Mushoku Tensei (LN) – Tome 1 – Chapitre 10 – Partie 3

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Chapitre 10 : Croissance retardée

Partie 3

Je passais beaucoup de temps dans ma chambre avec Sylphie ces derniers temps, à lui expliquer les bases des mathématiques et des sciences. C’était le moyen le plus rapide de l’aider à comprendre comment les incantations silencieuses fonctionnaient vraiment dans les détails.

Malheureusement, j’avais quitté l’école après le collège dans ma vie antérieure. Alors que techniquement, j’étais entré dans un lycée pour crétins, j’avais abandonné presque aussitôt.

Par conséquent, il y avait une réelle limite à ce que je pouvais lui apprendre. L’apprentissage des livres n’était pas tout, bien sûr… mais je commençais à m’en vouloir de ne pas avoir pris mes études un peu plus au sérieux.

Sylphie maîtrisait déjà les bases de la lecture et de l’écriture et pouvait faire des multiplications de nombres à deux chiffres. La table de multiplication avait été assez dure à assimiler, mais elle n’était clairement pas stupide. Elle apprendra aussi probablement la division bien assez tôt.

Je lui enseignais aussi quelques sciences fondamentales, en parallèle avec la magie.

« Pourquoi l’eau se transforme-t-elle en vapeur quand on la chauffe ? »

« L’eau se dissout naturellement dans l’air, mais il faut de la chaleur pour cela. Donc, plus il fait chaud, plus elle se dissout facilement. »

Aujourd’hui, nous couvrions le cycle de l’évaporation, de la condensation et des précipitations.

« … ? »

D’après le visage de Sylphie, il était clair qu’elle ne comprenait pas vraiment ce que je disais. Pourtant, elle avait prouvé qu’elle apprenait vite en général. Probablement parce qu’elle avait toujours fait attention et faisait de son mieux.

« En gros, tout fond si tu le chauffes suffisamment, d’accord ? Et si tu le refroidis suffisamment, cela redevient solide. »

Je n’étais pas prof, alors c’était le mieux que j’ai pu faire.

De toute façon, Sylphie était plus intelligente que moi. Elle essayera probablement quelques trucs elle-même jusqu’à ce que tout ceci ait du sens pour elle. Grâce à la magie, vous n’aviez pas vraiment besoin d’outils pour expérimenter ce genre de choses.

« Tout peut fondre ? Même des trucs comme des cailloux ? »

« Oui. Mais il te faudra une chaleur intense. »

« Tu peux en faire fondre un, Rudy ? »

« Bien sûr. »

Même si je n’avais pas forcément essayé avant.

Pourtant, quand je m’étais vraiment concentré, je pouvais maintenant distinguer grossièrement les différents éléments de l’air qui m’entouraient. Je pourrais probablement juste pomper de l’oxygène et de l’hydrogène dans une roche jusqu’à ce qu’elle fonde.

D’ailleurs, il y avait aussi un sort appelé Jaillissement de Magma qui vous permettait de créer une explosion spontanée de lave. J’avais l’impression que c’était une magie combinée de la terre et du feu, mais c’était un sort de feu de niveau avancé.

Ils aimaient bien diviser les choses entre leurs différentes disciplines, mais tout était interrelié. Et injecter plus de puissance magique brute dans vos sorts n’était pas le seul moyen de les rendre plus puissant. En manipulant des gaz combustibles, par exemple, vous pourriez produire une chaleur intense plus efficacement.

J’avais déjà tout compris de ça. Mais pas grand-chose d’autre.

Mon talent de magicien ne s’était pas vraiment amélioré depuis le départ de Roxy. J’avais juste trouvé des moyens de combiner mes sorts actuels, de les utiliser plus efficacement et d’augmenter leur puissance avec quelques ajustements scientifiques mineurs.

Au premier coup d’œil, j’avais probablement l’impression de devenir plus fort… mais j’avais plutôt l’impression d’être dans une impasse. Étant donné mon niveau actuel de connaissances, je n’arriverai peut-être jamais à faire quelque chose de plus stimulant que ce que je pourrais faire maintenant.

Dans mon ancienne vie, il était assez facile de trouver de l’information sur Internet quand j’en avais besoin, mais il n’y avait rien de si pratique dans ce monde.

Peut-être que j’avais vraiment besoin de quelqu’un pour m’apprendre…

« Hmm. L’école, hein… ? »

Roxy avait mentionné que les écoles de magiciens avaient tendance à avoir des règles et des normes très strictes, mais je pourrais peut-être trouver un moyen d’y entrer.

« Tu vas aller dans une école, Rudy ? »

Apparemment, j’avais pensé à voix haute. Sylphie se retourna pour me regarder, une expression d’anxiété sur son visage.

Ce mouvement avait laissé ses cheveux vert émeraude se balancer légèrement. Elle les avait fait pousser un peu ces derniers temps… probablement parce que je n’arrêtais pas de lui faire des suggestions occasionnelles, une fois par mois environ. Pour l’instant, il ne s’agissait que d’un petit bob, mais c’était plutôt agréable de voir ses petites boucles désordonnées réagir à chaque mouvement de sa tête.

Dans un rien de temps, ils seront dans un état où elle sera capable de faire une queue de cheval.

« Non, je ne prévois pas ça. Père dit que je serais victime de brimades si impitoyables que je n’apprendrais rien. »

« Mais tu agis encore une fois étrangement… »

Attends, sérieusement ?

C’était nouveau pour moi. Avais-je encore foiré ? J’essayais si fort de garder mon rôle d’enfant totalement inconscient quand elle était présente…

« Selon mes parents, je suis étrange depuis que je suis bébé. »

J’essayais de repousser le problème avec cette petite blague, mais Sylphie fronça les sourcils et secoua la tête.

« Ce n’est pas ce que je voulais dire. Tu sembles un peu triste ces derniers temps. »

Oh. Phew.

J’avais peur de la contrarier à nouveau, mais apparemment, elle était juste inquiète pour moi.

« Eh bien, je n’ai pas fait beaucoup de progrès ces derniers temps, tu sais ? Je ne me suis pas amélioré avec la magie ou l’épée. »

« Mais tu es déjà incroyable, Rudy… »

« Pour mon âge, peut-être. »

C’était vrai, il n’y avait probablement pas beaucoup d’enfants dans ce monde à mon niveau. Cela dit, je n’avais pas encore accompli grand-chose.

Ma « maîtrise » de la magie était venue en partie de mes souvenirs de ma vie antérieure, et en partie de ma percée initiale avec le lancement d’incantations silencieuses. Ces deux facteurs m’avaient donné un avantage sur la plupart des gens. Mais maintenant que j’avais heurté ce mur, je n’arrivais plus à le franchir. Le fait que je me souvienne de mes trente-quatre années pour la plupart perdues ne m’avait pas été d’une grande aide.

Il était facile de me maudire de ne pas avoir étudié quand j’en avais l’occasion, mais ce qui était fait était fait. Et bien sûr, mes agissements dans mon ancien monde ne s’appliqueraient pas nécessairement à celui-ci de toute façon. Cet endroit avait ses propres règles que je devais découvrir.

Je ne pouvais pas m’appuyer sur mes vieux souvenirs pour toujours.

La magie était la loi fondamentale de ce monde. Et pour la comprendre, j’avais besoin de comprendre ce monde.

« J’ai quand même l’impression qu’il est temps que je fasse un pas en avant. »

Sylphie s’améliorait constamment en magie et devenait de plus en plus intelligente de jour en jour. Je commençais à me sentir un peu pathétique en la voyant progresser. Je ne faisais que du surplace en comparaison.

Pour l’instant, je pourrais encore me considérer comme le protagoniste inconscient de cette histoire. Mais à moins que je ne me mette au travail, cette fille allait me laisser dans le rétroviseur un jour.

Son froncement de sourcils ne faisait que s’accentuer, Sylphie me pressait encore plus.

« Tu vas aller quelque part ? »

« Eh bien, peut-être. Père a dit que je devrais essayer d’explorer les donjons, et il n’y a pas grand-chose que je puisse faire dans ce village… Je suppose que je finirai probablement par aller dans une école ou devenir aventurier. », lui avais-je répondu.

J’avais parlé avec désinvolture, sans trop y penser. Mais pour une raison quelconque…

« N, non ! »

Sylphie avait crié tout en jetant ses bras autour de moi.

Oho. Qu’est-ce que c’est, hmm ? Est-ce l’heure d’une scène de confession !?

Mais alors même que la pensée me traversait l’esprit, je m’étais rendu compte qu’elle tremblait.

« Euh… Mlle Sylphiette ? »

« Non… Non… Non ! »

La fille me serrait tellement fort qu’elle avait du mal à respirer. Je ne savais pas trop comment répondre, j’étais resté silencieux un moment.

« Ne… Ne pars pas, Rudy ! Hic… Waaaaah ! »

Apparemment, en interprétant cela de façon négative, Sylphie éclata en sanglots. Ses petites épaules frémissaient, elle s’était mise à enterrer son visage contre ma poitrine.

Hein ? Sérieusement ? Qu’est-ce qui se passe ici ?

Pour l’instant, la fille avait clairement besoin d’être réconfortée, alors je lui avais caressé la tête et lui avais frotté le dos. J’avais enroulé mes bras autour de Sylphie.

Quand j’avais enterré mon visage dans ses cheveux, j’avais découvert que ça sentait très bon.

Puis-je juste… la garder ? S’il te plaît ?

« Hic… S’il te plaît, Rudy… Ne pars pas… »

Oups. Reprends-toi, imbécile.

« O-okay… »

Tout ceci avait réellement du sens.

Depuis un certain temps déjà, Sylphie venait chez nous à la première heure du matin presque tous les jours. Elle me regardait avec plaisir pratiquer mon art de l’épée, après quoi nous étions passés à la magie et à ses études.

Si je partais soudainement, toute la routine quotidienne de Sylphie disparaîtrait, et elle redeviendrait solitaire. Elle pourrait maintenant repousser les brutes avec sa magie, mais ce n’était pas comme si elle se ferait d’autres amis.

Plus j’y pensais, plus je ressentais de l’affection pour elle. J’étais le seul pour qui Sylphie avait de l’affection. Elle était à moi, et à moi seul.

« J’ai compris le message, d’accord ? Je n’irai nulle part. »

Comment avais-je pu penser à mettre de côté une gentille petite fille comme ça afin de m’enfuir quelque part ? Pour faire quoi ? Améliorer ma magie ?

Au diable tout ça. Je pouvais déjà lancer des sorts de niveau Avancé et de niveau Saint. C’était bien suffisant pour gagner sa vie en tant que tuteur, comme Roxy l’avait fait. Alors pourquoi ne pouvais-je pas rester ici avec Sylphie jusqu’à ce que l’on soit assez vieux pour se débrouiller seuls ?

Ça m’avait l’air plutôt bien.

On grandirait ensemble… et elle deviendrait ma femme parfaite.

Merde ! Non. Non. Ce sont de mauvaises pensées. De mauvaises pensées. Qu’est-il arrivé à toute cette histoire d’« inconscience », mon pote ? Tu prends trop d’avance sur toi-même. Cela dit… il n’y a rien dans le règlement qui dit qu’un protagoniste inconscient ne peut pas construire une romance avec son amie d’enfance, non ?

Gah ! A quoi je pense !?

La fille n’avait que six ans. Elle m’aimait beaucoup, mais elle n’était pas encore capable de ressentir de l’amour romantique.

Donc, euh… ouais. Mettons tout ça en attente.

Et si on finissait par s’éloigner ? Son compteur d’affection était au maximum pour le moment, mais rien ne garantissait que cela resterait pour toujours. Pourrais-je me regarder en face si celui-ci tombait à zéro ?

Non. Bon sang, non ! Sérieusement, elle est si douce, chaude et tendre ! Et elle sent tellement bon !

Elle me dévoile son âme en ce moment, et je suis censé rester assis là, la mâchoire relâchée !? C’est vraiment n’importe quoi ! On sait tous les deux ce qu’on ressent, alors on devrait se l’avouer ! Pourquoi me forcer à perdre un temps précieux ? Pourquoi ne pas admettre que j’ai fait le mauvais choix !?

C’est tout ce qu’il y a à faire. J’ai décidé !

Je… Je ne suis plus inconscient, Sylphieeee !

« Hé, Rudy… une lettre pour toi. »

C’est alors que Paul fit irruption dans la pièce et me sortit de mon petit monde - et ce n’était pas trop tôt. Surpris, je m’étais éloigné de Sylphie.

Mon cher père méritait probablement un peu de gratitude ce coup-là. J’étais à deux minutes de faire une confession pathétique.

Pourtant, l’endurance d’un homme avait ses limites. J’avais réussi à résister à cette tempête, mais on ne savait pas ce qui allait se passer la prochaine fois.

◇ ◇ ◇

Voici la lettre que j’avais reçue ce jour-là, elle venait de Roxy.

Cher Rudeus,

Comment vas-tu ?

C’est difficile à croire, mais je suppose que deux ans se sont écoulés depuis notre séparation.

Les choses se sont finalement un peu arrangées de mon côté, alors j’ai décidé de saisir l’occasion pour t’écrire.

En ce moment, je séjourne dans la capitale royale du Royaume de Shirone. En explorant divers donjons, j’ai l’impression de m’être fait un nom, alors j’ai fini par être engagé pour donner des cours particuliers à un certain prince.

L’enseignement me rappelle le temps que j’ai passé chez les Greyrat. D’abord, le prince est en fait un peu comme le jeune homme que j’y ai formé. Bien qu’il ne soit pas aussi talentueux que toi, c’est un garçon à l’esprit vif et un jeune magicien en herbe à part entière. Malheureusement, il a aussi tendance à me voler mes sous-vêtements et à me regarder quand je me change, tout comme quelqu’un d’autre que je ne nommerai pas. Sa personnalité est un peu pompeuse et il est beaucoup plus énergique, mais dans l’ensemble, vos comportements sont assez semblables. Peut-être que les hommes ambitieux sont tous des animaux fous de sexe dans l’âme ?

Hmm. Peut-être que je ne devrais pas écrire ça. Si quelqu’un le lisait, il me jetterait dans le donjon pour avoir souillé l’honneur de la famille royale.

Je n’aurai qu’à traverser ce pont quand j’y arriverai. Ce n’est pas comme si j’écrivais de mauvaises choses dans leur dos, vraiment.

Quoi qu’il en soit, il semblerait que la cour royale envisagerait de me nommer « magicienne royale » durant la durée de mon séjour. Il y a encore beaucoup de recherches magiques que j’ai hâte de poursuivre, alors ça devrait très bien marcher.

Oh, ça me rappelle que j’ai enfin réussi à m’habituer à lancer des sorts d’eau de niveau Royal. Il se trouve que la bibliothèque royale avait des livres utiles sur le sujet.

Quand j’ai commencé à maîtriser la magie de niveau Saint, je pensais que c’était le mieux que je pouvais faire, mais il me semblerait qu’avec un peu d’effort j’ai pu aller beaucoup plus loin.

Je ne serais pas surprise si tu me dis que tu es déjà en train de lancer des sorts d’eau de niveau Impérial, Rudeus. Ou peut-être as-tu élargi tes horizons et atteint le niveau Saint dans une autre discipline ? Je sais combien ta soif de connaissance est grande, alors je pourrais certainement te voir t’adonner à la Guérison ou à l’Invocation également.

Mais tu as peut-être choisi de te concentrer sur ton art de l’épée. Je serais un peu déçue, pour être honnête, mais je suis sûre que tu feras de toute façon ton chemin dans ce monde. Personnellement, j’ai l’intention de devenir une magicien d’eau de niveau Divin.

Comme je l’ai déjà mentionné… si jamais tu te retrouves dans une impasse dans tes études de magie, vas te faire admettre à l’Université de Magie de Ranoa. Sans lettre de recommandation, tu devras passer un examen d’entrée. Mais je ne pense pas que cela devrait te poser le moindre problème.

Eh bien, jusqu’à notre prochaine rencontre.

Roxy

P.S. Il est fort possible que je ne sois plus à la cour royale avant que ta réponse ne me parvienne, alors ne te sens pas obligé de répondre.

Eh bien, bon sang. Tu parles d’un réveil.

Il m’avait fallu un moment pour trouver le royaume de Shirone sur la carte. C’était un petit pays dans la partie sud-est du continent central.

Il n’était pas si loin d’ici à vol d’oiseau, mais la chaîne de montagnes entre les deux pays était infestée de dragons rouges, la rendant totalement infranchissable. Il faudrait prendre le chemin le plus long et l’approcher par le sud.

À toutes fins utiles, Shirone était une terre lointaine.

Quant à Ranoa, où se trouvait cette université de magie… il faudrait faire une grande boucle vers le nord-ouest pour y arriver.

« Hmm… »

Au moins maintenant, je savais pourquoi Roxy ne m’avait jamais rien dit sur la magie au-dessus du niveau Royal. Elle ne connaissait pas de meilleurs sorts à l’époque.

J’avais décidé d’écrire une réponse brève et vague à sa lettre. Pas besoin d’expliquer la triste vérité sur ma situation actuelle. La fille semblait avoir une image mentale de moi, celle d’une sorte de génie, et je ne voulais pas la décevoir.

Bref… l’Université de Magie de Ranoa, hein ?

Roxy avait toujours dit que c’était un endroit génial. Mais ce n’était pas vraiment proche de chez moi, et je ne pouvais pas abandonner Sylphie ici.

Que faire ?

Pour l’instant, j’avais terminé ma lettre, j’avais fait une pause, puis j’avais ajouté une brève note.

P.S. Désolé d’avoir volé ta culotte.

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Un commentaire :

  1. Merci pour le chapitre.

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