Mushoku Tensei (LN) – Tome 10 – Chapitre 10

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Chapitre 10 : Trois têtes valent mieux qu’une

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Chapitre 10 : Trois têtes valent mieux qu’une

Partie 1

Une semaine s’était passée depuis que nous avions pris Nanahoshi sous notre protection, et le pire semblait être passé. Elle mangeait, bien que très peu. Si on lui demandait, elle prenait un bain et en sortait sans se noyer.

L’ambition que j’avais précédemment sentie en elle avait disparu. C’était comme si les cordes qui la soutenaient avaient été coupées. Elle se sentait soudainement aussi fragile que de la porcelaine et dépourvue d’autonomie, comme ces femmes qui, dans les vidéos pour adultes, étaient trompées par les yakuzas et amenées à vendre leur corps.

Je ne pouvais pas la laisser seule. Je devais aussi faire attention à ce qu’elle ne rencontre personne comme Luke. La seule chose que je ressentais chez elle en ce moment était un sentiment de résignation. L’échec de cette expérience l’avait vraiment touchée.

Je n’avais jamais connu un échec de cette ampleur auparavant. Mon plus grand échec était le suivant : j’avais passé plusieurs années en tant que no-life dans un jeu en ligne uniquement pour voir que mes données avaient été effacées. Dès que je vis que ma connexion n’était pas valide et que j’avais reçu le courriel m’informant que mon compte était banni, mon cœur commença à battre violemment. J’avais passé la journée entière à ne rien faire. J’avais porté mes objections à la direction et j’avais protesté avec véhémence, mais au final, je m’étais endormi en pleurant. Pendant le mois suivant, je n’avais ressenti aucune motivation pour faire quoi que ce soit. J’avais alors juré de ne plus jamais m’investir dans un autre jeu en ligne.

L’expérience de Nanahoshi n’était pas la même que celle d’un jeu en ligne. Son objectif était de retourner dans son monde. Si elle abandonnait, j’avais peur qu’elle ne soit plus capable de vivre. J’avais fait de mon mieux pour l’encourager, mais elle était dans un état second tout le temps. Je ne savais même pas si elle écoutait ce que je disais.

Mais juste au moment où je commençais à douter qu’elle le ferait…

« Je pensais avoir tout couvert », avait-elle soudainement lâché un jour.

Au lieu de répondre, j’avais juste écouté.

« Un cercle magique est fondamentalement comme ce que nous appelons un circuit imprimé dans notre monde. Vous créez une fonction unique en combinant plusieurs modèles de circuits. Cependant, une partie ne se connectait pas, peu importe ce que je faisais. Peu importe comment je modifiais le câblage, une partie ne se connectait pas au reste. J’ai essayé de la forcer, mais un défaut apparaissait alors ailleurs. »

Afin de connecter ce circuit impossible à raccorder, elle avait dû presque doubler sa taille. Puis, pour compenser la distorsion résultante, elle avait rajouté un autre circuit. Mais il restait encore un défaut dans son cercle magique. Elle avait beau essayer, elle n’arrivait pas à trouver ce qui n’allait pas. Pourquoi cette section ne voulait-elle pas se connecter.

« C’est physiquement impossible. Cela signifie qu’il n’y a aucun moyen pour moi de rentrer chez moi. »

Même s’il semblait sans défaut, le cercle magique était quelque chose qu’elle avait assemblé après des années de travail minutieux. À première vue, cela semblait être un problème qui pouvait être résolu, même s’il était extrêmement compliqué. Mais le mystérieux défaut suggérait autre chose.

« C’est sans espoir », dit Nanahoshi en s’affalant sur le lit.

Je m’étais rendu dans sa salle de recherche pour récupérer le diagramme de son cercle. Son baratin avait réveillé quelque chose dans ma mémoire, mais je ne voulais pas l’exciter prématurément. Je devais d’abord confirmer si quelque chose pouvait être fait ou non.

Le lendemain, j’avais appelé Cliff et Zanoba dans la salle de recherche. On dit que trois têtes valent mieux qu’une, j’allais donc utiliser le pouvoir des cerveaux de trois génies. Et comme j’avais convoqué Cliff, Elinalise m’avait naturellement suivi. Elle semblait fréquenter sa salle de recherche, mais qu’en était-il de ses cours ? À ce rythme, elle aurait de la chance si elle n’était pas renvoyée.

« J’ai du mal à croire que quelqu’un comme Silent soit dans un tel état. Elle avait l’air d’être faite d’une matière plus dure », pensa Elinalise.

« Les gens vraiment forts ne se ferment pas au monde et ne portent pas tous leurs fardeaux seuls. »

« Eh bien, je suppose que c’est vrai. »

Elinalise avait haussé les épaules. Malgré sa vie sociale prolifique, elle n’avait pas eu beaucoup d’interactions avec Nanahoshi. Et, bien qu’elle n’en ait pas l’air, elle était habile à manipuler les jeunes femmes. Ce pourrait être une bonne idée de lui demander de l’aide afin que Nanahoshi prenne un peu de repos.

« Maintenant, vous deux. D’abord, jetez un coup d’œil à ça. »

Quand je leur avais montré le diagramme, Cliff fronça immédiatement les sourcils.

« C’est un cercle désordonné. »

Désordonné ? C’était une façon intéressante de le dire.

« Il y a des cercles désordonnés et des cercles nets ? », avais-je demandé.

« Bien sûr qu’il y en a. Tu dois garder vos cercles nets et petits lorsque tu créais des outils magiques. J’aurais dessiné ceci beaucoup plus proprement. Par exemple, si tu connectais cette partie ici à cette partie-là, ça aurait été beaucoup plus propre. »

« Mm-hmm », avais-je dit.

Critiquer le travail de quelqu’un d’autre était facile. Si nous faisions ce qu’il proposait, cela ne ferait probablement que créer d’autres défauts dans le cercle.

« Ah, mais l’idée est géniale. Je n’aurais jamais pensé à boucler cette partie juste ici. Oh, je vois. La raison pour laquelle cette partie est si complexe, c’est à cause de cette partie… »

Cliff regarda le cercle et commença à marmonner pour lui-même.

« Ceci ici, cela là… Peut-être que je pourrais donner plus de sens à tout ça si j’avais fait plus attention à ma théorie… »

« Au fait, Maître, quel genre de cercle magique est-ce ? », demanda Zanoba.

« C’est ce que Silent étudiait — les cercles d’invocation. Mais elle est un peu coincée, alors je voulais avoir votre avis pour l’aider. »

Zanoba inclina la tête.

« Mais la magie d’invocation est en dehors de notre domaine d’expertise, hein ? »

« Eh bien, si nous ne pouvons pas résoudre le problème, qu’il en soit ainsi. »

J’avais juste pensé que nous pourrions être capables de trouver quelque chose en tant que groupe que Nanahoshi n’avait pas été capable de faire seule. En fait, c’était précisément parce que nous étions tous des experts dans des domaines si différents que nous pourrions être en mesure de proposer une approche alternative.

« Quoi qu’il en soit, regardez cette section. C’est apparemment là que le cercle s’est déconnecté. Vous voyez ? »

J’avais montré la déchirure dans le papier qui était apparue pendant l’expérience.

« Hein ? Oh. Est-ce ici qu’il s’est déconnecté ? Je n’avais même pas remarqué. Ce cercle est incomplet alors, hein ? Umm, donc la partie qui devrait s’y connecter est… ici ? »

Cliff était surpris. Bien qu’il soit un génie autoproclamé, il ne l’avait apparemment pas remarqué tout de suite. Eh bien, c’est comme ça que ça se passe, avais-je pensé.

« As-tu des idées sur la façon de connecter ce circuit ? »

Cliff croisa les bras et se mit à réfléchir. Il commença à marmonner des « ici » et « là » pour lui-même. Il sortit un bloc-notes de sa poche de poitrine et commença à griffonner diverses choses.

« C’est un problème difficile. Peut-être que si vous redessinez tout le, non, mais alors… C’est impossible. »

« Ça ne marcherait-il pas si on utilisait une structure à plusieurs niveaux ? », intervint Zanoba.

Cliff avait l’air dubitatif.

« Une structure à plusieurs niveaux ? De quoi parles-tu ? »

« Avec la poupée sur laquelle je fais des recherches, il y a plusieurs couches de cercles magiques combinées ensemble pour produire un seul effet. Cela dit, je viens tout juste de commencer mes recherches, je n’ai donc jamais dessiné moi-même un cercle correct, mais… »

« Attends, poupée ? Tu veux dire celle de la dernière fois ? Laisse-moi voir. »

« Maître, cela te convient-il ? », demanda Zanoba.

« Oui, bien sûr. »

Zanoba était allé chercher un morceau du bras de la poupée. Cliff l’avait étudié avec grand intérêt avant de déclarer : « La personne qui a créé ça est un génie ! »

Il fallait être remarquable pour que quelqu’un d’aussi imbu de sa personne que Cliff dise ça.

« Je n’ai jamais vu un cercle magique comme celui-ci. Grr, je n’ai aucune idée de la mécanique qui se cache derrière tout ça. Est-ce que ce sont deux cercles magiques, l’un sur l’autre ? Non, ce n’est pas ça, il y a plus que ça. Il ne pouvait pas bouger correctement sans tous ces cercles. Mais il était toujours capable de bouger même s’il était cassé. Pourquoi ? Bon sang, qu’est-ce qui se passe avec ce cercle ?! », avait-il dit en poursuivant.

Cliff grinça des dents de frustration. C’est comme si Vegeta avait été témoin du niveau de puissance de Goku — il était supérieur à 9000 !

« Je ne connais pas moi-même encore tous les détails, mais, selon le livre, ce cercle contrôle apparemment le mouvement du coude. »

Zanoba répondit à la question de Cliff avec une telle désinvolture que ce dernier eut l’air de vouloir fondre en larmes.

Elinalise se précipita aussitôt sur lui et attira sa tête dans ses seins, en lui caressant les cheveux.

« Là, là, tu es toi-même un génie, Cliff. Tu serais tout aussi bien informé si tu avais fait toi-même les recherches sur le sujet. »

« Je… je sais ça ! »

Son visage était devenu rouge alors qu’il reprenait son sang-froid.

Parfait, Elinalise. Je savais que je pouvais compter sur toi. Mais tu peux garder les choses de la chambre pour plus tard ? Nous sommes un peu occupés en ce moment.

« Maître Cliff. Si nous utilisions la même technique que celle utilisée pour la poupée, penses-tu que cela résoudrait le problème de Silent avec son cercle ? »

« Aucune idée. Mais ça vaut le coup d’essayer. »

C’était au moins une piste. Nanahoshi n’avait jamais dessiné ses cercles que sur une seule surface plane. Peut-être n’avait-elle jamais pensé à les superposer ou à les plier. Mais il y avait peut-être une raison pour laquelle elle n’avait pas encore essayé. J’avais prié pour que ce soit la première raison et que ce soit suffisant pour la motiver une fois de plus.

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Partie 2

Le lendemain, j’avais emmené Nanahoshi dans sa salle de recherche. J’avais passé la journée précédente à mettre de l’ordre dans cette pièce en désordre, et c’était dans ces locaux, propres et pourtant encore désorganisés d’une certaine manière, que Zanoba et Cliff nous attendaient. Tous deux étaient en train d’examiner les données de recherche que Nanahoshi avait recueillies au fil des ans.

En les voyant, Nanahoshi avait poussé un petit rire de dérision.

« Qu’est-ce que c’est ? M’avez-vous amené ici pour que vous puissiez tous me ravir ? »

Vraiment ? Jusqu’où était-elle allée sur le chemin de l’auto-destruction ? Tout ça parce qu’elle avait échoué une fois ? Eh bien, je suppose qu’il suffisait d’un seul gros échec pour perturber la vie entière d’une personne.

« Comment osez-vous ? ! Je suis un fervent partisan de Millis ! »

Cliff était indigné. Les principes de la foi de Millis concernant la chasteté étaient similaires à ceux du christianisme. Monogamie, pas d’adultère, etc. etc. C’était très austère.

« Si vous le dites. »

Nanahoshi avait dérivé de façon instable et prit un siège. Puis elle s’était affaissée sur sa chaise.

« Maître Cliff, Zanoba, parlons de ce que nous avons trouvé hier. »

Nanahoshi avait écouté avec désintérêt tandis que je lui montrais une version de son cercle que Cliff avait corrigée au stylo rouge. Puis la proposition de Zanoba quant aux structures à plusieurs niveaux basées sur ses recherches. Et enfin, l’idée que j’avais trouvée : des cercles tridimensionnels. Elle avait écouté tout cela sans la moindre émotion sur son visage, restant parfaitement immobile comme si elle était figée.

Puis nos regards s’étaient croisés. Ce n’était pas qu’elle était désintéressée. Elle était juste sans expression, concentrée.

« Ah. »

Nanahoshi avait soudainement parlé.

« Ça pourrait marcher », avait-elle marmonné.

Puis elle avait bondi de son siège.

« Alors c’est ça, c’était donc ça le problème. Il n’y avait aucune raison pour que je m’attache à dessiner sur une surface plane. C’est logique, bien sûr. Le fait de le mettre sur papier va donner de la profondeur. Si je superpose ces papiers, je peux faire un cercle magique aussi grand que je veux. Pourquoi n’ai-je pas pu penser à une chose aussi simple plus tôt ?! »

Nanahoshi fit anxieusement les cent pas dans la pièce trois ou quatre fois. Elle prit un stylo et du papier sur son bureau et commença à dessiner. Elle écrivait quelque chose qui ressemblait à une formule, l’effaçait rapidement, puis recommençait.

« Urgh, non ! Ce n’est pas ça ! »

« Hé, ce n’est pas ce que vous voulez dire. »

Et voilà Cliff, béatement inconscient, qui insère sa tête dans la cage de l’ours qu’était Nanahoshi. Il avait sorti un stylo rouge de nulle part et annota son mémo. C’est bien Cliff, avais-je pensé sarcastiquement. L’air de la pièce a changé pour le mieux et lui, bien sûr, ne peut toujours pas le comprendre.

« Oh, c’est donc ça. Vous êtes plutôt intelligent », avait-elle félicité.

« Bien sûr que je le suis. Je suis un génie. »

« Alors que pensez-vous de ça ? Qu’est-ce que je dois faire ici ? J’ai été incertaine de cette partie pendant un certain temps. »

« Euh, attendez une seconde. »

Cliff et Nanahoshi… travaillaient bien ensemble. Ils se tenaient épaule contre épaule, notant des choses sur une feuille de papier. J’avais jeté un coup d’œil à leur travail, mais ça ressemblait juste à des gribouillages d’enfant pour moi.

« Zanoba, tu comprends ce qu’ils font ? »

« Cela va bien au-delà de ma compréhension. »

Nous étions tous les deux laissés pour compte. Pourtant, Cliff était vraiment étonnant. Il n’y avait pas si longtemps qu’il avait lui-même commencé à faire des recherches sur les cercles magiques. Eh bien, peu importe. Nanahoshi semblait être de bonne humeur. Même si elle ne réussissait pas cette fois, elle avait au moins un point d’appui et une raison d’espérer.

« Désolé, Zanoba, mais je vais devoir te demander de rester pour surveiller ces deux-là. »

« Où vas-tu, Maître ? »

« Je vais chercher Elinalise. Elle n’aimerait pas que son homme soit si intime avec une autre femme quand elle n’est pas là. »

Je pouvais entendre l’excitation dans la voix de Nanahoshi au moment où j’avais quitté la salle de recherche. C’était la première fois que j’entendais une telle émotion de sa part.

◇ ◇ ◇

Une semaine plus tard, Nanahoshi avait terminé son cercle magique. Elle consulta Zanoba et Cliff pour résoudre les problèmes de la version précédente, et avec leur contribution, recréa le mécanisme sous-jacent. Dans une magnifique démonstration d’intense concentration, elle termina le cercle en quelques jours. Elle colla ensemble cinq couches de papier, créant un cercle magique qui semblait être fait de carton.

« Maintenant, commençons. »

Sous le regard de Cliff et Zanoba, j’avais commencé à verser mon mana dans le cercle.

Le cercle avait commencé à émettre une lumière vibrante qui illumina la pièce comme s’il était midi. Alors que le mana s’écoulait de moi, quelque chose avait progressivement commencé à prendre forme en son centre. Une fois la lumière dissipée, nous avions pu voir l’objet d’un autre monde que nous avions invoqué avec succès.

C’était une bouteille en plastique. Sans étiquette ni bouchon. Une simple bouteille en plastique.

« Ooh, très impressionnant. »

« Mais qu’est-ce que c’est que ça ? Du verre ? Non, c’est plus mou que du verre. »

Zanoba et Cliff n’avaient pas pu cacher leur excitation de voir pour la première fois une bouteille en plastique de 500 ml. Elinalise et Julie l’avaient également regardée avec un intérêt intense. Nanahoshi regarda ce qu’elle avait invoqué, serra le poing et lâcha un « Oui, j’ai réussi » à peine audible.

Une bouteille en plastique. C’était à la fois insignifiant et significatif en même temps. À cet instant-là, notre monde précédent était devenu indéniablement connecté à celui-ci. Nous avions apporté un objet inanimé, et incomplet de surcroît, mais quand même… nous avions apporté quelque chose à ce monde qui n’existait pas auparavant.

« Tu as réussi », avais-je dit à Nanahoshi.

Elle hocha la tête fermement, semblant vraiment satisfaite d’elle-même.

« Oui, j’ai réussi. Maintenant, je peux enfin passer à l’étape suivante ! En m’enfonçant plus profondément dans les cercles magiques superposés, je devrais être capable d’invoquer à peu près n’importe quoi. Si je peux mieux organiser le cercle, alors en changeant juste deux ou trois des couches, je peux très probablement… »

Nanahoshi était soudainement revenue à la réalité. Elle détourna les yeux, l’air un peu mal à l’aise.

« Je suis désolée. Je vous ai causé beaucoup de problèmes. »

« C’est donnant-donnant, d’accord ? La prochaine fois que je suis dans le pétrin, donne-moi un coup de main, ok ? »

« Je l’avais déjà prévu. »

J’avais soudainement remarqué qu’Elinalise me regardait fixement.

« Vous êtes vraiment proches, hein ? »

« Tu es toujours prompte à supposer des histoires d’amour, Mlle Elinalise », avais-je répondu.

« Eh bien, vous êtes un homme et une femme. Mais ce n’est pas très approprié. »

Ses yeux ressemblaient à ceux d’une belle-mère réprobatrice.

Je n’avais pas l’intention de la tromper. De plus, Sylphie savait ce que nous préparions.

Nanahoshi avait volontairement mis de la distance entre nous.

« C’est vrai, tu es nouvellement mariée. Ce ne serait pas bien si ta femme l’interprétait mal. »

Elinalise rit joyeusement, en enroulant ses bras autour des épaules de Nanahoshi.

« Heh heh, tu n’as pas besoin de t’inquiéter pour ça. Ah, je sais ! Allons au pub aujourd’hui ! Ce sera sur ton compte, bien sûr ! »

Nanahoshi sourit ironiquement à la proposition d’Elinalise.

« Je suppose que je n’ai pas le choix. Mais je suis donc à égalité avec vous tous, alors. »

« C’est merveilleux, n’est-ce pas, Cliff ? »

Cliff, qui avait froissé la bouteille en plastique dans ses mains, s’était retourné vers nous.

« Hein ? Oui, bien sûr ! Nous sommes donc à égalité. Mais vous êtes vous-même assez exceptionnel, alors je ne serais pas contre le fait que vous m’aidiez à faire mes propres recherches la prochaine fois ! »

Elinalise gloussa.

◇ ◇ ◇

C’était une fête agréable. Quand de bonnes choses arrivaient, les gens se réjouissaient et buvaient. Je n’avais jamais participé à un tel rassemblement dans ma vie antérieure, pas même une fois. Même dans ce monde, je ne l’avais fait qu’une ou deux fois. Lorsque j’étais aventurier, il m’arrivait de boire aux côtés de ceux avec qui je travaillais, mais j’avais toujours un sentiment de cynisme à ce sujet. Je pensais que seuls les idiots s’enivraient, étaient bruyants et sauvages. Je me plaignais intérieurement de leur manque de considération pour ceux qui les entouraient. Mais maintenant que j’étais moi-même dans la mêlée, je comprenais enfin ce que ressentaient ces gens. Parfois, il fallait juste se laisser aller et s’amuser, me disais-je.

Cette conviction m’avait semblé particulièrement justifiée lorsque j’avais regardé Nanahoshi, qui caressait les oreilles de Linia en chantant des thèmes d’anime en japonais. Si on ne se détendait pas de temps en temps et qu’on n’oubliait pas ses problèmes, on ne pouvait pas continuer. La vie était après tout pleine de douleur. Si vous n’essayez pas de trouver le bon côté des choses, vous vous effondreriez. Elinalise et Badigadi le savaient probablement mieux que nous tous, vu le temps qu’ils avaient vécu.

Sylphie et moi allions boire jusqu’à plus soif aujourd’hui. Nous ne buvions jamais à la maison, ce n’était pas quelque chose que nous avions l’habitude. Et, bien que cela n’avait rien à voir avec la raison pour laquelle nous ne buvions pas à la maison, j’avais finalement compris à quel point Sylphie était une mauvaise buveuse.

Non, ce n’était pas qu’elle était mauvaise. Elle n’était pas mauvaise du tout. Elle était juste le genre d’alcoolique collante.

« Hey, Rudy, tapote ma tête. »

« Ok, ok. Gentille fille. »

« Tu peux aussi manger mes oreilles, non ? »

« Ça ne me dérange pas si je le fais. »

« Ha ha, ça chatouille. »

Quand elle était saoule, elle se transformait en une créature incroyablement adorable. C’était phénoménal. J’allais devoir l’approcher pour qu’elle boive plus souvent. Ah, mais son comportement me faisait craindre qu’elle boive toute seule. Peut-être que je devrais lui dire de ne pas boire en dehors de la maison, mais je m’étais demandé si cela ne serait pas trop contrôlant de ma part.

Non, ça n’a pas d’importance, avais-je décidé. Elle était à moi. Quel mal y avait-il à faire ce que je voulais de quelque chose qui m’appartenait ?

« Rudy, me fais-tu un câlin ? »

« Oui, oui, je vais serrer tes hanches très fort. »

« Hee hee. Je suis si heureuse. »

La façon dont elle riait semblait d’une certaine façon si vilaine. Ahh, rien que de penser à rentrer à la maison avec elle et lui faire l’amour, j’avais l’impression de comprendre pourquoi le monde était si plein de chansons d’amour.

« Rudy, tu sais quoi, dernièrement, je me suis senti jalouse. »

« Quoi, sérieusement ? De qui ? Je ne les approcherai plus. Je vais complètement couper les ponts. »

« En fait, c’est Monsieur Ruijerd. Tu m’as parlé de lui récemment, tu te souviens ? Quand tu parles de lui, tu as l’air tellement… tu sais ? »

« Oui, mais je l’admire vraiment. S’il te plaît, essaie de ne pas te laisser abattre. »

« Je n’aime pas ça. Je veux que tu ne fasses attention qu’à moi ! »

***

Partie 3

Ce n’était pas ce qu’elle avait dit quand je lui avais parlé de Ruijerd. Ça devait être ce qu’elle ressentait vraiment. J’avais toujours trouvé effrayant le fait qu’elle semblait tout accepter avec une telle sérénité, mais peut-être que c’était le cas parce qu’elle travaillait dur pour que ce soit le cas.

Au moment où j’avais attiré Sylphie sur mes genoux et que nous avions commencé à nous amuser, Nanahoshi était arrivée. Elle était ivre et essayait de provoquer une dispute.

« C’est si sucré que je pourrais en vomir. Arrêtez ça. Savez-vous au moins combien d’années j’ai passées sans petit ami ? »

Elle avait déjà fini de chanter ? Je serais heureux de chanter un duo avec elle. Tant qu’elle choisit une chanson assez populaire, je la connaîtrais probablement. Mais encore une fois, ça pourrait être ce fossé générationnel qui recommence.

« Va au moins quelque part où les gens n’auront pas à te regarder si tu veux l’embrasser. »

« Allez, ne sois pas comme ça. Ils ont de l’alcool ici. On va s’amuser ensemble. »

« En plus, ça fait un moment que j’ai envie de te dire ça. Même de l’intérieur de ma chambre — mooch smooch, creak creak. C’est quoi le mariage de toute façon ? Hein ? Qu’est-ce que c’est ? Je veux dire, c’est bien, peu importe. Mais c’est quoi ce bordel ? J’étais là, complètement déprimée, et vous étiez en train de faire l’amour. Je pouvais même entendre l’écho de vos voix la nuit, mon Dieu ! »

Badigadi avait soudainement soulevé Nanahoshi dans ses bras.

« Bwahaha ! Viens avec moi ! Aujourd’hui, tu vas me chanter tes chansons bizarres ! »

« Elles ne sont pas “bizarres”. Elles sont populaires dans mon monde ! »

« Comme c’est très intéressant ! Je ne sais pas de quel monde tu viens, mais chante-les pour moi ! Allez-y, chante autant que tu le peux ! »

« Attends, j’ai d’abord quelque chose à dire à Rudeus ! »

« Bwahaha ! Tu ferais mieux de chanter si tu n’as rien de gentil à dire à l’homme qui t’a aidée ! Maintenant, chante ! »

« Je ne faisais qu’introduire ce que je voulais vraiment dire ! »

Nanahoshi aboya en signe de protestation.

Elle voulait probablement exprimer sa gratitude. Pourtant, j’avais seulement fait ce que n’importe qui aurait fait pour un ami en difficulté. Elle n’avait pas besoin de me remercier. De plus, elle devait avoir un statut social assez élevé pour mériter d’être kidnappé par un Roi-Démon. C’était presque comme si elle était la princesse d’un royaume. Enfin, si cette princesse avait été emmenée dans un pub au lieu d’une cellule. Et il y avait toujours une scène dans un pub.

Après un moment, Nanahoshi avait commencé à chanter. Un accompagnement l’avait rejoint tardivement. Au début, j’avais pensé que peut-être un troubadour était là, mais il s’était avéré que c’était Badigadi qui tenait l’instrument. Je ne savais pas qu’il savait jouer. De plus, il lui avait demandé de chanter pour lui et pourtant il se produisait à ses côtés ? Je ne l’avais vraiment pas compris.

Tout cela mis à part, c’était une chanson familière. Je n’arrivais pas à savoir d’où elle venait… Ah, voilà ce que c’était. « Gandhara », le thème final de la série télévisée Monkey. Je ne m’attendais pas à ce que sa génération la connaisse. Mais bon, c’était quand même assez connu.

Cela dit, elle était nulle. Méchamment. Horriblement. Peut-être que c’était parce qu’elle ne se synchronisait pas avec l’accompagnement. Nan, ils étaient tous les deux nuls et c’était pour ça qu’ils n’arrivaient pas à se synchroniser entre eux.

Pourtant, elles semblaient s’amuser. De plus, Nanahoshi était la star de notre groupe aujourd’hui. Cela ne me dérangeait pas si c’était horrible. Même si sa chanson était affreuse, elle transmettait quand même ses sentiments.

Voulait-elle vraiment rentrer chez elle à ce point ? C’était quelque chose que je ne pouvais pas comprendre. Mon pays bien aimé était juste ici.

Malgré tout, c’était une fête agréable. On devrait en refaire un jour.

◇ ◇ ◇

La fête s’était terminée lorsque la star, Nanahoshi, s’était retrouvée complètement bourrée. Linia et Pursena l’avaient emmenée dans leur chambre, où elles allaient apparemment faire une soirée pyjama. Les autres s’étaient répartis en plusieurs groupes. Les gros buveurs avaient décidé de se rendre dans un autre pub pour une autre tournée.

Sylphie et moi avions décidé de rentrer chez nous. Dans son état d’ébriété, elle gloussait et s’accrochait à mon bras. Ses jambes étaient un peu instables. J’avais donc gardé un bras autour de sa taille pour la soutenir. J’avais soudainement compris ce que ressentaient les play-boys quand ils allaient à des rendez-vous collectifs et savaient qu’ils allaient conclure.

Bien sûr, je n’avais pas de pensées aussi impures, mais cela allait changer une fois que nous serions à la maison.

« Rudy, n’est-ce pas un peu bruyant ? », dit soudainement Sylphie.

« Hm ? »

Maintenant qu’elle en parlait…

J’avais tendu l’oreille. Je pouvais entendre le bruit de quelqu’un qui frappait sur quelque chose, et des voix qui se disputaient. C’était presque comme quand les chats se battaient. En approchant de notre maison, nous avions vu un groupe debout devant la porte, tapant bruyamment dessus. De loin, tout ce que je pouvais voir, c’était leurs silhouettes. Des gamines du quartier, peut-être, ou des voleurs en quelque sorte.

Mon esprit était encore embrumé par l’alcool, mais j’avais activé mon œil de Démon pour être sûr. Sylphie s’était tapé les joues et, bien qu’encore instable, s’était mise sur ses deux pieds.

« Rudy, je vais nous désintoxiquer. »

« Je m’en occupe. »

Sylphie avait lancé la désintoxication sur moi, et je pouvais sentir l’alcool en moi s’évaporer. Ça ne m’avait pas complètement dégrisé, mais j’avais l’esprit plus clair. En prenant soin de m’assurer que nos voleurs potentiels ne nous avaient pas repérés, j’avais rampé discrètement vers eux. Ce fut alors que j’avais entendu leurs voix.

« La raison pour laquelle il est si tard, c’est parce que tu nous as perdus, Norn ! »

« C’est pareil pour toi, Aisha. C’est toi qui as dit que c’était à tous les coups par là. »

« En plus, on ne sait même pas si c’est vraiment l’endroit ou pas ! Que vas-tu faire maintenant ? Toutes les auberges sont déjà fermées ! Nous allons devoir maintenant camper dehors dans le froid ! »

« Je n’aime pas ça non plus, mais c’est toi qui as dit que nous allions rester chez lui, et que nous n’avions pas besoin de chambre aujourd’hui. Je ne voulais pas rester chez lui, mais tu m’as forcé à venir… »

« C’est parce qu’on a dit à Ginger qu’on s’en sortirait ! Prendre une chambre après ça serait stupide ! »

« Tu es toujours comme ça, toujours à faire comme si tu étais meilleure. »

Des voix stridentes. Des voix d’enfants, qui me semblaient un peu familières. Et au milieu de leur échange, j’avais entendu des noms que je connaissais. Et puis finalement…

« Toutes les deux, calmez-vous. C’est le bon endroit. Il y a une présence familière ici. »

C’était la voix d’un homme posé. Dès que je l’avais entendue, un tourbillon d’émotions indescriptibles s’était levé en moi.

J’avais laissé échapper un soupir de soulagement et j’avais fait un pas devant eux.

« Ah ! »

« Grand frère ! »

Mes deux petites sœurs, Norn Greyrat et Aisha Greyrat, qui avaient considérablement grandi, se tenaient dans des tenues arctiques assorties de couleurs différentes, comme les personnages de Ice Climber. Celle qui avait une expression complexe sur le visage était probablement Norn et celle qui avait un regard de détermination féroce était probablement Aisha.

« Grand frère, tu m’as manquée ! »

Aisha vola vers moi, enroulant ses bras et ses jambes autour de mon torse comme un petit singe. Elle frotta sa joue contre la mienne. Sa peau était froide, même si je devais avoir la chaleur de l’alcool.

« Ooh, tu es si chaud ! Et tu pues l’alcool ! »

« Et tu me donnes froid. S’il te plaît, lâche-moi. »

En enlevant Aisha de moi, j’avais regardé Norn, qui avait ses lèvres fermement pincées. Elle avait incliné son menton en guise de salutation.

« Tu bois de l’alcool ? », avait-elle demandé.

« Oui, nous avons un peu fêté ça. »

Elle semblait perturbée, et je ne pensais pas que c’était juste parce qu’elle était timide. Paul avait mentionné qu’elle n’était pas ma plus grande fan…

Puis, derrière Norn, il y avait…

« Ca fait un bail, Rudeus », dit l’homme chauve avec une cicatrice sur le visage.

C’était un fier guerrier brandissant une lance. Il ne semblait pas différent de la dernière fois que je l’avais vu, il y a trois ans.

« Ça fait un bail, monsieur Ruijerd. »

J’avais été frappé par une vague de nostalgie, me rappelant les jours où nous avons voyagé ensemble, juste tous les trois. Comment on s’était rencontrés, comment on s’était séparés. Que devrais-je dire ? Alors que je cherchais mes mots, Ruijerd avait soudainement regardé derrière moi.

« J’ai entendu dire à la Guilde des Aventuriers que tu t’étais marié, mais… je vois que ce n’est pas avec Éris. »

La personne qu’il regardait était Sylphie. Son expression se transforma en surprise, mais elle s’inclina rapidement.

« Hum, Rudy, pour le moment, pourquoi ne pas les inviter à l’intérieur ? »

« Oh, oui, c’est vrai. Entrez. »

Je déverrouillai la porte et leur fis signe d’entrer.

Cela faisait à peine un mois que la lettre était arrivée. Ils étaient là beaucoup, beaucoup plus tôt que je ne l’avais prévu.

***

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Un commentaire :

  1. Bonjour super travail comme d’hab mais il manque quelque paragraphes dans la partie deux. Pour les avoir en anglais il manque le passe entre le moment ou il décide d’aller boire et le moment ou il sont au bar ( comme linia, pursena et badigadi sont arrivez ?) n’y même la scène ou badigadi réserve tout le bar 🙂

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