nom encore une fois ? »
« Oh, oui. Je m’appelle Sylphiette. »
« Sylphiette. Je laisse ces deux-là et Rudeus à vos soins. »
« O… bien sûr ! »
Ruijerd avait finalement échangé quelques mots avec Sylphie. Ses sentiments envers elle étaient sûrement compliqués, mais je priais pour qu’il ne lui en veuille pas.
« Eh bien, rencontrons-nous à nouveau. »
Je l’avais regardé partir jusqu’à ce que je ne puisse plus le voir. Il fut un temps où j’avais regardé sa silhouette s’éloigner, rempli de gratitude envers lui. J’étais sûr qu’en ce moment, Aisha et Norn ressentaient la même chose.
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