Mushoku Tensei (LN) – Tome 1 – Chapitre 7

***

Chapitre 7 : Amis

***

Chapitre 7 : Amis

Partie 1

J’avais décidé d’essayer de sortir. Après tout, Roxy m’avait montré que je pouvais le faire, et je n’allais pas laisser passer ça.

« Père, puis-je aller jouer dehors ? », dis-je, mon encyclopédie botanique d’une main.

Les enfants de mon âge étaient enclins à errer dès qu’on les quittait des yeux. Même si je restais dans la zone, je ne voulais pas inquiéter mes parents en m’échappant sans rien dire.

« Hmm ? Jouer dehors ? Je suppose que ce n’est pas simplement dans la cour ? »

« Oui. »

« Oh. Bien sûr que tu peux. »

Paul m’avait donné sa permission assez facilement.

« Maintenant que j’y pense, nous ne t’avons pas donné beaucoup de temps libre. C’est vrai, nous avons pris tout ton temps à t’enseigner l’art de l’épée et de la magie, mais il est aussi important pour les enfants de jouer. »

« Je suis vraiment heureux d’avoir de si bons professeurs. »

Je voyais Paul comme un père strict qui s’inquiétait trop de l’éducation de son enfant, mais sa façon de penser était en fait assez souple. Je m’attendais à ce qu’on me demande de travailler toute la journée sur mon art de l’épée. C’était presque une déception.

Paul était un homme d’intuition.

« Mais, hmm… tu veux vraiment sortir ? J’avais l’habitude de penser que tu étais un garçon si fragile, mais le temps passe vite, hein ? »

« Tu pensais que j’étais fragile ? »

C’était nouveau pour moi. Je n’avais jamais été malade.

« À cause du fait que tu ne pleurais jamais. »

« Oh. D’accord. Mais si je vais bien maintenant, ce n’est pas un problème, d’accord ? J’ai grandi pour devenir un garçon en bonne santé et charmant ! Vois-tu ? »

Je m’étais tiré les joues et j’avais fait une drôle de tête.

Paul fronça les sourcils.

« Ce qui m’inquiète le plus, ce sont les fois où tu ne te comportes pas comme un enfant. »

« Ne suis-je pas le fils premier-né que tu voulais que je sois ? »

« Non, ce n’est pas ça. »

« Vu la déception sur ton visage, serait-il préférable de dire que tu espérais que je devienne l’héritier idéal de la famille Greyrat ? », avais-je demandé.

« Je n’en suis pas fier, mais quand j’avais ton âge, ton père était un sale gosse qui courait toujours après les filles. »

« Tu étais un coureur de jupons ? »

Alors, y en avait-il aussi dans ce monde, hein ?

Et attendez, s’était-il traité de morveux ?

« Si tu veux vraiment être digne de la famille Greyrat, sors et ramène une petite amie à la maison. », dit-il.

Voici donc le genre de famille qu’on était ? Mon père n’était-il pas un chevalier chargé de protéger une ville frontalière en plus d’être un noble de bas rang ? N’avons-nous aucun statut social ? Non, je suppose qu’on était juste de bas rang.

« Compris. Je partirai donc au village à la recherche d’une jupe ou deux afin de leur courir après. », ai-je dit

« Hé maintenant. Tu dois être gentil avec les filles. Et ne te vantes simplement juste parce que tu peux utiliser une magie puissante. Les vrais hommes ne deviennent pas forts juste pour se vanter. »

C’était un bon conseil. J’aurais aimé que mes frères de ma vie antérieure puissent entendre ça.

Mais Paul avait raison, le pouvoir exercé pour lui-même n’avait aucun sens. Et même moi, j’avais pu comprendre ça, vu les termes dans lesquels il les avait dits.

« Je comprends, Père. Le pouvoir devrait être réservé pour les fois où tu peux montrer aux filles à quel point tu es cool. »

« Ce n’est pas exactement ce que je voulais dire… »

Ce n’était pas le cas ? N’était-ce pas là l’objet de cette discussion ? Héhé. Oups !

« Ce n’était qu’une blague. Cela servait à protéger les faibles, non ? », avais-je dit.

« Oui, exactement. »

Cette conversation terminée, j’avais remis mon encyclopédie botanique sous un bras, j’avais suspendu la baguette que j’avais reçue de Roxy à ma hanche et j’étais sorti. Mais avant d’arriver loin, je m’étais arrêté et je m’étais retourné en me souvenant d’une dernière chose.

« Oh, au fait, père, je pense que je sortirai probablement comme ça à l’occasion, mais je promets que je le dirai toujours à quelqu’un à la maison d’abord, et que je ne négligerai pas non plus mes études quotidiennes de magie et de l’épée. Et je promets d’être à la maison avant que le soleil ne se couche et qu’il fasse nuit, et que je n’irai dans aucun endroit de dangereux. »

Après tout, je voulais le rassurer.

« Ah, ouais. Bien sûr. »

Pour une raison ou une autre, Paul avait l’air un peu à côté de la plaque. Écoute, si tu me donnes la permission, dis-le-moi.

« D’accord, dans ce cas je m’en vais », avais-je dit.

« Reviens sain et sauf. »

Et c’était ainsi que j’avais quitté la maison.

◇ ◇ ◇

Plusieurs jours s’écoulèrent. Je n’avais plus peur du monde extérieur. Les choses allaient plutôt bien. J’avais même pu échanger des salutations avec les passants sans marmonner.

Les gens savaient pour moi — que j’étais le fils de Paul et Zénith, et le disciple de Roxy. Quand je rencontrais des gens pour la première fois, je les saluais correctement et je me présentais. Je souhaitais à tous les gens que je rencontrais une « bonne journée ». Tout le monde m’avait salué en retour, des sourires brillants sur leurs visages. Cela faisait longtemps que je ne m’étais pas senti aussi ouvert et insouciant.

La gloire relative combinée de Paul et de Roxy représentait plus de la moitié de ce qui m’avait aidé à me sentir si à l’aise. Le reste étant dû à ce que Roxy avait fait pour moi. Ce qui voulait dire, je suppose, que je devais essentiellement cela à Roxy.

Il faudra que je prenne bien soin de cette culotte chérie.

◇ ◇ ◇

Mon but principal en sortant était d’aller explorer par moi-même et de me faire une idée de la région. Si je la connaissais, je ne me perdrais pas même si je me faisais virer de chez moi.

En même temps, je voulais aussi faire des recherches botaniques. J’avais mon encyclopédie, après tout, alors je voulais m’assurer de savoir quelles plantes étaient comestibles et lesquelles ne l’étaient pas, lesquelles pouvaient être utilisées comme médicaments et lesquelles étaient toxiques. De cette façon, si jamais je me faisais virer de chez moi, je n’aurais même pas à m’inquiéter de l’endroit où je pourrais trouver de la nourriture.

Roxy ne m’avait enseigné que les bases, mais d’après ce que j’avais compris, notre village cultivait du blé, des légumes et les ingrédients parfumés composant les parfums. La fleur de Vatirus, utilisée dans ces parfums, était très proche de la lavande : pourpre pâle et comestible.

Avec un spécimen aussi frappant visuellement que celui-là comme cas d’essai, j’avais commencé à utiliser l’encyclopédie botanique pour faire des références croisées avec les plantes qui m’intéressaient.

Il s’était avéré que le village n’était pas très grand et que nous n’avions pas une flore particulièrement remarquable. Après quelques jours sans avoir pratiquement rien acquis, j’avais élargi mon rayon de recherche et je m’étais rapproché de la forêt. Après tout, il y avait là-bas beaucoup plus de plantes.

« Si je me souviens bien, la magie s’accumule plus facilement dans les forêts, ce qui les rend plus dangereuses. »

Plus dangereuse parce que des concentrations plus élevées de magie signifiaient une plus grande probabilité que des monstres y voient le jour, les énergies magiques provoquant des mutations soudaines chez des créatures par ailleurs sans danger. Ce que je ne savais pas, c’était pourquoi la magie s’y accumulait plus facilement.

En plus d’être assez rares dans ces régions, nous avions aussi eu des chasses aux monstres régulières, ce qui rendait l’endroit encore plus sûr. Cette chasse au monstre portait bien son nom : Une fois par mois, un groupe de jeunes hommes, composé de chevaliers, de chasseurs et de miliciens locaux, se rendaient dans les bois pour chasser quelques monstres.

Néanmoins, des monstres assez terribles pouvaient soudainement apparaître dans les profondeurs de la forêt. Peut-être qu’une des raisons pour lesquelles j’avais appris la magie était pour me battre contre de tels monstres. Mais j’étais un ancien reclus qui ne pouvait même pas gérer les bagarres dans la cour d’école. Je ne pouvais pas me permettre d’être arrogant. Je n’avais aucune expérience du combat, et si j’avais merdé dans le feu de l’action, ce serait un désastre total. J’avais vu beaucoup trop de gens se faire tuer en faisant ce genre de choses, dans les mangas en tout cas.

Mais je n’étais pas du genre à avoir le sang chaud. En ce qui me concernait, le combat était quelque chose que je préférerais éviter le plus possible. Si je rencontrais un monstre, je rentrerais à la maison et je le ferais savoir à Paul.

Oui, c’était un bon plan.

C’était dans cet état d’esprit que j’avais gravi une petite colline. Au sommet se tenait un arbre solitaire, le plus grand des environs. Un point de vue surélevé comme celui-ci serait parfait pour confirmer l’aménagement de mon village. C’était aussi le plus gros arbre de la région, je voulais voir de quel type il s’agissait.

Et c’était à ce niveau que j’entendis ces voix.

« Nous n’avons pas besoin de démon dans notre village ! »

Au son de cette voix, des souvenirs douloureux étaient revenus. Je m’étais souvenu de l’époque où j’étais au lycée et de ce qui m’avait conduit à devenir un reclus. Je m’étais souvenu des cauchemars que je faisais quand on m’appelait « petite bite ».

Ces voix me rappelaient tellement les voix qui m’avaient appelé par ce terrible surnom. C’était les voix de quelqu’un qui utilisait la puissance de son groupe pour tourmenter quelqu’un de plus faible qu’eux.

« Foutez le camp d’ici ! »

« Prends ça ! »

« Ha, sympa ! Touché au premier coup, mec ! »

J’avais vu un champ, boueux à cause de la pluie de l’autre jour. Trois garçons, le corps dans la boue, jetaient de la boue sur un autre garçon qui marchait le long de la route.

« Dix points si tu peux le toucher sur la tête ! »

« Hngh ! »

« Je l’ai eu ! Est-ce que tu as vu ça !? En plein dans la tête ! »

La vache. Ce n’était pas bon. C’était de l’intimidation classique. Ces enfants pensaient que cet autre garçon n’était pas assez fort pour eux, alors ils pouvaient faire ce qu’ils voulaient. S’ils avaient mis la main sur un fusil à air comprimé, ils l’auraient retourné contre ce gamin et ouvert le feu. Les instructions disaient toujours de ne pas pointer ces choses vers les gens et de ne pas tirer, mais les garçons comme eux ne voyaient pas leurs cibles comme des gens. Ils étaient odieux.

Leur cible aurait pu se faufiler rapidement sur son chemin, mais pour une raison ou une autre, il traînait. J’avais regardé de plus près et je vis qu’il avait quelque chose comme un panier coincé contre sa poitrine, et qu’il s’était penché pour garder son contenu à l’abri des boules de boue qu’on lui lançait sur le chemin. Ça l’empêchait de s’éloigner de l’attaque des brutes.

« Hé, il a quelque chose ! »

« C’est son trésor démoniaque !? »

« Je parie que c’est quelque chose qu’il a volé ! »

« Si tu peux faire ça, ça vaut cent points ! »

« Allons chercher ce trésor ! »

Je m’étais mis à courir en direction du garçon. En cours de route, j’avais utilisé ma magie pour former une boule de boue, et dès que j’étais à portée de tir, je l’avais lancée de toutes mes forces.

Whap!

« C’est quoi ce bordel !? »

J’avais frappé le gamin qui ressemblait à leur chef, un homme d’une taille remarquable, en plein visage.

« Gah, ça m’est entré dans les yeux ! »

Ses copains s’étaient tous tournés vers moi d’un seul coup.

« Qui diable es-tu ? »

« Ça n’a rien à voir avec toi ! Reste en dehors de ça ! »

« T’es quoi, un allié des démons ou quoi ? »

Je supposais que les gens comme ça étaient les mêmes dans chaque monde.

« Je ne suis pas l’allié des démons. Je suis un allié des faibles. », avais-je dit.

J’avais accompagné mes paroles d’un ricanement hautain.

Les autres garçons se raidirent, se dressant comme s’ils étaient dans le droit chemin.

« N’essaye pas de jouer les durs ! », l’un d’eux avait crié.

« Hé, c’est le fils du chevalier ! »

« Hah ! C’est juste un bébé ! »

Uh-oh. Ils avaient compris qui j’étais.

« Es-tu sûr que le fils d’un chevalier devrait faire ce genre de chose, hein ? »

« Tu vois, je t’avais dit que ce chevalier était du côté des démons ! »

« Allez, allons chercher les autres ! »

« Hé, les gars ! On a un taré ici ! »

Merde. Ces enfants appelaient leurs amis !

Mais personne n’était venu.

Mais quand même, mes jambes étaient bloquées sur place. Bien sûr, ils étaient trois, mais c’était tellement pathétique de voir des enfants me crier dessus. Étais-je vraiment destiné à être le héros de la saga du reclus intimidé ?

***

Partie 2

« Tais-toi, tais-toi ! Se liguer contre un gamin à trois contre un, vous êtes les pires ! », avais-je répondu en retour.

Leurs visages étaient tombés dans la confusion. Ugh. Putain de merde.

« Hé, c’est toi qui cries maintenant, crétin ! », cria l’un d’entre eux.

J’étais énervé, alors j’avais lancé une autre boule de boue à leur façon. Je les avais ratés.

« Petit morveux ! »

« D’où est-ce qu’il sort cette boue !? »

« Ça n’a pas d’importance ! Jetez-lui de la boue en retour ! »

Ce que j’avais réussi à faire, c’était de voir trois boules de boue venir vers moi, mais grâce au jeu de jambes que Paul m’avait appris, ainsi qu’à un peu de magie, j’avais été capable d’esquiver les boules de boue avec un peu de grâce.

« Hé ! Arrête ça ! »

« Ouais, tu n’es pas censé esquiver ! »

Heheheheh. Si vous ne pouvez pas me toucher, c’est votre problème, les gars !

Les trois garçons avaient continué à me lancer des boules de boue pendant un petit moment, mais quand il était devenu évident qu’ils n’allaient pas me toucher, ils avaient levé les mains comme s’ils avaient soudainement trouvé quelque chose de mieux à faire.

« Oh, c’est ennuyeux ! »

« Ouais, allons-y. »

« Et on va faire savoir à tout le monde que le fils du chevalier est un ami des démons ! »

Ils avaient essayé de faire croire qu’ils n’avaient pas perdu, qu’ils avaient simplement décidé d’arrêter. Sur ce, les petits voyous étaient partis à l’autre bout du terrain.

Je l’avais fait ! Pour la première fois de ma vie, j’avais battu les brutes !

Euh, je ne disais pas cela pour me vanter.

Whew. De tels arguments n’étaient pas vraiment mon point fort après tout. J’étais content que les choses n’aient pas mal tourné. Pour l’instant, j’avais besoin d’aller voir le gamin sur qui ils jetaient de la boue. Je m’étais tourné vers lui et lui avais demandé :

« Hé, ça va ? Tes affaires vont bien ? »

Whoa…

Le garçon était si beau qu’il était difficile de penser que nous avions à peu près le même âge. Il avait des cils assez longs pour quelqu’un d’aussi jeune, avec un petit nez délicat, des lèvres fines et une mâchoire un peu pointue. Sa peau était blanche comme de la porcelaine et ses traits se combinaient pour lui donner l’apparence d’un lapin effrayé, en plus de ce sentiment de beauté indescriptible.

Si seulement Paul avait été plus beau. Peut-être que j’aurais un visage comme ça.

Non, Paul n’était pas moche. Et Zenith avait l’air vraiment belle. Ce qui voulait dire que mon visage était beau. Évidemment, si je le comparais à mon visage dans ma vie passée, tout mou et marqué de boutons. Donc, oui, j’étais plutôt beau. Ouais.

Le garçon avait tourné son regard timide vers moi.

« Oui, oui, je… je vais bien. »

Il m’avait donné envie de le protéger et de prendre soin de lui, comme s’il était un petit animal. Si vous étiez une femme qui aimait le shota, vous seriez impuissante devant lui… eh bien, si vous pouviez mettre de côté le fait qu’il était entièrement couvert de boue.

Ses vêtements étaient sales et la boue s’accrochait à la moitié de son visage. Le sommet de sa tête était d’un brun uniforme. Avoir réussi à garder son panier en sécurité était un vrai petit miracle.

Il n’y avait qu’une seule chose à faire pour moi.

« Pose ça là-bas et agenouille-toi près du fossé d’irrigation », avais-je dit.

« Hein ? Quoi ? »

Le garçon cligna des yeux, tout confus, alors même qu’il commençait à faire ce que je disais. Je supposais que c’était le genre de gamin qui faisait ce qu’on lui disait. S’il avait été du genre provocateur, il se serait défendu plus tôt contre ces brutes.

Il rampa jusqu’au fossé d’irrigation, courbé à quatre pattes en regardant dans l’eau. Un gars qui aimait les jeunes garçons serait dans cette situation, lui aussi.

« Bien, maintenant ferme les yeux. », avais-je dit. J’avais utilisé un peu de magie du feu pour chauffer l’eau à une température appropriée : ni trop chaude ni trop froide, mais une température agréable de quarante degrés Celsius. J’en avais ensuite pris une partie et j’avais arrosé la tête du garçon.

« Gwah ! »

J’avais attrapé son col quand il s’était tordu et avait essayé de s’enfuir, j’avais ainsi commencé à lui retirer la boue. Il s’était d’abord débattu, mais lorsqu’il s’était habitué à la température de l’eau, il avait commencé à se calmer. Quant à ses vêtements, il faudra les laver à la maison.

« D’accord, ça devrait suffire », avais-je dit.

Une fois la boue dégagée, j’avais utilisé la magie du feu pour créer un vent chaud, comme un séchoir à air, puis j’avais pris un mouchoir pour essuyer soigneusement les traces restantes sur le visage du garçon.

Ce faisant, j’avais enfin pu voir ses oreilles pointues, semblables à celles d’un elfe, ainsi que les cheveux vert émeraude qu’il arborait. Je m’étais tout de suite souvenu de quelque chose que Roxy m’avait dit.

« Si jamais tu vois quelqu’un aux cheveux vert émeraude, ne t’approche pas d’eux. »

Hm ? Attendez, attendez. Ce n’était pas tout à fait exact. Je crois que c’était…

« Si jamais tu vois quelqu’un ayant des cheveux vert émeraude et ce qui ressemble à un bijou rouge sur le front, assure-toi de ne pas t’approcher d’eux. »

Oui, c’était ça ! J’avais oublié le bijou rouge. Le front de ce gamin, cependant, n’était rien d’autre qu’un blanc lisse et joli.

Whew. Je suis en sécurité. Ce n’était pas l’un de ces méchants Superds.

« Merci… »

Les mots de gratitude du garçon m’avaient ramené à l’instant présent. Mince. Il me faisait des picotements.

J’avais décidé de lui donner quelques conseils.

« Écoute, si tu ne te défends pas contre des gens comme ça, ils ne te laisseront jamais tranquille, tu sais. »

« Je ne peux pas battre ces types… »

« Tu dois pouvoir te défendre, c’est la clé. »

« Mais ils ont toujours des enfants plus grands avec eux. Et je ne veux pas être blessé… »

Ah, c’était donc ça. S’il se défendait, ces gamins appelleraient leurs amis, et ils lui donneraient une raclée. Peu importe dans quel monde tu vivais, c’était toujours la même chose. Roxy avait fait beaucoup d’efforts, donc les adultes semblaient avoir accepté les démons, mais pas les enfants. Les enfants pourraient être très cruels.

On n’était pas très loin du sectarisme pur et simple.

« Ça doit être dur de se faire intimider parce que la couleur de tes cheveux te donne l’air d’un Superd. »

« Ça ne te dérange pas ? »

« Mon professeur était un démon. À quelle race appartiens-tu ? », avais-je demandé.

Roxy m’avait dit que les Migurd et les Superds étaient étroitement liés. Peut-être que sa race l’était aussi.

Mais le garçon secoua la tête.

« Je ne sais pas. »

Il ne savait pas ? À son âge ? C’était étrange.

« De quelle race est ton père ? »

« Il m’a dit que c’était un demi-elfe, son autre moitié était humaine. »

« Et ta mère ? »

« Elle est humaine, mais elle a aussi du sang d’homme-bête. »

L’enfant d’un demi-homme et d’un quart de bête ? Cela expliquait donc la couleur de ses cheveux ?

Des larmes coulèrent dans les yeux du garçon.

« Et alors ils… mon père, il… il me dit que je ne suis pas un démon, mais… mes cheveux ne sont pas de la même couleur que les siens ou ceux de ma mère… »

Il s’était mis à sangloter, je lui avais tapoté la tête avec une caresse rassurante. Si sa couleur de cheveux ne correspondait pas à celle de ses parents, c’était grave. La possibilité que sa mère ait eu une liaison m’était venue à l’esprit.

« Est-ce que ta couleur de cheveux est la seule chose qui est différente ? »

« Mes oreilles sont aussi plus longues que celles de mon père. »

« Je vois. »

Une race de démons aux longues oreilles et aux cheveux verts semblait assez plausible. Je ne voulais pas m’immiscer trop dans les affaires de la famille d’un étranger, mais j’avais moi-même été un enfant intimidé, alors je voulais faire quelque chose pour lui. Aussi, je me sentais tellement mal pour lui, être intimidé juste parce qu’il avait les cheveux verts.

Certaines des brimades que j’avais subies étaient le résultat de choses stupides que j’avais faites. Mais pas ce gamin. Aucun effort de sa part ne pouvait changer la façon dont il était né. Dès sa naissance, il était destiné à recevoir des boules de boue sur le bord de la route juste parce que ses cheveux étaient un peu verts. Ugh. Rien que d’y penser, ça m’avait encore énervé.

« Ton père te traite-t-il bien ? », avais-je demandé.

« Oui. Il est effrayant quand il est en colère, mais il ne se fâche pas si je me comporte bien. »

« Et ta mère ? »

« Elle est gentille. »

Hmm. Son ton de voix indiquait qu’il disait la vérité. Mais encore une fois, je ne pouvais pas vraiment savoir avec certitude sans le voir par moi-même.

« Très bien. Allons-y, d’accord ? », avais-je dit.

« Aller où ? »

« Dans l’endroit que tu veux. »

Hey, reste avec un enfant, et ses parents vont forcément se montrer. C’est une loi de la nature.

« Pourquoi viens-tu avec moi ? »

« Eh bien, ces gars d’avant pourraient revenir. Je vais les faire partir. Rentres-tu chez toi ? Ou apportes-tu ce panier quelque part ? »

« Je suis, ah, en train de livrer le déjeuner de mon père… »

Son père était à moitié elfe, non ? Quand les elfes étaient apparus dans les histoires, on disait que c’était un peuple ayant une longue vie et isolationniste, avec des dispositions hautaines qui méprisaient les autres races. Ils étaient habiles avec l’arc et aussi avec la magie. La magie de l’eau et du vent était leur point fort. Oh, et ils avaient bien sûr de longues oreilles.

Roxy avait dit : « C’est en grande partie exact, bien qu’ils ne soient pas particulièrement isolationnistes. »

La majorité des hommes et des femmes elfes étaient-ils aussi superbes dans ce monde ? Non, non. Penser que les elfes étaient tous superbes était une idée préconçue japonaise grossière. Les elfes des jeux occidentaux avaient des visages trop anguleux et pointus et n’avaient pas du tout l’air particulièrement beaux. Je supposais que les otakus1 japonais et les étrangers lambda avaient des sensibilités différentes.

Dans le cas de ce garçon, cependant, il était évident que ses parents étaient sexy.

« Alors, euh… pourquoi… pourquoi me protèges-tu… ? », demanda-t-il haletant, ses manières évoquant davantage cet instinct protecteur en moi.

« Mon père m’a dit que je devais être un allié des faibles. »

« Mais… les autres enfants pourraient t’exclure à cause de ça… »

Cela allait peut-être être le cas. C’était une histoire courante : se faire intimider pour avoir aidé une victime d’intimidation.

« Si ça arrive, je jouerai avec toi. À partir d’aujourd’hui, nous sommes amis. », avais-je dit.

« Quoi !? »

Nous étions donc maintenant du même côté. La chaîne de l’intimidation s’était développée lorsque la personne aidée s’était retournée contre son bienfaiteur au lieu d’être reconnaissante et de lui rendre la pareille. Certes, la raison pour laquelle cet enfant avait été victime d’intimidation était enracinée dans quelque chose de plus profond que cela, alors je doutais qu’il se range du côté des intimidateurs.

« D’habitude, es-tu trop occupé à aider à la maison ? », avais-je demandé.

« N-Non, pas vraiment… »

Il me montra une expression timide tout en me faisant un signe de la tête.

« Oh, c’est vrai. Je ne t’ai pas encore donné mon non. Je m’appelle Rudeus. »

« Je… Je m’appelle Sylph. »

Sa voix était si calme qu’il était difficile de distinguer la deuxième partie. Sylph, hein ?

« C’est un joli nom. C’est le même qu’un esprit du vent. »

À ce moment-là, le visage de Sylph devint rouge, et il hocha la tête.

« Oui. »

Notes

  • 1 Ce terme désigne une personne qui consacre tout son temps libre à une activité d’intérieur. Bien souvent, l’otaku reste cloîtré chez lui pour assouvir sa passion, et se désocialise donc peu à peu. Aujourd’hui en France, on a tendance à associer ce terme aux personnes lisant beaucoup de mangas ou regardant énormément d’animés… à tort ! Car au Japon, le terme ne se restreint pas à ces deux catégories, mais à tout un panel d’activités, allant des jeux vidéo ou au culte d’une idole.

***

Partie 3

Le père de Sylph était un homme très séduisant. Il avait des oreilles pointues et des cheveux blonds qui brillaient presque, et il était mince tout en ayant une très belle musculature. Il s’était ainsi montré à la hauteur de son nom, ayant hérité des meilleures caractéristiques des l’elfes et des hommes.

Il montait la garde dans une tour de guet à l’orée de la forêt, un arc dans une main.

« Père, j’ai apporté ton déjeuner. », avait dit Sylph

« Ah, comme d’habitude, merci Phi. T’es-tu encore fait intimider aujourd’hui ? »

« Je vais bien. Quelqu’un m’a aidé. »

Sylph se tourna vers moi et je m’inclinai légèrement.

« Enchanté de vous rencontrer, je suis Rudeus Greyrat. », avais-je dit.

« Greyrat ? Comme dans Paul Greyrat ? »

« Oui, monsieur. C’est mon père. »

« Ah, oui, j’ai entendu parler de toi ! Quel garçon poli tu es ! Oh, tu vas devoir me pardonner. Je suis Laws. Je chasse généralement dans ces forêts. »

D’après ce que j’avais entendu dire, cette tour de guet avait été érigée en poste de surveillance, afin d’empêcher les monstres de sortir de la forêt, et elle était occupée par des hommes du village 24 heures sur 24. Naturellement, Paul était aussi sur la liste, ce qui expliquait pourquoi Laws le connaissait. Je suis sûr qu’ils avaient parlé de leurs enfants respectifs.

« Je sais de quoi doit avoir l’air mon enfant, mais c’est quelque chose qui remonte à plus loin dans notre ascendance. J’espère que vous serez amis. », avait dit Laws.

« Bien sûr, monsieur. Et même si Sylph était un Superd, ça ne changerait pas mon attitude. Je parie l’honneur de mon père dessus. »

Laws avait émis un bruit d’étonnement.

« Ce sont des mots impressionnants pour un garçon de ton âge. Je suis jaloux que Paul ait un enfant si intelligent. »

« Le fait d’être bon en tant qu’enfant ne signifie pas que cette personne continuera d’être bonne en tant qu’adulte. Vous n’avez pas besoin d’être jaloux maintenant vu que Sylph a encore tout son temps pour grandir. »

Je m’étais dit que je devrais dire un mot gentil.

« Heh. Maintenant je vois de quoi Paul parlait. »

« Qu’a dit mon père ? »

« Le fait de te parler donne l’impression d’être un parent sous-qualifié. »

Pendant qu’on parlait, j’avais senti une traction à l’ourlet de ma chemise. J’avais regardé, et Sylph s’y accrochait, la tête baissée. J’avais deviné qu’une conversation d’adulte comme celle-ci était ennuyeuse pour les enfants.

« M. Laws, peut-on aller jouer un petit peu tous les deux ? »

« Oh, oui, bien sûr. Mais ne t’approche pas trop de la forêt. »

Eh bien, ça allait sans dire. J’avais l’impression qu’il devrait y avoir plus de règles de base que ça.

« En venant ici, il y a une colline avec un grand arbre au sommet. Je me suis dit qu’on pourrait aller jouer là-bas. Je promets que Sylph rentrera chez lui avant la nuit. Et une fois que votre enfant sera rentré, pourriez-vous regarder en direction de cette colline ? Si je n’ai pas l’air de vouloir rentrer chez moi, il y a de fortes chances qu’il y ait un problème. Pourriez-vous mettre en place une recherche si cela se produit ? »

Après tout, il n’y avait pas de téléphone portable dans ce monde. Il était important d’établir une bonne communication. Il était impossible d’éviter tous les problèmes potentiels, mais il était également important de se remettre rapidement des problèmes. Ce royaume semblait assez sûr, mais on ne savait pas où se cachaient les dangers.

En jetant un coup d’œil sur Laws, qui était un peu abasourdi, Sylph et moi étions retournés vers l’arbre au sommet de la colline.

« Alors, à quoi voulais-tu jouer ? », avais-je demandé.

« Je n’en sais rien. Je n’ai jamais joué avec un ami avant. »

Sylph avait lutté afin de pouvoir dire le mot « ami ». Je supposais qu’il n’en avait jamais vraiment eu avant. Je me sentais si mal pour lui… mais je n’avais pas d’amis non plus.

« Oui. Jusqu’à récemment, je n’avais moi-même jamais vraiment quitté la maison. Mais de toute façon, à quoi voulais-tu jouer ? », dis-je

Sylph se serra les mains et me regarda. Nous avions à peu près la même taille, mais parce qu’il se tenait courbé, il avait dû pencher sa tête vers le haut.

« Alors, euh, comment se fait-il que tu n’arrêtes pas de changer ta façon de parler ? »

« Hm ? Oh ! Selon à qui tu parles, c’est impoli de ne pas parler correctement. Tu dois faire preuve de déférence envers tes aînés. »

« Déf-er-ence ? »

« Comme la façon dont je parlais à ton père avant. »

« Hmm… »

Il avait l’air de ne pas comprendre, mais il finirait par comprendre. Ça faisait partie de l’enfance.

« Plus important, pourrais-tu m’apprendre ce que tu as fait tout à l’heure ? », dit Sylph

« Quelle chose ? »

Les yeux de Sylph brillaient de mille feux. Il se posa et agita les mains tandis qu’il l’expliquait :

« Comment as-tu fait couler l’eau chaude de tes mains, et la manière dont tu as fait ce beau vent chaud, avec ce whoosh ? »

« Ah, oui. Ça. »

C’était la magie que j’avais utilisée pour enlever la boue.

« Est-ce difficile ? »

« C’est difficile, mais probablement qu’avec de l’entraînement, tout le monde peut le faire. »

Dernièrement, mes réserves magiques avaient tellement augmenté que je n’étais même pas sûr de ce que je dépensais, sans parler du fait que je ne connaissais pas la base de référence pour les gens d’ici. Mais alors, si c’était juste pour chauffer de l’eau avec du feu. Les gens ne pouvaient probablement pas se contenter de se lever et de faire apparaître de l’eau chaude sans incantation, mais avec la magie combinée, n’importe qui pourrait reproduire les effets. C’était pourquoi cela devait être une bonne chose. Probablement.

« D’accord alors ! Aujourd’hui, nous allons commencer ton entraînement ! », avais-je annoncé

Sylph et moi avions joué jusqu’au coucher du soleil.

◇ ◇ ◇

Quand j’étais rentré chez moi, Paul était furieux.

Il se tenait majestueusement dans l’entrée, les mains posées sur ses hanches, exprimant ainsi sa colère. J’avais immédiatement essayé de penser à ce que j’avais fait de mal. La première chose qui m’était venue à l’esprit, c’était qu’il avait découvert les précieuses culottes que j’avais cachées.

« Père, je suis rentré », avais-je dit.

« Sais-tu pourquoi je suis contrarié ? »

« Je ne sais pas. »

J’avais d’abord dû faire l’idiot. Je ne voulais pas m’attirer des ennuis inutiles au cas où mon bien précieux n’aurait pas été découvert.

« La femme de M. Eto est passée plus tôt et m’a dit que tu avais frappé leur fils, Somal. »

Qui diable étaient M. Eto et Somal ? Les noms ne me disaient rien, alors j’avais dû réfléchir. Je n’avais pas eu beaucoup d’interaction avec les gens de la ville, à part des présentations de base. Je leur avais donné mon nom et obtenu le leur en retour, mais je ne me souvenais pas s’il y avait eu ou non un « Eto » parmi eux.

Attends. Attends.

« C’était aujourd’hui ? », avais-je demandé.

« Oui. »

Les seules personnes que j’avais rencontrées aujourd’hui étaient Sylph, Laws et ces trois voyous. Somal était un de ces trois garçons, non ?

« Je ne l’ai pas frappé. Tout ce que j’ai fait, c’est lui jeter de la boue dessus. »

« Te souviens-tu de ce que je t’ai dit tout à l’heure ? »

« Que les hommes ne deviennent pas forts juste pour s’en vanter ? »

« C’est exact. »

Aha. Maintenant, j’ai compris. En y repensant, ce gamin avait dit quelque chose sur la façon dont il allait faire savoir à tout le monde que j’étais un amoureux des démons. Je ne savais pas comment il avait pu mentir sur le fait que je l’avais frappé, mais quoi qu’il en soit, il était déterminé à me faire du mal.

« Je ne suis pas sûr de ce que tu as entendu, mon Père, mais »

« Oh, non, pas de ça ! Quand tu as fait quelque chose de mal, la première chose que tu dois faire est de t’excuser ! »

Quel que soit le mensonge de ce gamin, mon père l’avait clairement cru. Merde. À ce stade, même si je disais la vérité sur le fait que j’avais sauvé Sylph de ces brutes, ça ressemblerait à un mensonge.

Tout ce que j’avais pu faire, c’était d’expliquer ce qui s’était passé depuis le tout début.

« OK, donc je marchais sur la route quand... »

« Pas d’excuses ! »

Paul devint encore plus furieux. Il n’avait pas l’intention de m’écouter.

J’aurais pu m’excuser, mais j’avais l’impression que ça ne serait pas non plus juste pour Paul. Je ne voulais pas qu’il prenne l’habitude de se comporter ainsi avec un frère ou une sœur plus jeune qu’il pourrait bien me faire dans le futur.

Cette méthode de punition n’était pas juste. J’avais fermé ma gueule.

« Pourquoi ne dis-tu rien ? », demanda Paul.

« Parce que si je le fais, tu vas juste me crier dessus pour que je ne puisse pas te donner d’excuse. »

Les yeux de Paul se rétrécirent.

« Quoi ? »

« Avant même qu’un enfant puisse dire quoi que ce soit, tu lui cries dessus et tu le fais s’excuser. Tout est si rapide et facile avec vous, les adultes. Ça doit être sympa. »

« Rudy ! »

Whap! Une décharge douloureuse brûlante me traversa la joue.

Il m’avait frappé.

Je veux dire, je m’y attendais. Je lui avais parlé comme à une merde, et je m’étais fait frapper.

C’était pourquoi j’avais tenu bon. Je n’avais probablement pas été frappé depuis une vingtaine d’années. Non, je m’étais fait botter le cul quand on m’avait viré de chez moi, alors je suppose que ça ne fait que cinq ans.

« Père, j’ai toujours tout mis en œuvre pour être un bon fils. Je n’ai jamais répondu ni à toi ni à maman, et j’ai toujours fait de mon mieux pour faire tout ce que tu me dis. »

« Ça… ça n’a rien à voir avec ça ! »

Paul n’avait pas l’air d’avoir l’intention de me frapper. Je pouvais voir une lueur de consternation dans ses yeux.

Peu importe. C’était bon pour moi.

« Oui, c’est vrai. J’ai toujours fait de mon mieux pour te rassurer et pour que tu me fasses confiance, Père. Tu n’as pas écouté un mot de ce que j’ai dit, et non seulement tu as cru la parole de quelqu’un que je ne connais pas, mais tu m’as crié dessus, tu as même levé la main vers moi. »

« Mais ce Somal a été blessé… »

Blessé ? C’était nouveau pour moi. Est-ce que je lui avais fait ça ? Si je l’avais fait, peut-être qu’il l’aurait utilisé pour vendre son histoire. Eh bien, tant pis. J’avais raison dans ce que j’avais fait. En supposant que tout ce truc sur le fait qu’il soit blessé n’était pas qu’un stupide mensonge de toute façon.

« Même si c’est de ma faute s’il a été blessé, je ne vais pas m’en excuser. Je n’ai pas été à l’encontre de ce que tu m’as appris, et je suis fier de ce que j’ai fait. »

« Attends. Que s’est-il passé ? »

Oh, il était maintenant devenu curieux ? C’était de sa faute s’il avait décidé de ne pas m’écouter.

« Que s’est-il passé pour que tu ne veuilles pas t’excuser ? »

Le visage de Paul s’était tordu en un froncement de sourcils. J’avais l’impression d’être proche du but maintenant.

***

Partie 4

« Ne t’inquiète pas, père. La prochaine fois que je vois trois personnes s’en prendre à quelqu’un qui ne veut pas se défendre, je l’ignorerai. En fait, j’interviendrai pour que ce soit un quatre contre un. Je m’assurerai que tout le monde sache que les Greyrats sont fiers d’intimider et de se liguer contre les faibles. Mais quand je serai grand et que je quitterai la maison, je n’utiliserai plus jamais le nom Greyrat. J’aurai trop honte pour dire à qui que ce soit que j’appartenais à une famille tellement horrible qu’ils ont ignoré la violence réelle et accepté les insultes verbales. »

Paul s’était tu. Son visage était devenu rouge, puis était devenu pâle, et il y avait un conflit dans son expression. Allait-il être furieux ? Ou ne l’avais-je pas encore poussé à bout ?

Tu devrais arrêter tant que tu as de l’avance, Paul. Je sais que je n’en ai pas l’air, mais j’ai passé plus de vingt ans à me défaire d’arguments contre lesquels je ne pouvais pas gagner. Si tu avais, ne serait-ce qu’un seul argument solide à faire valoir, cela pourrait se terminer par un match nul, mais la justice est de mon côté cette fois-ci. Tu n’as aucune chance de gagner cette fois-là.

« Je suis désolé. J’avais tort. Dis-moi ce qui s’est passé. », déclara Paul, la tête pendante.

Ouais, tu vois ? Camper dans nos positions ne faisait qu’empirer les choses pour nous deux.

Rappelez-vous, quand vous faites quelque chose de mal, la première chose que vous devez faire est de vous excuser.

Soulagé, j’avais expliqué les détails de la situation aussi objectivement que possible. J’étais en train de monter la colline quand j’avais entendu des voix. Il y avait trois garçons dans un champ vide qui jetaient de la boue sur un autre garçon qui marchait le long de la route. Je les avais frappés avec de la boue une ou deux fois jusqu’à ce qu’ils reculent, puis ils étaient partis en m’insultant. Puis, j’avais utilisé la magie pour nettoyer la boue présente sur le garçon, et nous avions joué ensemble.

« Alors, oui, si je dois m’excuser, ce Somal doit d’abord s’excuser auprès de Sylph. Quand tu es blessé physiquement, tu guériras assez rapidement, mais la douleur émotionnelle ne disparaît pas si vite. »

Les épaules de Paul tombèrent désespérément.

« Tu as raison. J’avais tout faux. Je suis désolé. »

Quand j’avais vu cela, je m’étais souvenu de ce que Laws m’avait dit plus tôt :

« Te parler nous donne l’impression d’être des parents sous-qualifiés. »

La tentative de Paul de me réprimander avait-elle été une tentative pour montrer plus de son côté paternel ?

Si c’était le cas, il avait perdu cette partie.

« Tu n’as pas besoin de t’excuser. À l’avenir, si tu penses que ce que j’ai fait est mal, n’hésite pas à me gronder comme tu le veux. Tout ce que je te demande, c’est de m’écouter d’abord. Il y aura des moments où les mots ne suffiront pas, ou où j’aurai l’impression de trouver des excuses, mais si j’ai quelque chose à dire, essaye de voir ma version des choses. »

« Je m’en souviendrai. Je veux dire, je ne m’attends pas à ce que tu sois dans l’erreur en premier lieu, mais — »

« Quand je le serai, utilise ça comme une opportunité d’apprentissage pour discipliner le jeune frère ou la jeune sœur que tu finiras par me donner dans le futur. »

« Oui, je vais le faire », dit Paul en se dépréciant. L’homme était clairement de mauvaise humeur.

Avais-je été trop loin ? Je voulais dire, perdre une dispute contre ton fils de cinq ans ? Ça m’enlèverait le vent des voiles, c’est sûr. J’avais supposé qu’il était un peu jeune pour être père.

« Au fait, père, quel âge as-tu ? »

« Hm ? J’ai 24 ans. »

« Je vois. »

Donc, il avait 19 ans quand il s’était marié et m’avait eu ? Je ne connaissais pas l’âge moyen du mariage dans ce monde, mais avec des choses comme les monstres, la guerre et le fait qu’il s’agisse d’un événement quotidien, cela semblait plutôt approprié.

Un homme de plus de dix ans mon cadet s’était marié, avait un enfant et luttait maintenant pour savoir comment l’élever. Compte tenu de mes trente-quatre ans de chômage indolent, on ne penserait pas que je serais capable de faire mieux que lui sur à peu près n’importe quoi.

Ah, eh bien.

« Père, pourrais-je amener Sylph pour jouer avec moi un jour ? »

« Hm ? Oh, bien sûr. »

Satisfait de cette réponse, j’étais entré dans la maison avec mon père. J’étais content qu’il n’ait pas de préjugés contre les démons.

◇ ◇ ◇

Point de vue de Paul

Mon fils était en colère. Le garçon n’avait jamais été enclin à montrer beaucoup d’émotion, mais il était là, fumant silencieusement. Comment en était-on arrivé là ?

Ça avait commencé cet après-midi, quand Mme Eto était passée chez nous, furieuse. Elle avait amené son fils Somal, considéré comme l’un des galopins du quartier. Il y avait un bleu autour de l’un de ses yeux. En tant qu’épéiste qui avait pris part à de nombreuses batailles, j’avais tout de suite su qu’il avait pris un coup de poing.

L’histoire de sa mère était longue et incohérente, mais l’essentiel était que mon fils avait frappé le sien. Quand j’avais entendu cela, j’avais été intérieurement soulagé.

J’avais supposé que mon fils jouait dehors, qu’il avait vu Somal et ses amis jouer et qu’il avait essayé de les rejoindre. Mais mon garçon n’était pas comme les autres enfants, il était déjà à son âge un magicien d’eau de niveau Saint. Il avait probablement dit quelque chose de très dur, les autres enfants avaient riposté, puis ils s’étaient tous battus. Mon fils était plutôt intelligent et mature pour son âge, mais après tout il était encore un enfant.

Mme Eto avait continué à rougir, puis elle était devenue pâle en essayant de faire passer cela pour une grosse baston, alors qu’il ne s’agissait finalement que d’une querelle entre enfants. Et rien qu’en regardant, on pouvait dire que la blessure de son fils n’allait même pas laisser de traces. Je gronderais mon fils, et ce sera la fin de l’histoire.

Les enfants allaient forcément se bagarrer et se donner des coups à un moment donné, mais Rudeus était beaucoup plus puissant que les autres enfants. Non seulement il avait été le disciple de la jeune magicienne de niveau Saint, Roxy, mais je l’avais entraîné depuis l’âge de trois ans. Chaque bagarre dans laquelle il sera participant sera sûrement à sens unique.

Les choses s’étaient bien passées cette fois-ci, mais s’il devenait trop excité, il pourrait finir par en faire trop. Un gamin intelligent comme Rudeus devrait être capable de traiter avec quelqu’un comme Somal sans donner un coup de poing. J’avais besoin de lui apprendre que frapper quelqu’un était une chose téméraire à faire, et qu’il devait y réfléchir davantage avant d’y avoir recours.

J’avais besoin de le gronder un peu.

C’était le plan, de toute façon. Comment cela s’était-il si mal passé ?

Mon fils n’avait pas l’intention de s’excuser auprès de moi. Il m’avait plutôt regardé comme si l’on regardait un insecte.

Je suis sûr que, du point de vue de mon fils, ils se battaient sur un pied d’égalité. Mais quand quelqu’un a des pouvoirs comme les siens, il doit savoir à quel point il est fort. En plus, il ferait du mal à quelqu’un. J’avais besoin qu’il s’excuse. C’était un gamin intelligent. Il ne comprendra peut-être pas sur le coup, mais j’étais sûr qu’il trouverait la bonne réponse en temps voulu.

Cela dit, j’avais pris un ton ferme pour lui demander ce qui s’était passé, mais il avait répondu avec condescendance et sarcasme. Ça m’avait heurté, et dans le feu de l’action, je l’avais frappé. J’essayais de lui donner une leçon sur le fait que les détenteurs du pouvoir ne devraient pas recourir à la violence contre les gens plus faibles qu’eux.

Je l’avais frappé. Je savais que j’avais tort, mais je ne pouvais pas dire ça en essayant de donner une leçon à mon fils. Je ne pouvais pas lui dire de ne pas faire ce que j’avais fait moi-même quelques instants plus tôt. Pendant que je me débattais avec mon calme ébranlé, mon fils avait laissé entendre qu’il n’avait rien fait de mal et avait même dit que si j’avais un problème avec ça, il quitterait la maison.

Je lui avais presque dit d’y aller, mais j’avais réussi à résister. Je devais le faire. J’étais moi-même issu d’une famille stricte, avec un père autoritaire qui me frappait sans me donner une chance équitable. Mon ressentiment s’était accru au point où nous avions eu une énorme dispute qui s’était terminée par ma sortie en trombe de la maison.

Le sang de mon père coulait dans mes veines, le sang d’un rouspéteur têtu et inflexible. Et ça coulait aussi dans les veines de Rudeus. Regardez comme il pouvait être têtu. C’était définitivement mon fils.

Quand on m’avait dit de sortir, j’avais fait à mon père un beau pied de nez et j’avais fait exactement ce qu’il m’avait dit. Je pourrais aussi chasser Rudeus. Il avait dit qu’il attendrait d’avoir grandi avant de quitter la maison, mais si je lui disais de sortir tout de suite, je parierais qu’il le ferait. J’étais sûr que c’était dans sa nature.

J’avais entendu dire que, peu de temps après mon départ, mon père était tombé malade et en était mort. Et j’avais entendu dire que jusqu’à la fin il regrettait notre grande dispute. J’étais vraiment content de l’entendre.

Non, pour être honnête, je l’avais aussi regretté. Dans ce contexte, si je disais à Rudeus de partir et qu’il était vraiment parti, je le regretterais sûrement aussi.

J’avais dû être patient. Après tout, n’avais-je pas appris de mon expérience ? D’ailleurs, le jour de la naissance de mon enfant, j’avais décidé que je ne serais jamais un père comme le mien.

« Tu as raison. J’avais tout faux. Je suis désolé. »

Les excuses étaient venues naturellement.

L’expression de Rudeus s’était adoucie, et il avait poursuivi en expliquant ce qui s’était passé. Il m’avait dit qu’il avait vu l’enfant de Laws se faire intimider et qu’il était intervenu pour l’aider. Plutôt que de frapper n’importe qui, il avait jeté des boules de boue. On pouvait difficilement appeler ça un vrai combat.

Si ce que Rudeus avait dit était vrai, alors ce qu’il avait fait était une chose louable, quelque chose dont il devrait être fier. Mais au lieu d’être félicité pour ses actions, il n’avait eu qu’un père qui n’avait pas voulu l’écouter et l’avait frappé.

Quand j’étais jeune, mon père m’avait fait la même chose tant de fois, n’écoutant jamais ma version des choses et me reprochant toujours de ne pas être un fils parfait. Chaque fois que c’était arrivé, je me sentais si malheureux et impuissant.

Quelle que soit la leçon que j’avais essayé de donner ici, j’avais échoué. Ugh.

Mais Rudeus ne m’en avait pas voulu. Il m’avait même consolé à la fin. C’était un bon garçon. Presque trop parfait. Étais-je vraiment son père ? Non, Zenith n’était pas du genre à avoir une liaison, et en plus, il n’y avait pas de père assez bon pour produire un enfant comme lui. Je ne m’attendais pas à ce que ma graine puisse porter un fruit aussi fort.

Cependant, plus que de la fierté, ce que je ressentais était une douleur dans mes tripes.

« Père, pourrais-je amener Sylph jouer avec moi un jour ? »

« Hm ? Oh, bien sûr. »

Pour l’instant, je pourrais au moins être heureux que mon fils se soit fait son premier ami.

***

Si vous avez trouvé une faute d’orthographe, informez-nous en sélectionnant le texte en question et en appuyant sur Ctrl + Entrée s’il vous plaît. Il est conseillé de se connecter sur un compte avant de le faire.

Laisser un commentaire